Affaire Cahuzac : Le poisson pourrit par la tête...

Affaire Cahuzac : Le poisson pourrit par la tête | Chronique hebdo, 8 avril 2013

A la pourriture d'un régime et d'une politique correspond nécessairement la pourriture, à des degrés divers, du personnel politique au service de cette politique et de ce régime. Dans ces conditions, quoi de plus normal, se disent ces gens, que de taper dans le pot de confiture ? Mais l'affaire Cahuzac n'est pas seulement une affaire de plus. La presse étrangère l'a bien compris qui voit dans cette question comme " une odeur de fin de régime " (Frankfurter Allgemeine Zeitung) Un régime qui ne parvient pas, en dépit de tous les coups qu'il porte, à " réformer " à hauteur des exigences du capital financier. Un régime dont l'autorité est bafouée, du fait d'agissements " individuels " au sein même de son exécutif. Un régime au service d'une Ve République qui n'en finit pas de mourir.



Quant à moraliser la vie politique ? C'est tout aussi illusoire ou mystificateur que ceux qui prétendent humaniser le capitalisme : comme disait l'un de nos aînés, c'est comme demander au diable de raboter ses sabots...

La Société du Dix-Décembre

Sur ce point, il convient de donner raison à Mélenchon quand il affirme que l'affaire Cahuzac traduit la pourriture intrinsèque d'un système. Le système capitaliste à notre époque qui survit dans un état de crise permanent et destructeur. Le système politique, bonapartisme inachevé et sénile, qui, à l'instar du Second Empire de Louis Napoléon Bonaparte, s'appuie sur une base sociale très particulière, la " Société du 10 décembre ", telle que Marx pouvait la décrire : "Société de bienfaisance", en ce sens que tous les membres, tout comme Bonaparte, sentaient le besoin de se venir en aide à eux-mêmes aux dépens de la nation laborieuse ". Qui la composait alors ?

" Cette société avait été fondée en 1849. Sous le prétexte de fonder une société de bienfaisance, on avait organisé le lumpenprolétariat parisien en sections secrètes, mis à la tête de chacune d'entre elles des agents bonapartistes, la société elle-même étant dirigée par un général bonapartiste. A côté de "roués" ruinés, aux moyens d'existence douteux et d'origine également douteuse, d'aventuriers et de déchets corrompus de la bourgeoisie, on y trouvait des vagabonds, des soldats licenciés, des forçats sortis du bagne, des galériens en rupture de ban, des filous, des charlatans, des lazzaroni, des pickpockets, des escamoteurs, des joueurs, des souteneurs, des tenanciers de maisons publiques, des portefaix, des écrivassiers, des joueurs d'orgue, des chiffonniers, des rémouleurs, des rétameurs, des mendiants, bref, toute cette masse confuse, décomposée, flottante, que les Français appellent la bohême. C'est avec ces éléments qui lui étaient proches que Bonaparte constitua le corps de la société du Dix-Décembre " (Marx, le 18 brumaire de L.Bonaparte)

Coût de l'évasion fiscale : 50 milliards d'euros

Evidemment, à notre époque, pareille " association " n'existe pas formellement, mais elle existe d'autant plus sûrement, avec ses passerelles permettant de sauter par-dessus les clivages " gauche-droite " institutionnels. Cahuzac en est un spécimen : déchet de la bourgeoisie, ce fils de résistants authentiques fréquente tout à fait normalement des " amis " issus de l'extrême-droite. C'est l'un d'entre eux qui lui " ouvre " le compte maudit. Dans le même temps, il est au Grand Orient de France, dernier vestige de la franc-maçonnerie de la III è République. Ministre, il est admiré par toute la droite républicaine et n'a aucun état d'âme. Ministre du Budget, il participe à l'évasion fiscale, à cette fraude pour laquelle ses compères de l'UMP demandaient à la veille de ses aveux contrits, une amnistie générale. Selon une vidéo mise en ligne par Le Monde, la somme perdue à cause de l'évasion fiscale est estimée à 50 milliards d'euros. Une somme supérieure au budget de l'éducation nationale, par exemple. Lire sur cette question :

http://www.lemonde.fr/economie/chat/2013/04/05/les-dessous-de-l-offshore-leaks_3154459_3234.html

La Société du Dix-Décembre n'existe pas .Encore que. Des aventuriers, des Rastignac, des lumpens, la Ve république en regorge dans son personnel politique. Un rapide tour d'horizon nous le démontrerait : Bernard Tapie, Cambadelis et, lui aussi, déjà, ses liens coupables avec un ancien dirigeant du FN, Julien Dray et ses montres pas discount du tout, des Dodo la saumure (il est belge mais si proche de certains français...)...il y en a pour tous les goûts et de tous bords. Seulement, il arrive un temps où la quantité se transforme en qualité. Et à ce titre, l'affaire Cahuzac risque bien d'en être l'expression. D'autant que la boîte de Pandore semble s'ouvrir en grand puisqu'on parle désormais de Fabius qui détiendrait un compte en Suisse...

Filoche ou l'homme sincère...

Officiellement, Hollande, chantre de la " république irréprochable " est au-dessus de ce cloaque. Son trésorier de campagne, J.J Auger qui se définit lui-même comme " un caractère aventurier ", revoilà la Société du Dix-Décembre, l'est beaucoup moins. Hollande candidat d'un " parti sain " (selon Gérard Filoche) a donc choisi comme trésorier, un ancien inspecteur des impôts mouillé dans la création de sociétés offshores. De quoi révolter plus d'un chômeur, d'un smicard ou salarié qui tire la langue. Cet aventurier, de la même promo que Hollande et Ségolène, ça crée des liens, investit aux îles Caïman, un joli paradis fiscal en vérité. Pourriture ordinaire et policée au sein d'un parti vérolé que Filoche, " au bord des larmes " selon la journaliste de la 2, présente comme un " parti sain ". Filoche qui se présente comme un socialiste de souche qu'il n'est pas. Revendiquant, des trémolos dans la voix, son poste au bureau national de ce parti, il ne fera pas oublier qu'il fut membre du bureau politique de la LCR, son aile gauche paraît-il, qu'il décréta en 1971 que le PS était devenu un " parti bourgeois " et en 1976 que ce parti menait, sous couvert d'opposition respectueuse " une politique active de soutien à Giscard ". Filoche, qui se revendiquait il n'y a pas si longtemps que ça de Lénine-Trosky et qui à ce titre proclamait (à juste titre) que la social-démocratie était passée définitivement du côté de l'ordre bourgeois. Filoche frappé d'amnésie et qui veut faire croire à la sincérité de son indignation mais qui considère que le PS est tout de même " un parti sain " ! Filoche, parfaitement conscient que le PS a lié son sort à la Ve République, défend ainsi son illusoire et pitoyable étiquette de " membre du Bureau national du PS " La Société du Dix-décembre n'existe plus ? Voire.

Le PS aux affaires ou les Affaires du PS

Il convient ici de citer de larges extraits de l'article qu'Henri Pouillot a publié sur son blog Mediapart :

l'affaire Jérôme Cahuzac n'est pas sans rappeler certains aspects des affaires DSK (Dominique Strauss-Kahn). Comment de tels personnages, roulant sur l'or, ayant amassé des fortunes énormes, peuvent défendre une justice sociale.

Les relations de Jérôme CAHUZAC avec la droite, même extrême, n'étaient pas des secrets de polichinelle. l'ami, responsable au FN, qui le conseille et l'aide pour ouvrir un compte en Suisse, est on ne peut plus révélateur de sa conception des rapports politiques. Comment peut-on être ami avec une personne sensée vivre sur des bases 'une idéologie totalement opposée à celle qu'on dit afficher ?

Il est bien évident que la composition d'un gouvernement ne se fait pas sans connaître le passé, l'expérience de ceux qui vont devenir ministres. Le choix de Manuel Vals ou de Jérôme Cahuzac, n'a rien à voir avec le hasard. C'est un signe fort d'une ligne politique souhaitée. Manuels Vals s'est fait remarquer, déjà sous le mandat de Nicolas Sarkozy pour épouser cette politique de chasse aux immigrés, aux Roms.... Devenu ministre, c'est donc le feu vert pour lui de se lâcher sans retenue dans cette même orientation. Quant à Jérôme Cahuzac, ce richissime chirurgien, immergé dans la haute bourgeoisie, il ne peut pas connaître la question des fins de mois difficiles des familles en précarité, victimes du chômage,... C'est donc sans état d'âme qu'il viendra mettre en place une politique d'austérité. Pour lui, pas de problème, cette orientation économique ne lui posera pas de problème, lui qui est habitué à jongler avec la finance.

Là où cela devient un problème politique, d'éthique, c'est qu'un tel affairiste connu pour tel, au moins depuis son passage au ministère de Claude Evin, soit promu à un tel poste. Peut-être que ceux qui l'ont nommé ne connaissaient pas les comptes en Suisse, ou Singapour, mais ils ne pouvaient pas ignorer son comportement. Évidemment le mensonge est énorme, odieux... d'autant plus que c'était le loup dans la bergerie : un fraudeur de longue date (près de 20 ans) "chargé" de traquer les fraudeurs !!!

Mais cet exemple vient conforter d'autres "scandales" qui discréditent le Parti Socialiste

Le cas "Théo Balalas". Cet ancien membre de l'OAS (toujours adhérent à l'ADIMAD-OAS), condamné pour son activité dans cette organisation criminelle, terroriste avait créé "Ordre nouveau" à Marseille, puis le Front National, avant de rentrer au Parti Socialiste, avec Gaston Deferre. Il est resté une bonne trentaine d'années responsable du recrutement dans les Bouches du Rhône. A la suite de ma lettre du 16 septembre 2006 au secrétaire du PS de l'époque, un certain François Hollande, j'ai bien l'accusé de réception, mais pas de réponse mais ce personnage est resté en fonction. Et quand Le Pen vient à Marseille, très régulièrement, ils se retrouvent au restaurant ensemble.

Le cas DSK. Il y a les frasques sexuelles que tous les proches connaissaient. Mais comment ce multimillionnaire en euros peut-il appréhender le quotidien des familles "normales" françaises. Dans son voyage au Maroc, François Hollande a peut-être été invité, près de Marrakech dans l'immense propriété de ce camarade...

Le cas Guérini. Encore Marseille !!! Évidemment, il y a présomption d'innocence puisqu'il n'y a pas eu de jugement de rendu, mais, il est bien à craindre que le Président du Conseil Général des Bouches du Rhône ne soit un jour condamné puisqu'il vient d'être a été mis aujourd'hui en examen pour "corruption active, trafic d'influence ainsi que pour association de malfaiteurs en vue de la corruption active, du trafic d'influence et du détournement de fonds publics." Le juge lui reproche un rôle de "facilitateur" qu'il aurait joué dans l'obtention de ces marchés publics.

Le Cas Sylvie Andrieux : Toujours Marseille et sa région. Jugée depuis le 4 mars pour détournements de fonds publics, elle sera fixée sur son sort dans deux mois, la date du jugement ayant été arrêtée au mercredi 22 mai à 8h30. Le procureur a requis, deux ans de prison avec sursis, 50 000 euros d'amende et cinq années d'inéligibilité à l'encontre de la députée socialiste des quartiers Nord de Marseille. Là aussi, il y a présomption d'innocence, puisque le jugement n'est pas encore rendu.

Et puis le cas de M. Augier que l'on apprend aujourd'hui. Le trésorier de la campagne de François Hollande, lui aussi multimillionnaire, possède des comptes en paradis fiscal. Mais ce ne seraient pas comptes personnels, seulement de ses sociétés. Étrange, bizarre,... le candidat Hollande confie à un ami un tel poste clé sans connaître le passé de celui-ci ? On ne demande pas un tel "service" à un inconnu...

l'argent roi. Tant que ce lobby, et les "relations" des "puissants" qui pensent pouvoir tout se permettre avec des millions, la corruption garde de beaux jours devant elle

http://blogs.mediapart.fr/blog/henri-pouillot/040413/jerome-cahuzac-le-parti-socialiste-se-doit-de-tourner-une-page

Face à l'affaire Cahuzac, nous avons tout d'abord vu un large front uni gauche-droite pour fustiger Mediapart, front commun drapé dans les plis de la présomption d'innocence, laquelle avait été invoquée en faveur de DSK. Sur ce point Eva Joly, ancienne juge d'instruction, a raison : " La présomption d'innocence est un principe essentiel. Mais arrêtons l'hypocrisie. La présomption d'innocence, ça veut dire que seul un tribunal a le droit de vous déclarer coupable, pas que vous ne pouvez pas comprendre ce que vous voyez. Ne pas jeter quelqu'un en pâture au tribunal de l'opinion est une chose. Tolérer le détournement de la présomption d'innocence pour masquer les turpitudes des puissants, c'est autre chose ". (Interview au journal 20mn, 6/04/12). Après coup, les caciques du PS déclarent que c'est la faute impardonnable d'un homme qui ne doit retomber sur personne d'autre que lui-même.

Tous craignent qu'elle ruine l'autorité du gouvernement au moment où il tente d'accélérer les " réformes " que l'on sait, contre les retraites, le Code du travail (l'ANI) et l'universalité des droits (allocations familiales, notamment). D'où les idées de remaniement général émises par la droite qui ne hasarde pas à exiger des élections anticipées, montrant qu'elle n'entend surtout pas faire tomber Hollande, suspect " d'abus de candeur ". D'où les propositions de gouvernement d'union nationale émise par l'ancien conseiller économique de Pompidou, Jean-René Bernard, d'unité nationale sans laquelle, selon lui, aucune " réforme " (à la hauteur des besoins des capitalistes et des banquiers s'entend) ne pourra s'imposer.

Là est le noeud de la question. Si le régime était fort, si le capital financier disposait d'un rapport de force à son avantage, l'affaire Cahuzac n'aurait pas provoqué un tel tsunami institutionnel et aurait pu être circonscrite à la " faute " d'un seul homme, d'un " traître " comme l'a dit Valls. Mais, le régime est en crise. Le moteur de cette crise, c'est, quoi qu'en disent certains qui ne voient pas très bien, la lutte des classes, tantôt rampante, tantôt explosive. C'est elle qui détermine la montée de l'abstentionnisme, la chute brutale de popularité de l'exécutif usé jusqu'à la corde au bout de dix mois, sans solution de continuité. Les sondages sont certes un prisme déformant mais ils sont cependant un reflet de l'écoeurement des masses. Et l' Affaire Cahuzac devient un accélérateur de la crise, qu'elle soit du régime ou de régime...

Les hésitations des uns et des autres à aller plus vite-plus loin dans la voie de la liquidation des conquêtes sociales ouvrières, les précautions qu'ils prennent, en cherchant à s'appuyer sur le concours actif des directions syndicales renferment la peur que cette crise politique ne se transforme en crise sociale et la crise du régime en crise révolutionnaire.

La diversion du 5 mai

Dans ce cadre, Mélenchon a sorti de son chapeau la proposition de manifestation du 5 mai. Pour quoi faire ? Pour exiger la 6e République et " donner un coup de balai " nous dit-il.

Aussitôt interrogé, Pierre Laurent, patron du PCF a répondu qu'il fallait voir mais qu'il pensait que la question essentielle était bien plutôt qu'il fallait " un grand coup de braquet du gouvernement vers la gauche " autrement dit, si le PCF appelle le 5 mai, c'est pour faire pression sur Hollande pour gauchir sa politique. En clair et en d'autres termes, une manif de soutien " à gauche " du gouvernement. Et dans ces conditions, elle n'est rien d'autres qu'une tentative de diversion, un pare-feu qui est le bienvenu pour ce gouvernement aux abois.

Quant à la 6e république pour Pierre Laurent se déclare favorable, cette perspective n'aurait de sens que si c'était pour exiger : " Dehors ce gouvernement au service du Medef et des spéculateurs ", " qu'ils s'en aillent tous " et " Abrogation de la Ve République " et, sans attendre le moindre processus " constituant ", " grève générale pour le retrait de l'ANI, ni loi ni accords d'entreprises "

Il ne semble pas que Mélenchon, Pierre Laurent et consorts aient cela dans la besace, bien au contraire. Alors, qu'irions-nous faire dans cette galère ? A la limite, diffuser un tract NPA pour défendre ces mots d'ordre (non exhaustifs cela va de soi) ?

Modifié le lundi 08 avril 2013
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