« Nous sommes d’extrême nécessité ! »
La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 81 – vendredi 4 janvier 2019
«Cette année 2019 est à mes yeux décisive » a prévenu le chef de l’État lors de ses vœux pestilentiels. Le tout étant de savoir à quel moment elle le sera. Un ministre anonyme soupire : « «C'est le gouvernement qui essaye le plus de faire des réformes structurelles, sauf que plus personne n'y croit» 1 . Le Figaro enfonce le clou : « Quant au programme de réformes mené tambour battant, il est sérieusement remis en cause, même si le chef de l'État s'en défend. » Un « gilet jaune » poste sur les réseaux sociaux : « nous ne sommes ni d’extrême-droite, ni d’extrême gauche, nous sommes d’extrême nécessité ». L’année commence …
Contenu
Certains journalistes, internautes en service commandé et chroniqueurs qui sont toujours à l’affût d’un propos raciste ou « fascistoïde » en marge des manifestations et ronds-points auraient sans doute une meilleure vue sur ce qui se passe s’ils promenaient leurs micros dans la rue, dans les superettes, les boulangeries, les quartiers populaires, les réfectoires et vestiaires des entreprises. Mais, à ceux-là, comme aurait pu dire Trotsky « la vie leur passe sur le corps ». Nous ne savons pas si le mouvement des Gilets va se cristalliser mais, quoi qui s’ensuive, la colère des masses ouvrières et populaires, elle, est cristallisée et de plus en plus concentrée.
Le vent mauvais
L’allocution du chef de l’État en sursis est trempée dans l’encre gelée des semonces politiques de tranches d’un passé que nul ne voudrait revivre.
En août 1941, sentant se lever « un vent mauvais », Pétain fronçait le sourcil à propos de sa « révolution nationale » et de la « collaboration avec l’Allemagne » que « cette œuvre de longue haleine – n’a pu porter tous ses fruits ».
Bien des décennies plus tard, Macron serine : « Les résultats ne peuvent pas être immédiats et l’impatience – que je partage - ne saurait justifier aucun renoncement. » Certes, il ne plaide pas la Collaboration avec le 3 ème Reich hitlérien, mais, il œuvre bien à « la révolution nationale »
En novembre 1938, le ministre des Finances Paul Reynaud tançait vertement la population :
« ---« Croyez-vous que dans l’Europe d’aujourd’hui la France pourra, à la fois, maintenir son train de vie, dépenser 25 milliards d’armement et se reposer deux jours par semaine ? » 2
Ce 31 décembre 2017, Macron, sans doute mû par « le principe de réalité » nous rebat ainsi les oreilles
« On ne peut pas travailler moins, gagner plus, baisser nos impôts et accroître nos dépenses, ne rien changer à nos habitudes et respirer un air plus pur ! Non, il faut tout de même sur ces sujets que nous nous regardions tels que nous sommes et que nous acceptions en face les réalités. »
Macron n’est jamais aussi original que lorsqu’il crache son venin sur « les gaulois réfractaires », « les gens qui ne sont rien » et ainsi de suite ou dans sa façon de rendre hommage à Pétain, l’homme qui, bien avant de devenir « collabo », de concert avec Franco avait mâté les combattants du Rif 3 à l’arme chimique en 1925.
Macron n’est jamais autant lui-même que lorsqu’il crache sa rage sur les Gilets jaunes et nous ferons ici grâce à nos lecteurs de ce passage de son homélie.
Le bruit des glaçons
Mais déjà, nous sentons poindre le mythe du « Roy mal entouré ». Ce mythe nous est servi par…Benalla : Macron serait pied et poing lié par la « mafia » (rien moins) de l’Elysée. N’avions-nous pas dit dès juin 2017 que ce Tyranneau était un homme de paille. Il n’a donc que l’entourage qu’il mérite. Dès qu’il a été présélectionné par les capitalistes et les banquiers au travers de leurs médias, quand Fillon s’est fracassé sur le mur de ses « affaires », il avait mandat de la classe dirigeante pour accélérer les « réformes », rattraper en deux ans des décennies de retard dans leur accouchement, Hollande lui ayant déblayé le terrain. La soumission et participation des hautes directions syndicales lui était acquise dès les premières lueurs de l’été 2017. Est intervenue la mobilisation en gilet-jaune et des lycéens. Le vent mauvais que l’on sentait venir s’était levé comme par accident, par l’irruption de l’Affaire Benalla. Celle-ci n’a été mise en sommeil que pour rebondir de plus belle. De même que l’acteur Albert Dupontel était le cancer de Jean Dujardin dans « Le bruit des glaçons », Alexandre Benalla est la tumeur de Macron. 4
Sous ses dehors extravagantesques, l’affaire à tiroirs Benalla est à la fois le produit dérivé et l’agent de la putréfaction de la 5ème république. Nous ne répéterons pas ce qu’a dit mieux que nous Edwy Plenel. Macron avait requis l’indulgence pour ce jeune conseiller et s’était tenu prêt à lui servir de fusible, en crânant : « qu’ils viennent me chercher ». Il ne croyait pas si bien frimer. Colomb a pris la fuite, parmi d’autres. A la place de cet homme gris à la voix traînante au poste clé de ministre de l’Intérieur, il a placé un aventurier qui, dans sa jeunesse, avait eu recours de la protection du milieu marseillais pour des parties de Poker. Ce Castaner qui ne connaît, dirait-on, d’autres registres que celui de la guerre civile.
Dans la première séquence de cette affaire sans fin, nous avions vu Mélenchon pris en écharpe entre sa volonté d’avoir une stature d’Homme d’État fort respectueux de l’ÉTAT et des INSTITUTIONS et sa posture de Tribun du Peuple, vent debout contre les « Elites » et comment l’opposition à l’Assemblée avait à hauts cris quitté la Commission d’Enquête, avant de se défausser par des Motions de censure faites pour cibler Edouard Philippe et ainsi couvrir Macron.
Le Pouvoir n’en était pas moins pris dans une spirale : affaire Benalla – crise gouvernementale – remaniement ministériel qui durera 15 jours laissant penser qu’entre Philippe et Macron, les couteaux sont tirés. A tel point que Juppé, dont Philippe était l’émanation, doit venir à la rescousse du chef de l’État, pris en tenaille entre « l’Affaire » et « Les Gilets jaunes », entre la crise politique et la crise sociale. A 20H23, à peine terminé le discours de vœux de Macron, Juppé tweete pour applaudir, lui qui se tenait encore dans une certaine réserve, s’appliquant à tenir le rôle du Sage. Le voilà prêt à mettre les mains dans le cambouis pour sauver ce qui peut l’être du Soldat Macron et de son « principe de réalité »…
Comment volent les plumes
Reprenons donc succinctement les derniers éléments apportés par Mediapart
17 décembre 2018 :
« Un oligarque proche de Vladimir Poutine, suspecté par plusieurs magistrats européens d’être lié à la mafia russe, a rémunéré la société de l’un des principaux protagonistes de l’affaire Benalla, le gendarme Vincent Crase. Un paiement de près de 300 000 euros a eu lieu au mois de juin 2018, à une date où le commandant Crase était encore salarié de La République en marche, au titre de responsable adjoint « sûreté et sécurité » du mouvement. »
27 décembre 2018 :
« Alors que l’Élysée a assuré ces derniers jours qu’il n’était pas « un émissaire officiel ou officieux » de la République, Alexandre Benalla voyage depuis plusieurs mois avec un passeport diplomatique, selon des informations obtenues par Mediapart. Le précieux document, utilisé ces dernières semaines pour entrer dans différents pays africains ainsi qu’en Israël, et qui porte la référence 17CD09254, a été délivré le 24 mai 2018. »
31 décembre 2018
« Alexandre Benalla affirme à Mediapart avoir échangé très régulièrement avec Emmanuel Macron, sur des « thématiques diverses » comme les gilets jaunes, depuis sa mise à l’écart l’été dernier. L'Élysée avait pourtant assuré n'entretenir « plus aucun contact » avec lui. « Ça va être très dur de le démentir parce que tous ces échanges sont sur mon téléphone portable » , confie l’ancien collaborateur du président, qu’il décrit par ailleurs comme étant entouré de « technocrates » qui« appartiennent à une famille pire que la mafia ». » 5
Conséquence collatérale :
« Sylvain Fort, chef de la com' de l'Élysée, va quitter ses fonctions
Chargé des relations avec la presse alors que l'affaire Benalla fait encore des remous, la "plume" d'Emmanuel Macron entend repartir dans le privé. » 6
AMNISTIE, OUI !
Dans le même temps, plus de 200 manifestants croupissent en prison, d’autres sont interdits de séjour dans plusieurs départements, d’autres astreints au bracelet électronique ou à des travaux d’intérêt général ou attendent leur comparution. La plupart ont été condamnés en comparution immédiate.
De ce point de vue, nous saluons l’intervention du député du Parti communiste, André Chassaigne à l’Assemblée nationale en faveur de l’amnistie de tous les condamnés, lycéens et Gilets jaunes.
D’autre part, Amnesty international a indiqué :
« Selon les chiffres officiels, 1 407 manifestants ont été blessés, dont 46 grièvement, depuis le début des manifestations le 17 novembre 2018. ». Amnesty fait savoir que les journalistes-photographes étaient eux aussi « dans le viseur » des Flash Ball, que des lycéens mineurs arrêtés n’ont pu être auditionnés en présence de leur avocate. « Les forces de l'ordre semblent avoir adopté une tactique délibérée consistant à installer des barrages pour fouiller toutes les personnes qui se rendaient aux manifestations, afin de confisquer les équipements de protection des manifestants, des journalistes et même du personnel médical. » 7
Nous en appelons donc les personnalités attachées aux fondements de la démocratie, la Ligue des droits de l’homme et autres associations militant pour les droits fondamentaux, les confédérations syndicales ouvrières, DANS UNE CAMPAGNE COMMUNE POUR L’AMNISTIE TOTALE DE TOUS LES MANIFESTANTS CONDAMNÉS et l’ARRET DE TOUTES LES POURSUITES ENGAGÉES Â LEUR ENCONTRE
Nous nous tenons prêts à soutenir toute initiative en ce sens.
Vendredi 4 janvier 2019
Au prochain numéro : la défense des chômeuses, chômeurs et de leurs droits
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Si nos Lettres vous intéressent, n'hésitez pas à prendre contact avec nous ou à nous soutenir ou nous rejoindre
Rappel :
Notre Courant, né en 1992, entend défendre le marxisme vivant, le trotskysme, selon nous. Il a été fondé par des dirigeants exclus du Courant dit « lambertiste » 8 et s’est intégré dans le courant trotskyste latino-américain, appelé « Moréniste » 9 .
Selon nous, le capitalisme ne peut être « réformé » ou « humanisé » et rendu plus écologique, la machine l’État des capitalistes, des banquiers doit nécessairement être brisée à laisser place à l’État-commune, tel que l’avait ébauché la Commune de 1871.
Notre courant est ouvert aux libertaires, anarchistes, syndicalistes, militants du parti communiste qui veulent renouer avec un parti de classe révolutionnaire et internationaliste, comme nous nous efforçons de l’être.
Nous militons pour un Parti des travailleurs à caractère de masse.
Nous sommes une organisation qui se construit en toute indépendance et en toute liberté, résolument anticapitaliste, internationaliste, anti-bureaucratique et démocratique. Un Courant au service de toute la population laborieuse et pauvre et de ses besoins immédiats, vitaux et fondamentaux. Un parti de femmes et d’hommes libres qui s’inscrit dans la continuité du combat séculaire pour libérer l’humanité des chaînes de l’exploitation et du joug de l’oppression.
1 http://www.lefigaro.fr/politique/2019/01/01/01002-20190101ARTFIG00089-l-executif-dit-ne-rien-vouloir-ceder-sur-les-reformes.php
2 Cité par : J. Danos – M. Gibelin – Juin 1936- réédition LBC. Page 304
3 Nord du Maroc
4 http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=173056.html
5 Extrait du Dossier de Mediapart que nous invitons nos lecteurs à lire, car il retrace toute l’histoire : https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/notre-dossier-l-affaire-macron-benalla
6 https://www.huffingtonpost.fr/2019/01/02/sylvain-fort-chef-de-la-com-de-lelysee-va-quitter-ses-fonctions_a_23632261/?utm_hp_ref=fr-homepage
7 Voir sur le site Amnesty international
8 En référence à Pierre Lambert, dirigeant historique de l’O.C.I(organisation communiste internationaliste) et du « parti des travailleurs » qui a donné naissance au Parti Ouvrier Indépendant qui édite l’hebdomadaire « Informations ouvrières ».
9 En référence à Nahuel Moreno qui, combattant pour la 4ème internationale a consacré sa vie à la construction de partis trotskystes à influence et activité de masse.
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