Dieudonné et autres affaires
Dieudonné et autres affaires | Chronique hebdo, 17/01/2014Une semaine durant, les media et le gouvernement ont tenu en haleine l'opinion publique sur un " sujet " qui relègue toute l'actualité politique, sociale et humaine à l'arrière-plan de toutes les informations : faut-il interdire les spectacles de Dieudonné ? En quelques jours, ce personnage a été projeté au centre de la vie politique. Par qui et dans quel but ? Et, depuis quand la censure serait un moyen efficace de combattre le fascisme et l'antisémitisme ? Quelques mises au point s'imposent.Il va sans dire ( mais, cela va mieux en le disant) que nous n'avons aucune espèce de complaisance à l'égard des provocations, des amalgames et des bouffées de haine que charrie le bien triste humoriste qu'est devenu Dieudonné.Antisionisme et antisémitisme sont incompatibles.
Antisionistes, nous savons que " l'antisionisme " affiché de Dieudonné et quelques autres est la pire contrefaçon qui soit et, par la même, le meilleur cadeau qui puisse être fait aux partisans de l'Etat d'Israël, aux pleureuses du boucher Sharon et aux petites phalanges du Bétar.
Qu'il soit dit une bonne fois pour toute que :
- l'antisionisme est l'antithèse de l'antisémitisme
- Antisionisme et antisémitisme sont incompatibles.
l'Etat d'Israël, faut-il le rappeler, même si nous sommes de moins en moins à le dire, est un Etat théocratique raciste, qui pratique l'apartheid et les massacres contre le peuple palestinien. Il se revendique du sionisme, idéologie réactionnaire qui justifie un Etat qui n'est rien d'autre qu'une construction artificielle de l'Impérialisme à coups de milliards de dollars pour servir de bras armé et gendarme de l'impérialisme contre tous les peuples du Proche et Moyen-Orient. De ce point de vue, l'Etat d'Israël et le sionisme sont une insulte à toute la tradition historique démocratique du peuple juif qui s'est toujours lié au combat émancipateur des peuples (Bund en Russie etc.)
l'antisémitisme, arme de division des peuples doit être combattu avec la plus extrême fermeté, comme tout racisme quel qu'il soit. Pour les mêmes raisons, il ne saurait y avoir le moindre amalgame avec le combat contre le Sionisme et pour la création et l'existence d'un Etat palestinien avec ses deux composantes à égalité, juive et arabe, seule solution en Palestine.
Cela étant rappelé, nous ne sommes pas dupes de la croisade menée depuis plusieurs jours par le ministre Valls en vue de censurer les spectacles de Dieudonné.
Tout d'abord, il s'agit d'une grossière diversion pour détourner l'attention de la population, mécontente des effets de la politique anti ouvrière du gouvernement et des " réformes " destructrice qu'il met en oeuvre, contre la Sécurité sociale, contre le Code du travail, contre le pouvoir d'achat et contre les services publics, tandis que s'abattent les restructurations, fermetures d'usines, plans de licenciements massifs, sur fond de chômage en hausse permanente et de crise du logement.
Ensuite, menant cette croisade en grande pompe, Valls devient le meilleur agent de publicité de Dieudonné.
C'est l'arbitraire qui a gagné
Et enfin, cette croisade débouche sur des mesures d'interdiction de spectacles qui mettent en cause la liberté d'expression, de réunion et de manifestation. Non, monsieur Valls, ce n'est pas " la République " qui " a gagné " mais la censure. En effet, l'ordonnance N° 374508 du juge des référés du Conseil d'Etat, en date du 9 janvier 2014, servira demain de référence pour interdire des manifestations culturelles ou politiques de toute sorte et pour entraver la liberté d'expression.
Un passage de cette ordonnance a particulièrement attiré notre attention :
" Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l'ordre public mentionnés par l'arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l'audience publique ; qu'au regard du spectacle prévu, tel qu'il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine ; qu'il appartient en outre à l'autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ; qu'ainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l'ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l'Etat de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas commis, dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative, d'illégalité grave et manifeste "
Ainsi, contrairement aux allégations de Valls, ce n'est pas " la République qui gagne " mais l'arbitraire, au travers de notions élastiques et interprétables à souhait
1. " risques de troubles à l'ordre public "
_ Cette notion peut être opposée en permanence à toute manifestation, toute réunion voire toute grève. Notons que la justice administrative ne l'a, en revanche, jamais retenue, lorsqu'elle a été saisie pour invalider des arrêtés municipaux interdisant les expulsions de logement (il est vrai que les maires PCF, auteurs de ces arrêtés, n'ont jamais saisi le Conseil d'Etat, lorsque leurs arrêtés ont été invalidés par les tribunaux administratifs, à la demande des Préfets). Cette notion de " risques de troubles à l'ordre public " fonctionne à sens unique
2. " atteinte au respect de la dignité humaine "
_ Sur ce point, Diane Roman, professeure de droit public, explique :
" En fait, le juge est venu affirmer de manière extrêmement claire ce qu'il avait dit en 1995. A l'époque, l'arrêt de Morsang-sur-Orge avait fait beaucoup de bruit: pour interdire un concours de lancer de nains, le Conseil d'Etat avait élargi la notion de trouble à l'ordre public, y intégrant "l'atteinte à la dignité humaine" et lui donnant une portée absolue, indépendante des circonstances locales. Une partie des juristes s'en était offusquée estimant que cette notion de dignité humaine était difficile à apprécier. " http://www.liberation.fr/societe/2014/01/10/decision-sur-dieudonne-pourquoi-cette-expression-curieuse-de-cohesion-nationale_971936
Les atteintes à la dignité humaine ? Personne n'y songe quand Valls s'en prend aux Rroms ou quand Charlie hebdo s'en prend, en toute obscénité, aux musulmans. Personne n'y songe, lors des rafles de sans-papiers, lors des expulsions de logement de familles frappées de plein fouet par la crise, pour ne prendre que ces exemples. Personne n'y songe lorsque Valls réclame des " blancs, des white et des blancos " à Evry !
3. " Propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale "
_ Diane Roman, citée plus haut, commente :
" Pour la première fois, le juge parle d'"atteinte à la cohésion nationale". Qu'est-ce que cela veut dire ? Derrière cette notion, on peut mettre tout et n'importe quoi. Critiquer l'action du gouvernement pourrait très bien être interprété comme portant atteinte à la cohésion nationale. Je ne suis pas du tout en train de défendre Dieudonné, ce n'est vraiment pas mon propos. Je me place sur le terrain du droit. Pourquoi avoir utilisé cette expression ? Le juge aurait pu s'en tenir à la notion d'atteinte à l'ordre public, qui est par ailleurs évoquée. Pourquoi avoir ajouté cette expression curieuse de "cohésion nationale" ? Dans des dictatures, on justifie ainsi l'emprisonnement des opposants du régime. Ce n'est pas la question ici, évidemment. Mais c'est perturbant. Cela va à l'encontre de la conception française de la liberté d'expression. ". Que pourrions-nous ajouter de plus à ce commentaire perspicace ? Demain, avec cette même notion, chacun d'entre nous, militants anticapitalistes pourrions être accusés de remettre en cause la " cohésion nationale " !
4. " prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises "
_ Là encore, nous découvrons une notion frappée du sceau de l'arbitraire le plus total. Où l'on préjuge que des infractions pénales seront commises. Là encore, il convient de citer le commentaire de Diane Roman : " Notre tradition républicaine veut qu'en matière de liberté d'expression, on sanctionne toujours après coup , quand les bornes du droit ont été dépassées. Au-delà de la décision du Conseil d'Etat, je m'interroge sur la stratégie menée par le gouvernement pour lutter contre les propos de Dieudonné. Plutôt que d'interdire les spectacles, il aurait été plus conforme à l'esprit du droit, et aussi plus efficace politiquement me semble-t-il, que la garde des Sceaux envoie des instructions claires aux parquets leur demandant la plus grande fermeté. Par exemple, en engageant systématiquement des poursuites pénales quand Dieudonné tient des propos antisémites sur scène. Au lieu de ça, le ministre de l'Intérieur a choisi d'agir de manière préventive. Juridiquement, c'était risqué. Je n'aurais pas parié que le Conseil d'Etat valide ce raisonnement juridique. Mais je me suis trompée. Le juge lui a donné raison. "
Oui, mais, nous dira-t-on, Dieudonné est un récidiviste. Cette objection ne tient pas. Ainsi, par exemple : des journaux ont été condamnés pour diffamation (c'est une infraction pénale) à plusieurs reprises. La logique dans laquelle entre, par la petite porte, " l'arrêt Dieudonné " du conseil d'Etat pourra servir, en d'autres circonstances, à interdire n'importe quel journal, sous prétexte de prévenir une diffamation ...
Comment combattre l'antisémitisme et le négationnisme ?
S'attaquer à la liberté d'expression, c'est appliquer un des points du programme fondamental de tous les fascistes, fascisants et autres nostalgiques de Pétain et, sans aucun doute, de personnages tels Soral.
Ainsi, pour notre part, nous nous sommes toujours prononcés contre l'interdiction du FN, indépendamment même de la question de savoir si ce " front " est ou n'est pas un parti fasciste. Cela n'a, bien entendu, rien à voir avec la moindre complaisance envers cette faction anti ouvrière. Oui, le combat contre le FN est nécessaire. Il n'est possible que sur un seul terrain : celui de la lutte des classes et, s'il le faut, par les méthodes de l'autodéfense ouvrière de masse. De la même manière, la défense de la vérité historique contre le négationnisme de Dieudonné-Soral est une tâche incontournable. Seule la vérité est révolutionnaire ! Mais accepter ou revendiquer l'interdiction du FN, c'est nous exposer demain à notre propre interdiction, la bourgeoisie et ses séides au plus haut de l'appareil d'Etat étant trop contents de disposer de telles armes et précédents juridiques contre les militants ouvriers, les syndicalistes et les révolutionnaires
Le négationnisme est, à présent, étendu par le site " égalité et réconciliation " (animé par Soral, dont Dieudonné est le " compagnon de route ") à la nuit noire du 17 octobre 1961 (http://www.egaliteetreconciliation.fr/Que-s-est-il-reellement-passe-le-17-octobre-1961-8645.html).
Les massacres d'Algériens, lors de la manifestation des Algériens de la région parisienne contre le couvre-feu par la police française, dirigée par le Préfet Papon, seraient une " légende ". Et, pour corroborer ses thèses, Soral et ses amis ont fait appel à un témoin très-très objectif, en la personne d'un colonel commandant les harkis à Paris. ! l'article niant les massacres du 17 octobre 1961 date du 19 octobre 2011.Il s'en prend d'ailleurs à l'historien et spécialiste incontesté de l'Algérie, Benjamin Stora.
Cet article n'a soulevé aucun tollé dans " la classe politique " et dans les médias. Il est vrai que ce " négationnisme " anti-algériens, anti-arabes là s'inscrit en toutes lettres dans le marbre de la défense de l'Impérialisme français, de ses crimes de la colonisation et de la Vème République.
Dieudonné et Valls ressemblent à des étoiles jumelles. Valls fait le jeu de Dieudonné et Dieudonné, celui de Valls : l'un apporte du moulin à l'autre et vice-versa. Le tout sert à faire passer les pires mesures antisociales et à nous détourner de l'ennemi principal, à cette étape : le gouvernement Hollande-Ayrault et sa politique au service du MEDEF.
13 janvier 2014
Jean-Paul Cros, (34, commission de médiation) ; Pedro Carrasquedo, (CPN 64, Pays Basque) ; Francis Charpentier (Pays Basque, 64) ; Daniel Petri, (Paris 13e,) Wladimir Susanj, (CPN Paris-centre 75)
(Membres du courant Anticapitalisme et Révolution dans le NPA)
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