« La colère sociale est là » ...

A la question ; « Craignez-vous un printemps social ? », Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, invité au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI du 31 janvier 2021, avait répondu : « Non, je le souhaite. (…) La colère sociale est là. » S’il est indéniable que la colère sociale est immense, il est vrai aussi que Martinez, contrairement à ce qu’il dit, ne veut absolument pas de « printemps social ». Tout comme il est vrai qu’aucune des directions confédérales syndicales ne le veut.

« La colère sociale est là » ...

« On ne peut pas continuer comme ça ... »

Et Martinez de poursuivre : « On ne peut pas continuer comme ça avec des plans de restructuration et des chômeurs en plus. (…) Si on ne fait rien, ça va continuer et s’accélérer ». C’est exact et les chiffres explosent : ceux des pertes des entreprises (pour ne citer que les plus grosses, Renault, 8 milliards d'euros ; Total, 7,2 milliards ; Air France-KLM, 7,1 milliards ; SNCF, 3 milliards ; ACCOR, 1,98 milliard ; ADP, 1,17 milliard ... et ceux des annonces de licenciements qui ne font pas forcément suite à des baisses de chiffres d'affaires.
C'est en récapitulant l'ensemble des destructions d'emplois pour l'année 2020 qu'on prend la vraie mesure de la catastrophe pour des milliers de de familles : 360 500 emplois détruits sur l'année1. De septembre à décembre 2020, Le Monde a dressé la liste de ces « plans sociaux »2. Pour ne citer que principaux chiffres : Sodexo, 2083 ; Elior, 1888 ; Auchan, 1475 ; IBM France, 1180 ; Akka Technologies, 1150 ; Kidiliz, 1133 ; Thales AVS France, 1006 ; Disneyland Paris, 1000 ...
Sans compter les annonces de suppressions d'emplois déjà connues : Air France, 7580 ; Renault, 4600 sur 3 ans ; Airbus, 5000 ; La Halle, plus de 2500 ; Michelin, 2300 en 3 ans ; SFR, 1700 ; Nokia, 1233 ; Bosch , 750 ...
De quoi redonner des couleurs au CAC 40 qui, après avoir touché le fond le 18 mars 2020, à 3754 points, vient de quasiment retrouver son niveau d'avant la pandémie et a dépassé jeudi 11 mars 2021 les 6000 points !

L'impasse du 4 février

Mais quelle a été la politique revendicative des directions syndicales – et de la CGT – pour imposer l’arrêt des fermetures d’usines et d’entreprises ainsi que l’arrêt des plans de licenciements ? Un appel au tous ensemble au même moment jusqu’à satisfaction ? Non, des journées d’actions sectorielles, isolées et sans lendemain les 21, 26 et 28 janvier (santé, éducation, énergie) avant le « temps fort » : une « journée interprofessionnelle » (CGT-FSU-SUD avec les organisations de jeunesse UNEF-FIDL-MNL-UNL), le 4 février, avant-veille des vacances scolaires. Autant dire que les salarié.e.s ont eu raison de ne pas se laisser entraîner dans cette impasse. Les cortèges n’ont réuni que 20 000 manifestant.e.s à Paris ; 2500 à Nantes ; 1500 à Rennes ; 1200 à Saint-Étienne ; 400 à Metz ; 500 à Poitiers ; 130 à Auxerre ; 300 à Bourges… La tactique de la division, de la démoralisation et de la culpabilisation des bureaucraties a donc été mise en échec.
À Paris, la banderole de tête de la manifestation du 4 février portait pour mot d’ordre : « emplois, salaires, temps de travail, retraites… Relançons le social ». Relancer le social, qu’est-ce à dire ? Les appareils bureaucratiques syndicaux n’ont jamais cessé de « relancer le social ». Depuis 40 ans, ils participent de tous les reculs démocratiques et sociaux, négociant, discutant, concertant jusqu’à plus soif. On l’a encore récemment vu avec la liquidation des retraites de 2019-2020 ou bien avec la réforme de l’assurance chômage.

Confiner les droits des chômeurs.euses ou déconfiner la culture ?

A ce propos, cette réforme scélérate, bien que dénoncée par toutes les directions syndicales confédérales, n'est pas combattue ! Pour preuve, alors que les intermittent.e.s du spectacle et les salarié.e.s de la Culture ont lancé un mot d'ordre de retrait de l'accord, force est de constater qu'aucune bureaucratie syndicale ne les soutient et n’œuvre à l'élargissement de la lutte à tous les secteurs pour tous les salarié.e.s. La CGT, cheville ouvrière de la division des travailleurs et de travailleuses, oscille entre « retrait de l'accord de l'assurance-chômage » et « réouverture des lieux culturels ». Dans le premier cas, c'est la lutte des classes ; dans le second cas, c'est une instrumentalisation de la mobilisation des intermittent.e.s du spectacle au profit, non pas des salarié.e.s, mais des patrons du secteur culturel privé. La défense des intérêts des intermittent.e.s et des chômeurs.euses est bien éloignée de la sordide « mise en scène » que l'on nous joue actuellement depuis Montreuil.

Face à la colère sociale, la loi Séparatisme

Oui, « la colère sociale est là » ! Elle puise ses racines dans la crise économique sans précédent, elle-même accentuée par la crise sanitaire et le COVID-19, qui frappe la population : ce sont les plus de 90 000 mort.e.s du COVID-19, les mensonges d’État et, officiellement, un million de chômeuses/chômeurs en plus et un million de nouveaux pauvres. Elle est l’expression de la crise politique irréversible qui frappe la Ve République illustrée, notamment, par la grève du vote aux élections, les grèves ouvrières de masse (2016, 2017, 2018, 2019) ou le mouvement en Gilets Jaunes.
Le gouvernement s'inquiète de cette colère sociale et prépare l'arsenal judiciaire et policier en conséquence, dans la plus parfaite indifférence des oppositions politiques … qui n'y trouvent en réalité rien à redire. S'ils parviennent au pouvoir, la Ve et son arsenal de lois répressives, dont les toutes dernières, celle sur la Sécurité globale et celle sur le Séparatisme ne leur seront-elles pas particulièrement utiles ?
Après la loi sur la Sécurité globale, vient donc celle sur le Séparatisme, désormais appelée « Respect des Principes de la République ». Remettant en cause la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État et celle sur le droit d'association de 1901, cette loi stigmatise l'islam, sa pratique et ses pratiquant.e.s. Le gouvernement, Darmanin en tête fustigeant Marine Le Pen comme « un peu dans la mollesse », n'a ici d'autre but que de récupérer l'électorat du Rassemblement National et de désigner un bouc émissaire responsable de tous les maux.
Le texte de loi a déjà été adopté en première lecture le 16 février dernier par la majorité gouvernementale … mais aussi grâce à l'appui de l'abstention des députés socialistes et communistes. Si, fidèles à leur défense du catholicisme, les Républicains ont voté « contre », les Insoumis ont révélé à cette occasion leur duplicité : un vote général de façade « contre », des votes favorables pour une grande partie des articles !
Mélenchon, peut se refaire une virginité dans le dossier de l' « islamo-gauchisme » à l'Université que la ministre Vidal, tel don Quichotte, veut éradiquer, il ne trompe personne quand il déclare dans un courrier du 24 février dernier adressé à tous les partis de gauche : « nous croyons à l'urgence de cette réplique »... On l'attend toujours cette « réplique » qui était dite urgente … Il semble qu'il l'ait oubliée dans les discussions pour les régionales (accord LFI-PS-EELV-PCF derrière la candidate verte Karima Delli rendu public le 11 mars 2021) ou la présidentielle...

Trois ans de prison pour le président de la Ve République

Car c'est quand même bien cela le sujet principal pour toute cette classe politique à l'agonie : l'élection du président de la République, ce poste si convoité aux pouvoirs démesurés sous la Ve République ! Un président, chef des armées, chef de la diplomatie, qui peut dissoudre l'Assemblée et s'octroyer les pleins pouvoirs en cas de menace grave et immédiate (article 16 de la Constitution) … sans oublier le petit bonus : l'immunité présidentielle !
Un monarque que ce président de la Ve … la vie de château se finit quand même un jour. Nicolas Sarkozy vient d'être condamné pour corruption active et trafic d'influence : en 2014, en échange d'informations concernant un autre procès en cours, il avait promis d'obtenir un poste à Monaco à un magistrat, tout ceci par l'entremise de son avocat avec lequel il s'entretenait par téléphone avec une carte SIM payée au nom de Paul Bismuth !!!
Résultat : 3 ans de prison dont 1 ferme en première instance ! Si cette peine, qui fait l'objet d'un appel par Sarkozy, est un jour appliquée, l'ancien président de la République ne sera pas enfermé en cellule mais seulement obligé de porter un bracelet électronique. Après la relaxe « faute de preuves » de l'ancien premier ministre Edouard Balladur et la condamnation de François Léotard à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende dans l'affaire des rétrocommissions liées aux ventes d'armes au Pakistan pour financer la campagne présidentielle de 1995, définitivement, un coin a été enfoncé dans la porte vermoulue de l’Élysée et de la Ve République !


Wladimir Susanj
14 mars 2021

1. Dans le détail, 633 000 emplois détruits au 1er semestre masqués par le développement des emplois intérimaires sur le second semestre !
2. https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/12/02/la-france-frappee-par-la-vague-des-licenciements_6061854_3234.html

Modifié le mercredi 24 mars 2021
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