Impérialisme : la décomposition
Dossier : Crise mondiale du capitalismeTsunami, cyclone, effondrement, raz-de-marée, toutes les formules sont utilisées à longueur de média pour caractériser la crise financière, bancaire et économique qui secoue la planète. Nul ne peut dire de quoi demain sera fait et la panique gagne les cercles financiers, les banques et les gouvernements.Quoi qu'il en soit, la boîte de Pandore est ouverte et le sauve-qui-peut est général parmi les grands de ce monde.Quelles sont les véritables causes de la crise ? Comment en est-on arrivé là ? Qui va payer les conséquences d'un système absurde et fou ? A la suite du dossier précédent, 6 questions, 6 réponses.1-Une crise de plus ?
Certains veulent se rassurer à bon compte : " les crises financières sont cycliques, une de plus. Pas de quoi s'affoler ". François David, Président de la COFACE (institution financière qui gère en particulier les garanties à l'exportation pour le compte de l'Etat) affirme : " Non, il n'y aura pas de tsunami économique (...) Ce n'est pas une récession " et bientôt, " on aura tiré les leçons de ce qui n'est ni plus ni moins qu'une crise comme les autres ". (Le Monde du 18 septembre 2008). Quelle perspicacité !
Non, il ne s'agit pas d'un soubresaut de plus. La crise économique mondiale est partie du coeur même du système financier de la planète, le capitalisme US. Ce qui a commencé comme une explosion de la bulle immobilière est une métastase qui dorénavant gagne et s'étend au reste de l'économie. Cette crise n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Elle vient de loin : crise de 1982 dite de la dette ; effet Tequila de 1995 (effondrement boursier au Mexique....) ; crise asiatique de 1998 ; récession au Japon pendant 10 ans ; crise des subprimes depuis 2007... Par son ampleur, par sa profondeur, par le volume faramineux des sommes englouties, parties en fumée et par les milliards de dollars et d'euros que les Etats injectent aujourd'hui pour venir à la rescousse de leurs banques (Plan Paulson de 700 milliards...), la dimension est inouïe et planétaire.
2-Quelles sont les vraies racines ?
Nous l'avons déjà analysé dans nos numéros précédents et dans les pages 7 à 11 du présent journal. Rappelons-le : la crise des subprimes, qui est le point de départ de l'effondrement actuel, n'est que la partie émergée de l'iceberg, la toute dernière expression après d'autres du mal profond qui frappe le capitalisme : la crise de surproduction qui gangrène tout le système capitalisme.
Comme l'écrivait déjà Marx :
" (...) la société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d'industrie, trop de commerce (...) Le système bourgeois est devenu trop étroit pour contenir les richesses créés en son sein. Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces crises ? D'un côté en détruisant par la violence une masse de forces productives, de l'autre en conquérant des nouveaux marchés et en exploitant plus à fond les anciens " (Manifeste du Parti Communiste, 1847).
Eviter à tout prix le processus de production de marchandises (" l'économie réelle ") qui n'est pas source de profit suffisante car le marché mondial est saturé et que la masse des marchandises ne trouve pas acheteur, tel est le crédo du capitalisme. Dans ces conditions, il se rue sur la sphère financière spéculative, source de profit gigantesque et immédiat. Spéculation sur les monnaies, sur les matières premières, sur les nouvelles technologies (bulle internet 2001-2002), sur le marché immobilier (subprimes). Faire de l'argent avec de l'argent sans être obligé de passer par la création et la vente de marchandises est l'objectif rêvé et même obligé du capitaliste. Seulement, ce procédé à ses limites. Atteintes aujourd'hui. Comme l'indique Marx a ce sujet : " Dans un système de production dont la cohérence repose entièrement sur le crédit, une crise et une demande violente de moyen de paiement doivent inévitablement surgir lorsque le crédit est supprimé brusquement et que seuls les paiements en espèces sont admis. A première vue, tout doit se ramener à une crise de crédit et d'argent, étant donné qu'il n'est question que de la possibilité de convertir des traites en argent. Mais ces traites représentent, d'une part, et c'est la plus grande masse, des ventes et des achats réelles dépassant de loin les besoins de la société et par cela même causes de la crise ; d'autre part, des affaires véreuses qui alors seulement viennent au jour, des spéculations malheureuses faites avec les capitaux des autres, des marchandises dépréciées et invendables. Dans ces circonstances, le système artificiel auquel a abouti l'expansion violente du procès de production, ne peut naturellement être rendu normal par l'intervention d'une banque, la Banque d'Angleterre, par exemple, qui emploierait son papier pour constituer aux tripoteurs le capital qui leur manque et acheter à leur première valeur nominale toutes les marchandises dépréciées. D'ailleurs, tout semble renversé dans ce monde du papier, où nulle part ne se rencontrent les prix réels avec leurs bases réelles, et où il n'est jamais question que de lingots, espèces, billets, traites, valeurs, principalement dans les centres comme Londres, où se concentrent toutes les affaires financières du pays " (le Capital, volume 3, chapitre 30) La crise des subprimes analysée par Marx il y a 150 ans...
3-Un immense système de cavalerie ?
Oui. Ce système de crédit effréné à bas taux ne peut fonctionner indéfiniment. Marx rappelle : " Le circuit de la production capitaliste dépend, entre autres, du crédit. La solvabilité d'un maillon de la chaine dépend de la solvabilité d'un autre maillon, etc. La chaîne peut se briser à différent points. Tôt ou tard, le crédit doit être remboursé en cash. C'est un fait trop souvent oublié par ceux qui s'endettent pendant la phase de croissance(...) " (Marx, le Capital, vol 3, p. 470) Et il y a belle lurette que le capitalisme n'est plus dans sa phase de croissance, bien au contraire.
Dans ce cadre des marchés réels saturés, l'endettement est planétaire. l'économie US vit à crédit déjà depuis des décennies, les particuliers ont été poussés à s'endetter afin de maintenir artificiellement une " croissance " économique sans liaison avec la production. A titre d'exemple, la dette des ménages US sur cartes de crédit (crédit revolving...) s'élevait, en 2006, à ... 750 milliards de dollars. En 2006...
4-Moraliser, réguler le capitalisme ?
C'est le crédo actuel de la plupart des économistes et commentateurs, à l'image des déclarations de Sarkozy. Au mieux, il s'agit de discours de naïfs invétérés, au pire de fieffés réactionnaires qui veulent répandre des contes pour enfants. Le capitalisme n'a qu'une seule morale : le profit à tout prix. Citons encore Marx à ce sujet : " Le Capital a horreur de l'absence de profit. Quand il flaire un bénéfice raisonnable, le Capital devient hardi. A 20%, il devient enthousiaste. A 50% il est téméraire ; à 100% il foule aux pieds toutes les lois humaines et à 300%, il ne recule devant aucun crime " (Le Capital, Chapitre 22). Les guerres et génocides qui jalonnent toute l'histoire du capitalisme, dont l'actuelle, prouvent la justesse de ces propos !
5-Qui va payer la facture ?
Les salariés et les populations du monde entier l'ont déjà compris : ce sont eux qui vont payer les pots cassés. De deux manières. La première, c'est par rapport aux milliards de dollars et d'euros que les gouvernements injectent dans toutes les banques : plan Paulson de 700 milliards de dollars, mise à disposition des banques britanniques de 200 milliards de livres par le gouvernement travailliste, renflouement de Dexia, Fortis et Natixis en France et en Belgique, mesures similaires dans le monde entier... Les gouvernements n'ont pas d'autres fonds propres que les impôts, payés par les contribuables. Les Américains, déjà les plus endettés du monde, vont donc devoir payer la note du plan Paulson, alors que dans le même temps, le gouvernement fédéral de Washington annonçait, au 30 septembre 2007, un déficit fiscal de 53 000 milliards de dollars, soit 445 000 dollars par ménage ou 175 000 par personne. Les Européens, les Japonais, les peuples du monde vont devoir payer une dette qui n'est pas la leur. l'autre manière, c'est celle qui est déjà engagée : plus de crédit signifie : faillites d'entreprises, fermetures d'usines, licenciements par centaines de milliers, expulsions de familles entières des maisons qu'elles ne peuvent plus payer (voir p.2), limitation des dépenses de santé, misère galopante, etc. D'ores et déjà, des centaines de milliers de travailleurs US vont se retrouver sans un sou de retraite, celle-ci étant basée sur le système de capitalisation boursière, à l'heure où les bourses plongent chaque jour un peu plus. Soi dit en passant, le système français de répartition solidaire montre ici sa supériorité. Et justifie plus que jamais le besoin de le défendre face à Sarkozy et consorts.
l'Europe, contrairement aux discours lénifiants distillés chaque jour n'est pas et ne sera pas épargné. En France, les professionnels du bâtiment prévoient 180 000 suppressions d'emplois directs. l'Espagne est ravagée par la crise immobilière, le " mirage " espagnol s'est dissipé en quelques semaines. Idem au Portugal, en Italie, partout.
6-La fin de l'hégémonie de l'impérialisme US ?
La crise entamée au coeur même de l'impérialisme mondial, aux USA, se propage sur la planète entière. Comme dans la fable, tous sont atteints, aucun n'est épargné. A ceux qui prédisent que le déclin de l'impérialisme US va profiter à d'autres, voire aux pays " émergents ", Chine ou Inde, l'économiste Alan Freeman indique avec justesse : " les USA ont été la principale locomotive depuis 1973 et aujourd'hui, ils ne peuvent plus remplir ce rôle. Mais l'autre problème est que personne ne peut le remplacer (...) Le capitalisme a besoin d'être un seul système mondial, qui ait une seule monnaie de référence et un seul système financier. Toutes les expériences réalisées avec des équilibres multipolaires de pouvoir se sont terminées en blocs qui se sont affrontés sans pitié. Aucune n'a été pacifique. "
La chute de l'Empire romain s'est étalée sur 400 ans, ouvrant la période sombre du bas Moyen-Age. Celle du système capitaliste, qui a atteint et dépassé son délai de péremption, qui se traduit par la famine, la misère et les guerres doit à tout prix être plus rapide. La socialisation des moyens de productions et d'échange, bref le socialisme, est bien la seule issue pour l'Humanité tout entière.