SNCF : le maillon le plus faible de la chaîne des « réformes »
QUESTIONS – DEBAT POUR AGIR ENSEMBLE
La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 40 – Dimanche 8 avril 2018
Nous publions le plus souvent possible à propos du mouvement qui mûrit dans le pays. Nous disons ce que nous pensons, nous nous efforçons de dire ce qui est. Ce n’est pas la vérité révélée, ni la Doxa, ni la science infuse ou diffuse, ni « l’expertise » des « spécialistes ».
Il est nécessaire en effet de débattre de ce qui est. Selon nous, ce n’est pas « à la fin » que les bilans doivent être tirés mais, pas à pas, à mesure que les choses se font jour.
Il n’est pas question pour, par exemple, de « laisser » de côté ce que nous pensons au nom de « l’unité » mais bien plutôt de soumettre notre point de vue à la libre confrontation de tous les points de vue.
Il est possible de nous répondre sur notre page Facebook et sur notre site. Toutes les critiques sont les bienvenues.
Nous en rendrons compte. Pour l’instant, le « pacte ferroviaire » est le maillon le plus faible de de la chaîne des « réformes »
Plusieurs sujets font débat.
Tout d’abord le débat de fond sur l’attitude des syndicats et des « partis » ou « mouvements » ou « fronts » face aux réformes en général et sur la réforme ferroviaire.
Les revendications sur la question de la Dette ferroviaire et sur « l’avenir du service public ». Le débat sur ce que d’aucuns appellent « le débordement » ou encore sur les modalités de la grève des cheminots.
Le débat sur « la convergence des luttes ».
Le débat sur le lien entre le mouvement des masses qui mûrit et le combat général pour en finir avec Macron et tout gouvernement capitaliste, pour balayer la 5ème république.
Dans toutes ces discussions, nous avons déjà donné crûment notre position, sans fausse diplomatie mais sans jamais « opposer » notre position aux exigences les plus immédiates des grévistes, qui priment sur tout le reste.
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Faut-il une « autre réforme » ?
Les dirigeants de la CGT-Cheminots ont déposé un rapport de 70 pages sur le bureau du Premier ministre, il y a plusieurs semaines. A ce jour, les services du Premier ministre et du ministère des Transports n’ont pas éprouvé le besoin de répondre par écrit à la CGT.
Nous avons écrit ce que nous pensons de « l’autre réforme » contenu dans le rapport des dirigeants de la CGT Cheminots.
L’idée même d’une autre réforme est un défi au bon sens : il ne peut y avoir autre chose tant que le pacte ferroviaire n’est pas retiré.
Quand il y a le feu à la maison, on ne se préoccupe pas de sa réfection, de la couleur du papier ou des nécessaires travaux de mise en conformité des lieux : on fait tout ce que l’on peut pour éteindre le feu avant qu’il puisse se propager.
Ici, l’incendiaire, c’est Macron-Philippe.
Pour le reste, le projet CGT cheminots ne dit pas un mot pour le Retour au MONOPOLE PUBLIC DES CHEMINS DE FER.
On ne peut préparer l’avenir sans affronter d’abord le présent.
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La dette est-elle soluble par des « transferts » et des « taxes » ?
La dette ferroviaire, à l’instar de la dette publique a été créée artificiellement.
La Dette provient, historiquement du déficit des compagnies privées d’avant 1938 qui étaient liées au Banques. Elles ont alors transféré leur dette.
La Dette e a ensuite été aggravée par le désengagement financier de l’Etat qui avait trouvé son « fondement » dans la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI de 1983 qui établissait une relation « contractuelle » entre l’Etat et la SNCF, douée de « l’autonomie ».
En effet, en 1983, la SNCF a été placée sous le statut d’EPIC- « entreprise à caractère industriel et commercial ». C’est, en quelque sort, un « oxymore » : un service public, par définition est « au service du public », ce qui exclut tout « caractère industriel et commercial ».
Le but de cette LOTI était donc de placer la SNCF sur les rails de l’autofinancement. Contrainte donc d’équilibrer ses comptes.
De plus, il ne fut pas question alors de nationaliser les filiales de la SNCF. La SNCF devenait ainsi bicéphale : EPIC, d’un côté, Trust privé de l’autre. Comme trust, le groupe SNCF détenait les plus gros transporteurs routiers.
La Concurrence Rail-route fut donc boostée par …la SNCF.
Geodis, l’actuel « géant de la route » fait partie du groupe SNCF.
Aujourd’hui, les « experts CGT » proposent de transférer la dette à l’Etat et de relancer l’écotaxe (qui frappe aussi bien l’artisan que ses maîtres d’œuvre) entre autres « propositions » qui n’ont qu’un très lointain rapport avec le syndicalisme et un rapport direct avec des programmes de partis politiques.
LA DETTE DE LA SNCF N’EST PAS LA NOTRE –
En intérêts, les banques l’ont plusieurs fois amortie en intérêts versés années après années. C’est bien plus qu’une consolation !
En rien, le transfert de la dette à l’Etat ne pourrait être considéré comme une victoire. A l’inverse, dans les conditions présentes, ce transfert rendrait la SNCF d’autant plus facilement privatisable !
LA DETTE DOIT ETRE PUREMENT ET SIMPLEMENT ANNULEE.
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Que signifie « la grève jusqu’au moins de juin » ?
L’interfédérale CGT UNSA SUD CFDT a donc trouvé une formule « innovante » : le séquencement de la grève, avec un calendrier très précis des jours de grève alternés avec des jours de travail jusqu’en juin. Cette formule « innovante (CFDT dixit) agit comme un brise lame, qu’on le veuille ou non. De plus, on prévient déjà l’ennemi que la grève cessera en juin, au plus tard. Tous les plans ont été livrés de façon « transparente » à l’ennemi.
Bien entendu, si l’on demandait à des salariés de voter la grève pour trois mois, une grande majorité d’entre eux y regarderaient à plusieurs fois avant de se jeter à l’eau. Jusqu’à présent, les salariés faisaient des grèves d’avertissements de 24 heures, des grèves illimitées ou des grèves reconductibles, dans le but de faire céder le patronat et le gouvernement le plus vite possible et d’utiliser le plus possible l’effet de surprise qui est souvent « la moitié de la victoire ».
Les dés sont pipés, dans tous les sens. Ils le sont d’autant plus que l’interfédérale CGT UNSA SUD CFDT ne se prononce pas pour le RETRAIT DU PACTE FERROVIAIRE.
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Pourquoi ces entretiens avec un vampire ?
Nous avons dit tout le mal que nous pensions du « dialogue social » avec Macron et ses officiers d’ordonnance. Peu importe que l’on appelle cela « concertation » ou « négociation ».
Bien sûr, en soi, un syndicat a le droit d’entrer en contact avec tout gouvernement, quel qu’il soit. Le tout est de savoir si cela présente ou non un intérêt, le tout est de savoir de quoi il s’agit.
Dans le cas qui nous occupe, le retrait du pacte ferroviaire est un préalable absolu à toute discussion avec le Pouvoir en place. Faute de quoi, le « dialogue » sera un dialogue pour « administrer les soins palliatifs », pour tenter « d’alléger le fardeau » ou soupeser « le sac à dos social ».
Or, il s’agit d’arrêter le bras du casseur.
Encore faut-il que les responsables syndicaux prennent fait et cause pour le retrait du pacte ferroviaire, ce qui n’est pas le cas de l’interfédérale CGT UNSA SUD FO.
Bien sûr, le retrait du pacte ferroviaire ne réglera pas tout mais ce sera une position de départ pour inverser la vapeur et une brèche dans tout le dispositif des ordonnances et de lois qui frappent les étudiants, le droit du travail et au travail, la sécurité sociale, l’assurance chômage, la formation professionnelle et ce qu’il reste de démocratie dans ce pays.
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Débordement, fête à Macron, convergences des luttes, ou tentatives de confiscation du mouvement en cours ?
Il y aurait matière à faire une chronique des débordements et de la convergence des luttes annoncées … Un véritable orchestre s’est mis en place : Besancenot, Corbière, Mélenchon, Lordon, Ruffin. Nous n’allons pas citer tous les protagonistes de ce festival pop.
Ils remplissent un vide, celui que leur laisse la « stratégie » du bureau confédéral CGT, avec ses « journées » qui ne sont même plus « saute-mouton » tellement elles sont espacées dans le temps. Elles en sont même le complément nécessaire, de fait.
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Les « romantiques de la révolution »
Rosa Luxemburg 1 avait déjà, il y a fort longtemps, réglé leur compte à tous ces « meneurs » qui prêchent le débordement et l’organisation technique de la « convergence des luttes » :
« La classe ouvrière consciente de l'Allemagne a depuis longtemps compris le comique de cette théorie policière, selon laquelle tout le mouvement ouvrier moderne serait le produit artificiel et arbitraire d'une poignée d'« agitateurs et de meneurs » sans scrupules.
Nous voyons la même conception se manifester lorsque deux ou trois braves camarades se forment en colonnes de veilleurs de nuit volontaires pour mettre en garde la classe ouvrière allemande contre les menées dangereuses de quelques « romantiques de la révolution » et leur « propagande pour la grève de masse »; ou encore, lorsque du côté adverse, on assiste au lancement d'une campagne indignée et larmoyante par ceux qui, déçus dans leur attente d'une explosion de la grève de masse en Allemagne, s'en croient frustrés par je ne sais quelles collusions « secrètes » de la direction du Parti et de la Commission générale des syndicats.
Si le déclenchement des grèves dépendait de la « propagande » incendiaire des « romantiques de la révolution » ou des décisions secrètes ou publiques des Comités directeurs nous n'aurions eu jusqu'ici aucune grève de masse importante en Russie . »2
Rosa Luxemburg n’aurait pas manqué de railler ceux qui, du haut de leur chaire parlementaire, proclament « la grève générale ne se décrète pas, elle se construit ». Par chance, elle n’avait jamais entendu parler de « convergence des luttes », c’est-à-dire leur juxtaposition.
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La grève générale, c’est « la grève partielle généralisée »
L’histoire des grandes grèves de masse en France, en 1936, en 1968 nous ont enseigné que la grève générale, c’est la grève partielle généralisée. Comme disait alors Trotsky en 1936, ce ne sont pas DES grèves mais LA grève.
Quand cheminots, salariés de Carrefour, lycéens et étudiants, salariés d’Air France, gaziers et électriciens, personnels des hôpitaux cherchent à agir au moment, ils entrent dans la voie de la grève générale.
Si les dirigeants syndicaux n’y appellent pas, tout en sachant qu’il existe une poudrière dans les hôpitaux et dans la fonction publique, ils en prennent le contre-pied et deviennent un frein, un obstacle au mouvement vers la grève générale. Ils décrètent qu’elle ne doit pas avoir lieu. Mais cela ne veut pourtant pas dire qu’elle n’aura pas lieu.
Les décrets que prennent ces « stratèges » de Montreuil peuvent voler en éclat d’un jour à l’autre.
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Faire la fête à Macron – Pourquoi faire ?
Cela veut dire aujourd’hui qu’il y a la grève partielle des cheminots qui se fraie son chemin pour le compte de l’ensemble des salariés .
Sur cette grève partielle et sur la révolte de la jeunesse, Mélenchon et Ruffin veulent greffer une manif « anti Macron ». Visiblement, ces deux-là ne s’accordent pas sur la date de ce « déferlement ».
Si nous pouvons penser que Ruffin cherche sincèrement un moyen de combattre réellement Macron, nous savons d’expérience que Mélenchon, lui, cherche au mieux à se faire mousser dans la situation présente et à offrir un exutoire et un dérivatif à l’impatience des exploités et opprimés qui veulent en découdre avec Macron, ce concentré de la politique de destruction sociale du CAC 40.
Nous n’excluons pas que ces manifestations prennent une autre tournure. Mais, nous ne tablons pas sur des hypothèses, sur des « miracles » et toute forme d’alchimie.
Le 13 mai 1968, puis le 29 mai de cette année-là, il y eut de vrais manifestations « anti- De Gaulle » aux cris de « Dix ans, ça suffit ! » et « Adieu De Gaulle ». Elles avaient pris spontanément cette tournure. Cela n’était sorti de la bouche d’aucun Cohn Bendit ou leader syndicaliste. LES MASSES PRENAIENT LA PAROLE !
L’espèce de « cartel des gauches » qui se forme depuis quelques semaines tend A CONFISQUER LA PAROLE, en s’affichant comme le DEPOSITAIRE DE L’UNITE.
Pour notre part, à cet instant, la tâche immédiate est : tout pour LE RETRAIT DU PACTE FERROVIAIRE , tout pour LA VICTOIRE DES CHEMINOTS, LA VICTOIRE DES LYCEENS, DES ETUDIANTS, TOUT POUR LA VICTOIRE DES CARREFOURS, DES HOSPITALIERS, etc. ; vers l’abolition de toutes les ordonnances et réformes –Macron, pour en finir avec lui et la politique du CAC 40 et de « Bruxelles »
A SUIVRE
8 avril 2018
Post scriptum : nous sommes prêts à publier tout commentaire critique sur cette contribution qui apparaîtrait sur notre page Facebook, avec l’accord des personnes, dans le respect de leur anonymat si elles le souhaitent( sous la seule réserve que ces commentaires ne contiennent aucune insulte ).
1 Rosa Luxemburg (1871–1919) Militante polonaise, fondatrice du SPDiL (Parti Socialiste de Pologne et de Lituanie). Emigre pour suivre ses études et s'installe à Berlin. Elle sera en Allemagne la dirigeante de la gauche du SPD. En août 1914, elle est opposée au vote des crédits de guerre. Incarcérée durant la guerre. Dirigeante de la révolution allemande de 1918/19. Assassinée après son arrestation en janvier 1919.
2 https://www.marxists.org/francais/luxembur/gr_p_s/greve2.htm
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