Une expulsion liquidatrice

Nous avons abordé dans notre dernier numéro l’expulsion de Pedro Carrasquedo des rangs du CCI en 1992. L’expulsion de Pedro, Lebreton, Alexis et Antonio pour un prétendu « manquement au centralisme démocratique » préfigurait déjà l’explosion du courant lambertiste en juillet 2015. Comme le rappelait Marx en son temps « Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre ».

Une expulsion liquidatrice

Le 20 février 1992, le comité central (CC) du CCI est réuni. Ses membres sont appelés à voter une résolution contre le « manquement au centralisme démocratique » d’Antonio, lui-même membre du CC. Les jeunes de son secteur ont maintenu un bulletin de l’AJR 1 dans le Val de Marne. Le CC du CCI avait décidé de liquider cette organisation révolutionnaire de jeunes (théoriquement indépendante) au profit de regroupements « parole de jeunes ». En outre, cette décision du CC ne se fondait pas sur l’orientation définie par les congrès précédents du PCI (devenu CCI à la faveur de la proclamation totalement artificielle du Parti des travailleurs, en novembre 1991.)

Pedro, Antonio, Alexis (Corbières) et Lebreton (Jean Paul Cros) refusent de voter cette résolution bureaucratique et sont mis en dehors du Parti le 1 er mars, en attendant que le congrès suivant ratifie leur exclusion. Cette « ratification » intervient le 10 mai suivant. Dès lors, Pedro est officiellement exclu du CCI, ainsi que les trois autres membres du CC. 150 militants, solidaires avec eux, sont exclus à leur tour dans leurs cellules ou des AG de secteur où Lambert descend pour faire ses « mises au point – mises en garde ».

A l’heure du laitier

Moins de 48 heures plus tard, à l’heure du laitier, Pedro et sa compagne sont arrêtés sans ménagement par des forces de l’ordre de type GIGN dédiés à la lutte antiterroriste. S’en suit une garde à vue de 96 heures, avec les longs interrogatoires de rigueur. Pedro avait hébergé un militant basque et le voilà accusé de « soutien logistique à une association de malfaiteurs », en l’occurrence, ETA. Il sera relaxé de ce chef d’inculpation trois ans plus tard. Sur l’instant, son arrestation fait l’objet d’une dépêche AFP qui cite la police. Mais, dans la foulée, au nom du CCI, Pierre Lambert se fend d’un communiqué de presse pour le moins surprenant. (Voir illustration ci-contre)

Rupture du principe de solidarité face à la répression

On l’a vu, Lambert cite, sans aucune critique, la version officielle et s’empresse surtout de souligner que Pedro n’est plus membre du CCI (sic). Et, surtout, en rupture avec le principe élémentaire de solidarité avec tout militant en butte à la répression, Lambert n’exige pas la libération immédiate et inconditionnelle de Pedro. Ce communiqué ne peut que jeter le trouble parmi les militants du CCI. Certains d’entre eux (propos entendus par l’auteur) soupçonneront Pedro d’être « un agent d’ETA ». Pedro qui, jusqu’ici, était officiellement chargé par son parti des contacts avec le parti indépendantiste basque Herri Batasuna, dont les communiqués étaient fréquemment lus à la Tribune des meetings « lambertistes ».

De la calomnie à…

En pareil cas, les griefs adressés aux militants éjectés sont rétroactifs : Pedro aurait œuvré à une compromission « pro-traité de Maastricht » des indépendantistes basques avec l’État espagnol oppresseur. Et, il aurait tenté de « faire main basse » sur le CNDDDTI 2 dont il était pourtant le principal animateur (très rapidement, le CCI abandonnera le CNDDTI et lors de sa campagne présidentielle de 2002, Daniel Gluckstein prendra soin de laisser de côté la question de la régularisation sans condition de tous les sans-papiers et de la fermeture des camps de rétention). Viles calomnies. Et de la calomnie à la violence physique, il n’y a qu’un pas, bien vite franchi.

… la violence

Les militants exclus, et c’était leur droit démocratique le plus strict, ont constitué une fraction publique du CCI en vue d’obtenir leur réintégration. Et, à l’entrée d’un meeting du PT dont ils étaient encore formellement membres, ils ont distribué un tract (21-05-1992). Ou, du moins tenté de le faire, avant de se faire agresser et prendre en chasse par le SO. Une jeune militante est blessée. Ensuite, à deux reprises, des militants étudiants qui maintiennent l’AJR seront à leur tour victimes de coups et blessures à deux reprises, à la faculté de Jussieu (notamment, le 31-03-1993).

Ne pouvant dans ces conditions espérer leur réintégration dans le CCI, les exclus constituent, autour du journal éponyme, le groupe La Commune et vont contacter les trotskystes dits « morénistes » d’Amérique latine trempés dans les combats extraordinairement difficiles contre les dictatures et l’impérialisme yankee.

Daniel Petri,
04-01-2017

A suivre : Aux origines de La Commune

1. Alliance des jeunes pour le socialisme

2. Comité national de défense des droits démocratiques des travailleurs immigrés

Sources : archives La Commune

Modifié le samedi 07 janvier 2017
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