Une monarchie en crise majeure

Un climat délétère de fin de règne parcourt l'État espagnol depuis  l'abdication  subite mais non moins attendue de longue date de Juan  Carlos I et l'intronisation de son héritier Felipe VI. Tout a lieu en  pleine débandade des partis liés au  régime, Partido Popular ( PP, droite)  et PSOE ( Parti socialiste ouvrier espagnol)  soulignée par  leurs résultats catastrophiques aux élections. La crise politique et  sociale précipite ainsi le mouvement des forces centrifuges, en  Catalogne notamment. Tour d’horizon

Trois millions d’enfants pauvres

Elle s'érige, dès lors, en politique du gouvernement Mariano Rajoy, le premier ministre PP.   PIB en hausse, chômage en baisse? La réalité est bien loin de ce  panorama idyllique. Les mesures d'austérité décrétées par M. Rajoy ont  généré la misère pour des millions de travailleurs qui ont vu leurs  salaires gelés ou amputés gravement, leurs droits à la santé et à  l'instruction bafoués suite au démantèlement de services hospitaliers  entiers,  aux licenciements et à la précarisations des personnels  de santé et enseignants. Les 34 % de travailleurs pauvres percevant  le salaire minimum (645 euros) ou les plus de trois millions d'enfants  sous le seuil de pauvreté suffisent pour en témoigner. Le bilan de   trois ans de gouvernement PP c'est un demi-million de chômeurs à  ajouter aux plus de deux millions de celui du PSOE qui lui avait déjà  dégagé la voie avec sa réforme scélérate des retraites et la  flexibilité du Code du travail.  M. Rajoy s’en est servi pour le plus grand profit du  Capital avec la reforme du travail, des exemptions et cadeaux fiscaux  divers pour les capitalistes, ou des arnaques contre les travailleurs  indépendants déboutés du droit à l'assurance chômage bien qu'y ayant  cotisé (cela toucherait environ un demi million de travailleurs  indépendants, fuyant le chômage chronique -dans un pays ou 25% est  sans travail-, à qui  la loi Zapatero-Caldera, faite sur mesure pour  les besoins du capital, ouvrait un accès tout théorique). Face à une  exploitation brutale le silence des directions syndicales est  fracassant.

La Cour des Miracles

La défaite électorale calamiteuse des partis vassaux ayant comme  corollaire la démission du secrétaire général du PSOE, Alfredo Pérez  Rubalcaba, a précipité l'abdication de Juan Carlos I et l'intronisation de Felipe VI, mettant en relief la faiblesse de la  monarchie acculée par la corruption et gangrenée jusque dans sa propre  famille (la fille et le gendre sont impliqués  dans des affaires de fraudes fiscales et détournement de fonds). Corruption répandue dans  toute la société par la véritable Cour des Miracles qui l'entoure. On y  retrouve, en effet, des centaines de noms, outre des ministres de M.  Rajoy comme Rodriguez Rato (ex-président du FMI), le chef de la Casa Real -la liste royale-, Rafael Spottorno ou des dirigeants syndicaux  tels que l'ancien patron de SOMA-UGT (la très célèbre fédération des  mineurs asturiens), José Ángel Fernández Villa. Tout ce beau monde  défilant quotidiennement à travers les médias sous les yeux médusés  des spectateurs, met à nu la collusion de la bureaucratie syndicale  et  politique avec le pouvoir monarchique protecteur.

Rébellion catalane

Remarquons tout d'abord que c'est bien par une politique d'austérité  appliquée en Catalogne par le gouvernement catalan d'Arturo Mas aussi durement  qu'ailleurs et en dépit de la corruption qui ne l'épargne guère qu'il  s'est lancé sous la pression des masses dans la bataille contre le  gouvernement de Madrid, mais jusqu'à quand?

C'est cette crise économique, politique et sociale qui s'est traduite,  comme elle l'a toujours fait dans cet État espagnol, prison de  peuples, par la montée sur le devant de la scène des questions nationales non résolues historiquement. En Catalogne, confrontée à  cette crise d'une manière plus aiguë encore, cette question s'est  aggravée en raison du rapport des  forces d'abord (une classe ouvrière  mieux organisée et nombreuse, riche d'une tradition révolutionnaire acquise surtout au cours de la révolution ouvrière de1936) et de la  fin de non recevoir, ensuite, du gouvernement central à la demande de  la Generalitat catalane d'autorisation pour la célébration d'un  référendum sur l'autodétermination et à la réalisation effective d'un  succédané, une consultation sans valeur juridique, passant ainsi outre  l'interdiction du Tribunal constitutionnel. Cette opposition à la  volonté populaire de la part d'un pouvoir en crise latente a d'autant plus exacerbé le sentiment de haine envers l'État espagnol  historiquement existant en Catalogne et a abouti à une mobilisation  extraordinaire pour le droit à l'autodétermination et à l'indépendance: sur une participation de 2 300 000 habitants, 1 800  000 (80%) se sont prononcés en faveur de l'indépendance.

déchirements au sein du PSOE

M. Rajoy à répondu en saisissant le Tribunal constitutionnel qui lui a  donné raison de nouveau malgré l'opposition des procureurs du Tribunal  supérieur de justice catalan qui considéraient insuffisantes les bases  juridiques de l'accusation qui pointait quatre délits: désobéissance, prévarication, usurpation de fonction et malversation, contre le  président de la Generalitat, M. Mas, le vice-président et la  conseillère d'éducation. Ces poursuites contre les dirigeants catalans ont mobilisé les partis constituant l'Assemblée Nationale Catalane  qui se sont solidarisés avec leur gouvernement, portant ainsi la crise  au sein même du Parti Socialiste Catalan-PSOE déjà touché par la démission de plusieurs de  ses dirigeants favorables à l'exercice du droit à l'autodétermination  ou à la séparation qui ont initié un processus de fusion des divers  courants partisans du droit de décider existant dans le PSC.
À partir de maintenant la crise du PSOE  de Pedro Sanchez qui vient de  déclarer ne pas vouloir entendre parler de rupture et qu'il n'a qu'une  ambition, celle de renouveler le pacte de 1978 (pacte de la Moncloa  avec les franquistes) ne pourra donc que se creuser. Cette crise mènera tout droit à la rupture  avec sa principale composante politique, le  PSC, en pleine dislocation, l'ex-président de la Generalitat, José  Montilla, tout comme le secrétaire général s'étant, eux aussi,  solidarisés avec leur gouvernement.

Et débandade de la monarchie

Un vrai désastre tellurique pour la monarchie héritière du franquisme,  fraîchement émoulue, de Felipe VI, souligné par le Chef d'État Major  de l'Armée de Terre, Jaime Domínguez Buj, avertissant que "les forces  centrifuges se produisent quand le pouvoir central est faible",  insistant sans ambages, "quand la métropole est faible, la chute  n’est pas loin" (sic). L'intervention du ministre de la Défense, essayant  d'enlever le mordant du message et d'atténuer sa portée politique alarmante, en l'interprétant comme une référence à d'autres situations  historiques -guerre de l'indépendance contre Napoléon en  l'occurrence-, n'enlève rien à sa pertinence dans la situation actuelle de crise finale de l'État espagnol, où, ne nous y trompons  pas,  la classe ouvrière est seule à même de garantir  le droit à l'autodétermination des peuples.



Domingo Blaya, Vitoria, le 27 novembre 2014

Modifié le dimanche 30 novembre 2014
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