Lettre d'informations de La Commune n° 8, 23 novembre 2014
Pour qui sonne le glas ?
La Vème République est en miettes, en décomposition. Il se trouve seulement que son décès n’a pas encore été constaté. Un peu de patience, la lutte de classes va s’en charger. De ce régime, il ne reste à quelque chose près que la Constitution, tant de fois remaniée depuis 1974. Le chef de l’Etat ne décide plus. Il est la risée de tous, au point que l’on s’inquiète, ici et là, du « Hollande bashing ». Son Premier ministre en est réduit à faire des déclarations d’amour à l’Entreprise. Et, du côté de l’UMP, parti organique du régime, point de solution de « rechange ». Un régime bonapartiste… sans « Bonaparte ». Pas même un « Napoléon le tout petit », façon Sarkozy.
Ce n’est pourtant pas faute d’autoritarisme. Rarement un gouvernement, depuis de Gaulle, ne s’en était pris avec tant de raideur au droit de manifester. Au point d’embastiller des manifestants. Fermeté illusoire qui tente de sauver les apparences. Mais un bilan tragique et meurtrier tout de même : un mort, un jeune homme de 20 ans tué à la grenade offensive. En d’autres temps, le mouvement ouvrier et démocratique aurait fait se lever une puissante manifestation contre cet abject crime d’Etat. Mais ses chefs regardent ailleurs, concoctent une manifestation informe « contre l’austérité ». C’est assez vague pour ne heurter personne et pour faire un appel consensuel, unanimiste, le contraire du Front unique ouvrier. Une façon bien commode, avec la signature complice du NPA, (tous courants confondus) de mettre un couvercle sur le nécessaire combat uni pour rompre le pacte de responsabilité et pour sauver la Sécurité sociale et ses principes fondateurs.
De droite à gauche, aucune assise populaire
Reste que le gouvernement actuel, tout comme son « opposition » de droite, est suspendu en l’air, privé de toute assise sociale, de toute forme solide et sérieuse d’adhésion populaire. Alors, ici et là, on spécule sur des « élections anticipées » qui auraient le don de susciter une « cohabitation » dans le cadre du quinquennat qui avait été conçu pour éviter cette forme dégradée d’Union nationale au sommet. Certes, la crise qui ronge l’UMP de part en part n’est pas propice à une dissolution de l’Assemblée nationale mais cette « arme fatale » pourrait cependant être utilisée pour tenter de conjurer le risque d’une explosion sociale imminente. Tout est en effet trop calme, dans ce pays. Comme ce 15 mars 1968 quand une grande plume éclairée du « Monde » (Hubert Beuve-Méry) écrivait imprudemment mais avec l’air de celui qui savait tout et avant tout le monde : « la France s’ennuie » en se hasardant à prédire que la vie serait un long fleuve tranquille jusqu’aux élections de 1972. Hélas ! Deux mois plus tard, la révolution frappait à la porte, le pays tout entier entrait en grève générale par surprise, du moins pour cette petite -bourgeoisie arrogante, la même qui en ce moment voit une situation défavorable pour les travailleurs à tous les coins de rue et le FN triomphant dans tous les HLM de France !
Dans ce « calme » qui a été secoué par des mouvements annonciateurs, (Bonnets rouges, grève des cheminots, mobilisation contre le soutien de « La France » à l’Etat d’Israël lors de sa dernière guerre sale contre Gaza), affaires et pantalonnades grotesques s’enchaînent, à n’en plus finir. Et voici qu’une photo circule montrant l’actrice Julie Gayet en compagnie de son ami de cœur, le chef de l’Etat, au beau milieu du Palais présidentiel. Le ridicule ne tue pas, dit-on. Voire…
Un 9e ministre « remercié » !
Ces « affaires » et « pantalonnades » sont l’expression de la crise du Régime qui se fond en une seule crise du sommet de l’Etat. Pour y parer, on cherche encore des biais pour réanimer un pseudo « clivage gauche-droite » ou, à présent, on ne sait quel « clivage ethnique », tout en agitant le chiffon rouge délavé du « FN aux portes du pouvoir », « parti fasciste en marche ». De ce fait, les questions sociétales vont bon train. C’est pratique et ça appelle au consensus pour pas cher au sein de la « gauche », en partant du PS et sans rivages à droite. Et vas-y que je t’invente des débats enflammés, mais sans flamme, sur la GPA qui pourrait devenir, au cas où, un marché juteux du ventre des femmes (voilà que ces gens découvrent avec horreur que le ventre des femmes est déjà, en système capitaliste, une marchandise avec valeur d’usage et valeur d’échange !)et de l’enfantement. Pain bénit pour la réaction cléricale qui peut réactiver ces « manifs pour tous ». Pain bénit pour le gouvernement qui se trouve un « ennemi » sur mesure, dont les piaffements procureront l’illusion d’un bras de fer entre « la gauche » et « la droite flanquée de l’extrême droite ». Qui n’a pas d’ennemi n’a pas d’ami, dit-on. Celui qui a de faux ennemis ne peut donc espérer n’avoir que de faux amis. Et, encore, à la marge !
S’agissant des « affaires », on ne sait plus trop où donner de la tête, ni choisir celle qui serait « la pire ». Parlons donc de celle qui fait le moins de bruit : un appartement, à l’orée du bois de Vincennes, dans le secteur le plus chic de cette commune paisible et « préservée ». Des frais de rénovation à l’avenant. Le tout payé sur les fonds de la CGT pour y abriter son secrétaire général, l’insipide Le Paon. Ce n’est pas, il est vrai, une affaire d’Etat, quoique l’appareil de la CGT recueille pourtant sans ciller les subsides de « la nation ». Phénomène qui ne manque pas d’aliéner l’indépendance de la Confédération historique des travailleurs.
Un porte-PQ à 930 euros chez Le Paon…
Cette affaire mérite tout autant notre attention que les autres car elle illustre, de façon non moins triviale, la crise qui mine l’appareil de la CGT, du fait de sa soumission aux « réformes » par le biais d’un discours sur « un syndicalisme combinant propositions et revendications » inspiré historiquement de la CFDT qui est devenue ouvertement un syndicat « jaune ». Comme en témoigne son ardeur antigrève lors de la grève des cheminots et lors de la grève des pilotes de ligne.
Autre aspect de la crise du sommet : la valse des ministres et des remaniements. En l’espace de moins de deux ans : 9 ministres, pas moins, ont été congédiés, dont un Premier ministre. Ayrault, lui-même. Lequel doit sa chute à un « axe » Valls-Montebourg. Dernier remercié en date : Kader Arif, secrétaire d’Etat aux anciens combattants « prié de partir ». On assiste ainsi à un processus implacable qui pousse à un gouvernement tellement « resserré » qu’il sera, à la fin des fins, minoritaire dans sa propre « majorité » à l’Assemblée.
La crise politique qui en résulte n’épargne aucun « parti », pas même le FN, en proie à ce que l’on appelle une « crise d’identité », à force de s’auto-banaliser, d’éviter les saillies provocatrices qu’affectionnait Le Pen-père, lequel semble être réduit à inaugurer les chrysanthèmes. L’UMP qui ne s’est jamais remise du psychodrame de novembre 2012 est en proie à tous les déchirements. Dans ces conditions, le « retour » de Sarkozy aura été un échec patent. En déclarant contre son gré, sous la pression du public d’une salle chauffée à blanc, qu’il se prononçait pour « l’abrogation de la loi Taubira », Sarkozy a bradé son autorité aux seules fins de ne pas se couper d’une base « militante » de plus en plus volatile. Juppé a alors saisi l’occasion pour se prononcer contre toute abrogation de la loi Taubira et donc en faveur de l’adoption par les couples homosexuels. Posture qui lui permet et de s’élever ainsi « au-dessus des partis » tout en se donnant un « new-look » en vue de 2017. Sans craindre d’affronter, dans sa propre ville, les huées des militants déstabilisés. Se faisant passer ainsi pour un « homme fort », toujours « droit dans ses bottes », que les mouvements de foule n’émeuvent pas selon ses propres termes.
Sarkozy-Juppé, bras de fer pour un siège vermoulu
C’est dire que trois ans avant la date d’échéance (ou de déchéance), la campagne présidentielle fait rage à droite. Juppé s’apprête déjà, s’affûte, s’avance comme un « recours » capable de rassembler « par-delà les clivages » et d’être le meilleur représentant du Capital financier, de l’Union Européenne et du FMI. Face à lui, Sarkozy s’apprête à reprendre la main sur l’appareil de l’UMP. Mais ni l’un, ni l’autre n’ignorent que la droite est en charpie.
UMP et PS sont, tous deux, en proie à la dislocation des chairs. Tandis, qu’en bas, la masse de la population laborieuse et opprimée a décrété que « plus personne ne nous représente ». Toutes les forces politiques sont alors prises de vertige. La peur du vide n’épargne pas la dite « extrême-gauche », le NPA en particulier. Cet ersatz de « parti » n’est plus que l’ombre de lui-même. Lui-même ne voit pas d’issue. Sa « majo » elle-même a volé en éclats avec pas moins de deux textes d’orientation pour le prochain congrès. A telle enseigne que Besancenot et Krivine ne sont même pas signataires du même texte d’orientation en vue du prochain congrès de fin janvier. Et que Philippe Poutou, pourtant un des rares militants ouvriers courageux que compte le NPA n’est signataire d’aucun des textes d’orientation, une première ! Un congrès sans perspective, pour un « parti » qui est devenu une camarilla c’est-à-dire, une fédération de cliques rivales. Voilà ce que donne une extrême-gauche apprivoisée de nos jours. Une extrême gauche de pacotille qui ne va sans rappeler ces « marxistes légaux » de Russie que l’autocrate Nicolas II tolérait avant la révolution russe de 1905.
NPA, de la crise politique à faillite financière
La situation financière du NPA est l’expression brutale de la crise qui secoue ce « parti », si l’on en juge par les écrits de sa Commission exécutive du mercredi 19 novembre :
« A l'heure actuelle, la souscription 2014 a rapporté 18 610€. Ce résultat doit être mis en regard de notre objectif (400 000€) et du résultat l'année dernière à la même date (88 560€). Inutile de dire que la situation est grave.
POURQUOI CETTE SOUSCRIPTION ?
Une fois encore, la souscription 2014 servira en partie à nos dépenses courantes en 2015. Si
notre budget de fonctionnement est structurellement à l'équilibre (pour l'instant...), il reste minimal. Nous vivons donc chichement, et on ne voit plus quelles dépenses réduire, si ce n'est à réduire encore notre apparition publique.
La souscription 2014 devrait aussi servir à mettre de l'argent de côté pour investir, nous développer, faire face à un mouvement d'ampleur et aux scrutins électoraux prévus... ou imprévus ! Certes l’hypothèse de législatives anticipées peut paraître très faible. Si elles avaient lieu, les débats ne seraient pas que financier, loin de là. Mais pour donner une idée du coût globale d’un tel scrutin, il faut se rappeler que celui de 2012 avait coûté 1M€. Comme nous n'avons plus aucune réserve, autant dire que nous sommes loin de tout cela et que la souscription 2014 n'est donc, une fois encore, pas un luxe.
Mais ce n'est pas tout... Car avant tout cela, sachez qu'elle permettra d'honorer le paiement des 250 000€ de matériel officiel relatif aux élections européennes 2014.
La souscription 2014 n'attendra donc même pas le 1er janvier 2015 pour être consommée ! Son besoin est donc im-médiat » (Nous avons laissé les fautes d’orthographe qui émaillent ces phrases, elles sont à elles seules une preuve de l’authenticité de l’origine du document. Et encore, on épargne au lecteur la totalité du texte ! C’est sans doute une preuve d’anticapitalisme que de s’émanciper des règles de syntaxe et d’orthographe… NDLR)
Il faut donc les voir spéculer sur les « élections anticipées » ou, sait-on jamais, un « mouvement d’ampleur ». Ces anticapitalistes qui ne cessent de dire que le rapport des forces est défavorable aux masses laborieuses. Mais, qu’est-ce donc qu’un « mouvement d’ampleur » sur lequel on spécule sans s’y préparer ? Qu’est-ce donc que cette « posture » qui consiste à subir les événements, à « attendre et voir » ? Drôle d’anticapitalisme que celui-là ! Pourquoi ne pas dire que la grève générale est à l’ordre du jour pour imposer un Plan d’urgence de défense des travailleurs et de la jeunesse, un plan qui commence par l’exigence de l’abrogation de toutes les réformes scélérates ? Pourquoi ne pas appeler un chat, un chat ? Pourquoi suggérer un « mouvement d’ampleur » sans l’appeler par son nom : la grève générale, seule issue ouvrière à la crise d’ensemble ?
Du véritable combat en défense des femmes travailleuses
Nous savons d’avance que ces questions seront balayées du prochain Congrès du NPA ou, à tout les moins, éludées, au profit de grands débats sur le « féminisme », un « féminisme » sans rapport avec le véritable combat émancipateur des femmes travailleuses, pour les crèches, pour : « à travail égal, salaire égal, pour les maternités etc. En effet, le « féminisme » dont il est question dans le NPA n’est autre que le sexisme à rebours, l’opposition abstraite, de principe entre femmes et hommes, par-delà les frontières de classe, aux antipodes de l’unité des femmes travailleuses et de leurs frères de classe contre l’exploiteur et l’oppresseur commun. Un « féminisme » qui, en définitive, interdit de faire place aux femmes travailleuses dans le combat de classe.
Voilà des gens qui devraient relire (ou lire) un certain nombre d’écrits de nos aînés (puisés dans les meilleures traditions du mouvement ouvrier) ce qui leur éviterait peut-être de s’obstiner dans les ornières du « féminisme » petit-bourgeois, forme insidieuse d’une sorte de « Front populaire » chez les femmes travailleuses. Ils pourraient par exemple lire utilement Alexandra Kollontaï dirigeante du Parti bolchévique qui rappelait lors d’une de ses nombreuses conférences sur ce sujet :
« Le mouvement féministe bourgeois a atterri dans une impasse. Les organisations révolutionnaires du prolétariat sont les seules à indiquer la voie que peuvent emprunter les femmes travailleuses. Mais, au départ, les ouvrières, pas plus que les ouvriers, ne comprirent que l'objectif final du mouvement ouvrier allait amener avec lui la résolution de la « question des femmes ». Ce n'est que peu à peu et grâce à des expériences difficilement acquises que la classe ouvrière prit conscience qu'il n'existait pas au sein du prolétariat de contradictions antagonistes ni de conflits d'intérêts. Déjà, grâce à la mécanisation du travail, les activités qui étaient restées différentes s'uniformisèrent, de sorte que les ouvriers et les ouvrières ont aujourd'hui des intérêts et des buts semblables. Le prolétariat est une unité. Il est une classe qui n'a pas de place pour une guerre entre les sexes, et la libération des femmes fait partie de ses objectifs à long terme. » (VIIIe conférence à l’Université Sverdlov, sur la libération de la femme)
Comme sœur Anne, le NPA ne voit rien venir. Soucieux de relativiser la crise politique, les chefs de cette camarilla ne voient qu’offensive triomphante du Capital et montée de l’extrême droite et même des « ethnicismes », là où le Capital se bat le dos au mur pour préserver ses « taux de marges » dans la guerre économique qui fait rage sur cette planète. Ne voyant rien, ils négligent ou méprisent les frondes et révoltes qui secouent les professions libérales (pharmaciens, avocats) en lien avec la défense de la Sécurité sociale (contre la libéralisation de la vente des médicaments) ou des droits de la défense pour la population pauvre (contre la dévalorisation de l’aide juridictionnelle).
Ainsi se met en place le décor d’une situation qui mène tout droit à l’explosion révolutionnaire, dans la brèche ouverte par la crise des institutions, des hommes et femmes qui y sont liés, sur fond de crise sociale intense qui attend juste que le contingent réalise le nécessaire autrement dit un fait, un événement qui va permettre aux masses de déborder le dispositif contre-révolutionnaire des appareils bureaucratiques. Quiconque sait faire confiance aux masses sait que, tôt ou tard, elles y parviendront.
Le comité de rédaction :
Francis Charpentier, Daniel Petri, Wladimir Susanj, Pedro Carrasquedo, Isabelle Foucher, Jérome Lefaure, Julie Charmoillaux, Zde Ekzlazadil, Pierre-Yves Chiron, Mustafa Diakité, Jean-Baptiste Carrier, Paul Dumas, Garledji Makélélé.
23 novembre 2014
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