Sous les grèves, la crise politique
la crise politique | EditorialDepuis le 13 mai, la situation est claire. l'heure est à la grève générale, sur fond de manifestations monstres, de grèves de masse.Les sondages ne peuvent édulcorer la réalité : 65% des personnes interrogées déclaraient soutenir la manifestation pour la défense des retraites et contre le projet de l'actuel gouvernement ; 74% des sondés voyaient dans ce défilé " le signe d'un conflit appelé à durer " (sondage CSA-Le Parisien, 25 mai).
Pourtant, ce gouvernement donne l'impression de tenir bon face à la vague qui déferle (" Ce n'est pas la rue qui gouverne ", avait prévenu Raffarin). Or, cette attitude " ferme mais pas fermée " ne parvient pas à bout de ce qu'il est convenu d'appeler la " crise sociale " et, bien qu'il ne parvienne pas à la désamorcer, ce gouvernement semble déterminé à aller jusqu'au bout. Où est donc le problème ?
Cette " détermination ", le gouvernement ne la puise pas en lui-même. Pour preuve, la dérisoire " contre-manif " du 25 mai, à 300 devant l'Hôtel de Ville à Paris, ou encore la timidité avec laquelle quelques élus UMP arpentent les marchés en quête de l'hypothétique badaud qui voudra bien se brûler les doigts en signant une pétition pour sauver l'avenir... de ce gouvernement. Alors, encore une fois, d'où vient cette " fermeté " gouvernementale ?
Dans son édition du 28 mai, Le Monde nous donne un élément de réponse : " Retraites : la CGT cherche toujours à négocier et doit contenir des militants prêts à une grève dure ". Bien entendu, il ne s'agit pas de la CGT en tant que telle mais de sa direction confédérale.
Autre éclairage, celui qu'apporte J. Julliard, chroniqueur très " CFDT " du Nouvel Obs : " Les habiletés du gouvernement n'auront servi à rien. Elles n'auront pas empêché la tendance à la globalisation des grèves qui parfois déborde les dirigeants syndicaux eux-mêmes. On sent bien, par exemple, que la CGT ne désire pas une épreuve de force au finish avec le pouvoir (...). Bernard Thibault ne réclame plus le retrait pur et simple du projet gouvernemental : pour le moment, il se contente de demander une re-négociation. Non que les amendements obtenus par la CFDT, qui portent notamment sur les petits revenus, soient négligeables, mais la CGT avait besoin d'une mesure symbolique, du genre taxation du capital, pour accepter le projet ou convaincre une base de plus en plus radicalisée de faire la part du feu. " Dans la même livraison du Nouvel Obs (29 mai-4 juin), M. Croissandeau note : " La CGT, elle, déplore que ses efforts pour éteindre le feu dans les transports, le 13 mai dernier, ne se soient soldés que par une petite nuit de discussion d'une dizaine d'heures au total ". Eh non, il n'y a pas eu de "Grenelle des retraites" ce soir-là !
Déterminé ou non, on ne voit pas pourquoi ce gouvernement céderait d'un seul coup, quand les directions syndicales le supplient de négocier ou " signent " carrément, à l'instar d'un Chérèque, ou quand, à la façon d'un Blondel, ils se dressent contre la grève générale en s'exclamant : " Elle est de nature politique, insurrectionnelle ! " (Le Monde, 28 mai 2003.)
Déterminé, le gouvernement ? Dans Le Monde du 29 mai, C. Guélaud fait plus qu'en douter. Jugeant " déconcertante " la méthode Raffarin, elle conclut : " Le gouvernement n'a aucun scénario de sortie de crise ". Pendant ce temps-là, le député UMP Dupont-Aignan presse le gouvernement de décréter un moratoire sur la décentralisation des personnels non-enseignants de l'Education nationale, emboîtant ainsi le pas à Juppé. Ces gens-là craignent le développement ultérieur des événements...
Le 5 juin 1936, devant le développement des grèves en France, Trotsky écrivait : " Les masses ouvrières sont en train de créer, par leur action directe, une situation révolutionnaire. " Cela y ressemble, non ? A cette étape de leur résistance, les salariés se saisissent de leurs organisations syndicales et exigent que leurs dirigeants rompent avec le gouvernement. Maintenant !
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