Vers l'explosion sociale ?

Chronique hebdo, 2 mai 2013Si on se fiait aux apparences, il nous apparaîtrait qu'en dépit des affaires ravageuses et de la crise sociale et politique généralisée, les institutions de la Vème République tiennent fermement, la droite et l'extrême droite occupent le haut du pavé, la montée de l'extrême droite n'en finit plus depuis quarante ans, la combativité des travailleurs est au point mort et, pendant que nous y sommes, Mélenchon est l'irréductible opposant à la Vème République et au gouvernement. Dans ces conditions, il ne resterait aux militants anticapitalistes que nous sommes qu'à lui emboîter le pas " sur nos mots d'ordre " dès le 5 mai. Au même jeu des apparences, les directions confédérales CGT et FO sont les ennemies jurées de l'ANI ne parvenant malheureusement pas à mobiliser les salariés contre ce dispositif scélérat. La sollicitation des apparences du jour, en partie façonnées par des media complaisantes, empêche en réalité de passer au crible la situation dans laquelle nous nous trouvons, de comprendre la réalité même si elle est complexe, et de mettre à jour ses contradictions. Mais, comme dirait Nestor Burma : " il faut regarder les choses qui sont derrière les choses ".Trotsky a dit un jour qu'un des éléments du rapport des forces politique (entre les classes, s'entend) est l'appréciation que l'on en a. Si le parti anticapitaliste considère que le rapport des forces est défavorable à notre classe et que cette appréciation ne correspond pas à la réalité, il devient impuissant à le rendre " plus favorable ". De même que toute appréciation " triomphaliste " et d'un optimisme béant ne restitue pas plus le vrai rapport des forces entre les classes et nous rend là aussi impuissants à influer sur le cours des choses.

Faire face à un dispositif bureaucratique



Ce qui a fait dire à Trotsky, à propos de la France en crise en 1935 que " sans grande perspective, les travailleurs ne commenceront pas à lutter ". Cette grande perspective, c'est la grève générale, c'est-à-dire le rassemblement au grand jour des exploités et des opprimés. Or, non seulement, les directions syndicales se dressent contre cette perspective mais, de plus, elles acceptent de négocier les conditions de la remise en cause des conquêtes sociales et des garanties collectives reconnues aux salariés. l'affaire de l'ANI a bien montré qu'il existe un partage des tâches entre directions syndicales signataires et directions syndicales non-signataires, les unes légitimant l'ANI, les autres jouant le rôle de pare-feu à la riposte contre cet accord scélérat : aucun appel " carré " à une grève générale d'avertissement et refus " carré " d'exiger le retrait-annulation de cet accord que les " non-signataires " négocieront à nouveau dans les branches et les entreprises. Le même scenario se prépare pour la négociation de la prochaine " réforme " des retraites. C'est ce qui explique en grande partie que cette année, plus encore que les précédentes, les directions syndicales ont tout fait pour disloquer, émietter, affaiblir par tous les moyens les " mobilisations " du 1ermai auxquelles il convient de mettre les guillemets.

Une dernière fois sur le 5 mai de Mélenchon



Le dispositif que nous venons de décrire est un dispositif bureaucratique. Il n'est pas, loin s'en faut, à toute épreuve. Tout d'abord, il affaiblit considérablement les directions syndicales. Un nombre croissant de salariés considèrent que ces appareils syndicaux ne " les représentent plus " à telle enseigne que le phénomène abstentionniste commence à gagner les élections professionnelles (à la SNCF, notamment). A un moment donné, le rejet instinctif (et vital) de la déchéance et de la dégradation des conditions de vie seront plus fort que les dispositifs bureaucratiques. C'est une loi de l'Histoire qu'il convient de ne pas oublier.
Et nous pensons que les militants anticapitalistes peuvent hâter ces événements. Comment ? En prenant dès maintenant des initiatives visant à combattre dans les syndicats et les entreprises toute velléité de négocier ce qui n'est pas négociable, à tous les niveaux, en regroupant autour de leur plan d'urgence et en traçant la perspective de la grève générale pour en finir avec la politique anti ouvrière et avec le régime qui produit cette politique. Ce serait un élément nouveau du rapport des forces, non ? Il n'y a là évidemment aucun " triomphalisme ".
Le " triomphalisme " qui est une posture serait plutôt dans les fanfaronnades de Mélenchon autour du " 5 mai ", dont il faut, à 4 jours de l'échéance, résumer brutalement l'objectif même pas caché : faire croire qu'il faut et qu'on peut " gauchir " la politique de ce gouvernement y compris en se proposant comme 1er ministre ! Dommage que notre parti se mette à la remorque de cette pitoyable manoeuvre au prétexte que " les masses vont y aller " !

A quelle aulne Mélenchon mesure-t-il sa chance de succès d'une bonne pression sur Hollande et son strapontin de 1er ministre ? Ecoutons-le "Si vous ne voulez pas me mettre minable, il faut être plus de 100 000", a déclaré Mélenchon le 20 avril sur France 2. Le PCF suit mais très cauteleusement. Bien peu de tracts du PCF ce 1e mai appelant au 5 mai, bien peu. Un " cap à gauche du gouvernement ", oui, mais pas plus, ce gouvernement est trop faible pour qu'on le bouscule et nous, FdG, sommes dans la majorité gouvernementale. Voilà le langage du PCF à l'adresse de Mélenchon, dès fois qu'il l'ait oublié quand il brasse de l'air dans ses numéros devant les média. De ce point de vue, notre camarade Olivier Besancenot fait une erreur d'appréciation quand il déclare vouloir : "transformer la marche de Jean-Luc Mélenchon en première grande manif' de la gauche antigouvernementale".
Quelle " gauche antigouvernementale " ? Le PCF qui négocie discrètement d'ores et déjà ses mairies et sa place aux prochaines municipales avec la " gauche gouvernementale " ? Le Parti de Gauche qui fait pareil et qui vient de déclarer son opposition à la baisse du budget de la Défense, bel exemple de politique antigouvernementale ?
Parler donc de " gauche antigouvernementale " en ce qui concerne le FdG est un non-sens et une affirmation démentie par les intéressés. Le FdG n'est pas au gouvernement, certes, au même titre que le PCF n'était pas au gouvernement en 1936, pour mieux soutenir, de l'extérieur, le gouvernement Blum et mieux trahir la grève générale de 1936. Petite différence : cette fois-ci, Mélenchon postule à être 1er ministre. Et il ferait partie de la " gauche antigouvernementale " ? Nous avouons ne pas comprendre cette dialectique là !
Disciplinés et loyaux, nous manifesterons le 5 mai prochain. Mais qu'il nous soit permis, d'ici là, de douter que :
-les " masses " descendront dans la rue pour la VI République et que nous serons 100 000 !
-ce sera la " première marche d'une manif antigouvernementale "
Cette erreur politique d'appréciation risque de mener nombre de militants du NPA et d'ailleurs vers des désillusions et des lendemains de " gueule de bois ". Dommage.
Bien entendu, si les faits nous démontrent le contraire et nous apportent un démenti cinglant, nous serions les premiers à le reconnaître sans l'ombre d'une hésitation.






Un gouvernement faible, mais pas de gouvernement de rechange



Poursuivons. Sans ce dispositif bureaucratique des appareils syndicaux, le gouvernement ne serait pas en mesure de poursuivre les " réformes ". Ce gouvernement ne peut rien " réformer " sans le concours de plus en plus actif des directions syndicales. D'où l'idée de mettre " la démocratie sociale " dans la Constitution. Or, pour que cette " démocratie sociale " fonctionne, il faut un gouvernement fort. Or, une des données objectives du rapport de force entre les classes réside dans la faiblesse de l'exécutif alors même qu'il n'existe pas d'exécutif de rechange. l'UMP plongée elle-même dans une grave crise de direction n'est pas " prête à gouverner " et son chef autoproclamé n'ose donc pas exiger la démission du gouvernement et, encore moins, des élections anticipées.


l'appréciation que l'on a de la crise politique n'a donc rien d'accessoire. Sa dernière manifestation s'est produite à l'occasion des journées parlementaires du PS où il soufflait un vent de fronde : en accord sur le fond avec le " cap " fixé par Hollande, la plupart des parlementaires résistent contre la remise en cause de leurs prérogatives et de leur statut. Ce n'est pas une simple affaire de défendre les privilèges, même si c'est l'un des ressorts de cette fronde. C'est la question du rôle des députés et sénateurs, sans cesse battu en brèche par l'Exécutif qui exige d'eux qu'ils plébiscitent ses lois et qu'ils soient ses simples relais locaux, dans la logique des institutions de la Vème République. Cette fronde n'aurait pas lieu d'être si ces mêmes parlementaires avaient confiance dans la capacité de l'Exécutif à " tenir le cap " et à " réformer " en profondeur la société française. Les caciques du PS accepteraient alors volontiers de s'en tenir à rester ce qu'ils sont, un parti godillot et de voter sans pinailler les lois qu'ils sont sommés de voter. Ils accepteraient même, bon an mal an, les menus " sacrifices " qu'on leur demande pour montrer l'exemple de l'austérité. Mais, pour l'heure, ils se plaignent de " souffrance au travail " !

La crise du PS et ses racines sociales



Nous pourrions banaliser cette " fronde " car le PS nous a habitués depuis fort longtemps à ses règlements de compte en public. Ce qui se produit à chaque fois que ce parti sent le sol se dérober sous ses pieds. Il se trouve en effet que ce parti n'a plus de base sociale cristallisée et de base électorale stable. Historiquement, la social-démocratie s'appuyait sur l'aristocratie ouvrière, cette composante du prolétariat qui était payée " au-dessus de sa valeur " percevant ainsi les " miettes des surprofits des monopoles ". Cette couche sociale a été sacrifiée et décimée au gré des restructurations industrielles qui se sont enchaînées ces dernières décennies. Le PS a pu alors capter un électorat issu des diverses " couches moyennes " : cadres, ingénieurs, professions libérales, tout en préservant un " potentiel " parmi les salariés du Public. La présidentielle de 2007 a modifié cette donne : une partie de l'électorat " acquis " au PS a été captée par le Modem et, à la marge, par Sarkozy. En 2012, il a gagné par défaut, tandis que l'abstentionnisme reprenait sa progression. Un an après, la gauche de ce parti s'affole : " nous allons droit dans le mur à 300 à l'heure ". Le remède de cette " gauche " ? Relancer la gauche plurielle comme en 1997. Cette " perspective " se combine avec l'offre de service faite par Mélenchon à Hollande en vue d'un poste de ...Premier ministre.

Dans quel état est la droite ?



La descente aux enfers du PS ne risque-t-elle pas de " profiter à la droite et à l'extrême droite " ? Si nous entendons par là que le PS devra céder des villes, des départements et des régions lors des prochains rendez-vous, oui, sans doute. Mais, dans l'attente, l'UMP est dans un sale état et le FN louvoie, lui-même aux prises avec de sérieuses contradictions internes. Le feuilleton de la Manif pour tous donne un aperçu saisissant de l'état réel de " l'offensive de la droite et de l'extrême-droite ". A tous les media qui font un parallèle entre " les années 30 " et le moment présent, nous serions tentés de répondre qu'à côté des démonstrations réactionnaires de 1934, les " manif pour tous " sont ce que la chicorée est au café et qu'à côté des ligues fascistes et cagoulards de ces années-là, les " printemps français " et autres " identitaires " sont de vilains farceurs. Que l'UMP, incapable de prendre les rênes de ce pseudo " mouvement social " prenne comme égérie une " Frigide Barjot ", qu'on ne saurait comparer aux de La Rocque et autres factieux à la sauce Maurras, Darquier de Pellepoix and Co, montre bien que nous sommes y compris bien en deçà des manifestations pour l'Ecole privée de 1984 et que l'UMP est vraiment dans une mauvaise passe. Les tergiversations du FN par rapport à ces manifestations (Marine Le Pen s'est bien gardée d'y aller et d'engager le FN, laissant à Collard le " sale boulot "dans la dernière manif) donnent une indication de ce qu'est " l'offensive de l'extrême droite ". Bien entendu, qu'on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas : aucune complaisance avec la vermine néofasciste et fasciste n'est tolérable et les bonnes vieilles méthodes ouvrières sont les meilleures pour les exterminer. Mais il est bon de ne pas confondre les époques et les rapports de force.

Quelle "montée de l'extrême droite" ?



Allons d'ailleurs plus loin. Il reste à comprendre à quoi sert et à qui profite le tapage médiatique autour de la " montée de l'extrême droite " et des " manif pour tous " et de leur " radicalisation ". Voilà maintenant 40 ans qu'il est question de " la montée de l'extrême-droite ". Cet intarissable sujet de commentaires est, à nouveau, au centre de toutes les extrapolations. Les gesticulations d'une " frange " de manifestants " anti-mariage gay " en fournissent le prétexte. S'y ajoutent quelques agressions aussi ignobles que lâches. Voilà, en tout cas, qui arrange bien les affaires du gouvernement, au moment où il est aux abois, au moment où il s'apprête à prendre les mesures les plus réactionnaires possibles contre la population laborieuse de ce pays. Bien entendu, encore une fois pour qu'on ne nous taxe pas de légère, nous ne prenons la juste mesure des velléités d'affrontement de quelques groupements à la marge du FN. En ce qui nous concerne, nous avons toujours dit que l'islamophobie d'Etat libérait un " espace " à cette " frange ", de même que tous les discours chauvins dont la gauche n'est pas avare, à commencer par le " citoyen Mélenchon ". Il faut cependant savoir proportions garder et comprendre à quoi sert et à qui sert le tapage autour de " la montée de l'extrême droite ". Tout d'abord, il est clair que tout le " débat " autour du " mariage gay " a été orchestré comme une diversion, selon un scenario préétabli car il était clair que cette question allait aboutir à des manifestations, des dérapages verbaux et physiques, des envolées lyriques sur l'égalité des droits. Sans compter les hésitations de Hollande, soi-même qui, en invoquant une " clause de conscience " des maires, a lui-même ouvert une brèche. Sans compter les tergiversations gouvernementales autour de la GPA et de la PMA. Sans compter l'opposition également louvoyante de l'UMP au projet de loi sur le " mariage gay ". Sans compter encore les hésitations du FN à s'emparer de cette thématique et à s'inscrire pleinement dans " la manif pour tous " avec laquelle Marine Le Pen a elle-même, répétons-le, pris ses distances, le jour même de la dernière manifestation ( 23 avril), en expliquant doctement que ce sujet ne recoupe pas les préoccupations des " français " qui se demandent comment ils vont boucler la fin du mois, s'ils vont garder leur emploi, etc. Ainsi donc, une réforme " sociétale " qui aurait pu être adoptée dès l'automne, et nous en étions bien entendu des farouches partisans, au premier rang de ce combat élémentaire pour l'égalité des droits, a été étalée dans le temps ... Le temps nécessaire à la mobilisation CONTRE le projet. Et, subitement, Hollande décide d'accélérer le calendrier, en sachant pertinemment que cela va passablement énerver les " anti " et faire monter la tension d'un cran. Les media braquent alors leurs projecteurs sur les faits et gestes des " anti ". Dans le même temps, les travaux parlementaires en vue de transposer l'ANI dans la loi vont bon train, au même moment, répétons-le ! Pour éviter tout affadissement de cet accord dans la loi, le gouvernement recourt à la procédure de vote bloqué au Sénat. Tandis qu'un nouveau train de mesures " budgétaires " prend corps, avec de nouvelles " restrictions " d'un côté et de nouvelles augmentation d'impôts de l'autre. Toujours est-il que le projet de " mariage gay " initialement plébiscité par les sondages, et à juste titre, suscite en définitive dans les mêmes sondages, une défiance que toute la publicité autour de la " manif pour tous " a rendue possible.

S'agissant des groupuscules d'extrême droite (qui selon Marion Maréchal Le Pen " ne représentent qu'eux-mêmes "), le politologue J.Y Camus interviewé par Le Figaro les évalue comme suit : " On compte ainsi entre 1000 et 1500 militants au Bloc identitaire (eux en revendiquent 3000). Les Jeunesses nationalistes fédèrent 500 à 600 personnes, le Renouveau français environ 300 et le GUD, 50 à Paris et 50 à Lyon "
(http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/04/15/01016-20130415ARTFIG00555-la-frange-radicale-veut-tirer-parti-du-mouvement-anti-mariage-gay.php)
_ Sans doute, quelques milliers de trop. Mais à l'évidence, le loup n'est pas encore dans la bergerie. Tout au plus rôde-t-il aux alentours. Le désormais traditionnel rassemblement du FN le 1er mai peine à regrouper " quelques milliers de manifestants ", bien qu'il s'agisse d'une " montée nationale ". Et pour qui prête l'oreille au discours de Marine Le Pen réalisera bien vite qu'il n'y a pas d'axe dans ses interventions hors les grands mots et les rodomontades électorales.

" RTT et salaires intouchables "


En revanche, les enquêtes d'opinion menées mois après mois nous donnent une indication intéressante sur l'état d'esprit des salariés et de la population. :

" RTT et salaires intouchables pour une majorité de Français "
Par Stéphane Dupont | 10/01 | 18:01 | mis à jour à 18:43 |

55 % des personnes interrogées par CSA pour " Les Echos " ne trouvent pas justifié de demander aux salariés, dans le cas d'une entreprise où des emplois sont menacés par le manque d'activité économique, d'accepter une baisse de leur salaire ou de renoncer à des jours ou des heures de RTT. "
_ C'est un chiffon rouge agité par la CGT dans la négociation sur le marché du travail. Et manifestement aussi une ligne jaune à ne pas franchir pour une majorité de Français. A la question " Dans le cas d'une entreprise où des emplois sont menacés par le manque d'activité économique, pensez-vous qu'il est justifié ou qu'il n'est pas justifié de demander aux salariés d'accepter une baisse de leur salaire ou de renoncer à des jours ou des heures de RTT ? ", 55 % des personnes interrogées pour le baromètre CSA pour " Les Echos " répondent " non " et 43 % " oui ". " Un résultat sans appel " pour Jérôme Sainte-Marie, de CSA. Seuls les sympathisants de droite, les plus de 65 ans et les travailleurs à leur compte trouveraient majoritairement " justifiée " cette éventualité. Les autres classes d'âges, les salariés, les cadres et professions libérales n'y adhérent pas. " Les Français refusent d'entrer dans cette logique, de faire du salaire ou de temps de travail une variable d'ajustement de l'emploi ", analyse Jérôme Sainte-Marie


Il est à noter que ce sondage est intervenu à la veille de la signature de l'accord ANI MEDEF/CFDT

Le contenu social de l'impopularité de Hollande


Autre indication plus récente encore :

54% des personnes interrogées contre le crédit de 20 milliards d'impôts accordé aux entreprises

Sondage Fiducial-IFOP-Europe n°1 du 15 avril

Ces indications traduisent de façon déformée le contenu social de l'impopularité criante du chef de l'Etat, évaluée désormais à 75%. Un contenu social qui n'est en rien réactionnaire mais qui est au contraire potentiellement anticapitaliste.
_ Dans ces conditions, on comprend mieux les efforts de propagande sur le thème de la " montée de la réaction anti parlementaire " face à laquelle la politique menée par Hollande serait un moindre mal et, chemin faisant, mettre à l'ordre du jour la nécessaire union sacrée des partis institutionnels. Nécessaire, en effet, dans un contexte ou ni l'Exécutif en place, ni l'UMP ne peuvent " tenir le pays " seuls. Mais, cette Union nationale n'a rien à voir avec la nécessité de faire face à des émeutiers cherchant à déstabiliser " l'ordre républicain ". Un ordre républicain qui, en ce moment même se referme sur six salariés de Good Year menacés de licenciement qui avaient osé défier les flics de Valls, et en garde à vue à l'heure où nous écrivons ces lignes.

Velléités d'Union nationale


Ainsi, dans notre Chronique du 7 avril dernier, nous faisions état des " propositions de gouvernement d'union nationale émise par l'ancien conseiller économique de Pompidou, Jean-René Bernard, d'unité nationale sans laquelle, selon lui, aucune " réforme " (à la hauteur des besoins des capitalistes et des banquiers s'entend) ne pourra s'imposer. " Cet obscur technocrate est aujourd'hui relayé par le porte-flingue de Juppé, Benoît Apparu. Voici la teneur de sa proposition :

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Apparu veut " un accord politique entre le PS et l'UMP "
16 avril 2013 14 h 08 min ⋅ Leave a Comment ⋅ Maxence Lemasson
Propos recueillis par Benjamin Sportouch, publié le 16/04/2013 à 13:24

Face à une triple crise - économique, sociale, morale - l'ex-ministre UMP propose un gouvernement d'union nationale. Objectif: mener dix réformes majeures en dix-huit mois. Interview.

(...)

Jean-François Copé réclame un remaniement. Est-ce la réponse adaptée?
_ Nous nous trouvons dans une situation inédite de crise économique et de crise sociale. Est en train de s'ajouter une crise morale et politique. Les trois ensemble sont les ferments d'un risque de déstabilisation majeure des institutions françaises, qui peut se traduire par des débordements. Face à cette triple crise, un remaniement ne me paraît pas suffisant. A partir du moment où François Hollande n'a pas le courage politique de retourner devant les urnes et de trancher les différends au sein même de sa majorité, il me semble que la seule réponse appropriée est un gouvernement d'union nationale.

UMP et PS main dans la main?
_ Je préconise en effet un accord entre le PS et l'UMP pour dix-huit mois afin de mener dix réformes majeures, structurantes, permettant de mettre le pays sur de bons rails. On oubliera les réformes parallèles, notamment les réformes sociétales et électorales, trop clivantes. Pour cela, il faut un président de gauche, un Premier ministre de droite et un gouvernement resserré avec dix ministres de droite, dix ministres de gauche qui soient des professionnels de la politique en même temps que de très bons techniciens.

Quelles seraient ces réformes incontournables?
_ Je pense en premier lieu à la carte administrative française, pour supprimer un échelon, une réforme de l'école digne de ce nom, une autre de la formation professionnelle, une réforme plus complète du droit du travail, une réforme du financement de la Sécurité sociale au sens large, comprenant retraites, maladie et assurance-chômage, et une réforme fiscale. Ce qui nous a souvent empêchés de procéder à des réformes lourdes, ce sont les manichéismes à la française. Dans cette période de crise avec 0% de croissance, il faut les mettre de côté au nom de l'union nationale.
(...)

Vous excluez le Front national et le Front de gauche. N'est-ce pas dangereux?
_ Je les exclus parce qu'il n'y aura aucun accord possible avec eux. Il est évident qu'on prendrait le risque politique d'être accusés de collusion par les extrêmes. Je l'assume en considérant qu'aujourd'hui la question n'est plus ni électorale ni politicienne, mais qu'il y a urgence à agir pour sortir notre pays des trois crises qui le fissurent dangereusement.

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" Un risque de déstabilisation majeure des institutions françaises "


Benoît Apparu, ancien ministre de Sarkozy, a une appréhension et une appréciation du rapport des forces entre les classes qui ne manque pas de réalisme. " Nous nous trouvons dans une situation inédite de crise économique et de crise sociale. Est en train de s'ajouter une crise morale et politique. Les trois ensemble sont les ferments d'un risque de déstabilisation majeure des institutions françaises, qui peut se traduire par des débordements. ". Pragmatique, il comprend que la combinaison de la crise sociale et de la crise politique risque de provoquer une explosion sociale qu'aucun dispositif bureaucratique, qu'aucun mouvement d'appareils ne pourra prévenir. Cela ne veut pas dire qu'il y aura " l'Union nationale " au bout du compte. Pour l'instant, la colère des masses transpire des sondages, de l'abstentionnisme (lequel dément formellement la montée du FN), tel qu'il a pu se manifester aux dernières élections partielles dans l'Oise, où le second tour se solde par plus de 70% d'abstentions-blancs et nuls (après un premier tour à 67%).
_ Soyons plus clairs : la crise politique ne se donne pas libre cours dans un monde parallèle à la société où l'on vit, elle n'est pas suspendue en l'air, elle n'est pas un épiphénomène, même si elle a une relative autonomie vis-à-vis de l'ensemble des processus sociaux à l'oeuvre. Répétons-le, la crise politique et, disons-le, morale a comme moteur la lutte des classes en France car c'est bien la lutte des classes qui " fissure le pays " en créant une fracture entre les travailleurs et la population d'un côté et les représentations politiques qui leur sont imposées. Même si, momentanément, pour les raisons que nous avons indiquées plus haut, la lutte des classes ne se traduit pas immédiatement par " des luttes ", elle creuse profondément ses galeries. l'expression visible à l'oeil nu de cette fissure créée par la lutte des classes, ce sont les abstentions ouvrières et populaires. Et puisqu'il a été question d'Unité nationale, rappelons que ce type de consensus ouvert et déclaré n'est possible qu'en temps de guerre et ne peut " tenir " sans " l'adhésion du peuple ". Hors de quoi, elle ne peut qu'isoler davantage les appareils bureaucratiques. Les mêmes abstentions ouvrières et populaires font litière de toutes les extrapolations sur la " montée du FN " et autres " vagues bleu-marine ". A cet égard, les succès d'estime de ce parti se rapportent à la décomposition de la formation pour ainsi dire organique de la Vème République qu'est l'UMP en voie de dislocation.

l'appréhension d'une nouvelle accélération de la lutte de classes saisit l'Exécutif qui, par crainte des développements à venir, doit maintenant empêcher sa majorité parlementaire d'accorder ne serait-ce que des bribes " d'amnistie sociale " pour renforcer son arsenal préventif en s'attaquant au droit de manifester. Le président " normal " doit maintenant à son tour endosser le costume de " Napoléon le petit " avec Valls comme porte-flingue, mettant au pas sa cour parlementaire et s'efforçant de renforcer " l'Etat policier " contre les masses car il sent bien lui-même que les directions syndicales seront impuissantes à empêcher les " débordements ". Mais, dans l'atmosphère délétère de la crise du sommet, le recours à la police et aux poursuites judiciaires ne fera qu'isoler davantage l'Exécutif et les partis qui ont lié leur sort à la V ème République

D'une Affaire, l'autre


Ce n'est qu'une crise politique, pourrait-on dire. Un chef de l'Etat affecté d'un taux de mécontentement évalué à 76% des personnes sondées, un risque d'explosion sociale appréhendé par 70% dans un autre sondage (lequel semble être contredit formellement par un sondage donnant 75% de français favorables à un gouvernement d'union nationale, dans la mesure où les gens considèrent tout d'abord que les gouvernements de gauche ou de droite sont impuissants face à la crise et qu'ils n'ont pas en vue un gouvernement qui romprait avec la politique menée par les gouvernements successifs), voilà qui dénote pourtant d'un climat très particulier. Dans cette atmosphère, l'affaire Cahuzac qui a agi comme un révélateur et un accélérateur de la crise du sommet semble être " circonscrite " : gouvernement non remanié, cap maintenu. Mais à peine la brèche est-elle colmatée que surgit l'affaire Guéant, un type qui brasse beaucoup d'argent liquide, en vérité. Des primes en liquide qui lui auraient été attribuées " au mérite " pour l'art et la manière de servir en qualité de ministre de l'Intérieur. Le premier à en douter n'est autre que son comparse Guaino qui rappelle que ces primes en liquide n'ont plus cours depuis fort longtemps. Moins respectueusement, une autre comparse, Roselyne Bachelot, ancienne ministre, s'exclame : " soit c'est un menteur, soit c'est un voleur ". Des gouvernements différents, des mêmes affaires ! Et chacun pour soi et Dieu pour tous. Et des affaires qui s'étalent bien vite au grand jour. Des affaires d'Etat, comme le souligne Olivier Besancenot qui accusent un système politique " pourri jusqu'à la moelle "


Nous sommes loin des pronostics prodigués par des politologues avisés assurant que la Vème République évoluerait vers un " régime présidentiel " assis sur le " bipartisme ", moyennant un " contrôle parlementaire " sur un Exécutif plus souple et ... plus exemplaire. Toutes ces belles perspectives de remodelage des institutions de la Vème République que le " quinquennat " devait, nous avait-on dit, inaugurer laissent froidement la place à des mises-au-point -mises-en-garde adressées aux parlementaires. Celle que recouvre la procédure de vote bloqué au Sénat pour que la loi ANI ne souffre d'aucune modification substantielle. En fait de " contrôle parlementaire ", il s'agit d'un contrôle du gouvernement sur le parlement, comme le montre la censure de la proposition de loi sur "l'amnistie sociale" par le gouvernement. Dans le même mouvement, le gouvernement et les caciques du PS hurlent avec les loups contre le syndicat de la magistrature. Bartolone, du haut son perchoir, participe de cette curée autrement plus inquiétante pour la démocratie que la " menace nationale " que représente le FN. Mais, le même Bartolone ne peut se contenter de faire acte d'allégeance...


Réconciliation avec les entrepreneurs...



Dans le Monde du 25 avril, il explique : " ll est désormais temps de tirer des leçons pour envisager le nouveau temps du quinquennat. Nous ne pouvons pas continuer avec un groupe socialiste qui ne se sent parfois pas écouté, un groupe écologiste qui ne sait pas exactement s'il veut rester ou partir et un groupe communiste qui a l'impression de ne pas être entendu. Nous ne pouvons pas laisser s'installer l'idée que la gauche n'essaierait pas de chercher son unité pour tout le quinquennat. " Et d'ajouter : " Il faut dire maintenant comment nous pouvons améliorer le pouvoir d'achat sans déséquilibrer les comptes publics, donner une priorité au logement, à la santé, redéfinir le lien de confiance entre l'Etat et les collectivités locales, donner plus de place aux quartiers populaires, discuter sur la formation professionnelle et, surtout, se réconcilier avec les entrepreneurs. Pour la rentrée parlementaire nous devons avoir des textes choisis en relation avec le président, le gouvernement, sa majorité et toute la gauche pour pouvoir donner du sens à la période politique, au moins jusqu'aux prochaines élections municipales " Il n'y a là aucune divergence avec la politique gouvernementale. La chute est toujours la même " et, surtout, se réconcilier avec les entrepreneurs ". Il y a en revanche le souci de " donner des signes à l'électorat de gauche " qui peut être interprétée comme un appel à " temporiser ". En effet : " Aujourd'hui, compte tenu de la situation italienne, la France est la mieux placée pour représenter tous ceux qui estiment que l'Europe ne peut pas être que la rigueur ". Il s'en prend alors ... A l'Allemagne : " Le président de la République est le mieux placé pour faire entendre cette nécessité d'une autre Europe. Près de 75 % des exportations de l'Allemagne sont en Europe, 50 % dans la zone euro : peut-elle continuer à ruiner tous ses clients ? ".

On retrouve alors dans un projet de texte de la direction du PS la même tonalité. La chancelière allemande est qualifiée dans ce document de " chancelière à l'intransigeance égoïste ", en appelle à un " affrontement démocratique " au sein de l'Union européenne et plaide pour " la fin de l'austérité ". Le gouvernement intervient alors ... contre la direction du PS. Mais, Bartolone persiste et signe. Pour une part, il tente de jouer sa carte personnelle. Pour une part, il cherche désespérément à reconstituer une base de masse pour le PS autour d'un discours qui, de façon aussi générale que Mélenchon, décocherait quelques flèches contre l'austérité. Prendre pour cible l'Allemagne permet de dédouaner Hollande. Mais, pas seulement. l'Allemagne dame le pion à la France sur l'arène économique et industrielle. Axe franco-allemand ou non, la concurrence France-Allemagne se retourne contre notre propre bourgeoisie et notre propre impérialisme. Bartolone qui, en son temps, fut partisan du " non " au traité constitutionnel européen se fait le défenseur de ces secteurs de la bourgeoisie française qui souffrent de cette " concurrence libre et non faussée " avec l'Allemagne. Notamment dans le secteur automobile où les capitalistes allemands savent combiner le " haut de gamme " avec le " low coast ". Mais, pour mater la Grèce, Chypre et tenir en respect l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'UE a besoin d'une " Allemagne forte " et d'un " axe Franco-allemand " qui tienne la route. C'est pourquoi, le gouvernement réfute toute idée d' " affrontement " ou même de " confrontation " avec l'Allemagne qui contiennent de trop gros risques de déstabilisation à l'échelle européenne, et de crises révolutionnaires en Europe. l'intérêt général des bourgeoisies en Europe doit primer sur les intérêts particuliers et sectoriels. Voilà à quoi s'en tient au gouvernement qui, au besoin, sera prêt à sacrifier l'intérêt particulier de son propre " parti " de sa propre cour parlementaire, en s'efforçant, grâce au concours des directions syndicales et du Front de gauche, de conjurer une explosion sociale qui, elle, ne pourra être que différée.

La seule issue, l'Etat-Commune !



De la Vème République, il ne reste en réalité que la dépouille constitutionnelle. Elle dure, certes, mais de moins en moins. Croire qu'elle est solide et qu'elle tiendra encore longtemps relève de la myopie politique. Cette " République " ne correspond plus depuis fort longtemps au rapport de force qui, à la faveur d'un Coup d'Etat, lui avait donné naissance. Mais n'en déplaise à Mélenchon, il n'y a pas de place pour une VIème République. Pas plus qu'il n'y a place pour " la République Une et Indivisible basée sur la libre administration des communes " qu'agitent les lambertistes, reliquat d'une époque défunte.
_ Tirant les enseignements de la Commune de Paris, Marx écrivait :
_ " Cette guerre civile- dit Marx- a détruit les dernières illusions sur la " République " Tous les éléments sains en France reconnaissent que la seule république possible dans ce pays et en Europe est une " république sociale ", c'est-à-dire une république qui enlève à la classe des capitalistes et des grands propriétaires fonciers l'appareil d'Etat et qui le remplace par La Commune "
_ 142 ans après, ces lignes retrouvent une actualité brûlante.
_ Il n'y a pas d'autre issue à la crise !
Modifié le jeudi 02 mai 2013
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