Comment sauver la SNCF  et le statut des cheminots ?

Comment sauver la SNCF  et le statut des cheminots ? | Chronique hebdo, dossier SNCFLe 12 décembre, les cheminots étaient appelés à faire grève à propos de la réforme ferroviaire, présentée au conseil des ministres le 16 octobre dernier. La mobilisation a été pour le moins mitigée. Et pour cause, il s'est encore agi d'une   " journée d'action " sans lendemain, comme les précédentes. Dans ces conditions, en tournant le dos au " tous ensemble ", les directions syndicales récoltent ce qu'elles sèment...Et pourtant ! Cette réforme met en jeu l'existence même de la SNCF, comme service public et, dans le même mouvement, le Statut des cheminots. Une réforme qui peut et doit être retirée, sans autre forme de procès, par la mobilisation unie. Mais, à cette étape, une question se pose : les Fédérations de cheminots sont-elles prêtes à fédérer ce combat décisif ? C'est bien pourtant la question vitale.

"  Service public au service du public "



 
l'existence de la SNCF comme " service public au service du public " est, depuis fort longtemps, incompatible avec les plans du Capital : " entreprise pas comme les autres " qui s'est imposée comme monopole public des chemins de fer sur l'ensemble du territoire, ne pouvant être directement soumise au critère de rentabilité capitaliste, la SNCF est un fardeau pour la bourgeoisie française et les gouvernements successifs. D'autant plus que les cheminots sont forts d'un Statut qui interdit les licenciements, réglemente strictement leur temps de travail et permet la progression des salaires par avancement  à la compétence et à l'ancienneté. Un Statut qui ne peut être mis en cause aussi facilement qu'une Convention collective de droit privé.
 
 

" Le ver est dans le fruit "



 
l'existence de la SNCF est un sous-produit de l'activité révolutionnaire des masses, en 1936, 1944, 1968 et 1995.
 l'existence de la SNCF est, en elle-même, un obstacle à la marche forcée à la concurrence dictée par le Traité de Maastricht et les directives européennes qui en découlent.C'est dire que " le ver est dans le fruit " depuis des années. Ainsi, ces dernières années, nous avons vu se développer le recrutement hors statut de cheminots contractuels, puis de CDD et intérimaires. Dans le même temps, nous avons assisté à la filialisation d'activités de la SNCF.
 

Une réforme qui vient de loin



Mais, d'abord et avant tout, il faut rappeler que la contre-réforme en cours s'appuie sur les lois de 1982 et de 1997.
En 1982, la SNCF est devenue un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial, de droit privé donc)) sous l'impulsion du ministre PCF des Transports Fiterman ayant obligation d'équilibrer ses comptes, donnant ainsi le feu vert au désengagement financier de l'Etat et permettant ainsi d'introduire le critère de rentabilité dans l'administration des chemins de fer. Dix ans plus tard, prenant appui sur la directive européenne 91440, la séparation comptable des différentes activités de la SNCF a été imposée : grandes lignes, tgv, voies et bâtiment, fret, TER, SERNAM ont été scindées, chaque activité devant équilibrer ses comptes, toute péréquation entre les résultats des activités étant proscrite (ainsi, les bénéfices de l'activité TGV ne pouvaient être réinjectés dans des activités dites " déficitaires " comme le fret- trains de marchandises). Cette gestion par activité a pris un caractère encore plus aigu à partir de 1997, lorsque Gayssot (PCF) est devenu ministre des Transports. Elle a indiscutablement jeté les bases de l'éclatement de la SNCF.

De Mitterrand-Fiterman à Jospin-Gayssot...



En février 1997 a été votée la loi portant création de RFF : scission, donc, de la SNCF en deux " entités " : RFF chargé de l'infrastructure (les rails) et la SNCF chargée de l'exploitation (préparer et faire rouler les trains). A l'origine, RFF devait intégrer en son sein les cheminots de l'infrastructure, un pan entier des effectifs de la SNCF. La peur d'un nouveau " novembre-décembre 1995 " a contraint le législateur (Pons, ministre RPR) à temporiser : les cheminots de l'infrastructure sont donc restés à la SNCF. Mais, la création de RFF permettait à ce nouvel établissement de louer des sillons à tout opérateur ferroviaire (un sillon est la location de l'utilisation d'une ligne pendant un créneau horaire limité). La SNCF a donc dû payer des sillons à RFF. Mais, répétons-le, tout opérateur privé peut louer à son tour, des sillons. La loi RFF " décline ", applique la directive européenne 91440...
l'autre volet de la loi du 17 février 1997 est la régionalisation : désormais, ce sont les Conseils régionaux qui ont la main sur les transports régionaux, la SNCF n'est plus qu'un prestataire de services, sur appel d'offres, des conseils régionaux, pour tout ce qui relève du trafic régional. Rien n'interdit donc à une Région de faire appel à un opérateur privé ou d'abandonner les lignes régionales au profit du transport par car. C'est d'ailleurs ce qui est souvent fait en province, au détriment de la sécurité et de la qualité du transport pour l'usager et qui est aussi source de pollution (les autobus roulant au diésel)
 Le gouvernement Jospin-Gayssot n'a pas touché à une virgule à cette loi. Mieux, il l'a poussée toujours plus loin : le SERNAM a été filialisé par la grâce de Gayssot !
 
Durant toute cette période, nous avons assisté au " déclin du Fret SNCF " : fermeture de gares de triages, de gares marchandises, d'embranchements dans les zones industrielles, favorisant ainsi le transport par camions, mais aussi l'irruption d'entreprises ferroviaires privées pour le " fret ". Ecologistes quand il s'agit de faire payer l'écotaxe, ceux qui nous gouvernent le sont beaucoup moins quand il s'agit du Fret-ferroviaire.
 Durant toute cette période, le double visage de la SNCF s'est clairement dessiné : d'un côté, l'EPIC (établissement à caractère industriel et commercial), de l'autre : le groupe SNCF devenu tentaculaire, avec ses centaines de filiales et sous-filiales, en particulier dans le domaine du transport routier (avec Geodis- Calberson- Bourgey Montreuil, etc.) Oui, le transport routier, faisant de la SNCF un des principaux pollueurs de l'hexagone !
 

Démantèlement et privatisation à la découpe



 
La réforme en cours vient donc de loin.

 Sa " consistance " peut être résumée en quelques mots :
 Les " réformateurs " entendent créer une Holding (ce que proposait déjà Gayssot en 1997, lors des débats parlementaires sur la loi créant RFF) qui chapeautera SNCF (transporteur) et RFF (qui deviendra GIU : gestionnaire de l'infrastructure unifié), avec à la clé l'intégration des cheminots de l'infrastructure au sein de RFF (50 000 cheminots). Ce serait un pas de géant vers l'éclatement total de la  SNCF.
 Le PDG de la SNCF, Guillaume Pepy, ne cache pas les véritables mobiles de cette réforme :
" Cette réforme est urgente, ne serait-ce que compte-tenu de la situation financière du secteur ferroviaire et pour préparer nos entreprises à l'arrivée de la concurrence". http://www.lemoniteur.fr/147-transport-et-infrastructures/article/actualite/20756587-le-giu-solution-de-tous-les-maux-du-ferroviaire
 Ce qui en découle, c'est la mise en place d'un " cadre social harmonisé ", c'est-à-dire d'une convention collective commune des cheminots SNCF et des cheminots des entreprises ferroviaires privées. Cette Convention collective annulera et remplacera le Statut, pour que la concurrence soit " libre et non faussée " conformément aux dites " règles européennes ". Sur cette question décisive à plus d'un titre, il se trouve que SUD-Rail est favorable à la mise sur pied de cette convention collective mortifère, en escomptant qu'elle alignera le " privé " vers " le haut ". En admettant un court instant que cette Convention collective puisse être la photocopie du statut, cela resterait  un leurre car, de nos jours, il est possible de déroger aux Conventions collectives à tout moment (d'autant plus, avec la loi transposant l'Accord National Interprofessionnel, ANI, " emploi-compétitivité ") et de les dénoncer " à toute occasion favorable "

 Pas touche au Statut !



Sous tous ses aspects, la réforme, si elle est votée, serait un tremplin vers le démantèlement de la SNCF et la privatisation à la découpe de la SNCF. D'ores et déjà, existe la filiale (Masteris) qui a vocation d'intégrer les cheminots du matériel (chargés de la maintenance technique des trains) dans les années à venir. C'est un exemple parmi d'autres de ce qui se trame.
 
Au regard de ces dangers, l'appel intersyndical (CGT, SUD, UNSA) à la grève du 12 décembre est-il à la hauteur ?
On a beau le lire et le relire, à aucun moment cet appel ne se prononce pour le retrait de la réforme et pour le maintien du statut des cheminots. Cet appel se prononce pour :
" - Le respect des dispositions statutaires en matière de recrutements et des embauches au cadre permanent avec une réévaluation à la hausse des effectifs de l'EPIC pour l'année 2013 ;
- l'arrêt des externalisations ;
- l'ouverture des négociations salariales dès début 2014 avec une augmentation générale des salaires et une revalorisation des pensions de retraite ;
- Aucune réorganisation ne doit anticiper la mise en oeuvre du projet de loi gouvernemental avant débat et vote de la représentation nationale ;
- Une autre prise en compte de la sûreté et de la sécurité des agents par une ré-humanisation des gares et des trains, en favorisant la mutualisation des moyens de production ;
- Une réorientation totale de la politique menée au Fret. 
 
Les Fédérations Syndicales de cheminots CGT - UNSA - SUD-Rail appellent l'ensemble des cheminots de tous les collèges à agir massivement par la grève le 12 décembre 2013, afin de construire un projet de loi répondant aux besoins de la population, à partir d'une entreprise ferroviaire publique intégrée, la SNCF, seule capable de répondre aux enjeux de sécurité, d'aménagement du territoire et d'égalité de traitement."
 
Une nouvelle fois, face à un danger grave et imminent, les directions syndicales dévident, dans le désordre des exigences et des revendications justes ou fausses qui " tournent autour du pot ", relativisent le problème immédiatement posé. Le tout, pour une journée de grève " carrée " sans suite. (Entre deux journées de grève sur la réforme, il s'est écoulé ...six mois). Une nouvelle fois, au lieu d'exiger haut et clair le retrait du projet de loi en cours, on parle d'un " autre projet de loi " qui ne pourrait de toute façon pas voir le jour si le projet de réforme gouvernemental n'est pas purement et simplement retiré. On retrouve ici la même méthode que lors de la contre-réforme des retraites, avec les résultats que l'on sait.
 A cette étape, il appartient donc aux militants anticapitalistes de remettre les pendules à l'heure, en mettant en avant les revendications réellement unifiantes, pour le Tous Ensemble :
- Retrait du projet de réforme ferroviaire
- Maintien total du Statut des cheminots
- Retour au Monopole public de la SNCF sur les rails
- Augmentation conséquente des effectifs (au statut) et des salaires à hauteur des besoins
- Arrêt des réorganisations, filialisations et de la régionalisation par l'abrogation de loi Pons de février 1997

Jean-Paul Cros, (34, commission de médiation) ; Pedro Carrasquedo, (CPN 64, Pays Basque) ; Francis Charpentier (Pays Basque, 64) ; Daniel Petri, (13e,) Wladimir Susanj, (CPN 75)
(Membres du courant Anticapitalisme et Révolution dans le NPA )
Modifié le vendredi 04 juillet 2014
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