Une situation insolite

Libres débats et confrontations

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 48 – lundi 28 mai 2018

De toute évidence, la « marée populaire » du 26 mai n’a pas été le succès escompté par les organisateurs.
Nous pourrions ironiser à ce sujet, mais nous ne raillerons pas la frustration des manifestantes et manifestants qui ont cru que cet événement pourrait créer une dynamique.
Certains penseront que « ce n’est qu’un début ». Nous pensons que le début est ailleurs. Le « scenario » sur lequel tablait Macron lorsqu’il a voulu jouer les « dame de fer » contre les cheminots a été largement déjoué, il est pour le moins « bloqué ».
A Air France, les boutefeux manœuvrent en recul suite au fiasco de leur référendum.
Les sondages ne peuvent plus masquer le fait que le Pouvoir s’isole dans sa fuite en avant « réformatrice ».
Tandis que les gauches et certains insoumoïdes brandissent leurs désirs d’avenir, les salariés et les jeunes cherchent à se regrouper autour de leurs revendications vitales, et de leurs droits essentiels. Ils entendent défendre leurs emplois, leurs statuts, leurs salaires, leurs diplômes, leurs libertés fondamentales, en toute indépendance. Là est le vrai « début », là est la base de toute unité digne de ce nom.

Une situation insolite
Contenu

A propos de l’état d’esprit des masses

Macron n’est pas « la Dame de fer »

SNCF : situation bloquée

« Revoir la copie » ? Non, RETRAIT DE L’ORIGINAL !

Début des grèves imposées par la base

Mélenchon révise-t-il sa copie ?

Unité d’action ou « désirs d’avenir »

Dans la voie de la grève générale

Après le 26 mai, il est temps « changer de boussole »

Nous avons notre idée de l’état d’esprit des classes populaires et de la jeunesse. Nous la soumettons au libre débat et à la libre confrontation des points de vue ;

Les travailleurs et les jeunes dans leur grande majorité se défient de la récupération politique. C’est le sens de leur abstentionnisme et de leur désaffection pour les partis, mouvements et groupes qui disent les représenter et les organiser. Ils considèrent, pour une grande partie d’entre eux, que personne ne les représente et cherchent à compter d’abord sur leurs propres forces. Ils n’aiment ni les césars, ni les tribuns qui, forts de la magie du verbe et des formules « fourre-tout » les abreuvent de programmes, d’envolées lyriques « galvanisante » et de bons mots. Ils sont circonspects devant ceux qui, de façon volontariste, veulent « déclencher » ou « organiser le débordement » ou on ne sait quel « déferlement ».

A propos de l’état d’esprit des masses

Les salariés, les jeunes et la population qui souffre préfèrent les revendications concrètes à la contestation « globale ». Partant, ils peuvent trouver Ruffin sympa parce qu’il fait l’effet d’un jeune chien dans un jeu de quille et peut se comparer à Gaston La Gaffe. Ou encore, ils peuvent considérer que Mélenchon est doté d’un bon sens de la répartie et, quand il veut, d’un esprit pédagogique.

A leurs yeux, « l’unité populaire » est dans le meilleur des cas un mirage ou un miroir aux alouettes. En ce qui nous concerne, c’est clair : c’est unité là n’est pas la nôtre. L’unité pour laquelle nous tenons, c’est l’unité d’action autour des revendications-clé, au premier desquelles : l’arrêt des réformes, leur abrogation et leur retrait, les salaires et l’emploi, les diplômes et le droit aux études, le droit à un toit décent à loyer modéré, entre autres exigences de l’heure.

N’étant pas des « voyants » et ne lisant pas dans les pensées, l’appréciation que nous avons de l’état d’esprit des masses est un parti-pris. Nous ne sommes pas les seuls à en avoir un. Une grande partie de la gauche radicale part du principe que les gens sont résignés, qu’ils ne sont pas prêts et qu’il faut leur redonner confiance en eux ou comme le dit Ruffin, « allumer la flamme de l’espoir dans les cœurs ».

Cela étant, notre parti-pris, aussi approximatif soit-il, se fonde sur l’observation des faits, dans le contexte particulier d’une crise politique sans précédent qui attise la crise sociale, laquelle crise sociale attise la crise politique.

Notre parti-pris est tout autant guidé par notre confiance dans la capacité des masses à se mobiliser par elles-mêmes pour vaincre et vivre, vivre et vaincre. La résistance des masses n’est pas ou pas encore « victorieuse » mais les retards pris dans les réformes est considérable et affaiblissent le Grand capital et ses gouvernements successifs. A telle enseigne que le « coût du travail », en dépit de tous les coups portés, ne baisse toujours pas.

Macron n’est pas « la Dame de fer »

Ainsi même, les coups portés sont suffisamment violent pour attiser la colère et le rejet mais pas assez pour produire leurs effets : Macron n’est pas Thatcher, l’industrie française, hors secteur de l’armement, continue à se déliter sur le marché mondial. La police et l’armée sont en crise. Le haut encadrement de la SNCF n’a plus confiance dans son PDG et dans le gouvernement. La seule annonce d’une réduction des aides sociales suscite un affrontement au sein du gouvernement. La Cour des miracles qu’est LREM se déchire sur les questions de « voile » et sur le sort immonde jeté aux réfugiés et aux étrangers. Mais comme le disait Marx, la dignité n’est plus qu’une valeur d’échange, elle se ravale au gré des nominations, promotions et autres largesses. La dignité d’un Guillaume Pepy a été estimée à 400 000 euros par an.

Pourtant, Macron et ses conseillers ont cru qu’ils pouvaient infliger une défaite aux cheminots qui déblaierait le terrain de la réforme des retraites, privant ainsi la classe ouvrière d’une de ses forces les plus organisées. Ils ont pensé que les usagers se retourneraient contre ces « privilégiés » et que la concertation les enfumerait. Ils ont parié sur un ordre rapide de fin de conflit de l’UNSA et de la CFDT et sur la résignation d’une majorité de cheminots. Ils étaient d’autant plus confiants que ni les dirigeants CGT, ni les dirigeants SUD n’ont exigé le retrait du pacte ferroviaire, les uns et les autres cherchant du « grain à moudre » dans la Concertation.

SNCF : situation bloquée

Le scénario était le suivant : UNSA et CFDT appellerait à la reprise, dès la remise du « sac à dos social ». Dans un premier temps, les chefs CGT et SUD fustigeraient « la trahison des syndicats réformistes » puis appelleraient quelques jours plus tard à « suspendre » le mouvement, tout en se prêtant au jeu des « rencontres bilatérales » avec les ministres.

« Revoir la copie » ? Non, RETRAIT DE L’ORIGINAL !

Il y a donc eu l’ultime manœuvre du Vot’action qui, à présent, revient comme un boomerang dans la figure des organisateurs : 60% de participation toutes catégories confondues, quasi-unanimité des votants contre la réforme. Logiquement, voilà qui devrait inciter l’Intersyndicale à exiger le RETRAIT DE LA REFORME. Eh bien non, Laurent Brun (CGT) demande au gouvernement de « revoir sa copie ». Les cheminots viennent d’affirmer par leur vote qu’ils veulent non la correction de la copie, mais le retrait de l’original. Cela vaut aussi pour la base de l’ UNSA et les roulants CFDT qui, à l’origine, ne sont pas CFDT mais FGAAC (fédé corporatiste des agents de conduite) qui n’ont pas la même « culture » que Berger…

En conséquence, la grève des cheminots tient bon. Laurent Brun peut toujours estimer que cette mobilisation « dans la durée » est à porter à l’actif du système de grève par intermittence inventé par son Intersyndicale. Or, ce système « innovant » obéissait à la volonté d’être dans la Concertation Macron. Dans la vraie vie, de nombreux cheminots ont détourné ce système pour faire ce que l’on appelait la grève par roulement et par relais. Ils s’en tiennent là tant que la revendication du retrait total de la réforme ne sera pas défendue haut et clair par Laurent Brun (CGT) et Erik Meyer (SUD).

Début des grèves imposées par la base

La grève des cheminots se situe au début d’un mouvement profond d’où surgissent des grèves imposées par la base, comme la grève des catacombes qui, en elle-même, est un signe des temps, tout comme la revendication des « Air France ». Augmentation des salaires et des effectifs. Revendications qui prennent l’exact contre-pied de la politique capitaliste, celle de Macron en France, celle de Hidalgo à Paris. Pendant qu’à défaut de « refaire le monde », des leaders éclairés refont l’union de la gauche ou tentent de « fédérer le peuple », les grèves se multiplient

Sur le fond, la lutte pour les revendications immédiates est la forme concrète que prend la lutte pour en finir avec Macron, ses réformes, sa politique et son régime de la 5ème république.

Le mouvement « d’en bas » qui prend corps est confronté à de sérieux obstacles : ceux que créent les tentatives de récupération politique au nom des « alternatives à Macron » dont quelques appareils seraient les dépositaires et ceux que dressent les hauts-dirigeants syndicaux. Le but de ces derniers est de traiter avec Macron, de pactiser avec lui, de lui faire des « propositions » comme s’ils pouvaient être ou devenir ses Conseillers sociaux.

Ce faisant, Martinez met en danger le principe même du syndicalisme fédéré et confédéré qui est bâti sur l’indépendance des syndicats à l’égard de l’Etat et de tout parti politique. Il est désolant de voir le faux syndicaliste Berger-CFDT se draper derrière ce principe qui n’est pourtant en rien le sien.

Mélenchon révise-t-il sa copie ?

Mélenchon qui, depuis des années rêve de fondre syndicats et partis dans un seul tout, a été conduit, la veille du 26 mai, à reformuler les choses, quitte à citer sans le dire Lénine. Un sémaphore l’ avait peut-être déjà avisé que la marée ne serait pas vraiment haute, le lendemain.

Ce 25 mai, Mélenchon dit :

« Je dis clairement que j’aspire à voir le jour où les secrétaires confédéraux des syndicats, de tous les syndicats, à leur tour, marcheront au coude à coude le même jour d’action commune de tous les métiers. Je crois que c’est leur devoir de le faire pour offrir au salariés une issue positive à leur volonté d’agir ensemble de façon organisée et disciplinée. » Et : « Seuls les syndicats confédérés unis ont la puissance d’action qui permet d’atteindre les objectifs de la lutte sociale en cours. Notre rôle politique est de les accompagner en soutien puis de porter le sens politique de l’action dans notre programme de gouvernement aux élections. Cette bonne séparation avait son slogan dans le passé : « marcher séparément, frapper ensemble 1 ». » 2

Rappelons que le 20 mai, il disait le contraire : « « "Je milite pour une forme d'unité populaire qui décloisonne le syndicalisme, la politique et le monde associatif , a affirmé Jean-Luc Mélenchon lors du "Grand Jury" sur RTL. Le syndicat ne fait pas de politique, il joint ses efforts à ceux de la politique. " 3

Le 20 mai, c’était le syndicat qui devait joindre ses efforts à JLM and Co.

A présent, c’est son mouvement qui doit accompagner les syndicats. Evidemment, sur le fond, Mélenchon ne change pas de visée conforme : « Notre rôle politique est de les accompagner en soutien puis de porter le sens politique de l’action dans notre programme de gouvernement aux élections ».

Mélenchon précise encore : « leur cahier de revendication et leur action donnent les bases du programme capable de fédérer le peuple ». Voilà qui semble bien dit. Mais, dans la vie concrète, Martinez n’est pas orienté sur les revendications mais sur les propositions de réformes. Dans la vie concrète, le programme « avenir en commun » de la FI milite pour la CSG, le service militaire de servitudes, les emplois-jeunes précaires, les missions non moins précaires pour les chômeurs et une augmentation du SMIC bien en deçà du SMIC à 1800 euros, entre autres.

Mélenchon, parfois, se prend les pieds dans ses élucubrations – ratiocinations. Cela arrive lorsqu’on ne descend pas de son piédestal…

Les classes populaires et la jeunesse ne veulent pas se laisser dépouiller de leurs droits, de leurs emplois, de leurs salaires, de leurs diplômes.

Unité d’action ou « désirs d’avenir »

Telle est la seule base tangible de l’unité à laquelle nous aspirons tous : l’unité d’action, c’est-à-dire l’unité des travailleurs et de leurs organisations de défense.

Tout ceci ne veut pas dire que l’on ne puisse jamais manifester avec Mélenchon ou Hamon et qu’il ne puisse jamais y avoir des manifestations où partis-mouvements et syndicats « frappent ensemble ». N’y avait-il pas matière à une manifestation devant l’ambassade d’Israël pour l’arrêt des massacres de Gaza ou contre les poursuites qui pèsent sur des lycéens du lycée Arago ou pour que Justice-Vérité soit rendue à Adama Traoré. Il s’agirait là de manifestations concrètes sur des objectifs concrets qui méritent que l’on « frappe ensemble ».

Au lieu de quoi, ces leaders, Hamon, Mélenchon, Laurent se sont couverts de cendres en suppliant Macron de rappeler son ambassadeur d’Israël alors qu’il se prépare à recevoir Netanyahu, dans les jours qui viennent. Ce qui présente l’insigne avantage de donner à Macron une légitimité qu’il n’a pas.

Dans la voie de la grève générale

Revenons à ce qui est pour nous est l’essentiel à cet instant :

  • Intervenir dans les grèves et les syndicats pour que nos organisations syndicales rompent avec Macron et rejettent le dialogue social sur ordonnances

  • intervenir dans les grèves et les syndicats pour le syndicalisme fédéré et confédéré, de classe et de masse, syndicalisme libre de revendication et d’unité d’action

  • intervenir dans les grèves et les syndicats pour la manifestation et la grève unie tous ensemble au même moment pour l’abrogation et le retrait des réformes et des lois travail, pour les salaires et pour l’emploi, dans la voie de la grève générale

  • intervenir pour les AG souveraines dans les grèves et à la SNCF pour que CGT SUD FO exigent ensemble la retrait total de la réforme ferroviaire

  • intervenir pour que tous les partis, syndicats, mouvements, associations attachés aux libertés fondamentales agissent ensemble contre les violences policières de l’Etat, les agressions « cagoulées », policières et les poursuites contre les jeunes qui disent « NON A LA SELECTION, OUI A L’EDUCATION » et agissent ensemble contre la répression, les licenciements qui frappent les syndicalistes, grévistes, simples manifestants

Nous pensons que c’est l’aspiration commune aux militants, sympathisants des organisations et groupes anticapitalistes.

Ces interventions, selon nous, entrent dans la voie de la grève générale.

C’est dans cette voie que Macron sera défait et pourra être balayé.



28 mai 2018


1 Cette formule était celle de Lénine…Mais JLM n’ose pas citer son auteur

2 https://melenchon.fr/2018/05/22/de-la-maree-populaire-a-lunite-populaire/

3 Grand jury RTL – cité dans http://www.lacommune.org/Parti-des-travailleurs/Lettre-d-infos/Unite-ouvriere-pour-l-abolition-de-toutes-reformes-destructrices-pour-les-salaires-et-pour-l-emploi-i1774.html

Modifié le lundi 28 mai 2018
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