MACRON – Minoritaire un jour, illégitime toujours

Ses Réformes,  son Style, ses Matraques, son Opposition

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 42 – Samedi 21 avril 2018

Cela va faire un an. Avec 18% des inscrits au premier tour et 43,6 % au second, Emmanuel Macron aurait donc « été élu par les français ». Tous le martèlent, ses soutiens comme ses opposants. Aller contre les « réformes » serait en quelque sorte aller « contre la volonté du peuple ». A quelques jours du second tour, il n’était pas jusqu’à Gérard Filoche et Edwy Plenel, pour crier de façon alarmiste : le fascisme est à nos portes. Nous avions entendu ce couplet durant toute la campagne et ses opposants parlementaires ne lui contestent jamais cette légitimité ; Sinon, comme disait de Gaulle, « ce serait la pagaille »…Des jeunes dans les rues le disent : « tout le monde déteste Macron » tous sauf ses opposants qui aiment goûter « le plaisir de la conversation avec lui » ou les dépositaires de la morale démocratique qui, tels Edwy Plenel, nous l’apportent sur un plateau TV…

MACRON – Minoritaire un jour, illégitime toujours

… Puisque nous avons parlé de De Gaulle, rappelons que son confident, feu Alain Peyrefitte, avait rapporté ce que pensait de Gaulle à la vue du résultat du référendum de 1962 sur l’élection du président en suffrage universel : le OUI l’avait emporté mais, compte tenu des abstentions, avec seulement 47% des inscrits 1. De Gaulle voulut partir, considérant qu’au-dessous de 50% des inscrits le OUI n’était pas légitime. Tordant le bras à cette réalité, les conseillers du Général lui expliquèrent que 3% des abstentions ont une cause « naturelles » tels que décès, maladie, accident et qu’ainsi même, 47% faisaient plus que 50- CQFD ! A tout le moins, de Gaulle reconnaissait le phénomène abstentionniste…

Pour Macron, mais aussi ses opposants complaisants, le suffrage universel, ce sont des pourcentages, des statistiques, des courbes élastiques. Pour des « érudits » de son espèce, une élection n’est rien de plus qu’une opération de management « participatif ». Ses tacles et sa philosophie dans son boudoir se veulent plus « incisif ».

Ainsi, lorsque l’excellentissime Macron vient au parlement « européen » de Strasbourg et qu’il se trouve face à un authentique discours d’opposition, il laisse tomber avec cette morgue qui lui colle à la peau : « Vous pouvez tenir des propos d'estrade car vous avez le confort de ce salon. Au nom du respect que j'ai pour ce Parlement, je ne peux vous laisser dire des bêtises et contre-vérités ». Forme précieuse de censure. Mais, ce n’est pas un député français qui l’a, à grand trait, descendu de son cheval. C’est un député écologiste belge Philippe Lamberts, qui n’a rien de particulièrement « insoumis », pas même « eurosceptique » qui n’aboie pas , mais sait piquer au vif et faire mouche.

Revenant sur la devise Liberté-Egalité- Fraternité ( tiens, elle n’est pas encore « réformée », celle-là ?) Philippe Lamberts dit :

« Monsieur le président, ce que vous souhaitez pour l’Europe, vous affirmez que la France doit commencer elle-même à le faire dès aujourd’hui. Votre action en France raconte une toute autre histoire. Une histoire qui met à mal la devise de votre pays : Liberté-Egalité- Fraternité.

Où est la liberté lorsque vos citoyens peuvent être surveillés, assignés à résidence, et perquisitionnés chez eux sur de simples soupçons de la police

Où est la liberté, lorsque des policiers armés débarquent au petit matin pour arrêter un groupe de jeunes dont le seul tort serait d’avoir occupé pacifiquement un chantier. Ma fille en était. Elle fut emmenée devant son fils de deux ans loin de chez elle pour subir pendant tout une journée un interrogatoire. Dans votre France, l’Etat de Droit garant de nos libertés s’éloigne jour après jour.

Liberté, égalité.

Où est-elle l’égalité lorsque vous imposez toujours plus de précarité aux travailleurs, alors qu’en même temps, vous faites des cadeaux fiscaux aux plus riches, ceux que vous aimez appeler les premiers de cordées. Votre foi en eux est inébranlable. Mais, voyez-vous, ce qui définit la cordée, monsieur Macron, c’est la corde. C’est elle qui permet d’adapter la vitesse du premier de cordée au besoin du groupe. C’est elle aussi qui empêche les derniers de cordée de tomber au ravin. Mais dans nos sociétés, monsieur le président, cette corde n’existe plus.

Les riches s’enrichissent, les classes moyennes stagnent et se précarisent et les plus fragiles sont abandonnés à leur sort.

Liberté, égalité, fraternité.

Est-ce au nom de la fraternité que vous vendez des armes à des régimes qui les retournent contre leur propre population ou contre leurs voisins.

Où est-elle cette fraternité lorsque votre police lacère tente et sacs de couchage de migrants. Procédures expéditives, recours non suspensifs, détention administrative , voilà les ingrédients de votre projet de loi sur l’asile et l’immigration. Contenir et refouler plutôt qu’accueillir des êtres humains en exode forcé. […]

Monsieur le président, un livre vous dit philosophe. Il affirme qu’aucun de vos mots n’est le fruit du hasard. Voici quelques mois, vous avez parlé des gens qui réussissent et des gens qui ne sont Rien. Vous n’avez pas dit : des gens qui ne font rien ou qui n’ont rien. Vous avez parlé des gens qui ne sont rien.

Voyez-vous, pour nous, le projet européen consiste précisément à faire en sorte que plus jamais, en aucun endroit de continent, aucune femme, aucun homme ne puisse être considéré comme rien ou se penser comme rien car considérer des êtres humains comme rien, c’est permettre de leur faire subir n’importe quoi et cela, nous ne l’accepterons jamais »2

Ce député, pourtant, croit au « projet européen », se dit prêt à soutenir Macron « chaque fois qu’il fera quelque chose de juste », il ne prétend pas « rompre avec ce monde pourri », pour rien au monde il ne voudrait « faire sa fête à Macron ». Pourtant, son intervention, à son corps défendant peut-être, est une intervention en RUPTURE. L’intervention d’un de celles et ceux qu’on appelait autrefois des démocrates sincères. En quelques minutes, il a « croqué » à belles dents un an de « macronisme », en défense des droits humains et démocratiques imprescriptibles.

Or Macron tient encore uniquement parce que les « opposants » et les sommets des appareils syndicaux ne veulent en aucun cas entrer dans la voie de la rupture avec lui.

Tous les porte-parole qui passent au tamis des médias capitalistes protestent, contestent, sacrifient au lyrisme, disent que Macron est très méchant, qu’il faut le stopper, qu’il a un style exécrable dans une sorte de défoulement devenu rituel. Mais aucun d’entre eux même le plus « radical », « anticapitaliste » ou « insoumis » ne dira : retrait du pacte ferroviaire, du projet « action publique 2022 (suppression de 120 000 emplois de fonctionnaire, externalisation- privatisation de multiples services-clé) et de la loi Vidal de sélection à l’Université. Ils sont, le plus clair du temps, dans la gesticulation et la compétition entre eux.

Les « chefs de guerre » des fédérations de cheminots, à commencer par ceux qui chantent « on lâche rien », devront s’expliquer devant les cheminots un jour où l’autre sur leur « stratégie ». Comme nous venons de l’écrire dans un article sur la France de la revue du MST d’Argentine :

« Si ces dirigeants syndicaux qui parlent tout le temps de « stratégie » étaient des chefs conduisant une armée, les grands chefs historiques des grandes guerres, comme Bonaparte en France, les ferait interner dans un asile ou les aurait fusillés. Ces « stratèges » syndicaux ont livré tous leurs plans à l’ennemi qui sait déjà quand s’arrêtera la guerre et les jours où toutes les troupes seront en permission (trois jours par semaine). Pourtant, ces chefs syndicaux ne sont pas des fous à lier. Leur « stratégie » est guidée par une volonté unique : la concertation avec le gouvernement. »

Leur intersyndicale de circonstance CENSURE la revendication urgente qui unit les grévistes : RETRAIT DU PACTE FERROVIAIRE.

Avant de passer un pacte à Macron, ces 4 fédérations ont passé un pacte entre elles. Or, parmi ces 4 fédérations, il y a la CFDT dont les leaders sont pour Macron !

Or, Macron ne veut pas passer un pacte avec cette intersyndicale œcuménique. Il veut les syndicats à sa botte, garantes de la bonne application de « sa » réforme.

Cette idée de « grève de trois mois », loufoque en elle-même, avertit Macron du jour de l’armistice. Son « séquencement », c’est-à-dire l’alternance « grève – reprise – 3 jours – 2 jours » semble avoir été conçue spécialement pour permettre le pourrissement des choses.

Pourtant, une semaine avant les actions du 22 mars, l’ancien secrétaire général de la CGT-Cheminots Didier Le Reste avait dit : « il y a tous les ingrédients pour un nouveau 95 », c’est-à-dire pour une grève victorieuse. Mais, leur orientation de « propositions » à sa majesté ne serait-elle pas : « tout, sauf 95 » ? Posons-leur la question !

Politiquement , Macron, pour reprendre ses mots, n’est RIEN.

Tout ce qui sort de sa bouche raisonne (et résonne) au mieux comme des flatulences. Sa pensée, de ce qu’il nous en montre, est excrémentielle.

Macron, en outre, est sans cesse, « hors sujet ».

Ce fat bluffe, enfume ou amadoue les choses, il est comme pris de hoquets à chaque fois qu’il doit mentir sur commande au compte de ces « premiers de cordée » qui LE commandent.

Il n’est RIEN car il ne repose sur rien. La grande majorité de ses électeurs est tenté de lui dire : « nous n’avons pas voté contre vous mais contre Madame Le Pen ». Il n’a aucun degré de liberté vis-à vis d’une poignée de grosses fortunes et d’eurocrates, ne peut réguler leurs ardeurs puisque il n’a pas de parti mais une sorte d’écurie où cela rue dans les brancards, avec des « parlementaires » qui, pour la plupart, n’ont aucune formation politique ou « historique » puisqu’ils ne connaissent que le management d’entreprise, avec ou sans ménagement.

Ceux qui voudraient se servir de leur intelligence sont priés de la laisser au vestiaire de cette cour des miracles qu’est l’Assemblée. Faire œuvre d’intelligence serait grossier puisque la masse des « électeurs » et de « l’opinion » ne sont RIEN. Et doivent le rester. De Gaulle ne disait-il pas « les français sont des veaux » ?

Le système Macron, où la plupart des ministres n’ont de ministres que le nom et au mieux peuvent, à l’instar de Madame Schiappa « papillonner », ce système repose sur une fine couche sociale de fort-thunés ou de cadres supérieurs « surbookés » et privés de vie privée. Sa « société civile » sur mesure s’est volatilisée comme un gaz hilarant.

Ne perdons pas de vue, les conditions très particulières qui ont permis à ce « politiquement RIEN » (Même Rocard le suggérait dans son testament politique) d’être sacré par l’onction d’un suffrage universel morcelé.

Exit Juppé (le « pressenti » par le CAC 40),

Exit Sarkozy !

Exit Hollande !

Exit Valls !

Exit Fillon ! (qui était « imbattable ») …

Qu’est ce qui reste ?

La tête à toto ! …L’homme qui traversa Paris tel Jules César sur son char, sur l’air de « veni-vedi-vici » (je suis venu- j’ai vu- j’ai vaincu)…Le soir du premier tour, avec 18% des voix réelles.

Illégitime parce que minoritaire – minoritaire parce qu’illégitime.

Nous avions eu en 2017 une application de la théorie des dominos à la crise politique. Une crise politique portée à incandescence, comme premier effet « qui se coule » de l’affrontement de classe provoquée par le projet de loi El Khomri.

Cette loi El Khomri fut adoptée dans les pires conditions qui soit, rejetée par plus de 70% de la population, imposée par les matraques, les gaz, l’instrumentalisation de « casseurs » infiltrés et surtout …Le 49-3. La trêve sociale imposée par Mailly-Martinez, au compte de cette élection antidémocratique, avait, seule, permis de rendre cette loi applicable.

Macron et sa camarilla ne tiennent qu’à un fil et à cette corde que lui tendent les grands « stratèges » syndicaux.

Notons bien que le grand thème en vogue, c’est la convergence des luttes.

Les cheminots sont-ils en grève à partir du 3 avril ?

Attendons le 19 avril pour mettre en scène une journée d’action « multiforme » sur toutes les revendications sauf : le retrait du pacte ferroviaire, de action publique 22, de la loi Vidal…

Les fonctionnaires se sont-ils mobilisés le 22 mars dans toute la France ?

Attendons la deuxième semaine de mai, pour une nouvelle journée d’action …sans action.

Voilà la stratégie de Martinez et d’une poignée de décideurs (bureau « conf) qui s’élèvent au-dessus des organismes nationaux de la CGT, comme un corps qui lui devient étranger.

Beaucoup de syndicalistes, de salariés, de grévistes s’interrogent : «mais, pourquoi ils font ça ? Pourquoi ils font comme ça ?».

Ils attendent des explications.

Notre interprétation immédiate de cette « stratégie » intimement lié au choix de la Concertation-Macron est la suivante : ces « généraux » du syndicalisme cherchent à empêcher l’explosion sociale, au risque d’une fracture syndicale.

Ces dirigeants généraux ne veulent pas que Macron « se scratche en vol ». Ou bien ?

Quoi qu’il en soit, il n’est pas en leur pouvoir d’empêcher cette explosion. Ils peuvent la « retenir » quelques temps encore. Le soulèvement n’en sera que plus profond. Il entrera alors sans frapper, sans préavis, comme en 1936, en 1968. Si ce vrai déferlement devait avorter, viendrait le temps de la contre-révolution ouverte.

Aussi, sur un point, nous étions tombés d’accord avec une appréciation de Mélenchon au lendemain de l’élection législative de l’an passé: « Vous ne pouvez pas savoir quelle sera la mèche… Mais elle brûle déjà »

Le 28 février 2017, JLM avait déjà fait un constat sur lequel nous n’avons rien à redire : « la situation est quasiment pré-révolutionnaire ». « C'est le moment où les gens ne croient plus à rien, ni aux journalistes, ni aux hommes politiques, ni aux juges, ni aux policiers », « Et un jour, vous ne savez pas pourquoi, il se produit l'événement fortuit et une immense clameur se lève : « qu'ils s'en aillent tous ». C'est ce qui s'est passé dans des tas de pays. »3

Macron en a-t-il conscience, lui qui hume l’air du temps plutôt que le fond de l’air ? Lui arrive-t-il de songer que son système de « gouvernance » est assis sur une poudrière ?

La grêle de coups qu’il assène contre toutes les catégories sociales ne peut déjà plus être supportée.

Ce que les salariés, retraités, jeunes et les plus opprimés, les plus exposés à cette avalanche de coups durs, d’une rare violence sociale, supportent encore, ils ne supporteront pas pendant quatre ans.

Avec ce Macron-là, il n’y a pas de moyen terme, aucun « plaisir de la conversation », aucune « explication » à entendre, plus la moindre de ses sornettes, les dégâts qu’il a causés sont considérables :

Dehors Macron, au plus vite !


21 avril 2018




1 https://youtu.be/GZ-10O0k5Bc -10 :16

2 https://youtu.be/KvHU6b6twYg

3 http://dai.ly/x5digvb

Modifié le dimanche 22 avril 2018
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