Lettre d'informations de La Commune n° 7, mercredi 29 octobre 2014

Les gendarmes de Hollande-Valls tuent… 

Rémi Fraisse, 21 ans a donc été tué par une grenade offensive tirée par les gendarmes de Hollande-Valls. Son tort, son crime, avoir été à une manifestation contre le projet de barrage à Sivens dans le Tarn. Cécile Duflot parle d’une « tache indélébile » de ce gouvernement, Hollande réagit avec trois jours de retard,  Valls couvre son ministre de l’Intérieur, le Parti de gauche demande la démission de ce dernier… Et tous de disserter sur la validité ou non du projet de barrage, de demander, qui l’arrêt des travaux, qui leur poursuite (la FDSEA par exemple)


Mais Rémi Fraisse, 21 ans est mort, tué par une grenade offensive. Alors, qu’on nous permette de poser la question avec  brutalité : qu’est-ce qu’on se fout de savoir si le projet de retenue d’eau est valable, tient la route ? Chacun peut avoir son opinion sur ce problème et nous avons la nôtre. Mais  la question des questions n’est-elle pas plutôt de réaliser que, dans ce pays, sous ce gouvernement Hollande-Valls, on tue un manifestant qui vient tout simplement exprimer son désaccord, son refus, son droit démocratique élémentaire en descendant  « dans la rue » ? Cela signifie que, quelle que soit la cause défendue, ce gouvernement fait donner la cavalerie contre ses opposants ! Telle est la réalité que ce drame exprime. Telle est la gravité de la situation. Demander dans ces conditions la démission de Cazeneuve est pour le moins un cautère sur une jambe de bois, une façon de protéger ceux qui, chaque jour un peu plus, s’éloignent des masses jusqu'’à les considérer comme ennemis, comme les « classes dangereuses » du XIXe siècle. C’est Hollande-Valls les responsables, ce sont eux que travailleurs et jeunes doivent chasser désormais.

Dans ce cadre, La politique du gouvernement conduit y compris à la liquidation du parti socialiste, elle en sape la base sociale de départ, elle en détruit les racines historiques vivantes. Ce qui ne manque pas de provoquer des sursauts au sein de ce parti et une crise ouverte dont nous ne préjugeons cependant pas des développements ultérieurs et dont la mort du jeune Rémi va aggraver cette situation de débandade.  Cette crise se dénouera dans la lutte des classes, sur son terrain direct. Voilà qui mérite, en tous cas que l’on s’y arrête.

Crise abyssale au PS

La crise du parti socialiste est étroitement imbriquée à la crise du régime bonapartiste hybride de la Vème République. Sa brutale accélération est le produit différé de la vague abstentionniste et des grèves les plus récentes et pour ne parler que des plus marquantes : la grève des cheminots de juin et la grève des pilotes d’Air France de septembre.


Pour des raisons qui tiennent à ses racines, il y a des limites à ce qu’un parti comme celui-là peut encaisser dans la prise en charge de l’intérêt général de la bourgeoisie. Cette limite semble atteinte. Au-delà, il cesse d’être un instrument fiable dans l’accomplissement des « réformes » qui, toutes, visent à mettre en cause la position acquise par la classe ouvrière dans la société. C’est pourquoi,  Valls parle de transformer le parti socialiste en une sorte de parti démocrate à l’américaine, en un parti purement bourgeois, au sein duquel aucune « cacophonie », pour reprendre le mot d’un de ses lieutenants, ne puisse prendre corps.


 Dans le même élan, Valls ne cache plus son intention d’en finir avec les CDI et, plus largement, avec toute forme de protection des emplois. Combattre le chômage par la chasse aux chômeurs et par le travail précaire généralisé, tel est la dernière « trouvaille » du Premier ministre. Toute chose étant égale par ailleurs, c’est ainsi qu’Hitler avait procédé en 1933-1934 pour faire refluer le chômage de masse. Mais, il y a un mais : ce ne fut possible qu’une fois le prolétariat allemand écrasé et réduit en une poussière d’individus, une fois liquidée toutes les organisations ouvrières. Valls a la prétention de croire que ce programme pourrait être réalisé à froid, sans avoir à en découdre ni changer la forme de l’Etat, en s’appuyant simplement sur la soumission des directions syndicales et en « transformant » le PS, dont il ne parvient pas à faire un parti totalement « godillot ». La soumission des directions syndicales, elle aussi, a des limites, au-delà desquelles   leur emprise sur les masses est compromise. Le boycott de la dernière conférence sociale par la CGT, FO et la FSU porte, de fait, un coup au « consensus social » que Hollande se faisait fort d’imposer.


Voilà qui n’échappe pas à la sagacité de Cambadélis, aventurier sans aventures et étudiant sans diplômes (ou, pour être plus précis, des faux diplômes), Premier secrétaire de ce parti en proie à la dislocation, qui tente de recoller les verres brisés de son parti en décomposition.
En effet, ce ne sont pas moins de quatre anciens ministres qui se sont abstenus sur le vote du budget 2015 en première lecture à l’assemblée nationale : Benoît Hamon allant jusqu’à déclarer que la ligne suivie par l’exécutif menace la République, Aurélie Filippetti taclant le sieur Cambadélis en lui répliquant qu’elle n’a de leçons à recevoir de personne et de comptes à rendre qu’à ses électeurs, Delphine Batho et Cécile Duflot. Des députés proches de Martine Aubry ont également adopté la même posture.

Manifestations du 15 novembre : nouveau rideau de fumée

Cette fronde rampante mais insistante a, entre autre effet, de faire de l’ombre au Front de gauche et à son matamore Mélenchon, voulant préserver une posture platonique « anti austérité » et « plus à gauche » à même de faire miroiter une « politique alternative » et « d’autres choix » dans le cadre d’une cinquième République relookée en 6 ème, dans le cadre de l’Union européenne. D’où la prochaine manifestation « contre l’austérité » initiée par le Front de Gauche et soutenue activement  par le NPA pour le 15 novembre prochain. Cela devient une habitude : tous les six mois le Front de gauche y va de ses cortèges :
- 5 mai 2013 : manifestation pour la VI ème République au son de la Marseillaise
- 1er Décembre 2013 : manifestation pour la « révolution fiscale »
- 12 avril 2014 : manifestation contre l’austérité
- 15 novembre 2014 : manifestation contre le budget

Les trois premières démonstrations n’ont évidemment débouché sur rien, elles n’ont été un point de départ pour personne, elles n’ont rien enclenché. Attendez-vous donc à une autre manifestation tonitruante en avril ou mai 2015. Simples exécutoires pour des militants qui en attendant peuvent se lamenter sur les faits et les effets.

La manifestation planifiée le 15 se présente sous l’auspice des « partis politiques en désaccord avec la politique du gouvernement ». Ainsi, pas question de remettre en question le gouvernement lui-même et sa « légitimité ». La touche finale mérite que l’on s’y arrête : « Pour dire non au budget d’austérité du gouvernement VALLS et appeler à ce qu’il soit rejeté ! »

[http://www.lepartidegauche.fr/actualites/actualite/mobilisation-nationale-le-15-novembre-30386#sthash.XRdmR9hG.dpuf]

Dans une note du NPA, l’objectif affiché est encore plus lisible : « L’objectif : l’appel a indiqué les mots d’ordre. Mais vu les difficultés du gouvernement à l’Assemblée lors du vote des recettes où il est loin d’avoir obtenu la majorité absolue, les manifestations doivent plus que jamais avoir pour objectif de faire échouer le vote de l'actuel budget. »

« L’objectif » assigné à cette manifestation lui donne son contenu : une supplique aux députés (lesquels) pour qu’ils ne votent pas l’actuel budget, pour qu’ils ne votent pas le budget « en l’état », donc. En effet, de quel budget peut accoucher le Parlement, vu sa composition, autre qu’un budget anti ouvrier ? Voilà qui tient du brouillage des enjeux véritables.

Le budget a comme matrice :
- Le pacte de responsabilité
- Les critères de « convergence » de l’Union européenne
- Le paiement de la dette et de ses intérêts usuraires
- La marche à la liquidation de la Sécurité sociale assise sur le salaire différé
L’appel du Front de gauche, ratifié par Besancenot, esquive ces véritables problèmes, obscurcit les choses les plus simples. De cette façon, il donne le feu vert à Valls pour radicaliser à droite sa politique. En ce sens, cet appel à manifester est une imposture.

« Mon ami à moustaches… »

Il nous faut donc à chaque fois distinguer ce qui relève d’un côté de la posture et de l’imposture et de l’autre, dans le cas de Hamon-Filippetti-Batho, de la réfraction de la lutte des classes dans le parti socialiste, engagé par le gouvernement et la majorité de son appareil, sur la voie qui conduit au suicide. Suicide annoncé par Valls, soi-même qui prêche pour une « maison commune des progressiste » libéré de toute attache avec le mouvement ouvrier, ouvert au Modem, à Bayrou et sans rivage à droite. Un cours suicidaire qui s’inscrit dans « les derniers jours de la Vème République » pour reprendre l’excellent titre du dernier livre de Christian Salmon. Un régime qui ressemble de plus en plus à ce canard qui court encore quand il a perdu la tête sur le bas-côté de la route. Un livre dans lequel son auteur évoque un « parti socialiste moribond ». Christian Salmon n’est pas marxiste, ni libertaire. Mais il a des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et une tête pour penser par lui-même. L’imbrication des ministères avec le haut-patronat y est décrite sans fard :
«  Où est mon ami aux moustaches, s’égaye Michel Sapin pour faire patienter ses invités. Christophe de Margerie, PDG de Total [dont le décès survenu après la parution de ce livre semble faire couler beaucoup d’encre NDA] une fois encore est en retard. Du coup, on est obligé de l’attendre. Total représente la première capitalisation boursière sur la place de Paris. Le voici qui arrive tout essoufflé. La réunion peut enfin commencer. C’est une réunion comme il s’en tient tous les jours à Bercy [souligné par nous] dans la salle à manger au septième étage de l’hôtel des ministres. Plusieurs banquiers et hauts fonctionnaires sont assis autour d’une table carrée. Deux industriels, Christophe de Margerie, PDG de Total, et Gérard Mestrallet, patron de GDF-Suez. A l’ordre du jour, l’installation du Comité Paris Europlace 2020, chargé de renforcer l’attractivité de la place financière qu’est Paris. Nous sommes le 16 juin 2014. Aucun journaliste n’est présent, la réunion est à huis clos [souligné par nous] » Balzac ne disait-il pas (à propos de Catherine de Médicis) que « tout pouvoir est une conspiration permanente » ?

Un constat parmi d’autres qui jalonnent ce livre paru ce mois-ci.

« Crétinisme parlementaire »

Autre extrait édifiant :
«  C’est le secret le mieux gardé de la République. Il n’y a plus de gouvernement. Bien sûr, il y a des ministres qui se rendent à l’Elysée chaque mercredi. A leur tête, il y a toujours un Premier ministre qui s’efforce de conserver sa majorité à l’Assemblée nationale. Mais, il n’y a plus de gouvernement. Serait-ce comme l’écrivait François Mitterrand dans Le Coup d’Etat permanent que, sous la Vème République, «  seul le président de la République ordonne et décide » ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs, y a-t-il encore un président à l’Elysée ? […]  Dans Les luttes de classe en France, Marx parle de « crétinisme » parlementaire, il ne s’agit pas pour lui de qualifier les députés de crétins mais bien de mettre en cause une forme d’aveuglement lié à leur fonction. Aujourd’hui, il en est de même pour le « crétinisme » présidentiel. Depuis trente ans, alors que la vie médiatique se concentrait de plus en plus sur la conquête du pouvoir présidentiel, les attributions du chef de l’Etat se dispersaient et se dissipaient»

Dernier extrait que nous livrons :
« La souveraineté de l’Etat repose sur deux piliers : une puissance d’agir (monnaie, police, armée) et un dispositif de représentation (portrait, protocole, récit). La souveraineté de l’Etat fuit de partout : par le haut – les institutions européennes, les marchés financiers, les agences de notation, les multinationales (…) ». Ces constats sont, bien entendu, empiriques  et approximatifs comme peuvent l’être une enquête menée auprès de ministres et de conseillers ministériels. En outre, l’auteur n’en escamote pas l’essentiel. Revenant sur les derniers rendez-vous électoraux, il note « un demi-quinquennat sanctionné par le silence accablant des électeurs de gauche aux élections municipales et européennes au printemps 2014 ».L’abstentionnisme est donc bien la trame de fond de la décomposition conjuguée du PS et de la « V ème ». De même que l’abstentionnisme a comme trame de fond la lutte des classes. Laquelle aura le dernier mot.

Le comité de rédaction :
Francis Charpentier, Daniel Petri, Wladimir Susanj, Pedro Carrasquedo, Isabelle Foucher, Jérome Lefaure, Julie Charmoillaux, Zde Ekzlazadil, Pierre-Yves Chiron, Mustafa Diakité, Jean-Baptiste Carrier, Paul Dumas, Garledji Makélélé

29 octobre 2014

Modifié le mercredi 29 octobre 2014
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