Quarante ans après l'exécution de Txiki et Otaegi(1), la répression continue

Les États français et espagnols n'ont de cesse de traquer les militants politiques basques, les arrestations se multiplient des deux côtés de la frontière. Les polices travaillent main dans la main dans une traque sans fin. Le procès des 35 militants devant l'Audience Nationale est systématiquement reporté et devrait avoir lieu le 3 décembre 2015 alors qu'il était prévu en avril. Après les arrestations arbitraires des avocats en janvier 2015, chacun est en droit de se demander à quoi rime cette mascarade.

À Paris s'est ouvert le procès de 6 étaras suite à un affrontement armé où un policier a perdu la vie. Les demandes de libération conditionnelle sont systématiquement refusées alors que les demandeurs offrent toutes les garanties nécessaires. Les prisonniers malades restent derrière les barreaux au détriment leur santé. Le recours déposé, par des prisonniers en Espagne, contre la dispersion a été rejeté par l'Audience Nationale de Madrid, alors que l'Espagne est signataire du texte international qui stipule que chaque prisonnier doit être incarcéré près de son domicile.

Éloignement et dispersion

La politique de dispersion et d'éloignement est utilisée systématiquement afin de briser toute lutte des prisonniers pour leurs droits élémentaires. Les chiffres parlent d'eux-mêmes :
- 37 prisonniers sont éloignés de plus de 1000 km, 114 de 800 à 990 km, 164 de 500 à 790 km, 24 de 400 à 490 km, 41 à moins de 400 km.
- ils sont dispersés dans 76 prisons, 328 dans 45 prisons espagnoles, 40 dans 26 prisons françaises, un au Portugal, un en Allemagne, 11 à Mexico, 2 au Pays Basque.
- 8 enfants de moins de 3 ans vivent avec leurs mères dans 2 prisons espagnoles éloignées de 500 à 550 km du Pays Basque.
Quant aux réfugiés, Ils sont à la merci des relations qu'entretiennent le pays accueillant et l'État espagnol. Inutile, bien sûr, de penser à la France qui s'empresserait de les remettre aux autorités madrilènes.

Menaces sur les familles

Considérant qu'ils pourraient servir de liaison entre détenus et E.T.A., L'État espagnol n'a de cesse de mener perquisitions et arrestations chez les familles des prisonniers et leurs avocats. En mars 2015, la police arrête Nogare Lopez de Luzuriaga porte-parole de l'association Etxerat, qui milite en faveur des droits des prisonniers et de leurs familles. Il n'est pas rare que les parloirs soient refusés sous des prétextes futiles ou que le temps de visite soit réduit. Mais à ces brimades répétées il faut ajouter le coût des voyages ainsi que les risques routiers : 400 accidents depuis 1989 et 16 morts.

La gauche abertzale divisée

L'organisation Sortu2 a opté, depuis sa constitution, pour une démarche de conciliation. Cette politique mène à accepter des alliances avec des partis de la bourgeoisie. Au sud, l'alliance avec le P.N.V (Parti nationaliste basque ) a coûté à Sortu la perte de municipalités importantes comme Saint-Sébastien, preuve qu'une partie de l'électorat traditionnel de Sortu se détourne de sa politique. Au nord, même dérive avec un appel signé par des représentants de la droite (LR, MODEM, PS). Ce choix entraîne l'abandon du mot d'ordre central : l'amnistie pour tous les militants en prison ou en exil. Face à cette orientation de compromission sur toute la ligne, s'est créé le Mouvement pour l'amnistie et contre la répression. Faisant le constat de l'échec de la politique de Sortu, il mobilise pour l'amnistie « Seule l'amnistie peut donner une solution définitive au conflit que le Pays basque a avec les États espagnol et français, puisque l'amnistie, pour nous, en plus de la liberté des prisonniers et prisonnières, réfugié(e)s et déporté(e)s politiques, représente aussi le dépassement des raisons du conflit, c'est-à-dire que l'oppression nationale et sociale est finie. ». Une première manifestation à Bilbao a rassemblé 10 000 personnes le 28-11-2015.
Force est de constater que l'abandon d'un mot d'ordre politique au profit de revendications humanitaires n'a pas fait avancer la situation. Le renoncement, par Sortu, à l'indépendance politique n'échappe pas à la classe ouvrière basque et risque de faire perdurer le calvaire des prisonniers et des exilés.

Libération immédiate de tous les prisonniers.
Retour de tous les exilés.
Amnistie pour tous les militants politiques.

Francis Charpentier,
30 novembre 2015

1 Juan Paredes Manot, alias Txiki (20 février 1954 - 27 septembre 1975) était un militant d'ETA politico-militaire (ETA pm) pendant la dictature de Franco en Espagne. Avec son compagnon de militantisme Angel Otaegi Etxeberria, il a été condamné à mort et exécuté le 27 septembre 1975, fusillé. Dernières exécutions du régime franquiste.

2 Sortu (prononcer shortou) (naître, apparaître en basque) est un parti politique de l'État espagnol actif dans les communautés autonomes du Pays basque et de Navarre. Il a été créé le 9 février 2011. Il est idéologiquement situé dans la gauche abertzale, et depuis sa fondation il a été considéré comme l'héritier de Batasuna non légalisée.

Modifié le lundi 07 décembre 2015
Voir aussi
La Commune n° 101

La Commune n° 101

lundi 07 décembre 2015

Sommaire : • Editorial : Unité nationale et état d'urgence contre les travailleurs • Chronique d'une chute de régime : Vers un front « national » • Appel des 333 • Dossier du mois : L’état d’Urgence et la Guerre au Moyen orient • Amendement Ayrault sur la CSG et la prime d’activité • La CFDT, branche "salariés" du MEDEF ? • Argentine : Pour être une alternative,...

Figure dans les rubriques
Journal trimestriel


HAUT