Chronique d’une chute de régime – Août 2019

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 113 - Dimanche 11 août 2019

Quand un régime politique crève, ce n’est pas beau à voir. Les coups pleuvent drus, dans tous les sens du terme. Cette « crevaison » - pour reprendre un mot d’Emile Zola – peut encore durer un certain temps. Voilà tout de même 50 ans que la Ve République se survit, se « réforme » et connaît les spasmes de l’agonie. Macron et sa bande sont le dernier cri  de cette république décomposée et réactionnaire qui recourt à des armes de guerre contre tout rassemblement populaire…

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Lundi 29 juillet 2019, le corps sans vie de Steve Maia Caniço est découvert, 37 jours après sa disparition.

Samedi 04 août 2019, les manifestations contre la violence policière ayant été interdites au centre-Ville de Nantes par les autorités, les forces de police de Macron se déchaînent contre les gens en colère et recourent aux « manœuvres d’étranglement ».

Cela n’est pas sans nous rappeler les conditions dans lesquelles un père de famille dont le seul tort avait été de parler tout seul dans la rue avait été « maîtrisé » de la sorte et avait succombé au commissariat du 10ème arrondissement de Paris, en mars 2017 ; Son corps portait des traces de coups…

La disparition de Steve Maia Caniço est survenue dans le contexte survolté que l’on sait : plus de six mois de violence physique du pouvoir, en continu. Au début, on a pu croire que ce traitement de choc était réservé aux gilets jaunes.

Pour justifier ce traitement-là, le pouvoir a dit que les GJ étaient des fascistes, des putschistes. Mais, comme si cela ne suffisait pas, monsieur Martinez avait fait sien cet amalgame. Et, il y en eut d’autres, tels ces « tribunards » qui avaient cru voir des GJ « dont la chemise brune dépasse sous le gilet jaune ». 3

Comme nous l’avions pressenti, les GJ ont été les premières victimes des frappes policières du pouvoir. Dès le 6 décembre, nous étions édifiés : des lycéens de Mantes-la-Jolie (78) étaient menottés, les mains dans le dos, parqués et mis à genoux. Il n’était plus question de parler de « factieux », de « chemises brunes ». On parlera plutôt de « racailles de banlieue »… Le 7 décembre, nous pouvions lire : « plusieurs dizaines de jeunes ont été interpellés par les policiers dans les Yvelines. Ils auraient effectivement passé plusieurs heures à genoux ou assis, encadrés de policiers. » 4 Comme nous pouvions l’imaginer, l’IGPN a classé sans suite cette « affaire ».

Les forces de l’ordre ne feraient que se défendre, jure monsieur Castaner, sur la tête de « Jupiter ». Pour se défendre, elles auront sans doute été placées dans l’obligation frappante de s’en prendre à des passants.

Sur Franceinfo, des témoignages ressurgissent

« "Il a des broches partout, il a passé six heures au bloc. Il souffre d'une fracture de la mâchoire et ne peut pas parler. A l'hôpital, on m'a clairement dit que ses blessures avaient été causées par un tir de flash-ball." Flaure Diessé est en colère. Son fils Lilian, âgé de 15 ans, a été blessé samedi 12 janvier en marge de la manifestation des "gilets jaunes" à Strasbourg.

Citée par France 3 Grand Est , Flaure Diessé assure que Lilian faisait simplement les soldes, sans prendre part au cortège – ce que contestent les forces de police auprès de nos confrères … » 5

Selon France-info, 40 personnes auraient été grièvement blessées depuis l’irruption de la mobilisation en gilet jaune. Parmi elles, de nombreux mineurs, de nombreux passants.

Les armes dites « non létales » sont en cause. Les soldats de Tsahal peuvent le confirmer, des milliers de palestiniens qui veulent simplement demeurer dans leurs maisons, vivre sur leur terre font face à ces armes-là. Ils y perdent bras et jambes, entre autre.

A propos de ces armes, l’encyclopédie en ligne Wikipedia rappelle :

« En France, les lanceurs de balle de défense ainsi que les grenades de désencerclement sont classé en catégorie A nommé "Arme de guerre".

Bonus pour les grenade de désencerclement les font partie des munitions interdit par les conventions internationales. » 6

Le livre noir de la violence physique et judicaire du pouvoir s’écrit sous nos yeux. Le livre de passants, de journalistes pigistes ou indépendants. Le livre de personnes qui garderont à vie les stigmates des sévices que des forces spéciales leur ont infligées, le livre des manifestants emprisonnés, tel Christophe Dettinger qui n’avait que ses mains pour se défendre ou le tort d’être un bon boxeur et tant d’autres, le livre des personnes assignées à résidence, sans liberté de circuler, devant pointer chaque jour au commissariat. Tous ces gens sans parti qui ne supportent pas cette violence étatique, plus que « disproportionnée ».

Ce n’était pas encore assez, il faut encore charcuter les lois, fomenter une loi dite « anti-casseurs » pour interdire les manifestations à tout moment ou interdire à des manifestants de participer à tout rassemblement et être placés dans l’état d’urgence permanent – qui n’a plus besoin de dire son nom puisqu’il devient « l’état normal », sous le scalpel du législateur.

Sur les bancs de l’assemblée, le 30 janvier un député s’exclame alors : « on se croirait revenu au temps de Vichy ». Cet élu – Charles de Courson - n’est pourtant pas un homme de gauche. (Il est vrai que bien des hommes de gauche, et non des moindres, soutenaient Manuel Valls, initiateur du mode de répression et de « judiciarisation » actuelle).

De nos jours, pour protéger son visage des gaz lacrymogène, il faut avoir… une carte de police et pour porter une cagoule, une carte de de la Brigade anti-criminalité (BAC).

Les choses n’ont eu de cesse de s’aggraver, tandis que le chef de l’État y allait de son « grand débat » où le mot même de « répression » était proscrit. Confère les propos jésuitiques de Macron, le 6 mars.

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Le grand débat, sous les coups !

Macron fustige alors les « violents » qui « commettent le pire ».

Le 3 juillet, monsieur Lakhdar Bey était-il prêt à « commettre le pire », monsieur le Président ?

« je n'arrêterai pas jusqu'à ce qu'ils payent". Fatima Bey, 36 ans, était là lors de l'expulsion de sa famille d'un logement d'une cité HLM de Chambéry, mercredi 3 juillet. Une intervention qui a tourné au drame puisque son mari Lakhdar est décédé d'un malaise cardiaque après avoir été emmené par les policiers.

Son épouse devait témoigner ensuite :

"J'ai dit au policier d'arrêter, je lui ai demandé 'pourquoi vous mettez les menottes ? Il est malade, il a fait trois AVC, laissez-le tranquille'. Mais le policier m'a dit : 'Je m'en fous', et il a continué, il l'a allongé par terre, a mis le pied sur lui et lui a mis les menottes devant mes enfants qui lui demandaient aussi d'arrêter", raconte Fatima Bey, qui s'exprime pour la première fois au micro de RTL.

"Quelqu'un de malade, il ne faut pas lui faire ça. Son coeur était trop faible", poursuit-elle. Fatima Bey réfute le fait que son mari ait été violent à l'arrivée des policiers dans l'appartement. "Il ne voulait pas partir, on n'a pas le choix. Avec quatre enfants on va aller où ? Mon mari voulait faire le bien pour nos enfants", assure-t-elle. 8

Monsieur Bey et sa famille étaient dans ce logement inoccupé depuis deux ans, « sans droits, ni titre. Au même moment, nous apprenions que monsieur de Rugy habitait un logement social, dans lequel, il n’habitait pas, bien qu’un logement social est légalement une résidence principale »…

Quant à sa cure de homards entre amis, ce n’était qu’un tout petit rien. La voie des dîners sur fond public avait été tracée par « l’exemplaire » Emmanuel Macron en l’an de grâce 2016.

Le Huffington post » rappelle :

Au début de la campagne, en pleine affaire Fillon, un livre signé par les journalistes Frédéric Says et Marion L’Hour, Dans l’enfer de Bercy, révélait comment Emmanuel Macron avait “utilisé à lui seul 80% de l’enveloppe annuelle des frais de représentation accordée à son ministère par le Budget, en seulement huit mois, jusqu’à sa démission” en août 2016. Selon les auteurs de l’enquête, le futur candidat à la présidentielle aurait puisé dans “une partie des deniers de Bercy pour faire son réseau avec les personnalités qui comptent, et pas seulement dans le domaine de l’économie”, afin de lancer son parti politique , En Marche!.

Un mélange de genres confirmé, semble-t-il , en mai 2018 par un député LREM devant un Gérard Collomb embarrassé à l’évocation de “la salle à manger du ministre, qui était Emmanuel Macron, trop grande quand il réunissait les quelques parlementaires, dont nous étions tous les deux, autour de petits déjeuners pour envisager l’avenir, pour construire un mouvement qui allait changer la donne en France”, s’est en effet souvenu l’élu du Val-de-Marne, Jean-Jacques Bridey. » 9

Mais, ne nous écartons pas du sujet. N’abreuvons pas plus qu’il ne le faut de sarcasmes mérités les femmes et les hommes pu pouvoir. Ils s’autorisent à faire ce que des opposants prétendument insoumis et des grands pontes syndicaux comme Martinez et Veyrier leur permettent. Syndicaux, peut-être. Syndicalistes, certainement pas. Certains députés insoumis, certes, chahutent ou sermonnent les ministres à propos de cette répression… pour mieux la couvrir de leur babillage adulte. Ils cherchent quelques gilets jaunes de service pour meubler leur université d’été. Au même moment, Martinez s’enquiert de… l’urgence climatique… Il est vrai que, de part et d’autre de l’échiquier politique, la mode est à l’indigence intellectuelle. Cela peut parfois faire le buzz. Tous ces « haut-parleurs » n’ont d’autre horizon que les Municipales – à l’heure où les villes et les villages sont dépouillés de leurs prérogatives au profit d’obscurs « territoires », comme au temps des rois, dans une « Europe des régions ». Bien sûr, du côté des pontes de la CGT et de FO, il est question de « journées » sur les retraites… entre deux séances de pourparlers avec Macron - Delevoye qui n’ont d’autre fin que leur liquidation, tous régimes confondus.

En réalité, tous ces assis, au pouvoir ou dans l’opposition vivent dans la peur de la colère de la majorité sociale de ce pays. « Ne les faites pas lever, les assis » scandait Arthur Rimbaud. Il clamait encore : « Changeons la vie ». Salariés, femmes travailleuses, sans-emploi ou sans-statut, syndicalistes du concret et du terrain, nous avons déjà commencé. En comptant d’abord sur nos propres forces…


Dimanche 11 août 2019





1 https://www.facebook.com/Bsaz.photographie/photos/a.1461744267311485/1461744463978132/?type=3&theater

2 https://twitter.com/T_Bouhafs/status/1158482212825829376/photo/2

3 Article daté du 22 novembre 2018, publié dans « La tribune des travailleurs » sous le titre « Rouge est le drapeau des travailleurs », signé : Daniel Gluckstein

4 https://www.liberation.fr/checknews/2018/12/07/les-lyceens-de-mantes-la-jolie-ont-ils-passe-plusieurs-heures-a-genoux_1696570

5 https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/gilets-jaunes-on-a-compte-le-nombre-de-personnes-gravement-blessees-par-des-tirs-de-flash-ball-lors-des-manifestations_3144875.html#xtor=CS2-765-

6 https://fr.wikipedia.org/wiki/Arme_non_l%C3%A9tale

7 http://video.lefigaro.fr/figaro/video/grand-debat-vous-me-parlez-de-repression-je-vous-dis-que-c-est-faux-(macron)/6011290136001/

8 https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/expulsion-mortelle-a-chambery-il-faut-que-la-police-paye-dit-la-femme-de-la-victime-7797999533

9 https://www.huffingtonpost.fr/entry/avant-les-diners-prives-de-rugy-ceux-de-macron-a-bercy-ont-aussi-fait-polemique_fr_5d2d9bf0e4b085eda5a16e7e

Modifié le dimanche 11 août 2019
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