Pour Pedro. De l’OCI à La Commune : retour sur une expulsion bureaucratique, première partie

Dans notre dernier numéro, nous avons évoqué la vie militante de notre camarade Pedro Carrasquedo (1951-2015), fondateur de notre journal et de notre organisation. A cette occasion, nous avons rappelé qu’il fut pendant près de 25 ans permanent de l’OCI (devenue PCI puis CCI), journaliste d’Informations ouvrières (fondé par Pierre Lambert). Jusqu’à son expulsion de ce parti, en mai 1992. Une expulsion qui coïncida avec l’arrestation de Pedro et de sa femme, puis son inculpation pour avoir hébergé des militants indépendantistes basques. En voici les prémices.

Pour Pedro. De l’OCI à La Commune : retour sur une expulsion bureaucratique, première partie

C’est en 1967 que Pedro, encore très jeune, rejoint l’Organisation Communiste Internationaliste, au Lycée Voltaire à Paris XXe. 7 ans plus tard, il devient permanent de ce parti qui est alors très prometteur. Il est chargé des liens avec les militants espagnols et basques, plongés dans la clandestinité. Plus tard, il devient responsable de l’unité départementale des Yvelines, puis membre du Comité central de l’OCI. Nous ne reviendrons pas ici sur les différentes activités qu’il a menées alors 1 . Pedro se définit lui-même comme un soldat de son parti, lequel incarne le programme de la IVe internationale auquel il est attaché .Fortement et inconditionnellement discipliné, il se montre en même temps attentif à tout ce qui se passe, à ce qui va et ce qui ne va pas dans le parti.

« Stagnation à la baisse »

En 1981, l’OCI devient PCI et en 1985, le PCI impulse un mouvement plus large : le Mouvement pour un parti des travailleurs. En effet, il apparaissait clairement alors aux yeux de millions de travailleurs que le PCF et le PS avaient trahi leurs aspirations et tourné le dos à la défense de leurs intérêts vitaux. La nécessité d’un nouveau parti ouvrier commençait à être ressentie comme un besoin, notamment parmi les militants du PCF et du PS, parmi les syndicalistes. Quatre ans plus tard, le MPPT apparaît cependant comme une seconde édition à peine augmentée du PCI. Les effectifs du PCI baissent (Lambert emploiera alors la formule « stagnation à la baisse » pour tenter de relativiser ce phénomène). À ce moment-là, décision est prise de mener campagne pour l’interdiction du travail précaire. Cette bataille accroche : le mot d’ordre est simple et clair, il est populaire. Des comités pour l’interdiction du travail précaire prennent corps. Il s’en suit une manifestation nationale du MPPT à Paris qui sera un véritable succès. Hélas, dès le lendemain, les dirigeants du PCI font sonner « la fin de la récréation ». Beaucoup de militants restent alors sur leur faim. Et, parmi eux, Pedro.

La reconstruction du travail Jeune

Certes, en 1986, un coup a été porté au PCI, avec le brusque départ de son jeune dirigeant Cambadélis au PS, entraînant avec lui 400 militants, étudiants pour la plupart (il leur faussera compagnie ensuite pour devenir un cacique du PS). Tout le « travail jeune » est à reconstruire. Un an plus tard, le PCI impulse une organisation de jeunesse : l’AJR-pour le socialisme. Cette organisation va peu à peu s’implanter dans les universités, y trouver droit de cité et capacité d’initiative.

En 1990-1991, le PCI va jouer un rôle décisif dans les mobilisations contre la guerre du Golfe, au travers du Serment du 7 décembre pour une paix juste et durable signé par de nombreuses personnalités, au premier rang desquels Maître Denis Langlois 2 , mais aussi, pour le PCF, Maxime Gremetz. Pour la première fois, le PCF et le PCI sont engagés dans une action commune. Pourtant, là encore, de cet élan il ne sortira rien. La « stagnation à la baisse » continue.

Face à l’auto-proclamation et ses suites

C’est à ce moment-là qu’est décidée la proclamation du Parti des travailleurs dont le PCI deviendrait un « courant ». Dans le même ordre d’idée, décision est prise de dissoudre l’AJR au profit de regroupements de type « paroles de jeune ». Le combat pour l’organisation révolutionnaire de la jeunesse qui avait marqué toute la croissance de l’OCI est reléguée au musée des « enseignements de notre histoire ». Le caractère bureaucratique de ces mesures est visible comme le nez au milieu de la figure.

Quatre membres du Comité central du PCI (Pedro Carrasquedo, Jean-Paul Cros, Antonio Guzman et Alexis Corbières) préparent alors un texte de critique ferme et résolu de ces dispositions et du caractère d’auto-proclamation d’un parti des travailleurs… Sans travailleurs (hormis les militants ouvriers trotskystes). Ils interviennent contre la dissolution de l’AJR. Ils sont mis en minorité au Comité central.

Vers l’expulsion

Dans le Val de Marne, les jeunes militants du PCI ne veulent pas se laisser déposséder de leur organisation de jeunesse et décident de maintenir le bulletin « L’étincelle » de l’AJR 94. Ce prétexte est aussitôt saisi par Lambert et Gluckstein pour jeter dehors les dissidents, au nom du centralisme démocratique transformé ici en une norme desséchée et « formalisée ». Pedro et ses camarades vont rapidement connaître le sort de nombre d’anciens militants valeureux : Balasz Nagy (dit Varga), Stéphane Just, Pierre Broué, Langevin, exclus du Parti de Lambert, calomniés, traités en renégats.

( À suivre)

Daniel Petri,
07-12-2016

1. Voir nos articles : http://www.lacommune.org/Parti-des-travailleurs/La-commune/Journal-mensuel-de-La-Commune/La-Commune-n-100-i1368.html ; http://www.lacommune.org/Parti-des-travailleurs/La-commune/Les-notres/Pedro-Carrasquedo-1951-2015-un-dirigeant-ouvrier-authentique-i1545.html
2. http://denis-langlois.fr/Appel-des-75-contre-la-guerre-du

Modifié le samedi 10 décembre 2016
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