A bas les politiques « migratoires » ! Ouvrez les frontières pour tous les réfugiés, oui tous ! Régularisez tous les sans-papiers et demandeurs d’asiles, oui tous !

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 54 – mercredi 4 juillet 2018
A bas les politiques « migratoires » ! Ouvrez les frontières pour tous les réfugiés, oui tous ! Régularisez tous les sans-papiers et demandeurs d’asiles, oui tous !

Ceci n’est pas un plaidoyer, ni même un réquisitoire. C’est un cri de révolte et en même temps, une détermination anti-impérialiste totale, l’expression du rejet du capitalisme qui affame, bombarde, réduit en esclavage, pille les ressources de continents entiers, et sème le poison du racisme, de la xénophobie, de la haine entre les peuples et qui « trie » les réfugiés et une fois « triés » entend les « répartir ».

Tout cela est, bien sûr, rempli de larmes de crocodiles.

Les artisans des politiques migratoires semblent ne pas se rendent compte qu’ils agissent face aux réfugiés comme leurs ancêtres politiques des années 30 contre les réfugiés juifs et républicains d’Espagne. Certains sont plus hypocrites que d’autres, d’autres sont plus cyniques que certains, certains se veulent plus « antilibéraux » et plus « humanistes » que les autres mais tous trouvent le moyen de s’acheter une bonne conscience pour justifier un abject « dispatching » et tri sélectif d’êtres humains. Tel est le véritable objet des politiques migratoires.

1923 : les réfugiés arméniens

Qui donc pouvait être plus « humaniste » et « jaurésien » qu’un maire socialiste d’une grande ville comme Marseille au début des années 1920 ? Et, pourtant …

« Depuis quelque temps se produit vers la France, par Marseille, un redoutable courant d’immigration des peuples d’Orient, notamment des Arméniens. Ces malheureux assurent qu’ils ont tout à redouter des Turcs. Au bénéfice de cette affirmation, hommes, femmes, enfants, au nombre de plus de 3000, se sont déjà abattus sur les quais de notre grand port. Après l’Albano et le Caucase, d’autres navires vont suivre et l’on annonce que 40000 de ces hôtes sont en route vers nous, ce qui revient à dire que la variole, le typhus et la peste se dirigent vers nous, s’ils n’y sont pas déjà en germes pullulants depuis l’arrivée des premiers de ces immigrants, dénués de tout, réfractaires aux mœurs occidentales, rebelles à toute mesure d’hygiène, immobilisés dans leur indolence résignée, passive, ancestrale. (…)


Des mesures exceptionnelles s’imposent et elles ne dépendent pas des pouvoirs locaux. La population de Marseille réclame du gouvernement qu’il interdise vigoureusement l’entrée des ports français à ces immigrés et qu’il rapatrie sans délai ces lamentables troupeaux humains, gros danger public pour le pays tout entier ». Ainsi causait le Dr Siméon Flaissières, Sénateur –Maire de Marseille, fils de pasteur protestant, médecin des pauvres. 1

1938-1940 : réfugiés juifs, réfugiés d’Espagne

Edouard Daladier était aussi un humaniste, radical-socialiste, laïque et même une des figures du Front populaire. En 1938, il est devenu chef du gouvernement.

Dans les Cahiers de la Shoah , nous apprenons

« Le 14 avril 1938 , c'est-à-dire le jour même de l'entrée en fonction du gouvernement Daladier, le ministre de l'Intérieur Albert Sarraut adresse aux préfets une circulaire dans laquelle il souligne la nécessité de « mener une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des éléments étrangers indésirables qui y circulent et y agissent au mépris des lois et des règlements ou qui interviennent de façon inadmissible dans des querelles ou des conflits politiques ou sociaux qui ne regardent que nous ».

2 mai et 14 mai : La situation des étrangers résidant sur le sol français est également aggravée par l'adoption du décret-loi du 2 mai 1938 et des lois du 14 mai 1938 . Selon ces nouvelles dispositions, ceux qui ont pénétré en France irrégulièrement sont passibles d'une amende de cent à mille francs et ils peuvent même subir une peine d'emprisonnement d'un mois à un an. Le préfet est désormais le seul à pouvoir accorder ou refuser la prolongation de validité de leur carte d'identité -- qui ne peut plus être délivrée que pour un département déterminé, à l'exclusion de tous les départements frontaliers. Les propriétaires de logements ou les hôteliers qui hébergent des étrangers doivent en faire la déclaration au commissariat de police. L'infraction à ces dispositions entraîne l'expulsion des étrangers hors de France; un budget de cinq millions de francs est consacré aux frais de rapatriement, malgré l'opposition virulente des milieux de gauche. Le désespoir croît dans les rangs des réfugiés et l'on constate de nombreux cas de suicide, dans une proportion qui grandit encore une fois connue la nouvelle des accords de Munich. « Je suis sans espoir quant à notre propre destinée , note Alma Mahler-Werfel. On ne peut pas vivre sans aucun projet d'avenir. Je suis à bout » » 2

La lutte contre l’immigration juive étrangère va encore s’aggraver les mois suivant et jusqu’en mai 1940, conduisant au placement de juifs allemands dans des camps d’internement…Nombreux seront ensuite envoyés dans les camps de la mort, une fois la France occupée par les nazis.

Et les réfugiés d’Espagne ?

« « En 1939, lorsque les troupes franquistes, appuyées par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, s’emparent de la Catalogne, encore républicaine, les réfugiés espagnols arrivent dans un pays devenu inhospitalier ; ils inaugurent la longue et triste histoire des «camps de concentration» français, comme les dénomment alors les documents administratifs. (…)

Dans le pays qu’ils voyaient comme la patrie des droits de l’homme, ceux qui ont combattu les premiers le fascisme sont quelque 275 000 à être internés en février 1939 dans des camps sévèrement gardés : Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Le Barcarès, Bram, Agde, Septfonds, Gurs, Le Vernet, Rieucros, Collioure, en France métropolitaine, Boghari, Djelfa, en Algérie. Autant de noms qui résonnent de façon sinistre dans la mémoire de ces exilés et de leurs descendants. Car, au-delà des conditions matérielles très précaires, l’humiliation vécue dans ces camps du mépris est encore ressentie douloureusement soixante-quinze ans après. Les internés sont incités à retourner en Espagne ou à s’engager dans la Légion étrangère. Fin 1939, près des deux tiers des réfugiés ont quitté la France, repartis vers d’autres pays ou en Espagne, en dépit des risques encourus. Les autres sont insérés dans l’économie de guerre. » ; « Certes, la IIIe République finissante a accordé le droit d’asile aux républicains espagnols, mais avec tant de réticences que les conditions en ont souvent été inhumaines » 3

Là encore, de nombreux internés seront ensuite envoyés dans les camps de la mort par Pétain et Hitler. Tout s’est donc cruellement passé comme si les gouvernements républicains, humanistes, affichant leur révulsion envers le nazisme, avaient légués à Pétain et Hitler des « camps » et des « centres » de transit vers les camps d’extermination nazis. Or, ces centres, ces camps, se présentaient comme des centres de rétention, c’est-à-dire, en réalité, pour employer les mots justes, des centres de détention administrative.

Ceux qui ont ainsi préparé le terrain de l’effroyable n’imaginaient pas le sort qu’allait connaître « leurs » internés. Ils s’étaient forgé des alibis pour commencer eux-mêmes à traiter des êtres humains comme du bétail.

La politique migratoire – Version Mélenchon

Nous ne sommes plus dans le même contexte. Nous sommes dans un autre moment de l’Histoire où des réfugiés sont vendus comme esclaves en Libye, sont tués, dans un contexte où les crimes racistes reprennent en Europe, où des policiers humilient les réfugiés, où des réfugiés meurent de faim, d’isolement, dans une situation où s’est instaurée le délit de solidarité, le délit d’accueil.

Dans ce contexte, Mélenchon commence par dire : « Je suis internationaliste et altermondialiste. Pas libre-échangiste et mondialiste ».

Il commence par dire : « Il y a beaucoup de personnes à régulariser. Notamment les salariés sans papiers. Et ceux qui relèvent du droit d’asile. Et les réfugiés économiques des guerres et des politiques commerciales de l’Union européenne. Mais je veux dire tout aussi clairement que je n’ai jamais été pour la liberté d’installation»

Il commence par dire, à propos du drame de l’Aquarius et de sa « gestion » indigne par les gouvernements italiens et français :

« Il ne faut pas se laisser entraîner là où l’extrême droite veut nous amener : c’est-à-dire nous faire dire que si l’on accepte un bateau, il faut accepter tout le monde. Il faut sortir du cadre imposé par l’extrême droite, pour que vienne l’heure de construire des ponts avec les pays de la Méditerranée . » 4

Il dit tout cela au nom du « nouvel humanisme » qui lui sert de credo.

Il nous mène ainsi sur le pas de la porte de la politique migratoire dont nous avons parlé.

Il dit la même chose que son ennemi Macron. Ou plutôt, il le redit, il le répète depuis déjà deux ans, mais avec les accents d’un « internationalisme » d’un genre très particulier : l’internationalisme « français ».

Il laisse à son amie politique allemande du mouvement « Die Linke » (« la gauche ») le soin d’enfoncer le clou rouillé dans le crâne de ceux qui n’auraient pas encore compris où il veut en venir

« Sarah Wagenknecht, la chef de file du parti d’extrême-gauche « Die Linke » au Bundestag, s’est prononcée en faveur d’une réduction de l’immigration en Allemagne. Elle décrit l’immigration économique comme une menace sur les bas salaires, la main d’œuvre immigrée ayant tendance à tirer les salaires vers le bas, menaçant ainsi les classes populaires allemandes. Ses propos ont été relayés par Die Welt , journal de centre-gauche allemand. » 5

Vieux refrain de l’extrême droite quand elle se fait « ouvriériste », martelé tant de fois par Le Pen en France.

Ce qui tire les salaires vers le bas, nous le savons, c’est l’inégalité des droits, les atteintes au principe « à travail égal, salaire égal ».

Nous savons aussi que les salaires sont tirés vers le bas tout autant par la surexploitation, pire encore, de la main d’œuvre étrangère dans ses propres pays, au gré des délocalisations, par le cancer du travail précaire.

Madame Wagenknecht sait sur quel « affect » (pour reprendre un mot qu’affectionne Mélenchon) elle joue : celui de la concurrence entre salariés qu’institutionnalise l’UE d’une part et les mesures anti-immigrés d’autre part.

Mélenchon ne peut le dire aussi ouvertement que sa partenaire politique allemande car beaucoup de membres de la France insoumise, fort heureusement, rejettent cette logique xénophobe.

La politique migratoire, terreau de l’extrême droite et des trafiquants

Notre internationalisme à nous repose sur un fait social : il n’y a qu’une seule classe ouvrière, travailleurs des différents pays sont exploités par les mêmes trusts, les mêmes aventuriers de la spéculation, sur un même marché mondial, « mondialisation » ou pas.

La classe ouvrière a besoin de son unité, par-delà les origines de ses ressortissants, elle est mondiale, elle a besoin de son unité, sans discrimination aucune pour résister, tenir et vaincre face à l’Union « Européenne » des banques, des marchands de canons et des trusts qui se dresse contre tous les peuples non seulement d’Europe mais d’Afrique et du Moyen Orient et entrave la libre circulation, le libre choix du domicile des femmes et des hommes en même temps qu’elle lève toute entrave à la circulation des capitaux, des produits financiers toxiques.

Tous parlent de « régulation des flux migratoires ». Or, l’ouverture des frontières permet la libre régulation des mouvements de populations.

Pourquoi empêcher des gens de se rendre en Angleterre et les bloquer à Calais avant de les refouler dans le premier pays où ils ont mis le pied à terre ?

Pourquoi notre ¨Planète doit elle se transformer en une prison pour les femmes, hommes, enfants qui ne peuvent plus rester sur leur terre natale, du fait de la misère due en grande partie au refus d’annuler la Dette qui n’est qu’un instrument de spéculation, de colonisation rampante et de spoliation, ou du fait des guerres provoquées par les pays impérialistes à la fois concurrents et partenaires ?

Il est question des passeurs-trafiquants : ceux –là vivent des politiques migratoires, des entraves à la circulation des femmes, des hommes, des enfants. De là à la traite esclavagiste, il n’y a pas loin, on le voit en Libye.

Ce sont de ces politiques migratoires que se nourrit l’extrême droite et non de leur rejet

Les seules mesures d’ordre urgentes, c’est :

  • Accueillez-les tous ! Oui, tous !

  • Régularisez les tous ! Oui, tous !

  • Egalité des droits !

  • Ouverture des frontières !

Les autres mesures procèdent du combat anti-impérialiste, du combat-anti guerre, du combat pour l’annulation de la Dette de tous les pays, du combat pour l’Union libre et fraternelle des travailleurs d’Europe et du Monde entier, opposé au FMI et à l’UE.


4 juillet 2018



1 http://www.globalarmenianheritage-adic.fr/fr/6histoire/par_pays/france1923provencal.htm

2 http://www.anti-rev.org/textes/Grynberg94a/

3 http://www.liberation.fr/france/2015/09/09/refugies-espagnols-quand-la-france-choisissait-l-infamie_1379072

4 https://www.mediapart.fr/journal/france/020718/jean-luc-melenchon-l-europe-est-engagee-dans-une-catastrophe...

5 https://alsace-actu.com/sarah-wagenknecht-limmigration-de-travail-est-un-probleme/

Modifié le mercredi 04 juillet 2018
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