Compagnons de déroute

Chronique d'une fin de Régime1.135 euros, c'est le montant du minimum vieillesse pour un couple de personnes âgées. 70 ans, c'est l'âge limite d'activité qui était jusqu'ici fixé à 65 ans dans le privé, à la suite d'un amendement crapuleux, dont le message est clair : pour échapper à la misère, continuez à travailler jusqu'à épuisement complet de vos forces ! Il faut dire aussi que cet amendement est dans le droit fil des " réformes " des régimes de retraite par répartition, imposées aux travailleurs grâce au reniement des directions syndicales. Reniement ? Il faudrait dire trahison au quotidien des intérêts les plus immédiats des salariés. Il n'y a pas d'autre mot. l'UMP, elle-même, ne s'y trompe pas qui, dans un communiqué de son porte-parole Dominique Paillé, en date du 29 octobre félicite les dirigeants de la CGT en ces termes : " l'UMP note avec satisfaction l'approbation par la CGT de l'accord sur le transport de la manutention des ports au privé. Ce texte qui sera signé jeudi au ministère et qui était le point le plus discuté de la réforme des ports autonomes votée en juin dernier permettra de renforcer la compétitivité des installations et aidera au développement nécessaire de ces structures qui sont de véritables atouts pour l'économie française.l'UMP se réjouit de cet aboutissement de la négociation entre partenaires sociaux et souhaite que ce soit un exemple pour toutes celles à venir. "

" Un plan social, clair, net, précis " ?

Nous avons bien lu : la privatisation des activités des ports autonomes a donc été rendue possible par les dirigeants de la CGT. Ce qui tranche nettement avec les affiches de la CGT qui illustrent sa campagne prud'homale : " pour le respect et la conquête des droits ". Ce n'est certainement pas ce slogan qui a poussé les responsables de la CGT de Renault Sandouville à exiger sur un ton viril : " un plan social clair, net et précis ". Iront-ils jusqu'à organiser eux-mêmes les charrettes de licenciements ? Pendant ce temps-là, le double langage continue. Citons le dernier communiqué commun des organisations syndicales CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA. "Les organisations syndicales se sont réunies le 5 novembre 2008. Elles mesurent la gravité de la situation économique et sociale et le risque qu'on fasse payer aux salariés, demandeurs d'emploi et retraités, les conséquences de la crise en particulier en terme d'emplois, de salaires et de précarité. Elles ont décidé de se revoir le 24 novembre. Devant l'inquiétude, l'indignation, voire l'exaspération des salariés, elles estiment de leur responsabilité d'engager un travail commun pour construire des revendications à adresser aux pouvoirs publics et au patronat. Elles affirment que la mobilisation des salariés est un impératif, plusieurs propositions sont en débat. Elles condamnent toute politique de déréglementation et de dérégulation économique et sociale. Elles interpellent le gouvernement et le patronat pour qu'ils prennent la mesure de la situation".

" Retenez-moi ou je fais un malheur "

Quel beau communiqué. Dans le style " retenez-moi ou je fais un malheur ", c'est un régal. Nous lisons d'abord en terme ô combien solennels : " la mobilisation des salariés est un impératif ", puis une supplique au gouvernement et au patronat " pour qu'ils prennent la mesure de la situation ". Alors que pleuvent les plans de licenciements, alors que les salaires deviennent des pécules de misère, alors que grandit la souffrance au travail, alors que croît l'armée des chômeurs et des sans-abri, on nous parle de construire des revendications à adresser aux pouvoirs publics et au patronat. A l'évidence, ce sont les directions syndicales qui ne prennent pas la vraie mesure de la vraie situation. Elles ne voient que le haut du chaudron dans lequel la colère tend vers son point de transformation en révolte pure et simple, en rejet total du système où, comme le disent tant de salariés, " l'argent va à l'argent ". Ces directions syndicales ne pensent qu'à mettre un couvercle sur le chaudron qu'est devenu ce pays et se demandent déjà comment elles vont faire pour mettre un mouchoir sur les revendications vitales que les salariés veulent mettre en avant : zéro licenciements, 300 euros d'augmentation immédiate de tous les salaires, pensions, allocations et minima sociaux. Ces revendications ont un contenu politique de fait, en ce sens qu'elles sont incompatibles avec Sarkozy et son gouvernement, incompatibles avec cette Assemblée nationale où se trament les lois et amendements les plus réactionnaires qui soient, contre les retraites, contre le droit au logement, contre la santé et les droits démocratiques. Ces revendications appellent la grève générale, que cela plaise ou non à ces directions syndicales, désireuses de traiter avec Sarkozy et le MEDEF qui veulent faire payer la crise aux salariés et aux plus larges couches de la population. En bas, les salariés comprennent ou sentent que la crise actuelle ne fait qu'illustrer la faillite du capitalisme. Faillite longtemps cachée, vaille que vaille et qui, soudainement, apparaît au grand jour. Faillite qui renforce le besoin d'un parti anticapitaliste, combattant pour le socialisme, à partir des revendications vitales.

Qu'est ce que " le comité d'action de toute la gauche " ?

Dans cette situation, le parti qui se dit socialiste bien qu'il ait renoncé au socialisme même en rêve, étale au grand jour sa propre faillite interne. Il se disloque en direct. A tel point que, Mélenchon, ce vieil aventurier sans aventure qui a fait la guérilla dans les couloirs du Sénat et de la rue de Solferino, est obligé de s'en dégager sous peine d'être définitivement radié de toute vie politique et donc de perdre sa petite mangeoire acquise au prix du reniement, lui le transfuge du trotskysme qu'il a quitté il y a plus de 30 ans pour des cieux plus profitables. De quoi inquiéter son fébrile compagnon de déroute et lui aussi traître au trotskysme, Julien Dray qui explique dans Le Monde : " Son départ est une menace qui doit être prise au sérieux, s'il y a crise dans le parti. Mais si, comme je l'espère, le PS repart de l'avant, redevient conquérant, si une nouvelle équipe parvient à sa tête, si une nouvelle génération accède aux responsabilités, si nous sommes capables de nous ouvrir au monde réel et de mettre en place rapidement le comité d'action de toute la gauche et des écologistes, alors Jean-Luc Mélenchon aura peu de chances d'entraîner " A tout le moins, le départ de Mélenchon a valeur de symptôme. Alors, pour conjurer le mal incurable qui ronge le PS et dissiper les soupçons d'acoquinage avec le MODEM, lui-même en très piteux état, on nous ressort " le comité d'action de toute la gauche " comme si on était dans les années 70, à l'époque où le PC faisait plus de 20% des voix aux élections et Mitterrand des belles phrases sur la " rupture avec le capitalisme ". Le PCF ? Il poursuit inexorablement sa décomposition rampante et est en état de survie artificielle, plafonnant en dessous de 3% des voix, toutes élections confondues. Il n'y a guère que Lutte ouvrière pour déplorer la banqueroute du vieux parti stalinien vermoulu. Alors, un comité d'action de toute la gauche, pour quoi faire ? Pour détruire les HLM par centaines et éloigner la population laborieuse des grandes agglomérations comme le prodiguent les municipalités " bien ancrées à gauche " des Mureaux, de Bonneuil ou d'Alfortville ? Pour soutenir le plan de sauvetage des banques de Sarkozy comme le professe Madame Aubry, digne fille de son père Delors ? Pour voler au secours de Strauss-Kahn, homme de gauche et patron du FMI fauteur de crise ? Pour tendre la main à Bayrou, comme le propose Ségolène Royal ? Que pouvait ce " comité d'action de la gauche " dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale lorsque l'ouverture du capital de la Poste fut mise aux voix. A la première protestation de députés " socialistes ", les ténors de l'UMP eurent beau jeu de répondre : " c'est vous qui avez commencé ! ". l'ouverture du capital de France télécom, la séparation de la Poste et des Télécom, la transformation de la Poste en EPIC, établissement public industriel et commercial, le double-statut divisant les salariés en fonctionnaires et contractuels de droit privé furent effectivement l'oeuvre du " comité d'action de la gauche " quand il tenait les rênes gouvernementales. Ce sont ces dispositions là qui ont frayé le chemin à la privatisation et à la " libéralisation " de la Poste.

Un parti, un programme.

Les salariés ne sont pas amnésiques. Ce qu'ils veulent, c'est effectivement le respect et la conquête des droits. Sans aucun doute. Ce qu'ils veulent, ce sont des actions concrètes. Ce qu'ils cherchent, c'est un nouveau parti, un drapeau sans taches. Un parti anticapitaliste, pour en finir avec Sarkozy, sa politique et les " réformes " qui mettent en cause la Sécurité sociale, le Code du travail, des services publics, les logements sociaux HLM. Un parti qui ne craigne pas de lutter pour la nationalisation complète de toutes les banques et sociétés d'assurance, sans indemnités, ni rachat. Un parti qui milite pour la réquisition de toutes les entreprises qui licencient, délocalisent ou " restructurent ". Un parti pour aider les travailleurs à se réapproprier leurs organisations syndicales et à défendre leur existence indépendante. Un parti qui aide les salariés à centraliser leur lutte, en un seul combat, dans et par la grève générale qui peut ouvrir une perspective politique digne de ce nom, c'est-à-dire une issue ouvrière à la crise. l'Obamania que les media de tout bord ont suscité ces dernières semaines visait à ressusciter le mythe de l'homme providentiel, prédestiné, qui pourrait sauver le monde et soulager la misère et la souffrance des opprimés. Mais, par les temps qui courent, les mythes de ce genre s'usent bien vite. A l'épreuve des faits. Tout simplement et dans le feu de l'action.
Modifié le samedi 03 janvier 2009


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