Boko Haram : un pur produit de l’Impérialisme

Depuis 2009, une secte nommée « Boko Haram » (« l’enseignement occidental étant interdit » en langue haoussa) sème la terreur dans le nord-est du Nigéria et agresse depuis peu les populations des Etats riverains. Quelles sont ses origines ? Qui lui fournit l’équipement de ses exactions ? De quoi est-il le symptôme et que faire  face à cette engeance ?

Depuis le 18ème siècle, le nord-est du Nigéria a toujours été le foyer d’un islam conquérant. Depuis le 19ème siècle, le Toucouleur Ousmane Dan Fodio, parti de Kano, en pays Haoussa, étend son influence, armes à l’appui, à tout le Sahel. Mais cet islam africain noir est plus près du rite malékite des Musulmans du Maghreb que des wahhabites d’Arabie. Le nord du Nigéria entier est, même à l’époque coloniale, administré par des chefs concentrant pouvoirs religieux, lignage noble et pouvoir militaire et administratif. Fidèle à son système de « l’indirect rule », (politique consistant à opposer les ethnies ou tribus entre elles pour mieux régner) l’impérialisme britannique laisse les « élites » locales gouverner leurs provinces, à charge pour elles d’assurer la fourniture de main d’œuvre et la collaboration pour la collecte de l’impôt.

Une corruption vertigineuse

L’écrasante majorité de la population du nord est Haoussa, et cette ethnie domine aussi le Niger voisin, ex-colonie française. Les Haoussas sont une fois et demie plus nombreux que les habitants de notre Hexagone. Ils forment l’un des peuples numériquement les plus importants d’Afrique. A leur voisinage les Peuls (Fulanis ou Fulé) et les Kanouris, sont aussi musulmans et débordent également sur les Etats voisins du Niger, du Tchad et du Cameroun. Depuis l’indépendance, le Nigéria est un Etat fédéral, aux structures très lâches, peuplé de 175 millions d’habitants au minimum, bien qu’aucun recensement digne de foi n’ait été opéré. El Hadj Ahmadou Bello dirigea le premier gouvernement après l’indépendance. Les tentatives de scission n’ont jamais concerné le nord : la guerre du Biafra (1967-71) concernait essentiellement le sud-est ibo. Cet immense Etat a la réputation d’être, avec le Cameroun, le plus corrompu d’Afrique, et les places sont chères dans ce classement si j’ose dire.

Prédicateurs et militaires

Lors des élections, fédérales ou locales, une foule de notables engraisse une armée privée de « supporters » chargés de faire comprendre au reste de la population pour qui voter. C’est ainsi qu’un M. Charif a eu recours aux services, dès 2007, d’un prédicateur, M. Youssouf, fondateur d’une secte que lui et d’autres armèrent à des fins électorales ; ainsi naquit Boko Haram, propagateur d’un Etat théocratique appliquant la charia (qui ne consiste pas seulement à couper la main des voleurs). A l’intérieur des courants rivaux de politiciens du nord, ceux du nord-est furent géographiquement les fournisseurs de troupes de Boko Haram, qui recrute dans les larges couches misérables des jeunes sans avenir à qui une kalachnikov donne des ailes et un sentiment de toute puissance, la drogue permettant tous les écarts et toutes les exactions quand ils s’emparent d’un village. A ce stade, il nous faut parler de l’armée nigériane. Celle-ci a fourni les présidents, dont deux dictateurs (le dernier, Shagari, étant candidat à l’élection présidentielle reportée au 28 Mars). Mais les crédits très importants lui assurant théoriquement un équipement à même de lui donner la victoire contre Boko Haram ne sortent que très rarement de la capitale, Abuja, et s’égarent dans les poches d’une profondeur abyssale de quelques généraux et politiciens, sous le haut patronage du président bien nommé Goodluck Jonathan. Cette gabegie a pour conséquence l’incapacité des troupes à faire face à Boko Haram qui s’équipe devant la débandade des soldats et qui reçoit un mystérieux équipement de sources tout aussi mystérieuses, par l’intermédiaire des notables du nord. Une partie vient sans doute de Lybie, d’autres des fonds détournés à la capitale.

Massacres permanents

Youssouf le fondateur est exécuté sans procès en 2009 par l’armée. Shekau lui succède. Il s’agit du sinistre fanfaron qui claironnait sur les écrans du monde entier que les centaines de lycéennes enlevées à Chibok seraient vendues comme esclaves, ne suscitant chez les dirigeants occidentaux qu’une faible indignation sans lendemain. Depuis 2013, les territoires conquis sont de plus en plus nombreux : la capitale du Borno, Maiduguri, a été attaquée à l’occasion de plusieurs raids, des villages entiers incendiés et la population massacrée, les villageois étant accusés par Boko Haram d’être les supplétifs de l’armée. Chibok, Goumbo et Baga sont tombées, parfois reconquises, mais jamais par l’armée nigériane. En effet, c’est l’armée tchadienne et celle du Cameroun qui sont intervenues et ont contre-attaqué, ainsi que l’armée nigérienne.

Supplétifs de l’Impérialisme

Depuis janvier 2015, plusieurs localités de ces pays ont été attaquées par Boko Haram : Kotokol au Cameroun, Bosso et Diffa au Niger, des îles sur le lac Tchad au Tchad. Autrement dit, l’impérialisme occidental délègue ses pouvoirs aux armées africaines pour essuyer les revers ou repousser çà et là Boko Haram. Ce faisant, il renforce en particulier l’impérialisme français, les tyrans locaux : notamment Idriss Deby Itno (au pouvoir au Tchad depuis 1990), Paul Biya (au pouvoir au Cameroun, ou plutôt à Genève, depuis 1982), Mahamadou Issoufou au Niger (beaucoup plus récent). Il n’y a plus d’opposants en liberté au Tchad, ou si peu. Le président Issoufou demande l’intervention occidentale en Lybie « pour finir le travail » entamé brillamment par Sarkozy et Bernard Henry Levy en 2011 avec les conséquences que l’on sait : le désert libyen est la plaque tournante de tous les trafics d’armes et le pays se morcelle en multiples territoires rivaux. Précisons que Boko Haram n’a rien à voir avec Daech ou Al Qaida, sauf la barbarie. Il existe une scission de Boko Haram, Al Ansaru, qui serait, elle très proche d’Al Qaida. Donc il est demandé par l’Elysée et consorts d’assurer la ligne de défense du Mali face au Mujao, à AQMI et consorts, essuyer au lieu et place de l’armée française et de l’armée malienne, les engagements les plus durs. Il est vrai que, militairement, l’armée tchadienne est rodée par 40 ans de guerre intérieure et à l’heure actuelle, est certainement avec la rwandaise, l’armée la plus opérationnelle d’Afrique, en tout cas sans comparaison possible avec l’armée nigériane, réputée pour se payer sur la population, à grands coups de massacres,  pour le solde qu’elle ne reçoit pas ou si épisodiquement.

Décomposition des Etat bidon

Ainsi, la corruption des valets africains de l’occident génère des guerres qui assurent les beaux jours de tous les potentats locaux et la décomposition des Etats bidon, en même temps que le malheur des peuples. Nul doute que le peuple en armes, même sans expérience professionnelle des armes, saurait tenir en respect Boko Haram et ses sponsors. En tout cas, ce n’est en aucun cas l’intervention directe ou indirecte des occidentaux qui apportera une solution. Le raisonnement mécaniste « vivement une armée forte pour nettoyer ces plaies » a montré où il conduisait : en Irak, en Lybie, au Mali, et en tant d’autres lieux.
A bas l’impérialisme et la vermine immonde qu’il sécrète ! Vive la lutte des peuples d’Afrique pour leurs droits ! Des armes pour les victimes des exactions de Boko Haram ! Révolution démocratique et sociale sur les rives du lac Tchad !



Ngarledji  Makelele , 21 février 2015

Modifié le dimanche 01 mars 2015
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