Quelle «Europe sociale» ?
Référendum sur la Constitution européenneQue dit le projet de Constitution européenne (que nous avons déjà analysé dans notre numéro de décembre2003) sur la nature économique et sociale de l'Europe telle qu'elle est fondée par le traité de Maastricht-Amsterdam? Pour ne citer qu'un des nombreux articles sur le sujet, prenons l'article I.4 intitulé: "Libertés fondamentales et non-discrimination". Il indique: "La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux[...] sont garanties par l'Union et à l'intérieur de celle-ci, conformément à la Constitution". Bien sûr, par "libre circulation des personnes", il faut entendre le droit pour les patrons de commercer librement avec la main d'oeuvre pour se l'échanger au coût le plus bas entre eux. Le reste de l'article est de la même veine: il s'agit bien d'affirmer le respect de l'économie de marché capitaliste. Dans ce cadre, de quelle "Europe sociale" veut-on parler? Celle des délocalisations, du chômage grandissant dans toute l'Union européenne, de la disparition des services publics (rebaptisés dans le projet de Constitution "services d'intérêt général", ce qui n'a pas la même signification).Equilibrer l'économique et le social
Il paraît que les eurodéputés socialistes français ont été rassurés (Le Monde du 29septembre) après avoir entendu, lundi 27septembre, le futur commissaire à l'emploi et aux affaires sociales de Bruxelles, le "social-démocrate" (entendez l'ex-stalinien reconverti) Vladimir Spidla répondre aux questions des parlementaires au sujet de l'Europe sociale. Qu'a dit cet ancien premier ministre tchèque? Il s'est dit résolu à préserver le "modèle social" de l'Europe et à maintenir un "équilibre" entre les exigences économiques et les besoins sociaux. Bigre, cela signifierait qu'il y a contradiction entre les deux termes et qu'il faudrait veiller à un équilibre? De quelle manière? Vladimir Spidla s'en explique: le modèle social est lui-même un "élément essentiel" de la compétitivité mais il doit être considéré comme "quelque chose de vivant", non comme un "musée", et "adapté aux besoins de l'avenir". Traduisons: il faut en finir avec les positions acquises et autres conquêtes sociales et laisser place à la flexibilité et à la baisse des coûts du travail qu'exige la situation.
Nivellement par le bas
Le même "social-démocrate" indique d'ailleurs qu'il va adopter une "attitude souple" sur la révision de la directive sur la durée du travail pour tenter de trouver "un compromis acceptable par une plus forte majorité". De quoi s'agit-il? Tout simplement de permettre aux employeurs de l'UE, notamment britanniques, de faire travailler les salariés au-delà des 48heures hebdomadaires (limite légale européenne pour le moment). Ainsi, un projet de réforme de la législation européenne en la matière permettrait aux employeurs de calculer le nombre d'heures travaillées sur une période de référence d'un an, au lieu de quatre mois actuellement. l'objectif de l'UE est bien de niveler les acquis sociaux en prenant modèle, entre autres, sur le Royaume-Uni.
Doutes et divisions dans les syndicats
On s'en doutait, la CFDT se prononce pour le projet de Constitution, ainsi que l'UNSA, à l'instar de la direction de la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Ainsi, John Monks, secrétaire général de la CES, appelle, le 13juillet, au oui sans la moindre ambiguïté: "La Constitution n'est pas aussi bonne que ce qu'avait proposé la CES.[...] Néanmoins, elle apportera des avantages très réels aux travailleurs et aux citoyens de l'Union européenne toute entière".Et de marteler: "Le soutien est la seule approche pragmatique et réaliste aux yeux des syndicats". Et aussi de menacer: "Si la présente Constitution n'était pas approuvée, (...)ce serait une victoire pour les nationalistes et pour les ennemis de l'Europe qui veulent voir l'Europe s'écrouler de tout son long. En refusant la Constitution, on détruirait le seul grand instrument dont on dispose pour progresser vers une Europe plus sociale".
Voilà ce qu'assène sans rire John Monks. Est-ce à ce titre que la direction confédérale de la CGT, adhérente depuis peu à la CES, préfére déclarer que "le temps syndical n'est pas le temps politique", selon la formule de Bernard Thibault à la commission exécutive du 9septembre dernier? Et, pour tenter de refroidir les partisans du non , certainement majoritaire à la CGT, Guy Juquel, responsable pour la CGT de l'espace Europe-International, va jusqu'à prévenir: "Nous ne nous laisserons pas bousculer par ceux qui voudraient que l'on prenne vite position, et plutôt du côté du non".
Non au Traité de Maastricht-Amsterdam
Voilà donc une curieuse conception, à géométrie variable, de l'indépendance syndicale, si l'on se souvient que, fort heureusement, la direction de la CGT avait pris position, en 1992, pour le non à Maastricht. Il faut dire que la direction de FO n'est pas en reste, différant sa prise de position, elle qui, déjà, en 1992, n'avait donné aucune consigne de vote sur le Traité de Maastricht. Cette "Europe sociale" est bien de même nature que l'Arlésienne de Bizet.
Tout le monde en parle et personne ne l'a vue. Et personne ne la verra. Une Europe sociale est bien entendu possible. Une Europe opposée à tout licenciement, sec ou déguisé, opposée à toute délocalisation, à l'intérieur ou hors de l'UE, opposée à l'économie de marché capitaliste, source de tous les maux. C'est l'Europe des travailleurs et des peuples.
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