"Il faut nous écouter"

Editorial Dans un entretien au quotidien Sud-Ouest du lundi 26 avril, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, interrogé à propos des réformes en cours, indique: "Ce qui est en cause, c'est la nature des réformes. (...) Nous regardons d'abord l'objectif des réformes." A priori, ce n'est que bon sens, dirons-nous.

Mais quel est donc "l'objectif de la réforme" de la Sécurité sociale pour Raffarin, Mattei et Douste-Blazy?

l'objectif, c'est le démantèlement du système de protection sociale arraché aux patrons en 1945, c'est-à-dire la fin du financement de la Sécurité sociale fondée sur le salaire différé (lire pp. 8-9) pour imposer à court terme les systèmes privés par capitalisation.

Si Bernard Thibault est contre cet objectif, pourquoi diable avoir été, et retourner, aux tables rondes, concertations et autres "négociations" avec un gouvernement qui a annoncé sa ferme intention d'aller au bout de cette réforme? (Douste-Blazy a prévu le projet de loi pour le mois de juin.)

D'ailleurs, à la question de Sud-Ouest: "La victoire de la gauche aux dernières élections régionales donne-t-elle une responsabilité nouvelle aux organisations syndicales face au gouvernement et à l'attente sociale?", Bernard Thibault acquiesce et précise: "l'opinion publique a notamment rejeté la réforme des retraites, tant sur le fond que dans la manière." On pourrait ajouter que ceux - gouvernement, partis, mais aussi syndicats (CFDT, CFTC, CGC) - qui ont trempé dans la combine ont tous été désavoués lourdement par les électeurs et salariés.

En effet, puisque, quel était "l'objectif de la réforme" des retraites? Le même que celui pour la Sécurité sociale, d'autant que les retraites sont, elles aussi, financées à la source par le salaire différé, comme la Sécurité sociale dont elles sont une branche.

Bernard Thibault poursuit son raisonnement: "(...)On ne peut pas décider d'un certain nombre de réformes fondamentales sans s'appuyer sur un minimum de légitimité des interlocuteurs sociaux (...). Il faut nous écouter."

La réforme de la Sécurité sociale était une "réforme fondamentale" pour le Medef et Chirac-Raffarin.Ne faut-il donc pas tout faire pour leur refuser toute légitimité? Ne faut-il donc pas leur dire: les électeurs, les salariés, nos syndiqués, ne veulent pas que vous touchiez à la Sécu. Nous refusons par conséquent de cautionner votre réforme dans les prétendues négociations et tables rondes où il n'y a rien à négocier.

Vous nous parlez de déficit abyssal de la Sécurité sociale, de 13 milliards d'euros pour 2003? Rendez à la Sécurité sociale les 130 milliards d'euros de cadeaux faits aux patrons ces dix dernières années en exonérations de "charges sociales" par les gouvernements successifs. Obligez le Medef à payer ce qu'il doit, conformément à l'ordonnance de 1945 instituant la Sécurité sociale et, alors, on n'entendra plus jamais parler de déficit.

Ah! Il ne s'agit pas de cela dans les "négociations"? Alors, nous n'irons pas. Alors, nous refusons de vous accorder la moindre légitimité pour des réformes d'ores et déjà rejetées par l'immense majorité de la population.

Voilà le langage de la raison et de la logique. Est-ce cela que Bernard Thibault a voulu dire? Pas sûr. Ou plutôt, nous sommes sûrs du contraire, à lire les positions exprimées sur le fond à propos de la Sécurité sociale par la majorité de la direction confédérale de la CGT (tout comme de FO, d'ailleurs).

Voilà aussi pourquoi un gouvernement aussi minoritaire, aussi isolé, aussi discrédité que le gouvernement Chirac-Raffarin, qui s'apprête à recevoir une autre déculottée aux prochaines élections européennes, peut encore tenir la tête hors de l'eau. Et que Thibault, lui aussi, écoute: les succès de la CGT à toutes les élections (SNCF, EDF, Fonction publique...) ne traduisent pas un accord des salariés avec l'orientation pro-réforme des directions confédérales, mais, à l'inverse, une volonté d'en découdre, dans l'unité, et donc de renforcer l'outil syndical.

C'est l'enjeu de l'immédiate prochaine période.
Modifié le samedi 18 juin 2005
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