Projet de loi DUFLOT ALUR : <i>Une loi de défense des locataires et du droit au logement ?</i>

8 décembre 2013 | Chronique hebdo, dossier droit au logement, 8 décembre 2013La crise du logement ne fait pas souvent la Une des journaux. En ce moment, la période d'hiver protège provisoirement les locataires (pas les squatters). Mais, dès le printemps, les expulsions vont reprendre, jetant des familles entières à la rue, sans ménagement. Les mal-logés qui manifestent pacifiquement font face au déchaînement des matraques et des bottes policières de Valls, comme en novembre dernier, Place de la République, où Jean-Baptiste Eyraud a été frappé violemment, lui et des familles qui occupaient la place. Et, pendant ce temps-là, le Parlement affine la loi Duflot dite ALUR (Accès au Logement et à l'Urbanisme Rénové) Il est dit dans les médias et dans la gauche en général, en particulier au Front de gauche, que cette loi va protéger les locataires et qu'elle va même ouvrir de nouveaux droits pour l'accès au logement. Qu'en est-il en réalité ?Cécile Duflot est cette ministre, fille de cheminot, ancienne adjointe au maire PCF de Villeneuve Saint Georges (Val-de-Marne) qui a commencé sa fonction en faisant de tonitruantes déclarations pour la réquisition des logements vides. La suite, nous la connaissons : deux ans après, on attend encore ne serait-ce que l'application de la loi de 1945 qui permet la réquisition des logements et locaux vides. En revanche, une de ses premières mesures a consisté en ce que les propriétaires aisés qui louent des logements neufs ou " en état futur d'achèvement " seront exonérés jusqu'à 6000 euros par an de leurs impôts. Une ristourne qui démontre que Cécile Duflot a choisi : entre le droit de la propriété privée et le droit au logement qui se contredisent sans cesse, elle a choisi le droit de la propriété.

Son projet de loi ALUR obéit à ce choix.

Encadrement des loyers ?



l'encadrement des loyers qui est proclamé dans ce projet, sous un amas de formules complexes, se résume à une limitation des hausses, à laquelle pourront échapper bien des bailleurs. Qu'on en juge :

Selon ce projet de loi, il s'agit d'" un nouveau dispositif d'encadrement des loyers, mis en place dans certaines zones tendues dotées d'un observatoire des loyers ". [Sources : ASSEMBLÉE NATIONALE QUATORZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 juin 2013. PROJET DE LOI pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Exposé des motifs.]
Hors de ces zones dites " tendues " (28 agglomérations et 4,5 millions de logement) : vive la liberté des loyers !
En résumé : " Un loyer médian de référence, déterminé par les observatoires publics locaux des loyers, servira de base à ce système qualifié de blocage pur et simple par ses détracteurs. Les loyers ne pourront pas dépasser cette référence, déterminée par type de logements et au mètre carré de surface habitable, de plus de 20%. Au-delà de cette limite, ils devront être diminués. Un locataire pourra introduire un recours en ce sens auprès de son propriétaire, dans une limite de 6 mois après la signature du bail. Inversement, les loyers inférieurs de 30% à la référence locale pourront être augmentés davantage que l'indice de revalorisation des loyers (IRL). " http://www.toutsurlimmobilier.fr/loi-duflot-encadrement-des-loyers-et-garantie-des-impayes-votes.html

Ensuite : " Sur les territoires concernés, le loyer de base fixé dans le contrat pour les nouvelles locations ou les relocations ne peut excéder le loyer médian de référence majoré correspondant aux caractéristiques du logement " Mais : " Pour certains logements présentant des caractéristiques qui le justifient et que les indicateurs de loyers ne peuvent prendre en compte, le contrat peut déroger à ce plafond en imputant au loyer un complément de loyer exceptionnel. "
Puis, les auteurs de ce projet nous disent : " La révision annuelle du loyer, limitée à l'indice de référence des loyers (IRL) est applicable sans qu'il soit nécessaire de prévoir une clause spécifique dans le bail ". Mais : " l'article prévoit aussi qu'une majoration de loyer peut intervenir par accord des parties, via une clause spécifique ou un avenant au contrat, en prévision ou suite à des travaux d'amélioration. Cette majoration de loyer acceptée par le locataire ne peut valablement lui ouvrir droit à une action en diminution du loyer ".
Entendez par travaux d'amélioration, tout ce qui a trait à la mise en conformité avec les normes applicables (en électricité, par exemple). l'hypocrisie atteint son paroxysme lorsque les auteurs du projet écrivent qu'à l'occasion du renouvellement du bail : " Il prévoit la possibilité de recours en diminution du loyer par le locataire dès lors que le loyer est supérieur au loyer médian de référence majoré. Par ailleurs, il ouvre au bailleur un recours en réévaluation du loyer si le loyer appliqué au locataire est inférieur au loyer médian de référence minoré ". Si le loyer concerné était, avant le renouvellement du bail, inférieur au loyer médian dans la " zone concernée ", la hausse sera très-très conséquente.

[Sources : ASSEMBLÉE NATIONALE QUATORZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 juin 2013. PROJET DE LOI pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Exposé des motifs.]

Il n'y a là rien qui ressemble à un vrai blocage des loyers et des charges ou, à défaut, rien qui puisse s'apparenter à une véritable limitation des hausses.

Les requins de l'immobilier se frottent les mains



Les requins de l'immobilier ne s'y trompent pas. " Ce projet de loi est de nature à rééquilibrer les relations, trop souvent asymétriques, entre propriétaires et locataires ", affirme Fabrice Abraham, directeur du réseau d'agences immobilières Guy Hoquet, pour qui " la grande majorité des 84 articles vont vers plus de transparence, plus de fluidité". http://www.courrierdesmaires.fr/21740/urbanisme-renove-et-acces-au-logement-les-points-sensibles-du-projet-de-loi-duflot/
Pour sa part, " La Fondation Abbé Pierre approuve l'encadrement des loyers, mais craint que l'utilisation du loyer médian majoré jusqu'à 20% ne permette pas une baisse des loyers. "
Ces dispositions alambiquées ne sont cependant qu'un hors d'oeuvre par rapport au plat de résistance toxique qui est au menu de ce projet : la garantie universelle des loyers, la GUL. Pour l'instant, le Sénat a retoqué la mesure qui consistait à infliger des pénalités aux locataires qui paient leur loyer en retard. Rien ne dit qu'en dernière lecture à l'Assemblée nationale, cette disposition ne sera pas finalement maintenue.

La Garantie Universelle des Loyers ( GUL)



La Garantie Universelle des Loyers, nous allons le voir, ne garantit rien du tout aux locataires. " Ce dispositif permettra d'indemniser les impayés de loyer de l'ensemble des bailleurs du parc locatif privé " préviennent les auteurs du projet [Exposé des motifs, déjà cité]
Un amendement adopté par le Sénat précise les choses :
La GUL, appelée à être mise en place à partir du 1er janvier 2016, a fait l'objet de plusieurs amendements de la part des sénateurs afin de préciser le dispositif. En particulier, l'article 8 du projet de loi Alur stipule désormais que les locataires ayant bénéficié des aides versées par l'Agence publique de garantie universelle des loyers pourront être sommés de les rembourser. Afin de couper court au " risque de déresponsabilisation des locataires " (sic !) soulevé par les professionnels de l'immobilier, le recouvrement des sommes avancées relèvera en dernier ressort du Trésor public. Autrement dit, des saisies sur salaires ou des allocations sociales pourront être effectuées si les locataires refusent de rembourser.
" Personne ne souhaite que la GUL déresponsabilise les locataires. Il ne s'agit pas de poursuivre les locataires en grande difficulté, qui ont besoin d'être accompagnés ", a précisé le sénateur RDSE (Radicaux de gauche) Jacques Mézard pour qui le recours au Trésor public doit viser " ceux qui pourraient retrouver meilleure fortune après une période difficile " et les locataires " qui pourraient profiter de la situation ".La ministre du Logement Cécile Duflot a soutenu cette proposition.
http://www.toutsurlimmobilier.fr/la-garantie-des-loyers-impayes-votee-et-amendee-au-senat.html

Ainsi, un chômeur qui retrouve du travail et devient solvable sera saisi de façon administrative sur salaire pour rembourser les sommes que lui avait avancées la " GUL " (garantie universelle des loyers), directement à la source, donc, par le Trésor public . Comme les auteurs du projet de loi l'indiquaient dans leur exposé des motifs (déjà cité) : " Pour le locataire, le nouveau régime permettra, outre l'accès au logement, un signalement rapide de l'impayé et le déclenchement simultané d'un accompagnement lorsqu'il est nécessaire. Pour le bailleur, la garantie représentera une protection tangible contre le risque d'impayé et un allégement visible des procédures. "
La position du PCF au Sénat mérite d'être relevée : "Je prends acte de la proposition de M. Raoul: il faut retravailler la GUL pour protéger et les bailleurs et les locataires qui contribueront à son financement de manière égale", a affirmé Mireille Schurch (Communiste, républicain et citoyen. "J'ai bon espoir que le dispositif soit efficace. Nous comptons sur le groupe de travail. Nous voterons l'article", a-t-elle ajouté. " http://fr.news.yahoo.com/logement-s%C3%A9nat-vote-garantie-universelle-loyers-131942955.html

Finis les tribunaux, le Trésor public saisira salaires et revenus !



l'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ? Cet enfer est assez bien résumé, avec complaisance, sur le site d'EELV, dès le 26 juin dernier:
" Le fonctionnement prévu est simple. Un bailleur confronté à une situation d'impayé se verra rapidement indemnisé du montant du loyer par la garantie. Celle-ci examinera du même coup la situation du locataire. Si ce dernier subit des difficultés ponctuelles liées à une rupture sociale, économique, familiale, un accompagnement sera rapidement mis en place. Et si l'impayé de loyers est lié au comportement abusif de la part d'un locataire indélicat, la GUL se retournera contre lui et lancera rapidement des procédures de recouvrement forcé.
Tous les logements du parc privé, loués en location nue ou meublée, à titre de résidence principale, sont éligibles à la GUL. A contrario, les logements conventionnés à l'aide personnalisée au logement (APL) des organismes HLM et SEM de construction et de gestion de logements sociaux en sont exclus.
"

Cette " GUL " On l'a vu, sera financée en partie par les locataires eux-mêmes (à la différence du Fonds de solidarité logement qui, au cas par cas, apurait une partie des dettes de familles en difficulté). C'est cette GUL, sous forme " d'établissement public " qui décidera, au cas par cas, d'un éventuel " accompagnement " ou d'un " recouvrement forcé ". Précisons que si cette GUL évite au bailleur de se tourner vers les tribunaux pour des impayés de loyers, elle ne les empêche en rien de recourir à des poursuites en vue de les expulser de leur logement.

Pour être très clairs : le recouvrement forcé et l'appel au Trésor public constituent un grave précédent et une mesure régressive par rapport à la situation actuelle. En effet, l'hypothétique " mauvaise foi " d'un locataire était jusqu'ici appréciée contradictoirement par un tribunal, les locataires en difficulté disposant vaille que vaille des droits élémentaires de la défense, d'un avocat et de l'aide des associations devant les tribunaux. Elle sera désormais appréciée par une obscure commission émanant de " l'établissement public " gérant cette GUL machine à faire " cracher l'oseille " de toute façon possible. Et le recours au Trésor public pour faire des saisies sur compte et salaires ne laisserait désormais aucune chance au locataire. Un simple arrêt à tiers détenteur comme sait le faire le Trésor public suffira sans qu'il puisse y avoir le moindre recours.

Pour un plan d'urgence en défense du droit au logement




Le projet de loi ALUR se situe donc aux antipodes des premières mesures d'urgences qu'appelle la crise du logement. Ces mesures d'urgence, on les connaît, rappelons-les :
- Blocage total des loyers et des charges
- Réquisition des logements et bureaux vides (application de la loi de 1945)
- Annulation pure et simple des dettes locatives des familles frappées par le chômage, la précarité, les bas salaires et la maladie, à l'image de ce qu'avait décrété La Commune de Paris en 1871
- Interdiction des expulsions de logement, toute l'année.
- Un toit, un bail en HLM pour tous les mal-logés (" DALO " ou non)
- Relèvement conséquent du plafond de ressources des APL
Et donc :
- Retrait pur et simple du projet Duflot/ALUR
- Abolition des mesures de défiscalisation des propriétaires privés
- Arrêt des démolitions ANRU de HLM
- Taxation spécifique des résidences et appartements secondaires, à Paris, dans les villes et régions touristiques ( Pays Basque, Côte d'azur etc.) Cette taxe servirait à abonder un fonds pour la rénovation des maisons et appartements et leur affectation en tant que logements sociaux.

Sur cette question du logement comme sur le reste, le gouvernement Hollande-Ayrault et ses supplétifs du Front de gauche tournent le dos aux intérêts des locataires, des salariés et de leurs familles.

Jean-Paul Cros, (34, commission de médiation) ; Pedro Carrasquedo, (CPN 64, Pays Basque) ; Francis Charpentier (Pays Basque, 64) ; Daniel Petri, (13e,) Wladimir Susanj, (CPN 75)
(Membres du courant Anticapitalisme et Révolution)
Modifié le dimanche 08 décembre 2013
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