Erdogan, gourdin de l’impérialisme

À la jonction des deux continents, la Turquie n’est pas un État démocratique, au sens où la bourgeoisie libérale l’entend. Erdogan entend y faire régner le talon de fer. Et, sous couleur de nationalisme, il aspire à devenir un des « hommes forts » de l’impérialisme au proche et au Moyen-Orient, un gendarme du monde dans la région, le gourdin d’Obama et de Hollande contre les Kurdes et les masses turques.

L’Empire ottoman qui intégrait tout le Moyen-Orient, Perse exceptée, et Égypte incluse, s’est effondré après la défaite de la Triple Alliance en 1918. Les puissances victorieuses ont démantelé ses possessions et attribuées celles-ci sous forme de « mandats » à la France et à l’Angleterre, tout en refusant à un des peuples opprimés, le peuple kurde, le droit à l’indépendance en le maintenant écartelé entre la Turquie et les ex-possessions de celle-ci, Syrie et Irak, le dernier quart restant sous la férule de l’Iran. Mustapha Kémal, futur « père des Turcs » (Atatürk), à la tête des officiers « jeunes turcs » renverse le sultan et jette en 1924 les bases d’un État bonapartiste laïque.

Industrialisation et répression

En 1980 un coup d’État militaire, suivi d’une terrible répression et de la pendaison du Premier Ministre Adnan Mendérès, accusé de corruption, installe une nouvelle constitution qui fait toujours référence au kémalisme mais transforme l’armée en arbitre incontournable dans le jeu de chaises musicales des partis autorisés. Le CHP gouvernera longtemps et obtiendra des « investisseurs occidentaux » la transformation économique progressive de la Turquie, majoritairement rurale, en un pays-atelier à la forte industrialisation, bénéficiant assez largement des délocalisations opérées en Europe et en Amérique. Durant toute cette période, la répression est impitoyable à l’égard des groupes d’extrême gauche d’une part et d’autre part du PKK, parti se réclamant du marxisme, et luttant pour l’indépendance du peuple kurde. Son chef, Abdullah Öcalan, enlevé en 1999 au Kenya par les services secrets turcs, croupit dans l’îlot d’Imrali, en mer de Marmara. Des dizaines de milliers de Kurdes ont perdu la vie entre 1983 et aujourd’hui, au cours d’une véritable guerre, mené par l’État kémaliste contre leur droit à l’indépendance.

Face au peuple Kurde…

La dégradation des conditions de vie des habitants du pays est récupérée à la fin du vingtième siècle par la mouvance religieuse de l’AKP, le parti religieux de Necmettin Erbakan, qui organise des sociétés de secours pour les pauvres et les travailleurs aux ressources en chute libre. La réaction religieuse supplée la faiblesse de l’extrême droite classique pour restaurer un État antilaïque, dressé contre les  libertés individuelles, en particulier pour les femmes, que le kémalisme a dispensé du voile et d’un arsenal juridique qui les minorait. Erbakan est évincé par Erdogan qui remporte les élections législatives de 2000 et se maintient au pouvoir par tous les moyens, maniant la carotte et le bâton vis-à-vis du peuple kurde et du PKK. De Premier Ministre, Erdogan devient Président, mais son projet de bonapartisme renforcé capote avec l’émergence du HDP, parti kurde qui l’empêche d’avoir la majorité absolue en 2014. Erdogan relance la provocation et la répression contre les Kurdes au compte exclusif de l’impérialisme. Il entame un nouveau marathon électoral qui, cette fois alors qu’il porte lui-même les germes de la guerre civile, lui permet d’obtenir le 1er novembre dernier la majorité absolue pour l’AKP.

La duplicité, au compte de l’impérialisme

Son attitude vis-à-vis de Daech n’a guère varié jusqu’à l’été dernier : autant les Kurdes de Syrie sont réprimés, autant les hordes de l’EI entrent et sortent de Turquie par la frontière syrienne. Qui plus est, l’EIIL fait transiter par la Turquie ses avoirs financiers aidé par des banquiers corrompus qui les recyclent dans les paradis fiscaux.
Il bénéficie du soutien ostensible de Hollande qui l’a félicité lors de ses frappes contre les positions kurdes en Syrie. Sa duplicité est sans limites : il avait déclaré préalablement « intervenir » contre Daesh. Il en va de même pour son « antisionisme » affiché…au moment où les relations commerciales entre la Turquie et Israël connaissent un développement frappant !
Quant à la suggestion reprise par Hollande et Obama d’une zone démilitarisée dans le nord de la Syrie sur une bande frontalière, elle est directement dirigée contre le peuple kurde de Syrie, le seul pourtant qui se bat efficacement contre Daech

Liberté pour le peuple Kurde ! Droit à l’indépendance !
À bas Erdogan et son régime d’exception !

Mohand Kebaïli,
20 novembre 2015

Modifié le lundi 07 décembre 2015
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lundi 07 décembre 2015

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