Hommage à Buenaventura Durruti

L’héritage de l’anarchisme ouvrier révolutionnaire

Le 19 novembre 1936, à l’âge de 40 ans, Buenaventura Durruti, l’infatigable combattant ouvrier anarchiste, était tué au cours des combats contre les franquistes à Madrid 1 . Quelques jours auparavant, il s’était opposé au décret de la militarisation des milices de défense ouvrière imposé par les staliniens pour empêcher la révolution. De même, il avait contesté la participation de la CNT, grande centrale anarchiste, au gouvernement. Son enterrement fut suivi par 250 000 personnes tant son prestige était grand.

Hommage à Buenaventura Durruti

Né en 1896, au cœur d’une période de l’histoire où se révéla un tempérament révolté chez le mécanicien espagnol, Buenaventura prit conscience de l’injustice du monde grâce à l’influence de son père.

En 1912, après 2 années à apprendre la mécanique et le socialisme, Durruti entrait dans un syndicat faisant partie de l’UGT (Union General de Trabajadores).

Contre l’exploitation

Durant la grève de 1917, l’UGT lançait une grève où Durruti confirmait une volonté de sortir des rangs et de mener une révolution. Rapidement en contradiction avec l’exploitation ouvrière, il s’exilait en France où il se liait d’amitié avec Sébastien Faure, Emile Cottin, Louis Lecoin et des anarchistes espagnols militants CNT (Confédération Nationale du Travail). En 1920, ayant gardé un lien avec son pays, il rejoignait Barcelone où il intégrait la CNT puis, retrouvait Manuel Buenacasa du côté de Saint-Sébastien. La ville semblait «trop calme» pour Durruti qui s’installait ainsi à Barcelone en 1923 pour fonder « Los Solidarios ». Le groupe fut alors impliqué dans une tentative d’assassinat du roi d’Espagne Alphonse XIII. Le cardinal Soldevila avait fait venir un groupe de tueurs professionnels pour faire assassiner les meneurs de la CNT de Saragosse. Le gangstérisme faisait des ravages dans de nombreuses villes d’Espagne quand en 1923, le cardinal fut exécuté.

L’insurrection couvait mais les armes manquaient.

Au cours du mois de juin 1923, Durruti et Francisco Ascaso échouaient en essayant d’acheminer des armes par bateau.

Pour l’insurrection

Vers la fin de l’année 1924, les deux camarades embarquaient pour Cuba et commençaient une campagne pour mener une révolution en Espagne ; autant dire qu’ils devinrent rapidement les cibles de la police du pays. Durant les 2 années qui suivirent, ils traversèrent de nombreux pays d’Amérique du Sud jusqu’à arriver dans la ville de Cherbourg où ils furent arrêtés. En 1927, une grande campagne fut menée en faveur de leur libération par Louis Lecoin, Ferandel et Sébastien Faure qui parvinrent à mobiliser l’opinion générale grâce à la presse. Pourtant, la vie de Durruti se trouvait perpétuellement menacée. Sa tête étant mise à prix, il vécut clandestinement jusqu’à passer six mois en prison dont il sortit en affirmant avec courage : « Nous recommencerons ! » . Avec Ascaso, Durruti s’apprêtait à rallier le Mexique depuis la Belgique avec l’aide et le soutien d’un acteur célèbre allemand (Alexander Granach) lorsque le régime s’écroula en Espagne, bouleversant leurs projets et les rappelant à leur cause : La défense des droits des ouvriers exploités.

Pour la défense des droits des ouvriers exploités

C’est ainsi qu’en 1931, Buenaventura devint un représentant influent de l’anarchisme en Espagne, en appartenant à la CNT et la FAI (Fédération Anarchiste Ibérique). Il prit part à tous les mouvements révolutionnaires.

Federica Montseny, militante de la CNT, évoquait Buenaventura en ces mots : « La prestance de Durruti, sa voix de stentor, sa manière de s'exprimer, simple et accessible à tous, exercent sur les masses une puissante attraction. García Oliver est persuadé de lui être supérieur, mais les camarades et le peuple en général préfèrent Durruti, devinant intuitivement la bonté de son cœur et la droiture de son caractère ».

L’acte et la parole

La République fut proclamée en Espagne qui cherchait à éteindre le « feu Durruti » en l’enfermant dans des bureaux. Durruti ne se laissa pas endormir par l’administration et participa au meeting d’affirmation révolutionnaire du 1er mai 1931 qui rassembla 100 000 personnes en scandant : «Liberté pour les prisonniers et réformes sociales urgentes. »

Lors de cette manifestation, de nombreux hommes et femmes périrent sous les bottes des soldats et dans ce chaos, Durruti parvint à convaincre les soldats de retourner leurs armes contre la garde civile.

Ne se laissant jamais engourdir par sa grande popularité, Buenaventura restait fidèle à ses convictions et parlait avec son cœur de l’injustice sociale qui touchait les ouvriers. Il avait prouvé sa capacité à joindre les actes à la parole. Durruti ne cessait jamais de combattre l’exploitation du peuple par la classe dirigeante. Aujourd’hui, 80 ans après sa mort inexpliquée, son combat continue puisque les ouvriers sont toujours exploités par une élite qui vante «Le mérite du travail pour gagner le droit de vivre», cette même élite qui survit sur le dos du peuple comme une puce sur un chien depuis bien trop longtemps.

Notre héritage «Durruti » serait peut-être de comprendre que la lutte contre l’exploitation ouvrière s’est amplifiée depuis ce funeste 19 novembre 1936, et que nos camarades ne sont pas tombés en vain.

Suzanne Floris,
02-12-2016

1. Les circonstances de sa mort ne sont pas élucidées, mais il est clair qu’il n’a pas été tué par des balles franquistes. Des soupçons de meurtre pèsent sur les staliniens ou sur ordre de la bureaucratie de la CNT au gouvernement.

Modifié le samedi 10 décembre 2016
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