Lettre d’informations de La Commune n° 4, Chronique d’une chute de régime

Comité de rédaction

Le dénouement est proche.

2 septembre 2014

« Crise de régime », « implosion », « guerre des gauches ». Les medias s’affolent devant le spectacle de la crise ouverte de l’exécutif. Ce nouvel épisode de la dislocation du régime se produit à l’instant précis où la crise économique connaît une nouvelle aggravation. Il intervient au moment où l’UMP est en proie à tous les déchirements. Mais, d’abord et avant tout, elle est l’effet différé des vagues abstentionnistes, de la grève des cheminots et de la mobilisation spontanée contre la complicité de Hollande avec l’Etat d’Israël. Il nous incombe de rétablir cet enchaînement des causes et des effets.

L’outsider François Bayrou ne mâche pas ses mots : « Un pouvoir exécutif ne peut pas résister à ce degré d’impopularité ». Il cherche une issue dans l’impasse : la dissolution de l’assemblée nationale.

Autre outsider, d’un autre genre, Marine Le Pen en appelle, elle aussi, à cette dissolution et à « un gouvernement de cohabitation ». Drôle d’extrême-droite qui cherche un palliatif à la chute de la Vème République !

L’arrogance de Manuel Valls n’y peut rien : en quelques heures, la cohésion du nouveau gouvernement, pourtant « resserré », vole en éclats. Le nouveau ministre de l’économie, Macron, sorti tout droit de la Banque Rothschild s’en prend aux « 35 heures ». Et, couac ! Le gouvernement doit aussitôt démentir. Mais, sans renier les propos de Macron, fort limpides : « trop de droits pour les travailleurs, égal handicap pour les entreprises. Tenez-vous le pour dit. Survient alors l’Université d’Eté du Parti socialiste. Taubira s’y affiche avec les « frondeurs ». Re-couac.

Valls venait, lui, de parader à l’université d’été du...Medef ! « Standing ovation », « déclaration d’amour au Medef » ont commenté les medias. Seule ombre à ce tableau : le Medef a bien fait comprendre à l’homme de Matignon qu’il ne concéderait aucune « contrepartie ». Il attend, les bras croisés, que le gouvernement parachève toutes les réformes amorcées et, en particulier, la réforme liquidatrice des bases de la Sécurité sociale. Ce ne sont pas des « vilains patrons », « ingrats » et peu soucieux de « l’intérêt général ». Ce sont des capitalistes qui ne peuvent « investir » tant que « le capital variable »( c’est-à-dire, les salaires-dont les cotisations Sécu sont partie intégrante), ne sera pas considérablement réduit. Seul moyen pour eux de restaurer « les taux de marges » (traduisez : les taux de profits capitalistes).

Jusqu’ici, Hollande a pu s’appuyer sur les directions syndicales, lesquelles se sont arc-boutées contre toute mobilisation unie des travailleurs et de leurs organisations pour le retrait des réformes scélérates et des plans de licenciements. Mais, en juin, pour la première fois, CGT, FO et FSU ont boycotté la conférence sociale. La grève des cheminots venait juste de se calmer. Une grève prolongée et massive qui a montré l’incapacité grandissante des directions syndicales à « tenir les troupes » (les appels successifs de Le Paon à la reprise du travail ont été ignorés pendant plusieurs semaines par les cheminots).

A cet égard, la démission du ministre des Transports Cuvillier est symptomatique. A la différence de Montebourg, il n’a pas été écarté. « « Je n’avais pas les leviers pour faire bouger les choses » a-t-il expliqué. « Lui ne voulait pas d’un simple secrétariat d’Etat aux emmerdements. » a précisé un ministre proche de Cuvillier.

Quant à la majorité parlementaire, sa cohésion est plus qu’entamée : Le Monde estime à 82 les députés « défiants » et « frondeurs » contre 207 qui affichent (pour combien de temps ?) un soutien indéfectible au gouvernement en place.

Le divorce entre le Parti socialiste et sa base sociale historique est largement consommé. Ni la droite, ni le FN, ni le Front de gauche n’en tirent profit. Ce divorce recoupe la fracture entre le régime de la Vème République (et tous ceux qui s’y accrochent) et la population.

D’où les discours, de tous bords, en vue d’une VIème république, c’est-à-dire une Vème-bis replâtrée, où – comme le rêvait de Gaulle (et comme l’entend Mélenchon)- le Sénat serait remplacé par une chambre socioprofessionnelle où seraient intégrés les syndicats dans une logique néo-corporatiste, aliénant définitivement l’indépendance du syndicalisme confédéré.

La population laborieuse n’est pas un amas de mouches que l’on pourrait attraper avec du vinaigre.

Elle l’a indiqué clairement : elle ne veut plus vivre comme avant. Le « sommet », lui, « ne peut plus gouverner comme avant ». La crise politique en cours a été nourrie par la lutte de classes, elle sera dénouée, dans la lutte des classes et par la lutte des classes. Ce gouvernement prend eau de toute part et sa faiblesse n’échappe à personne. Il n’est pas en son pouvoir de s’attaquer aux salariés en lui-même. Seul le dispositif de division et d’acceptation des plans d’austérité de la part des directions politiques et singulièrement des directions syndicales qui vont de reniements en capitulations, de reculades en trahisons permet jusqu’’à ce jour à ceux qui gouvernent le dos au mur de tenir. Rien d’autre. Ne pas le comprendre c’est de l’aveuglément. Ne pas le dire c’est mentir aux travailleurs.

Nous sommes désormais passés de la phase de « fin de régime » à la phase de «chute de régime».

Le dénouement est proche.

Le courant A&R du NPA à l’épreuve des faits.

Dans le dernier éditorial du courant A&R du NPA qui est censément le courant le plus à gauche dans ce parti, on lit, à propos de cette rentrée et sous le titre :

« Valls, Hollande et le MEDEF : acte 2. Vivement l’entrée en scène de la colère sociale ! », les conclusions suivantes :
« La grève des cheminots, le blocage des festivals par le mouvement des intermittents et précaires, les grèves de postiers, la colère qui monte dans de nombreux hôpitaux frappés par les plans d’austérité, sont autant de signes que notre camp social n’est pas résigné et qu’il reprend le chemin des luttes. Celles-ci sont souvent longues, difficiles, rarement victorieuses parce que nous avons à faire à un patronat et un gouvernement de combat, mais aussi parce qu’aucun plan de bataille d’ensemble n’est tracé par les directions des organisations syndicales »

En clair et en résumé, les luttes sont « rarement victorieuses » car on a affaire à un « gouvernement de combat », donc fort et déterminé et « aussi parce qu’aucun plan de bataille d’ensemble n’est tracé par les directions des organisations syndicales » ! Le problème serait dans l’absence de plan de bataille d’ensemble des directions syndicales » Sans doute ont-elle des plans mais pas d’ensemble…Il faudrait donc qu’elles se concertent enfin pour rassembler tous les plans de bataille qu’elles ont séparément et qu’elles n’en fassent qu’un ! Ben voyons. Le problème n’est pas leur trahison, leur capitulation systématique, organisée, coordonnée, consciente pour faire passer les plans capitalistes de ce gouvernement tout entier dévoué au MEDEF, le problème est en quelque sorte technique, de mise en place, enfin, entre elles, d’un plan de bataille d’ensemble. Nos camarades d’A&R (mais qu’on se rassure, la « majo » de la direction du NPA dit exactement pareil) devraient prendre l’initiative de convoquer toutes ces directions syndicales au même moment, à la même date et heure pour aider les appareils bureaucratiques à, enfin, faire un « plan de bataille d’ensemble ». Ah, mais c’est peut-être la même proposition, peu ou prou que Besancenot et sa proposition de « Conférence sociale » ? Comme nous sommes bêtes de ne pas y avoir pensé les premiers : les directions syndicales ne trahissent pas, elles sont mal organisées. A nous de les aider ! Et la vérité dans tout ça ?



Mardi 2 septembre 2014

Le comité de rédaction
Francis Charpentier, Daniel Petri, Wladimir Susanj, Pedro Carrasquedo, Isabelle Foucher, Jérome Lefaure, Julie Charmoillaux, Pierre-Yves Chiron, Mustafa Diakité, Jean-Baptiste Carrier, Paul Dumas.

Modifié le mardi 02 septembre 2014
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