Entre corruption et débandade

Etat espagnolAlors que les faillites s'accumulent dans toutes les branches et surtout dans la construction, secteur de base de l'économie
espagnole, et que le taux de chômage approche les 20%, que la corruption se répand dans les Régions autonomes, que
le conseil des ministres du 11 septembre décrète l'envoi d'un nouveau contingent de soldats en Afghanistan après avoir
promis qu'il retirerait les troupes, que le PSOE s'allie pour gouverner avec le PP (droite franquiste ) au Pays Basque et les
nationalistes (gauche) en Catalogne, que ses ex-ministres quittent les Cortes et la politique, le gouvernement utilise le
miroir aux alouettes du "taxons les riches" pour sauver la monarchie espagnole de la banqueroute
Corbacho, ministre du travail, fait
mine de déplorer le comportement
des banquiers qui retarderaient
la reprise de l'économie espagnole
en pleine récession, les accusant d'avoir
joué aux bénéfices rapides et faciles
pendant le boom immobilier, ce qui
est exact, mais oubliant de dire que ce
sont les gouvernements du PSOE,
depuis 1982, puis du PP, et du PSOE de
nouveau , depuis 2004 avec Zapatero,
qui ont augmenté le capital des grandes
banques. Il faut rappeler
que ce fut le ministre de l'économie
de Felipe Gonzalez, M.
Boyer, l'artisan de la nationalisation
des petites banques en
1986, en réalité une expropriation
au profit exclusif des grandes
banques comme le BBV ou
le Banco Santander qui font
aujourd'hui les plus gros profits
de leur histoire, tandis que l'économie
réelle, la production de
marchandises, s'enfonce peu à
peu dans le marasme, avec des
licenciements par milliers se
rapprochant ainsi à grande
vitesse du taux de chômage de
20% que l'OCDE prévoit pour 2010.

"Taxer les riches" ?

Face à l'ampleur du déficit - 10% du
PIB - creusé par la crise capitaliste de
surproduction et par les mesures prises
pour la contenir, Corbacho doit se
résoudre à rompre la ligne de conduite
du gouvernement Zapatero consistant
jusqu'alors à réduire la pression fiscale,
considérant "raisonnable et solidaire de
demander un petit effort au contribuable
en attendant de nouvelles baisses d'impôts
dès que les circonstances le permettront
".
Pas question de plomber la fiscalité des entreprises, ni les revenus
du travail, a-t-on insisté par ailleurs.
Mais les effets d'annonce du gouvernement
apparaissent de plus en plus comme
une cacophonie faite d'interventions
improvisées des ministres, suivies
de démentis, pour rassurer les patrons
sur les hausses d'impôts. Un jour on
insinue que les sicav, puis les revenus
de plus de 50.000 euros seraient
concernés, ensuite pour amadouer la
"gauche" et les dirigeants syndicaux, on parle de taxer les riches, se gardant
bien d'abroger les exemptions d'impôts,
ristournes et autres allègements de cotisations
sociales accordés délibérément
au Capital et qui, à eux seuls suffiraient
largement à réduire le déficit. Mais
" taxer les riches " s'est très vite transformé,
comme il fallait s'y attendre, en
une "très probable augmentation de la
tva", une nouvelle augmentation d'impôts
donc, pour les travailleurs. Car,
taxer les riches dans un État capitaliste
se traduit toujours par plus d'impôts
pour les travailleurs qui verraient leur
éventuelle épargne ou ce qui leur en
reste, rétrécir comme une peau de chagrin C'est l'éternel slogan d'une "gauche"
impuissante et pusillanime qui n'ose
avancer le mot d'ordre d'expropriation
des expropriateurs, trouvant ses
analgésiques dans les encycliques de l'église romaine.

Sauve qui peut chez les ministres

Tout cela ne pouvait que provoquer la
fuite de ministres de Zapatero, comme
Solbes, alarmés par les
improvisations et le désarroi
d'un gouvernement qui
change de critère sans arrêt.
"Trois autres ministres ont
ainsi quitté la politique et
d'autres s'apprêteraient à
les suivre" selon le journal El
País qui dans son éditorial
du 16 septembre voit "un
gouvernement glissant sur
la pente le menant à l'abîme
",
le radeau de la méduse
en somme.

La crise de l'État monarchiste
s'approfondit donc,
confronté dans les régions
autonomes comme la
Catalogne ou le Pays Basque, aux travailleurs
qui manifestent, comme à
Barcelone ceux de Nissan et de Roca
ou à Vitoria ceux de Mercedes, contre
les plans de restructuration qui les
menacent de licenciement ou de chômage
technique. Ils ont, pour la première
fois depuis la restauration de la
monarchie et de ses autonomies, pris
l'initiative dans les manifestations organisées
à l'occasion de la "Diada", la fête
nationale catalane, jusqu'ici monopolisées
par les organisations nationalistes,
reléguant celles-ci au deuxième plan,
avec des slogans contre les fermetures
d'usines et les destructions de postes de travail. Pour sa part le Président de
la Generalitat, Montilla, du PSC-PSOE,
a dénoncé le gouvernement qu'il accuse
de fomenter le séparatisme avec ses
prises de position contre la réforme du
statut d'autonomie - spécifiant que la
Catalogne est une nation. Ce statut fut
pourtant ratifié par un référendum et
Zapatero lui donna même son aval
avant d'être approuvé aux Cortes -. On
attend à ce sujet la décision du Tribunal
Constitutionnel qui pourrait annuler le
résultat de ce référendum alors que la
vice-présidente du gouvernement a
déclaré qu'elle l'appuiera d'ores et déjà
jetant ainsi un pavé dans la mare. Pour
sa part, le président du parlement catalan,
Puigcercos (ERC) a déclaré : "on
veut un État pour ne plus avoir à payer
les ministères de Madrid, cette bande
de corrompus qui nous envoie à Arenys
de Munt les avocats de l'État de la
Phalange
". Il faisait allusion ainsi à la
manifestation organisée par les
Phalangistes contre le droit à l'autodétermination,
le même jour où la
"Plateforme indépendantiste "de cette
petite ville de la province de Barcelone
organisait un référendum pour l'indépendance
de la Catalogne avec l'appui
de la municipalité, et prévoit,
par ailleurs d'étendre cette
initiative dans une soixantaine de villes de Catalogne.

PSOE et PP main dans la main

Au Pays Basque, Patxi
López, Président (PSOE) de
cette région autonome, vient de
déclarer "notre pacte avec le
PP va plus loin que de simples
accords électoraux, il est blindé
",
une manière de dire sans
ambages que PSOE et PP sont
d'accord sur l'essentiel et d'illustrer, l'on
ne peut mieux, l'accusation portée par
son camarade et collègue catalan
Montilla. Après avoir longtemps été l'allié
des nationalistes du PNV pour rendre
gouvernable le Pays Basque, le
PSOE tombant de Charybde en Scylla,
se jette, en effet, dans les bras des franquistes.
Tout cela alors que les scandales, les
inculpations d'élus du PP fleurissent
dans tous les jardins d'Espagne : des
Baléares à Benidorm en passant par
Valence, etc.... Et que les sondages
soulignent la possibilité d' élections anticipées
dans les villes où de nombreux
cas de transfuges politiques (PP-PSOE
et vice-versa) sont signalés.

Corruption à tous les étages

Les présidents des autonomies et leur
cour ressemblent à des seigneurs féodaux,
entourés d'une nombreuse clientèle,
sur laquelle s'assoit leur pouvoir.
Ce sont les nouveaux " grands "
d'Espagne . Une nouvelle bureaucratie
de la monarchie espagnole, celle des
parvenus dont elle dépend et que la
banque finance et ses tribunaux cautionnent,
comme à Valencia avec son
président régional accusé de concussion
puis relaxé mystérieusement,
après avoir pendant des mois défrayé la
chronique et les unes des médias ou,
celui des Baléares, toujours dans l'actualité,
jugé pour détournement de fonds.

Mais ce pacte entre une ancienne
bureaucratie en provenance du franquisme
et la nouvelle, issue du PSOE et de
ses satellites (Izquierda -Unida), est le
ciment bien effrité de l'État espagnol. Tout
cela n'a tenu jusqu'ici qu'au fil de la spéculation
immobilière effrénée et aux commissions
des impérialismes et de leurs entreprises multinationales, aujourd'hui
en pleine crise de surproduction. C'est
ainsi que les infrastructures des
transports, dépendent entièrement des
fonds européens, que ceux-ci viennent à
manquer et s'en sera fini même du tourisme,
l'autre pilier de l'économie espagnole
depuis la dictature franquiste. Ces
groupes privilégiés sont condamnés aux
compromis, ce qu'ils font à travers les
batailles de façade qui viennent d'être
évoquées. Ce dont il s'agit toujours c'est
de conforter le régime monarchique de
plus en plus fragilisé : pacte PSOE-PP au
Pays Basque ou consensus dans toutes
les autres autonomies, avec les nationalistes
catalans, galiciens ou canariens.
Cette coïncidence d'intérêts, ce besoin
de s'épauler, est une nécessité pour faire
face à la montée de la classe ouvrière,
trop longtemps abusée par les appareils
réformistes et staliniens.

l'Espagne, "un boulet pour l'Europe"

Placée sur les fonts baptismaux par
l'impérialisme, la monarchie espagnole,
son maillon le plus faible, est maintenant
à la croisée des chemins. Elle doit réaliser
un effort extraordinaire
pour se maintenir debout,
manoeuvrer pour ne pas sombrer
dans l'abîme de la banqueroute
qui la guette. "l'Espagne
décroche
" titre El País et Le
Monde, impitoyable, enfonce
le clou et... affirme : "l'Espagne
devient un boulet pour
l'Europe
". Et la déflation rappelée
par l'OCDE mais niée,
contre toute évidence, par le
gouvernement, confirme sans
appel le diagnostic. Les "plans
économiques" qu'elle met en
branle péniblement font le
même effet qu'un cataplasme sur une
jambe de bois. Elle s'effondrera, n'en
doutons pas, à la première mobilisation
unie de la classe ouvrière et de ses organisations
reconstruites.

Domingo Blaya,

Vitoria, Alava,Etat espagnol

16 septembre 2009
Modifié le lundi 05 octobre 2009
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