Pour La Catalogne Insoumise

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 17 – mercredi 11 octobre 2017

Les événements qui se sont précipités en Catalogne ont suscité en France un profond scepticisme dans certains milieux militants et engagés. Certains, partant du principe que « les travailleurs n’ont pas de patrie » en ont tiré la conclusion que c’était un affrontement entre politiciens bourgeois se servant du peuple comme marge de manœuvre pour des intérêts étrangers à l’intérêt ouvrier de classe, d’autres qu’il s’agissait de querelles de clocher. Cela relève bien entendu du libre débat. Autre chose sont les propos de votre porte-parole JL Mélenchon qui constituent une véritable révision de l’Histoire du franquisme, en fort peu de mot, d’ailleurs ; devant l’Assemblée nationale, devant E. Philippe !

Pour La Catalogne Insoumise
(photo: Twitter/capture d'écran)
Contenu

Lettre ouverte aux adhérents de La France Insoumise

L’Espagne est-elle une nation, à l’instar de la France ?

Le droit à l’autodétermination signifie-t-il le morcellement en petits Etats ?

Pourquoi l’union européenne s’arc-boute contre toute séparation de la Catalogne ?

Peut-on avancer dans le cadre de la Monarchie espagnole ?

Peut-on avancer dans le cadre de l’Union Européenne ?

Le « séparatisme », contre les autres peuples ibériques ?

La Catalogne est-elle l’otage d’affrontements entre cliques bourgeoises et politiciennes ?

Quelle est la valeur politique du référendum du 1er octobre ?

Au fait, l’insoumission, c’est le « consentement à la norme ». Ou bien ?

Qui manifestait le 8 octobre à Barcelone ?

Et, maintenant ?

Bas les pattes devant tous les peuples !



1

Lettre ouverte aux adhérents de La France Insoumise

Mais, ce qu’il y a derrière ces propos mérite que l’on s’y arrête.

Nous le savons, JLM ne vous pas demandé l’autorisation de proclamer cette contre-vérité flagrante et ne l’a sans doute pas demandé aux autres députés qui vous représentent. Cette contre-vérité permet de prétendre que la nation espagnole existe bel et bien, en chair et en os. Elle permet du même coup de récuser le référendum catalan. Tout ceci repose sur du sable mouvant.

Le franquisme n’a rien voulu fédérer, son rôle consistait à écraser les peuples d’Espagne avec l’aide des nazis. Ce n’était pas une action dirigée contre les vieilles classes possédantes et exploiteuses féodales, mais une action pour écraser les ouvriers et paysans d’Espagne.

Il est à noter que JLM si souvent « diabolisé » par les médias aux ordres n’a été épinglé par aucun journal parlé, écrit ou télévisé pour ces paroles-là.

Cela étant, cette phrase ne saurait servir d’arbre cachant la forêt de ses propos sur la Catalogne.

Ainsi, lorsque les dirigeants catalans ont bravé l’interdiction de voter à un référendum, nombre d’insoumis ont été tenté d’applaudir à cette insoumission, de fait.

Sans doute ont-ils été décontenancés lorsque JLM, le 15 septembre a pris position contre l’organisation de ce référendum démocratique. 2 Tout autant décontenancés par le silence des pantoufles qu’a observé JLM lorsqu’à partir du 21 septembre, le bruit des bottes s’est abattu sur la Catalogne. Silence qu’il a dû rompre lorsque cette répression est devenue trop visible, le 1er octobre.

Essayons de revenir au fond du problème.

L’Espagne est-elle une nation, à l’instar de la France ?

Non, l’Espagne est un Etat de nationalités, un Etat « plurinational ». Parmi ces nationalités : La Catalogne et le Pays Basque. Ces deux territoires ne sont en rien comparables aux provinces françaises féodales. Ces provinces féodales qui passaient souvent d’un royaume à l’autre ne sont pas toutes à mettre sur le même plan. Mais la révolution française en renversant politiquement le féodalisme a unifié le pays en départements et en communes librement administrées à leur échelon jusqu’à ce que Napoléon instaure les Préfets.

La révolution française a unifié la France dans une lutte contre les vieilles classes possédantes féodales et rentières, renversant toutes les barrières douanières intérieures derrière lesquelles s’abritait la noblesse. Elle a « fédéré » la France dans le cadre de la République « une et indivisible ». Il est donc impossible de regarder ce qui se passe en Espagne avec des lunettes françaises.

Le droit à l’autodétermination signifie-t-il le morcellement en petits Etats ?

Non. C’est le déni de ce droit qui y conduit. Sur un même territoire, il ne peut y avoir d’union libre des peuples sans ce droit à la séparation, de même que dans un couple, il ne peut y avoir d’union libre sans le droit au divorce.

Pourquoi l’union européenne s’arc-boute contre toute séparation de la Catalogne ?

Mélenchon a agité le spectre du retour au Saint Empire Romain Germanique à propos de la Catalogne, de l’Irlande, de l’Ecosse. Fichaises ! Ce qui se trame sous nos yeux, c’est l’Europe des régions dont nous voyons l’illustration en France au travers de la mise en place des régions, métropoles, territoires contre les Départements et les Communes. Les « eurocrates » ne veulent pas refaire le monde : ils veulent pousser le plus loin possible la concurrence entre les salariés mais aussi les agriculteurs, briser les professions libres réglementées. Ils se moquent bien du Sacré Charlemagne. A l’évidence, la Catalogne ne veut pas devenir une « région », mais une nation à part entière qui pourrait être un Etat dans une fédération des républiques ibériques ou une nation indépendante.

Peut-on avancer dans le cadre de la Monarchie espagnole ?

C’est bien la crise politique de la monarchie espagnole « franquiste-constitutionnelle », expression de la terrible crise sociale qu’a connue l’Espagne qui a réveillé le séparatisme Catalan. Et tout autant, les « réformes ». Les questions nationales ont toujours été l’habit démocratique de la question sociale. Hors la république, point de salut. Pourquoi Mélenchon ne rappelle-t-il pas que le gouvernement Rajoy est minoritaire, même en suffrages valablement exprimés et en sièges au parlement (Cortès) ? La monarchie Espagnole, imposée par Franco (avec l’aide des nazis) par le feu, le sang, la boue, au cri de « viva la muerte ! », lequel régime a dû selon le vieil adage « changer quelque chose pour que tout soit pareil », à savoir ses fondements et ses corps répressifs. Cela est extrêmement dangereux car la bête franquiste peut à tout moment sortir ses crocs et ses « orthodoxes » n’attendent que « le bon moment », à la tête des prisons, des guardia civile, forces anti-émeutes, forces militaires. Depuis 1978, dans le cadre complaisamment acceptée par la gauche au nom du « moindre mal », les peuples d’Espagne vivent avec l’épée de Damoclès franquiste-fasciste au-dessus de leur tête !

Peut-on avancer dans le cadre de l’Union Européenne ?

Sous la férule de l’Union européenne, la Grèce est devenue une quasi-colonie. Indubitablement, le sort de la Grèce a grandement favorisé le réveil séparatiste en Catalogne et détourné de nombreux ouvriers et jeunes de Podemos identifié non sans raison à Syriza. Hors la rupture avec l’UE, aucun salut pour aucun peuple.

C’est pourquoi, nous - La Commune- pour un parti des travailleurs – prenons position très nettement contre toute « médiation » de l’UE (ou de Macron) qui est l’ennemie jurée du peuple Catalan et de tous les peuples d’Europe. L’exemple récent des « négociations » entre Tsipras et les « eurocrates » a montré où mène ce genre de tractations sordides

Le « séparatisme », contre les autres peuples ibériques ?

Nous faisons nôtre le vieil adage de Lénine : « un peuple qui en opprime un autre n’est pas libre ». Espagnols, Basques, Andalous n’ont qu’un seul oppresseur : la monarchie Espagnole et toutes les classes possédantes de l’Espagne. Les adversaires de la séparation de la Catalogne disent que la Catalogne est une « région riche » (20% du PIB – une des « régions » les plus industrielles d’Europe, avec un PIB par tête supérieur à celui de Madrid) et qu’en se séparant, la Catalogne donnerait l’illustration du pire égoïsme national, au détriment de la population pauvre d’Andalousie. Or, la question est pourtant de savoir : qui capte ce que produit la Catalogne ? Ni la masse des castillans, ni la masse des andalous, ni la masse des basques, catalans, etc. Il faudrait parler ici de la Dette, entre autres.

La Catalogne est-elle l’otage d’affrontements entre cliques bourgeoises et politiciennes ?

Parmi les membres de la France insoumise et ses soutiens, se trouvent nombre de « marxologues », de militants se réclamant du trotskysme ou de la tradition du POUM catalan. Pour eux, la couleuvre que Mélenchon leur donne à avaler est grosse. Mais, qu’à cela ne tienne : qu’importe le Corbière, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Du coup, il est tentant de donner un sens trivial à ce qui se passe et fouiller dans le linge sale de Puigdemont. Ce que nous avions fait avant qu’il soit la cible de tous les grands de ce monde, pour notre part. Quoi qu’il en soit, la bourgeoisie catalane a clairement choisi son « camp » et poussé les feux de la fuite des capitaux (ce qui pose alors la question du contrôle des changes, renforçant ainsi le point de vue séparatiste). Tous ces trotskystes omniscients ont pourtant lu, étant jeunes « la quatrième internationale et la guerre » rédigé de la main de Trotsky en 1934 et retenu, bien mieux que nous, ce passage ne leur pas échappé : « Les classes dominantes qui ont été renversées sont toujours devenues «défaitistes», c'est-à-dire qu'elles ont toujours été prêtes à restaurer leurs privilèges à l'aide des armes étrangères » 3(ce qui s’est passé en 1940-44 en France occupée entre autres a confirmé ce point de vue). Pour mémoire, la Catalogne, insurgée en mai 1937, réprimée sur l’instant par les agents de Staline a été écrasée par les bombes en novembre 1939 par Franco.

Quelle est la valeur politique du référendum du 1er octobre ?

La lecture du Monde, qui est à « l’objectivité » ce que Valls est au socialisme, est une tâche très pénible. Tout est dans le titre « 42% seulement de participation »…En réalité 43,3% ! Une population exposée aux coups, avec des électeurs traînés hors des bureaux de vote, matraqués et gazés a voté à plus de 40%. C’est une véritable EXPLOIT DEMOCRATIQUE. Rien de comparable avec les 39% d’électeurs exprimés aux législatives de juin dernier en France, salué par Le Monde comme une prouesse macronienne.

43% des catalans ont donc voté pour un référendum Illégal. Si ce n’est pas de l’insoumission, qu’est-ce donc ?

Au fait, l’insoumission, c’est le « consentement à la norme ». Ou bien ?

Chers camarades insoumis, si vous avez bien lu les œuvres récentes du « maître à penser » JLM, vous apprendrez, non sans avoir le tournis, que la désobéissance n’a rien à voir avec l’insoumission dont, reprenant le flambeau de Jean Paul Sartre, JLM a révélé le soubassement philosophique dans un texte fondateur « l’insoumission est un nouvel humanisme » (Sartre avait écrit une brochure « l’existentialisme est un humanisme ») :

« Pour nous donc, la liberté pour évaluer la règle nous est chère entre toutes. Elle est la base de notre consentement à la norme . Le message de l’insoumission fonctionne comme une sorte d’adage : « Comment pourrais-je accepter ce que je n’aurai pas le droit de contredire ? »

L’insoumis n’est donc nullement un nihiliste. Il ne refuse pas toute règle tout le temps. Il sait que la règle est la façon de rendre concrète une liberté. Il est donc prêt à participer à son élaboration, à composer, et même à laisser s’exercer une règle si c’est la loi, quand bien même il la désapprouve. Mais il y met deux conditions. D’abord que la décision soit prise collectivement après délibération contradictoire et non du fait d’un seul. Ensuite que la liberté de contester une décision ne soit jamais éteinte.

Dans l’ordre politique c’est ce qui se passe quand on vote. Le vote est ouvert à tous. Il est précédé d’un débat contradictoire. Certes, le mode de décision est arbitraire puisqu’on décrète que 51 ont le dernier mot sur les 49 autres. Mais le vote ne produit que la décision à prendre. Il n’oblige pas à changer de conviction. On accepte le résultat du vote, mais personne ne peut nous obliger à changer de point de vue. »4

Avant c’était simple et c’était écrit dans le règlement général de discipline des Armées : l’insoumis était celui qui refusait d’accomplir ses obligations militaires. Mais « maintenant, c’est plus pareil » et Georges Orwell en écrivant 1984 n’avait pas songé à graver au chapitre de la nov ’langue « l’insoumission, c’est le consentement ». …JLM y est presque !

La philosophie est bien commode aux directeurs de conscience : appliquée au referendum catalan, cela donne : Nous pouvons contester la Constitution espagnole de 1978 et les arrêts de la Cour suprême du ROI, mais il faut y consentir sinon c’est la « pagaille » ou le « chaos ».

Cette forme d’insoumission platonique n’empêche pourtant pas Raquel Garrido de se soustraire pendant six ans au versement de ses cotisations à un régime particulier de retraite par répartition solidaire entre les générations.

Elle permet au gentil Ruffin de répondre à la sœur d’Adama Traoré qu’il ne prendra pas position pour « justice-vérité » en faveur d’Adama, qui a perdu la vie au cours d’une interpellation tant qu’il n’aura pas « tous les éléments ». 5

Si nous voulons pousser la sémantique juridico-pantoufle et philosophico-stérile plus loin, nous dirons que dans leur majorité, les catalans ont été IRREDUCTIBLES. C’est mal ?

Et que dire des « GM&S » ?

Qui manifestait le 8 octobre à Barcelone ?

La palme de la honte au festival de la boue revient sans doute à des journaux comme l’Obs et le Monde qui ont escamoté une info essentielle des dépêches AFP6 : « manifestants venus de toute l’Espagne » au moyen de cars affrétés par le gouvernement Rajoy et parmi eux, les « phalanges » et « faisceaux » des franquistes purs qui se fédèrent eux même en faisant le salut nazi ou aux cris de « Puigdémont en prison ». C’est dire que Barcelone a été envahie !

Et, maintenant ?

Il existe une ligne de partage des eaux pour ou contre la Catalogne. Et, en pareil cas, dans notre camp immédiat, il y a inévitablement la tendance à la surenchère, à placer la barre toujours plus haut. Nous sommes terre à terre : nous n’allons pas commencer clamer depuis Paris « république catalane », ni par en référer au combat général pour en finir avec l’UE, ses institutions, ses directives et au combat général pour abolir la V ème république en France. Notre préoccupation immédiate est l’intervention du mouvement ouvrier et démocratique français pour :

  • Forces répressives policières de l’Etat espagnol, hors de catalogne

  • Arrêt de toutes les poursuites, de toute violence policière de l’Etat espagnol

  • Arrêt de la fuite des capitaux

  • Droit du peuple catalan de décider

  • Droit au referendum

  • Aucune ingérence française ou « européenne » sous couvert de « médiation »

  • A bas la sainte alliance Macron-Rajoy UE contre la Catalogne

Pour en revenir aux desseins de Mélenchon, sans cesse pris en écharpe entre la stature d’homme d’Etat qu’il veut acquérir et la posture d’Insoumis qu’il doit affecter, nous interviendrons systématiquement contre toute conférence des chefs d’Etat et grands de ce monde pour « redessiner » les frontières.

Bas les pattes devant tous les peuples !

1 https://youtu.be/5Le-09GHSIw

2 http://melenchon.fr/2017/09/15/revue-de-semaine-39-irma-catalogne-12-23-septembre-loi-travail-reunion/ à partir de 09:59 : Référendum d’indépendance en Catalogne

3 https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1934/06/34061000.htm#9

4 http://melenchon.fr/2017/08/26/linsoumission-nouvel-humanisme/

5 https://www.politis.fr/articles/2017/09/sur-adama-traore-ruffin-enquete-37637/

6 https://www.afp.com/fr/infos/259/des-centaines-de-milliers-de-manifestants-barcelone-contre-lindependance

Modifié le mercredi 11 octobre 2017
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