Pactes, corruption et lutte des classes

Les forces centrifuges ne cessent d'agiter l'État espagnol. Pour y faire face, les tribunaux de la monarchie tournent à plein régime, comme en Catalogne, où les affaires font la une des médias : affaires « Pujol », « Palau » et « 3% ». Ces scandales s'enchevêtrent avec les procès engagés contre les dirigeants du Parti Démocrate Européen de Catalogne (PDE Cat issu de CDC) qui proclament leur droit à décider par référendum de l'avenir de la Catalogne. Démêlons-en les enjeux.

Pactes, corruption et lutte des classes

L’affaire du Palau de la Música Catalana a révélé l'ampleur de la corruption véhiculée par Convergència Democràtica de Catalunya ( CDC). L'ex-trésorier de CDC est l'un des accusés de ce procès.

La corruption frappe les nationalistes bourgeois catalans

Le procureur royal l'accuse de souscrire un « pacte criminel » avec une entreprise de construction grâce à laquelle cette institution culturelle aurait fourni des concessions de travaux publics ayant pour objet de financer ce parti. Les deux directeurs du Palau écoperaient ainsi de dizaines d'années de prison. Mais ils ont accepté de passer aux aveux afin de bénéficier d'une réduction de peine considérable : elle passerait de 27 à 2 ans. C'est ainsi que l'on a appris comment la bourgeoisie, en étroite liaison avec le parti de M. Pujol et de son successeur à la direction de CDC, Artur Mas, lui aussi rattrapé par une autre affaire de commissions illégales dite des « 3% », finançait son train de vie.

Tout cela a eu d'autres conséquences. Selon le journal El Mundo : « la dérive indépendantiste de CDC coïncide avec l'escalade de corruption qui l'implique, ce qui a forcé sa refondation » . En effet, M. Mas a refondé CDC, devenue PDECat, et a démissionné de sa présidence ainsi que de celle de la Généralitat, aujourd'hui présidée par Carles Puigdemont.

Procès contre le PDECat pour désobéissance

Ces procès contre les dirigeants du PDECat et de la Généralitat, auxquels assiste aussi comme témoin M. Mas, mobilisent des milliers de manifestants souverainistes. La Candidatura d'Unitat Popular ( CUP) 1 qui se revendique de la gauche extrême mais qui suit la feuille de route du PDECat et de Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) en faveur d'un référendum pour l'indépendance, essaie à grand-peine de se démarquer de ces derniers et des affaires leur collant à la peau. La bourgeoisie, à commencer par l'ex-président, M. Pujol, ne parvient pas à se débarrasser de ces scandales à répétition qui font les choux gras de tous les médias de la monarchie - El País et El Mundo en tête.

La Catalogne, un « Danemark méditerranéen » ?

La monarchie tente pourtant de sauver la bourgeoisie puisque leur sort est inexorablement lié après une quarantaine d’années d'étroite collaboration que M. Mas essaye, pour sa part, de poursuivre. Il suit en effet une double stratégie comme le relève le journal El País : « agir comme indépendantiste mais tenter de maintenir en même temps des portes ouvertes au dialogue avec les institutions » , comme il l'a fait dans la conférence tenue le 16 février à l'Université autonome de Madrid, pendant laquelle il a dit chercher des alternatives à son indépendantisme. « S 'il y a quelque chose au milieu, l'État doit le proposer » puis il a insisté, « je ne dis pas le gouvernement, mais l'État ». Quelques jours plus tard, à Oxford, il a aussi signalé que la Catalogne prétendait devenir un « Danemark méditerranéen »et s'est limité à critiquer la position négative du gouvernement espagnol en contraste avec celle du gouvernement britannique qui a permis un référendum. Et la monarchie lui rend bien ses bonnes dispositions comme lors de la visite du roi Felipe VI au Mobile World Congress de Barcelone, où celui-ci était accompagné de la vice-présidente du gouvernement et flanqué des dirigeants de la Généralitat, convolant tous ensemble. Ils ne trompent donc personne.

Rien de bien nouveau : pendant la Seconde République espagnole (1931-1939), la bourgeoisie au pouvoir jouait avec les mots « indépendance », « fédération », « confédération » et leur intérêt, hier et aujourd'hui, les menait à collaborer de même.

Plus à gauche de l’échiquier politique catalan, Ada Colau, maire de Barcelone 2 , se dresse contre les revendications des travailleurs des transports municipaux et de l'hôtellerie.

La CUP, tout en se réclamant de la gauche de la gauche, ne se distingue que par son discours très « radical », mais collabore avec le gouvernement de la Généralitat en soutenant son budget anti-ouvrier et sa feuille de route.

Dans ces conditions, la classe ouvrière ne peut compter que sur elle-même pour satisfaire ses revendications, par les moyens de la lutte des classes, arrachant du même coup l'indépendance pour tous les peuples de l'État- prison espagnol.

A bas la monarchie ! Républiques ! Union de républiques libres de la péninsule ibérique !

Domingo Blaya ,

8 mars 2017

1. Candidature d'unité populaire (CUP) (en catalan : Candidatura d'Unitat Popular), est un parti politique catalan de la gauche radicale qui se veut indépendantiste.

2. Rappel : issue de la mouvance des « indignés », Ada Colau a été élue maire le 13 juin 2015 grâce au soutien de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et du Parti des socialistes de Catalogne (PSC).É

Modifié le dimanche 12 mars 2017
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