QUI SONT LES ANTISEMITES ?

La Lettre de La Commune, supplément au n° 88 – mercredi 20 février 2019
A propos d’une campagne médiatico-gouvernementale de HAINE

La lutte contre l’antisémitisme est devenue un thème et un instrument d’une propagande de l’État et de ses médias. Une propagande propice à tous les amalgames. Ce pouvoir qui en la personne de Macron rendait hommage à Pétain, le 11 novembre dernier, ne manque jamais d’air quand il s’agit d’orchestrer des campagnes nauséabondes, ravalant la nécessaire lutte contre le racisme anti-juif au rang d’épouvantail.

QUI SONT LES ANTISEMITES ?
© Simon Guillemin / Hans Lucas/AFP
Contenu
  • Finkielkraut, pas raciste ?
  • Les grands hommes politiques républicains ont-ils défendu les juifs avant la Shoah ?
  • Les institutions sionistes ont elles défendu les juifs allemands face à Hitler ?
  • Les pires antisémites étaient-ils opposés à l’État d’Israël ?
  • Peut-on combattre l’antisémitisme aux côtés de l’État d’Israël et de Macron ?



Dans l’esprit du consensus qui sert toujours d’introduction à la pensée unique, c’est-à-dire totalitaire, tous les partis (hormis ceux qui n’y ont pas été invités) ont signé un appel commun, à la suite des hideuses croix gammées taguées sur des photos de Madame Simone Veil. Dans le même temps, il a été suggéré voire affirmé que les Gilets-jaunes étaient porteur du virus-poison antisémite. Comme cela ne suffisait pas, à tout hasard, l’éminent philosophe de toutes les pensées uniques, monsieur Finkielkraut, a croisé, samedi dernier, une manifestation de Gilets jaunes, après avoir, les jours précédents craché de façon fort peu académique sur cette mobilisation.

La vile prestation de cet homme dont la pensée propre s’est défaite au fils des ans a permis aux uns et aux autres de répéter : l’antisionisme, c’est de l’antisémitisme.

Finkielkraut, pas raciste ?

Mais commençons par rappeler deux, trois propos de monsieur Finkielkraut qui datent un peu certes, mais nous indiquent qu’il sait être bouffi de haine, tout en jouant avec les mots

« F. : "Je suis né à Paris, mais je suis fils d'immigrés polonais. Mon père a été déporté de France. Ses parents ont été déportés et ont été assassinés à Auschwitz. Mon père est retourné en France après Auschwitz. Ce pays mérite notre haine : Ce qu'il a fait à mes parents était beaucoup plus violent que ce qu'il a fait aux Africains. Qu'a-t-il fait pour les Africains ? Il n'a fait que le bien. Il a jeté mon père dans l'enfer pendant cinq ans. On ne m'a jamais élevé dans la haine. Et aujourd'hui, cette haine qu'éprouvent les Noirs est même plus grande que celle qu'éprouvent les Arabes".


Mais de toutes les personnes qui se battent contre le racisme anti-juif, maintenez-vous que la discrimination et le racisme dont ces jeunes parlent n'existent pas vraiment ?

F. : "Bien sûr qu'il y a de la discrimination. Et il y a assurément des Français racistes. Des Français qui n'aiment pas les Arabes et les Noirs. Et à présent ils les aimeront encore moins, maintenant qu'ils savent à quel point ces derniers les haïssent. Donc, cette discrimination ne fera que croître aussi en matière de logement et d'emploi. » 1

Racisme anti-arabe manifeste, confusion entre la France comme pays et l’État français vichyste. Tout ce pataquès n’inspire rien d’autre que le dégoût. Finkielkraut, tel qu’en lui-même, en somme. Avec en filigrane, l’idée que l’antisémitisme serait un racisme pire que les autres, que le calvaire des peuples africains aurait été moindre. Quant au génocide des arméniens, il n’en est pas question pour cet exécrable philosophe.

Les grands hommes politiques républicains ont-ils défendu les juifs avant la Shoah ?

Quant aux hommes du pouvoir, qu’ils se penchent un instant sur le bilan de leurs grands-pères politiques : Paul Reynaud, Edouard Daladier, Georges Mandel. De grands républicains, paraît-il, des humanistes pour l’éternité, qui, en effet, n’ont pas collaboré avec les nazis pendant la guerre. Georges Mandel a été lâchement assassiné par la milice de Pétain, en juin 1944, à la corvée de bois. MAIS…

Ces grands hommes étaient aussi des « pragmatiques ».

Ainsi, en août 1936, seul le député Pierre Mendès-France votera CONTRE la participation aux Jeux olympiques de Berlin , quelques mois après la mise en route des lois nazies antijuives.

En mai 1938, tombent les premiers décrets contre les étrangers « indésirables » et, parmi eux, les juifs sans papiers qui ont dû quitter l’Allemagne ou la Pologne pour survivre.

En novembre 1938, au lendemain de l’horrible nuit de pogroms antijuifs en Allemagne (appelée « nuit de Cristal »), un autre décret tombe comme un couperet ;

Dans les Cahiers de la Shoah, nous apprenons :

« Le décret-loi du 12 novembre 1938 aggrave les dispositions du mois de mai.

L'assignation à résidence -- qui était déjà prévue par le décret-loi du 2 mai -- est complétée par l'institution de centres d'internement.

On prévoit qu'en cas de mobilisation, tous les étrangers de sexe masculin âgés de dix-sept à cinquante ans devront être concentrés dans le plus bref délai possible dans des centres de rassemblement pour étrangers. Sans être encore directement lié à des impératifs de sécurité d'un pays en guerre, l'internement apparaît donc comme une solution politique au problème des réfugiés du Reich. Le premier camp est ouvert au début de l'année 1939 à Rieucros, près de Mende, en Lozère. Et au moment de la déclaration de guerre, les sujets allemands et « ex-autrichiens » seront de fait internés, parfois pendant de longs mois, comme « ressortissants ennemis 2

En mai 1940, l’étau se resserre :

le 10 mai 1940 , tombe le Décret de George Mandel décidant de l’internement des apatrides allemands. Qui concerne également les juifs allemands. Pour exemple, Hannah Arendt est internée au camp de Gurs (Basses-Pyrénées) et en sera libérée par inadvertance dans la confusion de l’Armistice.

Marc Ferro, ancien résistant dont les parents sont morts à Auschwitz, devait rappeler dans son livre sur Pétain

« Ainsi, « Dans le gouvernement de Daladier et de Paul Reynaud, Jean Giraudoux, au commissariat à l’Information, juge que :

« Notre terre est devenue une terre d’invasion…

L’invasion s’y produisit exactement de la façon dont elle s’opéra dans l’Empire romain, non pas par des armées, mais pour une infiltration continue de Barbares ---cette cohorte curieuse et avide de l’Europe centrale et orientale---race primitive ou imperméable. Ces centaines de mille d’Ashkénazes échappés des ghettos polonais ou roumains, prédisposés à l’anarchie et à la corruption » 3

14 mai 1940 , à compter de ce jour, plus de 6000 tsiganes vont être internés dans une trentaine de camps dont : Les Alliers à Angoulême ; Montreuil-Bellay ; Lannemezan ; Poitiers ; Jargeau (Loiret) ; Gurs ; Monsireigne en Vendée ; La Saline royale à Arc-et-Senans (Doubs) ; Rennes ; La Forge Neuve à Moisdon-la-Rivière ; Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes (Yonne) ; Choisel à Châteaubriand ; Beau-Désert à Mérignac . Parmi ceux qui survécurent, les derniers n'en sortirent qu'en juin 1946.

15 au 25 mai 1940 . Internement des ressortissants allemands de 17 à 65 ans après regroupements dans les stades, casernes et divers lieux de rassemblement. Vélodrome d'hiver, Buffalo, Roland-Garros, Gerland à Lyon, etc.

N’est-ce pas, là, la première répétition de la rafle du Vel d’hiv de juillet 1942 ?

17 mai 1940 . Internement des femmes allemandes âgées de 17 à 65 ans.

23 mai 1940 . 9 000 ressortissantes allemandes et autrichiennes, dont la moitié juives, sont internées par les Français au camp de Gurs avec leurs enfants.

Ces camps hideux ont été pour beaucoup l’antichambre vers les camps nazis, une fois la France occupée. Les premiers sacrifiés furent des réfugiés d’Espagne, dès août 1940.

Ajoutons à tous ces faits et citations frappées de sceau de la honte et de l’infamie, cet extrait évocateur du jugement de la Haute-cour de justice qui condamna Pétain le 15 août 1945 « malgré des démarches pressantes faites auprès de lui, notamment par le chef des Églises protestantes de France, Pétain qui avait reconnu le caractère monstrueux de ces déportations de Français, n'élevait aucune protestation contre elles ; [...]» 4 Oui, nous avons bien lu, déportations de Français. Le mot juif n’est pas prononcé ! Le fait que la plupart de ces déportés étaient des juifs étrangers est occulté !

Les institutions sionistes ont elles défendu les juifs allemands face à Hitler ?

Quant aux institutions sionistes de l’époque, elles n’entrèrent pas dans la voie de la lutte antinazie.

25 août 1933 : accord Haavara (« accord de transfert ») signé après trois mois de négociations entre la Fédération sioniste d’Allemagne, l’Agence juive et le gouvernement allemand . Il favorise l’immigration de 53 000 Juifs allemands en Palestine jusqu’en 1939 et le transfert d’une partie de leurs avoirs sous forme de biens importés d’Allemagne101,102. 5

Kurt Tucholsky, juif allemand vivant en France depuis 1918, écrira quatre jours avant de se donner la mort, en décembre 1935 : « les juifs allemands qui avaient de l’argent ne pouvaient partir en Palestine, que s’ils emportaient, au lieu de leur argent, une convention selon laquelle la Palestine serait inondée de produits allemands » 6

Les pires antisémites étaient-ils opposés à l’État d’Israël ?

Quant aux pires antisémites que la France ait connus, tous ne furent pas « antisionistes ». Ainsi, le Figaro du 27 juillet 2014 rapporte

« La Guerre des Six Jours en 1967 voit même l'ancien commissaire aux Questions juives, Xavier Vallat, ou l'écrivain antisémite Lucien Rebatet, prendre fait et cause pour Israël - alors même que le dernier article de Rebatet sous l'Occupation s'intitulait «Fidélité au national-socialisme», et finissait un précédent par «mort aux juifs! Heil Hitler!». » 7

Peut-on combattre l’antisémitisme aux côtés de l’État d’Israël et de Macron ?

A nos yeux, le sionisme est l’ennemi et le destructeur du peuple juif. Ils appliquent au peuple palestinien les méthodes des nazis : détention administratives, tortures, pillage et expropriation des palestiniens de leur maison au profit de gens qui s’appellent eux-mêmes des Colons, assassinats, mutilations, bombardements et négation de l’existence du peuple palestinien. Seul le rapport de force planétaire et la résistance du peuple palestinien empêche l’État criminel d’Israël d’aller plus loin dans sa logique d’extermination qui révulse une partie des juifs d’Israël, pas les riches colons qui ont un pied en France et l’autre sur la terre de Palestine, mais une partie des juifs issus de l’immigration des lendemains de la dernière guerre.

L’antisémitisme n’est pas une opinion, disent nos censeurs. Sans aucun doute ! Mais, ce qu’allègue Finkielkraut, non plus ! C’est de la bouillie de haine. Et, ce qu’a allégué Macron à propos de Christophe Dettinger et des gitans, pas davantage !

Le combat contre l’antisémitisme est exigeant : il exige que l’on combatte le racisme, sous toutes ses coutures, qu’on le traque dans toutes les lois-décrets anti-immigrés d’hier et d’aujourd’hui mais tout autant dans ses racines économiques impérialistes d’oppression et de guerres sans fin.

Non, on ne peut pas combattre le racisme avec les partis gouvernementaux qui soutiennent un État raciste d’apartheid : hier, l’Afrique du sud, aujourd’hui, l’entité sioniste d’Israël, ces partis qui votent des lois contre les réfugiés et « étrangers indésirables ».





Mercredi 20 février 2019





1 http://questionscritiques.free.fr/edito/haaretz/finkielkraut_171105.htm

2 http://www.anti-rev.org/textes/Grynberg94a/

3 Marc Ferro. Pétain. Fayard 1994 -Page 240

4 https://www.les-crises.fr/1945-la-condamnation-du-marechal-petain/...

5 https://fr.wikipedia.org/wiki/1933

6 Kurt Tucholsky – Chroniques allemandes. Balland éditeur 1960-1982 – page 318

7 http://www.lefigaro.fr/politique/2014/07/28/01002-20140728ARTFIG00036--l-extreme-droite-etait-proisraelienne...

Modifié le lundi 18 février 2019
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