Vers un front « national » ?
Pourquoi ne pas le dire, d’emblée : les monstrueux attentats du 13 novembre servent comme sur un plateau les funestes desseins du gouvernement et des partis institutionnels. Ils offrent une sorte de dernière chance au régime corrompu et moribond de la Vème République. A la question : A qui profite le crime ? Hollande, Valls, Sarkozy apportent la réponse, dans une Union sacrée au sommet « décomplexée », du FN au Front de gauche PCF et PG, scellée dans le vote de l’Etat d’Urgence.
La dite « classe politique » est prise de diarrhée tricolore-chauvine. Ils ont tous répondu présents pour voter une loi d’état d’urgence pire encore que celle de 1955. Tous sauf six députés. De Maréchal Le Pen à Chassaigne. Ils ont communié « tous ensemble » aux Invalides, le 27 novembre. De Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon.
Ils se sont tous retrouvés dans un même front contre les libertés et pour les bombardements en Syrie, dans un front uni, un « front national » en quelque sorte, intégrant le parti d’extrême droite qui porte ce nom.
Magie des sondages
Voilà qui donne prise à des sondages dignes de la pêche miraculeuse : ce 30 novembre, lit-on dans Le Monde « Hollande conquiert désormais la moitié des français » et sa cote fait un bond de 22 points et touche même 40% des sympathisants LR. Voilà pour la manchette. Pour le commentaire, c’est un peu plus compliqué : « Pourtant, seuls 28 % (+ 6) souhaitent qu’il soit réélu en 2017 et 26 % pensent qu’il mène une bonne Politique économique » [http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/12/01/hollande-conquiert-desormais-la-moitie-des-francais_4821824_823448.html#2vQxE6QXRX5v1k70.99]
Ce qui équivaut, une fois que nous avons bien lu à 70/75% d’opinions « défavorables ». Bel exercice de prestidigitation.
« On ne répond pas aux attentats en larguant un tapis de bombes »
Dans ce contexte, un jeune rescapé du Bataclan a traduit un sentiment encore diffus mais qui se propage vite : « En tant que rescapé, qu'aimeriez-vous dire à François Hollande avant son discours ? Je lui dirais que, en septembre, une info faisait mention de menaces contre des salles de spectacles, et qu'aucune mesure n'a été prise. Je lui dirais que, en janvier, après Charlie Hebdo, la menace n'a pas été prise suffisamment au sérieux. Je lui dirais qu'on ne répond pas aux attentats en larguant un tapis de bombes ou en profitant d'une cérémonie d'hommage pour soigner sa popularité, surtout pendant un quinquennat désastreux . »
[http://www.francetvinfo.fr/...]
Quant à l’appel à fleurir les fenêtres de drapeaux de l’Hexagone, depuis l’Élysée, il a été largement ignoré ou boycotté, ce vendredi 27 novembre. Les machines à profiler une opinion publique à la mesure de « l’union sacrée » étaient déjà en dérangement. Veuillez excuser Hollande pour la gêne occasionnée !
Union sacrée contre la liberté et la justice
Une fois dissipée l’écume des choses et éventée « la paille des mots » (titre d’un livre de feu Mitterrand), la raison sociale de cette Union Sacrée aux relents intrinsèquement totalitaires ne peut nous échapper : déchaîner la réforme du Code du travail. Et, dans le même temps, parfaire une révision constitutionnelle créant en France un Etat d’exception permanent, une entrave systématique aux libertés et à la justice, « "La principale caractéristique de l'état d'urgence : placer entre les mains de la police les prérogatives normalement attribuées au pouvoir judiciaire" [ https://www.laquadrature.net/...] Avec à la clé, la possibilité de déchoir un citoyen de sa nationalité. A ce propos, Hollande a lâché, le 16 novembre cette phrase félonne : « "La déchéance de nationalité ne doit pas avoir pour résultat de rendre quelqu'un apatride, mais nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte terroriste, même s'il est né français, je dis bien "même s'il est né français", dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité." . Ici, la remise en cause implicite du droit du sol est manifeste !
Coup d’État institutionnel annoncé
C’est ici qu’interviennent les dirigeants du PCF, comme pour s’excuser devant leurs militants et sympathisants ou électeurs d’avoir voté la loi prolongeant et aggravant l’État d’urgence, le 20 novembre. Ils jurent, leurs grands dieux, qu’ils ne voteront pas la révision constitutionnelle de Hollande…Ce qui fait « une belle jambe » à tous ces citoyens qui, parfois au seul jeu de la délation, ont été perquisitionné par la Police « libérée » de l’Autorité judiciaire ou qui ont été matraqués et gardés à vue pour le simple fait d’avoir manifesté, comme ce fut le cas lors des rassemblements « pour le Climat » du 29 novembre. S’il s’agit véritablement de conjurer ce coup d’État institutionnel annoncé, cela implique aujourd’hui le combat uni pour la levée de l’état d’Urgence qui frappe maintenant et fonde un État purement policier.
Daniel Petri, le 1er décembre 2015
La Commune n° 101
lundi 07 décembre 2015Sommaire : • Editorial : Unité nationale et état d'urgence contre les travailleurs • Chronique d'une chute de régime : Vers un front « national » • Appel des 333 • Dossier du mois : L’état d’Urgence et la Guerre au Moyen orient • Amendement Ayrault sur la CSG et la prime d’activité • La CFDT, branche "salariés" du MEDEF ? • Argentine : Pour être une alternative,...
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