Grèves politiques

EditorialOn a beau savoir que les média sont généralement aux ordres, on est toujours surpris à chaque fois. Il en ainsi de la manière avec laquelle journaux et télévisions commentent les " conflits sociaux ", ou ne les commentent pas du tout.

On apprend, par exemple, au détour d'une minuscule dépêche que : " le travail reprend en cette fin de semaine à la raffinerie Total du Havre (Seine- Maritime), l'une des plus importantes du pays. Les salariés du service Tmex (Transferts, mélanges et expéditions), avaient paralysé le site pendant un mois en menant une grève " digne des années 1970 " selon la direction. Un accord prévoit qu'au cours des trois prochaines années, chaque salarié bénéficiera d'une revalorisation salariale et se verra proposer une évolution de carrière " (Sud-Ouest, 29 octobre). Une grève unie et victorieuse d'un mois. Pas un mot à la télévision, dix lignes tout au plus dans de rares journaux !

Une grève dont ils sont bien obligés de parler, c'est celle des salariés de la Régie des Transports de Marseille (RTM), qui en sont, à l'heure où ces lignes sont écrites, à leur 28e jour.

Impossible de passer sous silence cette grève soutenue par l'écrasante majorité des salariés de Marseille, du public comme du privé. Les traminots marseillais refusent catégoriquement la privatisation du futur tramway et exigent que la gestion de ce dernier soit confiée tout naturellement à la RTM.

Grève déterminée, appuyée sur une intersyndicale unie (principalement CGT et FO), grève que le responsable FO de la RTM a caractérisée de " politique ", puisqu'elle défie des objectifs politiques, ceux de la privatisation des services publics pour obéir aux exigences de l'économie de marché et des critères de l'Europe capitaliste. Ce responsable syndical a bien raison de définir ainsi l'action des traminots marseillais.

A ce jour, rien n'est venu lézarder l'unité des grévistes, qui ont la sympathie et le soutien de la population ouvrière, n'en déplaise au maire UMP, Gaudin.

Ce dernier a d'ailleurs été désavoué par le préfet de région, à qui il avait demandé de procéder à la réquisition.

" La réquisition est une arme atomique qui ne peut servir plusieurs fois. Sa mise en oeuvre, qui est une limitation du droit de grève, est longue et complexe " a répondu Christian Frémont, le préfet de région, désireux d'éviter l'explosion sociale dans la région.

Alors, au 28e jour de grève, une autre arme est désormais employée : celle de la " concertation ". Le gouvernement a envoyé un médiateur en la personne de Bernard Brunhes. Cet homme a été conseiller social du Premier ministre de Mitterrand, Pierre Mauroy, de 1981 à 1983. Il a préparé avec lui le " tournant de la rigueur " de 1983 et en particulier, la disparition de la sidérurgie lorraine.

Depuis, il est président d'une société spécialisée dans le " management des ressources humaines ". Il a écrit entre autres, de très intéressantes brochures, telle : Négocier la flexibilité, pratiques en Europe. Tout un programme.

Quant aux privatisations, il leur est bien entendu farouchement favorable, au nom de la modernité, de l'Europe et de la mondialisation. (France Inter, 19 janvier 2005).

C'est donc cet homme qui a été un partisan du oui au référendum sur la Constitution européenne qu'on envoie devant les grévistes. Il faut dire qu'il a aussi été choisi car il a des amis un peu partout : gouvernements de gauche et de droite, PS, UMP, CFDT, et même certains dirigeants de la CGT.

Gageons que l'oeuvre de division que ce " médiateur " va tenter ne prendra pas et que l'unité intersyndicale dans la grève permettra de faire échec à la privatisation.

Et, quoi qu'il arrive, vive les traminots marseillais !
Modifié le mercredi 02 novembre 2005
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