Gauche radicale- France insoumise – Directions syndicales : Leurs perspectives et les nôtres
La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 23 – mercredi 29 novembre 2017
Dans notre dernière Lettre électronique, nous avons expliqué pourquoi, selon nous, la question de la rupture avec Macron était incontournable, dans la voie de la riposte à ses ordonnances, lois et décrets. Nous avons dit pourquoi nous pensons que la défense des hôpitaux mérite une action unie, une campagne nationale. Mais, à l’évidence, nous ne sommes pas dans « le mouv’ » et dans le concert des organisations et « forces politiques » anti-libérales et anticapitalistes. Mais ces forces politiques et ces directions syndicales sont-elles vraiment « dans le coup » ? Premières réponses.
Contenu
Gauche radicale- France insoumise – Directions syndicales
Leurs perspectives et les nôtres
Quand l’insoumission sert de feuille de vigne du populisme
Les grosses arnaques « gazeuses » de Mélenchon
L’arnaque du « polycentrisme »
« Lutte contre la pauvreté » ou Plan d’urgence et défense des droits fondamentaux
« L’accès aux soins » et la CSG
Le « cartel des gauches » de Besancenot
Pendant ce temps-là, les pourparlers avec Macron
Notre perspective : la révolution sociale
Depuis quelques années, le recours aux termes les plus « gazeux » sont en vogue. On ne parle plus de « mouvement ouvrier » mais de « mouvement social ». Les termes extensibles dans lesquels chacun met son propre contenu ont la préférence. Mieux vaut par exemple dire « front social » que front des travailleurs, c’est plus fluide et plus ...dilué ou « stérilisé ». Il faudrait ainsi « vivre avec son temps ». Or, il ne s’agit ici que de l’air du temps et non du fond de l’air.
Quand l’insoumission sert de feuille de vigne du populisme
Bien sûr, nous pouvons, occasionnellement, y recourir. Sans céder à la manie de substituer les termes qui appellent un chat, un chat par des notions qui permettent facilement de prendre les vessies pour des lanternes.
Par exemple, quand Mélenchon évoque le mouvement social, il désigne les syndicats et cela donne : « « Je dis que la division entre le mouvement social, le mouvement associatif et le mouvement politique que nous incarnons nous condamne à la défaite. Il faut sortir par le haut, c’est à-dire par le rassemblement . »
Evidemment, cette « division » entre syndicats, associations et mouvements politiques n’existe pas. Il y a la division syndicale, la division entre associations de locataires et en revanche il n’existe pas un mouvement politique, il existe un mouvement qui s’appelle LFI, un autre qui s’appelle « mouvement du 1er Juillet ». (Hamon), il y a des partis politiques. Mélenchon est ingénu quand il dort, et encore. Sa perspective est « fédérer le peuple » et fondre syndicats, association et « mouvement politique » en un seul tout. On le voit, l’insoumission sert ici de feuille de vigne du populisme
Les grosses arnaques « gazeuses » de Mélenchon
Il prétend « fédérer le peuple » autour d’un intérêt général « humain », autour de trois « thématiques »
- lutte contre la pauvreté
- arrêt des centrales nucléaires en fin de vie
- lutte contre la fraude et l’évasion fiscale
C’est évidemment une grosse arnaque et pas besoin de gants pour le dire. Dans son compte rendu bienveillant de la convention insoumise, Mediapart rapporte
« L’ensemble de la convention était tourné vers cet objectif de mise en musique de cette philosophie de « polycentrisme » , comme l’appelle Manuel Bompard, le directeur des campagnes, « polycentrisme » qu’il avait qualifié de « pâte à modeler » , quand Jean-Luc Mélenchon le qualifie lui de « gazeux » . »1
L’arnaque du « polycentrisme »
Selon le Larousse, Polycentrisme veut dire « Système politique qui admet plusieurs centres de décision ». Mais comme c’est néanmoins un système politique, il y a tout de même quelqu’un, quelque part qui « supervise », un chef d’orchestre. Ce chef d’orchestre, c’est la direction du Parti de Gauche qui est, bien entendu, un centre de décision unique. En fait, ce « polycentrisme » sert à fragmenter et morceler un mouvement politique.
C’est ainsi que les représentants de LFI ne sont élus par personne et n’ont pas de mandat de la base. Le tirage au sort des délégués fait qu’ils ne sont plus délégués, car nul n’est délégué par personne.
« Lutte contre la pauvreté » ou Plan d’urgence et défense des droits fondamentaux
Reste à dire deux mots sur la lutte contre la pauvreté, version LFI. Selon Mediapart, elle « brasse des thèmes aussi larges que le mal logement, la hausse des salaires ou l’accès aux soins ». Là encore, pas besoin de gants : entourloupe et enfumage !
Salaires
La hausse de quel salaire ? Hausse du salaire brut ou net ? Hausse de la valeur du point ? Hausse selon l’augmentation du coût de la vie et rattrapage du pouvoir d’achat rogné années après années depuis le jour où le gouvernement Mitterrand-Mauroy, chaudement soutenu par JLM (ce qu’il ne renie pas) a mis fin à l’indexation des salaires sur les prix (en 1982, suite au blocage des salaires dès septembre 1981) ?
Depuis quand la lutte pour les salaires est une question de lutte contre la pauvreté ? Bien sûr, les mesures prises contre les salaires débouchent sur la pauvreté, entre autres. Ce qui nous permet d’ailleurs de dire que la lutte contre la pauvreté est une fiction pure et simple qui est utilisée à des fins de consensus et de façon « caritatives ». La lutte contre la pauvreté est un écran de fumée qui dissipe le nécessaire combat pour la défense des droits fondamentaux et, en particulier, le préambule de la Constitution de 1946 :
« . Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence . »
« L’accès aux soins » et la CSG
S’agissant de « l’accès aux soins », nous savons tous que cette question dépend totalement du sort de la sécurité sociale. JLM n’est pas seulement un chaud partisan de la CSG mais aussi, tout comme Macron, de son intégration dans le budget de l’Etat. Ce qui revient à liquider une bonne fois pour toute la sécurité sociale.
A la lutte contre la pauvreté de Mélenchon, nous opposons depuis fort longtemps un PLAN D’URGENCE EN FAVEUR DES SALARIES, DES CHOMEURS, DES JEUNES ET DE LEURS FAMILLES qui est un plan de rupture avec la bourgeoisie et sa V ème république, à partir des revendications vitales et de la défense des conquêtes arrachées de haute lutte pour la classe ouvrière, au premier rang desquelles la Sécurité sociale – modèle 1945.
Le « cartel des gauches » de Besancenot
Face à la grosse arnaque de Mélenchon dans tous les domaines, nous aurions pu penser qu’Olivier Besancenot jouerait son rôle de porte-parole anticapitaliste.
Hélas !
« « L’insoumission ne peut se penser sans l’émancipation. On ne se soulève pas contre un pouvoir pour se soumettre à un chef. La seule forme d’autorité que nous devrions reconnaître est collective et pluraliste. Nous avons essayé de le faire comprendre à la direction de la France Insoumise (FI). Il y a des signes indiquant qu’elle commence à le percevoir. Au vu de la situation du mouvement social, l’urgence pour les organisations de la gauche radicale, du mouvement de Benoît Hamon (l’ex-frondeur et candidat socialiste à la présidentielle, ndlr) à Mélenchon, au Parti communiste, à Lutte ouvrière et j’en oublie, est de se réunir très vite et de formaliser notre accord unitaire pour le retrait de la loi Travail et des ordonnances.
La FI a une responsabilité particulière car elle a fait 19% et réuni des foules considérables, dont énormément de militants prêts à en découdre. Une nouvelle radicalité est en train de surgir du mouvement social. On le voit dans l’écologie, dans les luttes des migrants, des antinucléaire, même dans le milieu syndical. Mais la FI ne pourra pas tous les représenter. Impossible. Moi, je ne pourrais jamais. Chanter la Marseillaise? Faut pas me le demander, je pourrais pas! Mais c’est pas grave, on pourra quand même faire de grandes choses ensemble !»2
Besancenot réclame une autorité ‘ « collective et pluraliste » et celle-ci devrait se détailler ainsi : Mélenchon, gauche radicale, parti communiste et Hamon.
Avons-nous vraiment besoin d’un nouveau cartel des gauches et de prendre un billet pour les trahisons à venir. Ne sommes-nous pas échaudés après « l’union de la gauche », « la gauche plurielle », le « front de gauche » (sans laquelle Mélenchon ne serait rien au jour d’aujourd’hui) ? Sommes-nous condamnés à revivre sans cesse les mêmes trahisons, du fait du même refus pseudo-réaliste de rompre avec la bourgeoisie, avec Le vieux régime et avec l’union européenne et des mêmes « excuses » fatalistes : « on pouvait pas faire autrement » ? Eh oui, ce sont ces dirigeants de gauche et de super-gauche qui boivent le calice et c’est nous qui trinquons.
Evidemment, Besancenot s’exprime ainsi au nom de l’unité d’action. L’unité d’action, telle que nous l’avons comprise, c’est « marcher séparément et frapper ensemble » selon le vieil adage léniniste. L’unité d’action pour l’abrogation de la loi El Khomri et pour le retrait des ordonnances n’a tout simplement pas été menée car, dès l’élection de Macron, l’exigence de l’abrogation de la loi El Khomri a été « retoquée », ce qui a levé le seul obstacle aux tractations entre Macron et Mailly et entre Macron et Martinez. En juin dernier, au sein du Front social , les représentants du syndicat CGT Info Com, ont dit « il faut la transparence sur ces discussions, un contrôle ». Ce syndicat qui avait jusqu’alors joué un rôle dynamique dans le combat contre la loi travail a, de cette façon, éludé le problème. Là encore, il n’y pas de moyen terme : on « dialogue » ou on ne « dialogue » pas avec Macron.
Pendant ce temps-là, les pourparlers avec Macron
Là encore, nous citerons un mot de Lénine : « qu’est-ce que des pourparlers ? C’est le début d’un accord. Qu’est-ce qu’un accord ? La conclusion des pourparlers »3
La vaillante gauche radicale appelait les travailleurs à agir, à « s’emparer » de la manifestation du 12 septembre, à aller vers les blocages, vers la convergence des luttes et la grève générale…Pendant que les hauts responsables syndicaux faisaient un pacte avec Macron, plus ou moins « conflictuel ». (Le grand « rénovateur » du PCF qu’était Philippe Herzog dans les années 90 aurait parlé de « conflictualité positive ».)
Le 12 septembre dernier, en dépit de la confusion entretenue par Martinez sur les objectifs de la lutte, les manifestations montraient que les salariés se tenaient prêts pour la riposte générale. Puis, ils se sont progressivement retirés du cycle d’actions. Ils comprenaient que la méthode des actions pour donner le change dans des pourparlers avec Macron et ses ordonnanciers ne pouvait pas donner d’autres résultats que le découragement et la frustration, et épuiser le potentiel de résistance.
Notre perspective : la révolution sociale
Maintenant, après avoir donné « le point » à Macron, Mélenchon « s’optimise ». Vous allez voir, pérore-t-il, Macron a mangé son pain blanc, il va entrer « en galère » parce que les gens vont être confrontés aux conséquences de sa politique. L’optimisme n’a que faire de ces fanfaronnades. Rien n’arrive « automatiquement ». Chaque jour de répit accordé à Macron lui permet de tenir, chaque jour de nouveaux pourparlers avec lui permet d’avancer. Chaque jour de « plaisir de la conversation » avec lui le conforte. Nous avons dit : c’est lui ou nous. Et pour que ce soit lui ou nous, tous les « ponts » doivent être rompus avec lui : aucune « discussion », aucune forme de cogestion ne sont permises pour qui veut vraiment le progrès social et « rompre avec ce monde pourri » comme Mélenchon s’en targuait il y a un an.
Par là même, aucune complaisance vis-à-vis de Mélenchon n’est permise, comme celle qui consiste à dire qu’il fait partie de notre « camp social ». A plus forte raison quand ce carriériste politique nous oriente déjà vers les élections européennes en les présentant éhontément comme un référendum sur la question européenne.
La seule perspective réellement humaine que trace la situation de crise politique, sociale et économique sans issue, c’est la révolution sociale. Et, c’est la révolution sociale qui peut fédérer la grande majorité de la population frappée de plein fouet par la crise autour de la classe ouvrière dont les conquêtes sociales profitent à la grande majorité sociale de ce pays.
Comme nous l’avons écrit, il y a une semaine, « qui peut le plus peut le moins » : cela commence par la rupture avec Macron.
29 novembre 2017
1 https://www.mediapart.fr/journal/france/261117/la-france-insoumise-se-mobilise-pour-une-campagne-permanente?page_article=3
2 https://npa2009.org/actualite/politique/olivier-besancenot-emancipe-plutot-quinsoumis
3 Ces propos tenus publiquement furent rapportés par A. Lounatcharski dans l’ouvrage « Silhouettes révolutionnaires » dont s’’est servi l’historien Jean Jacques Marie dans son « Lénine » bibliothèque Payot- 2011. Voir page 106.
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