La compréhension marxiste de l’économie

Introduction

Chaque jour, les journaux, les discours politiques nous renvoient à l’économie. Mondialisation, libéralisme, protectionnisme, dette, compétitivité, concurrence sont autant de notions sans cesse rebrassées. Quant à la solution aux problèmes économiques chroniques, elle semble être faite d’efforts, de sacrifices et de défis, sans que nous puissions avoir idée de la racine de ces problèmes, au point de ne plus savoir d’où vient l’argent qui circule, ni l’origine de « la crise » …

La compréhension marxiste de l’économie

Au travers de ce cycle d’exposés, nous allons tenter de comprendre ces problèmes économiques. Pour ce faire, il nous faut revenir sur bien des lieux communs qui semblent, de prime abord, être tirés du pur bon sens. En partant de ce simple fait que tous les grands de ce monde reconnaissent qu’il y a une crise économique permanente, avec quelques moments de « reprise » vite effacés par des « rechutes » plus graves, comme si nous étions tous pris dans une spirale.

Écrans de fumée

Lorsque nous essayons de comprendre à quels « éléments » nous nous heurtons, nous butons sur un premier écran de fumée : le fatalisme économique. Puis un second : le laxisme général et le conservatisme non moins général qui freine les « solutions » à la crise, à savoir les fameux traitements de choc : choc de compétitivité, choc « entrepreneurial », choc de confiance.

Citons un des refrains des « donneurs d’ordre » aux « gens » : « on ne peut pas vivre au-dessus de nos moyens ». Ces fins diseurs détiennent la preuve par les chiffres que « nous dépensons trop » : ils agitent les « déficits », la courbe galopante de la « dette », le fardeau des dépenses publiques, des charges, de la fiscalité, des lourdeurs administratives et, ainsi de suite. Le MEDEF et son Gattaz sont devenus un véritable bureau des pleurs d’où suinte toute la misère des « riches ».

Une fois traduit dans le langage de la vie quotidienne, ces sombres diagnostics donnent : il y a trop de médecins, trop d’infirmières, trop de cheminots, trop de salariés dans le privé, trop de fonctionnaires, trop « d’aide sociale » et d’emplois « aidés » pourtant précaires, trop d’enseignants et, en définitive le « travail » coûte « trop cher ». Il y a trop de choses, non dans l’absolu, mais dans le cadre du système (ou plutôt mode de production) capitaliste, fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange.

Le travail devient-il rare ?

Dès lors, certains visionnaires vont se montrer sous un jour plus alternatif : le « productivisme, voilà l’ennemi ». C’est la litanie de Mélenchon. Tandis que Hamon annonce la « raréfaction du travail » et, par ce versant, met en cause le « salariat ». Pourtant, le travail est la condition de toute vie économique et de toute vie sociale. Quant au salariat, c’est un rapport d’échange : en échange de ses moyens de vivre, le salarié vend sa force de travail à un capitaliste qui, lui, détient les moyens de production (machines, usines, matières premières). Ce n’est pas le « travail » en soi qui est en voie de disparition, du fait des « révolutions numériques » et de l’automation toujours plus poussée. En revanche, ce sont des forces productives qui sont détruites, de façon massive. Les friches industrielles, les bombardements donnent un aperçu de cette destruction des forces productives de l’humanité, de même que la réapparition de maladies que l’on croyait révolues et qui déciment des pans entiers de la population, la faim dans un monde d’abondance, la déqualification des travailleurs. Nous l’avons vu, Hamon a pour ainsi dire inventé l’eau tiède, sous la forme du revenu universel. En 1847, Marx et Engels décrivaient déjà ce phénomène :

« [La bourgeoisie] est incapable d'assurer l'existence de son esclave dans le cadre de son esclavage, parce qu'elle est obligée de le laisser déchoir au point de devoir le nourrir au lieu de se faire nourrir par lui . » 1 .

La classe dirigeante est condamnée au sens où elle ne peut garantir le droit au travail aux classes laborieuses et préfère, à tout prendre, entretenir des travailleurs « à ne rien faire » plutôt que de garantir les emplois existants. Tous ces travailleurs forment des forces productives mise au rebut. Or, pas plus que le métier à tisser au XVIIIe siècle, la « révolution numérique » ne sonne le glas du « travail ». Hamon et ceux qui l’ont inspiré nous font tout simplement perdre de vue ce qu’est le travail.

Qu’est-ce que le travail ?

En physique, le travail est la force multipliée par le déplacement. Dans l’histoire des hommes, le travail est l’activité qui consiste à produire les moyens d’existence , depuis la nuit des temps. A la différence des animaux qui puisent leurs moyens d’existence déjà prêts dans la nature, l’homme les produit lui-même. Ces moyens d’existence deviennent alors des produits du travail humain, puis, pour une partie d’entre eux, des marchandises (produits échangés sur un marché). La compréhension marxiste de l’économie se fonde sur cette réalité historique et sur le constat que, au cours de sa « préhistoire », l’homme s’est rendu capable de produire davantage de moyens d’existence, puis plus de richesse qu’il n’en consomme.

A suivre


Daniel Petri,
11 novembre 2017



1. https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000a.htm

Modifié le samedi 11 novembre 2017
Voir aussi dans la catégorie Histoire
La bataille pour la légalisation de l'avortement, épisode 5La bataille pour la légalisation de l'avortement, épisode 5

L'année 1971 se clot dans une perspective nouvelle pour la condition des femmes et particulièrement pour le droit à l'avortement : les nombreuses actions et expressions parues dans la presse ont...

La bataille pour la légalisation de l'avortement en France (suite)La bataille pour la légalisation de l'avortement en France (suite)

Après les constats accablants des dégâts dus aux avortements clandestins, et alors que la loi sur la prophylaxie des naissances, dite loi Neuwirth 1, vient d'être votée, la fin des années 60 et...

Marxisme économie – 2 : Retour sur quelques idées reçuesMarxisme économie – 2 : Retour sur quelques idées reçues

Nous poursuivons ici notre exposé sur l’économie et le marxisme. L’économie, comme nous l’avons précédemment montré, est basée sur le travail humain. Le travail est, initialement, la...

Simone de BeauvoirUne histoire du ventre des femmes au XXe siècle : la bataille pour la légalisation de l'avortement

Episode 3 Au lendemain de la seconde guerre mondiale, aucune amélioration de la situation précédemment décrite dans laquelle sont laissées les femmes (et les hommes) ne désirant pas d'enfant ne...

La bataille pour la légalisation de l'avortement, épisode 2La bataille pour la légalisation de l'avortement, épisode 2

Revenons sur la question essentielle à l'origine de l'hécatombe qui a été décrit dans le premier épisode. Sous l'Ancien Régime, et même en remontant jusqu'à l'Antiquité, les méthodes et...

Pour comprendre la révolution d’Octobre 1917Pour comprendre la révolution d’Octobre 1917

Bien des idées reçues circulent à propos de la révolution d’octobre 1917. Ceux qui haïssent la révolution « comme le pêché » ont mille et une manières de la dénigrer, n’hésitant pas...



HAUT