Lambertisme d'hier et d'aujourd'hui

Les Cahiers de La Commune.

Nouvelle série – n°1. 24 août 2017

Contribution partielle sur l’OCI –PCI *

Abréviations lambertistes

  • CCI : courant communiste internationaliste

  • MPPT : mouvement pour un parti des travailleurs

  • OCI : organisation communiste internationaliste

  • PCI : parti communiste internationaliste

  • POI : parti ouvrier indépendant

  • POId : parti ouvrier indépendant démocratique

  • PT : parti des travailleurs

  • TCI : tendance communiste internationaliste

  • IO : informations ouvrières

Avertissement

Le terme « lambertiste » n’a rien de péjoratif aujourd’hui, il a été employé par Marc Gauquelin, dirigeant du CCI en 2015. Nous l’employons par commodité compte tenu du nombre de « sigles » que recouvre ce courant.

AVANT-PROPOS

Il y a deux ans, le Parti ouvrier Indépendant vertébré par le Courant Communiste Internationaliste se scindait en deux organisations rivales. Le CCI issu de l’OCI (puis PCI) était la composante-clé de ce qu’il est convenu d’appeler le mouvement trotskyste en France. La composante dite lambertiste, du nom de son dirigeant historique Pierre Boussel dit Lambert (1920 – 2007).

À nos yeux, cette scission fut l’expression d’une régression politique de ce courant qui, pourtant, historiquement, fut la section française de la quatrième Internationale. D’où l’importance que nous accordons à ce qu’est « le lambertisme d’aujourd’hui ». De surcroît, notre organisation est issue d’une des purges bureaucratiques au sein de ce courant (en 1992) 1.

Pour autant, nous n’avons pas l’intention « d’épuiser le sujet » ou de trancher une bonne fois pour toutes. Dans les pages qui suivent, nous nous bornons à aborder les problèmes qui tournent autour de « la ligne de la démocratie » et de l’attitude de l’OCI-PCI au début des « années Mitterrand ».

Le rappel de ces questions éclaire l’appui soudainement apporté par l’actuel CCI-POI à France insoumise mais aussi la politique d’hésitation permanente de l’autre « parti », TCI-POid qui a fait campagne pour l’unité Mélenchon-Hamon.

Au reste, les deux branches séparées du lambertisme partagent sur le plan international, le même « campisme », en particulier au Venezuela : la TCI et le POid considérant que le gouvernement Maduro et sa « constituante » sont « légitimes », en expulsant de leur analyse la lutte de classes 2 concrète, laquelle intègre le fait avéré que Maduro a une politique pro-impérialiste, anti-ouvrière et antidémocratique, en rupture avec ce que Chavez avait dû octroyer aux masses.

Pour sa part, la TCI considère que les « problèmes » remontent au début des années 90 et se concentraient sur la question syndicale et que le « dernier combat de Lambert » fut livré contre les dirigeants de l’actuel CCI.

Nous pensons que les « problèmes » viennent de beaucoup plus loin.

Dans l’accumulation de ces « problèmes, entrent en ligne de compte le cours opportuniste du PCI au début des « années Mitterrand » et sur le plan idéologique (non sans conséquences pratiques), dans le même temps, la « ligne de la démocratie ».

De même qu’en droit, bien souvent, « le fait précède la loi », la « ligne de la démocratie » fut, en quelque sorte « la généralisation » de pratiques répétées qu’il fallait créditer d’un sens « scientifique ». À nos yeux, cette ligne de la démocratie est « un système d’erreurs ». C’est ce que nous tâchons de mettre en évidence dans la présente contribution.


Pierre Lambert candidat en 1952
Pierre Lambert - candidat aux élections locales 1952

CE QUE VAUT LA LIGNE DE LA DEMOCRATIE

La ligne de la démocratie » est apparue officiellement en 1985. Son écheveau est, reconnaissons-le bien ficelé : cette ligne telle qu’elle est illustrée dans les bulletins à destination des militants entrelace des thèses révolutionnaires de Marx, Lénine et Trotsky avec des tenants et aboutissants frappé au coin d’un réformisme désuet . Cela fleure bon l’éclectisme.

L’OCI pour la République socialiste des conseils ouvriers

Dans les années qui précèdent directement l’élection de Mitterrand, l’OCI développe une orientation correcte. Ses mots d’ordres politiques centraux sont alors justes et préhensibles, ils « portent » dans la classe :

  • Pour un gouvernement PS-PCF sans ministres bourgeois !

  • Pour une majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale !

  • À bas ce gouvernement minoritaire et cette assemblée nationale illégitime !

  • Unité PS-PCF pour chasser Giscard !

Conséquente avec la théorie de la révolution permanente, l’OCI considérait que la crise du régime se transformerait en crise révolutionnaire ouverte, sous la forme probable d’une grève générale suscitant des comités d’action, des éléments de contrôle ouvriers, voire des soviets. Dans cette perspective, était envisagé, comme une possibilité théorique, un intermède parlementaire.

La perspective ouverte était bien celle de la République socialiste des conseils ouvriers, dans le combat pour le gouvernement ouvrier qui « détruira l’État bourgeois » 3 et lui substituera l’État- commune.

La démocratie parlementaire, étape « inéluctable » ?

En 1980, le Rapport politique du 24ème Congrès de l’OCI rappelle que « la république parlementaire n’est plus la forme de domination correspondant aux besoins de la bourgeoisie » et que « bonapartisme et démocratie parlementaire s’excluent mutuellement », la Ve République étant un régime bonapartiste bâtard, hybride et en crise.

Jusque-là, tout va bien.

Le Rapport poursuit :

« Sans qu’il nous soit permis d’oublier son contenu de classe (bourgeois) et sans donc la prendre en charge, nous devons opposer la « démocratie » aux institutions bonapartistes, cela afin d’utiliser la « démocratie » contre la forme concrète que prend, dans les conditions présentes, la domination de classe de la bourgeoisie, à savoir la forme bonapartiste ».

Jusque-là, tout va bien

Puis, ce Rapport dit :

« Comprenant que la démocratie parlementaire ne pourra s’établir que dans l’effondrement du régime de la Ve république, que cet effondrement verra - dans la mesure où les institutions de la Ve République ont partiellement fusionné avec l’État bourgeois - pour le moins la « déstabilisation » de l’État bourgeois, nous agissons ainsi sur la contradiction insurmontable entre bonapartisme et démocratie parlementaire, pour aider notre classe à promouvoir ses propres éléments de pouvoir dans la crise d’ effondrement ».

Jusque-là, tout va bien

Jusqu’ à ce que …

« ... en partant de la nécessité de « combattre les illusions sur le terrain des illusions », nous voyons ce qui va arriver inéluctablement : une situation où démocratie parlementaire et formes plus ou moins développées du pouvoir ouvrier (conseils, comités) se côtoieront, comme la prochaine étape du combat pour la révolution prolétarienne qui doit renverser tout régime bourgeois . »

Ce qui était, jusqu’ici, une possibilité parmi d’autres fait soudain force de schéma ou de « loi de développement »– « inéluctablement » nous assure –t-on.

L’idée selon laquelle, inéluctablement, il faudra nécessairement et inévitablement en passer par la démocratie parlementaire, est introduite.

Pourtant, notre Programme de Transition de 1938 prévenait « il est impossible de prévoir quelles seront les étapes concrètes de la mobilisation révolutionnaire des masses 4

À la même période, Trotsky insistait : « Notre tâche consiste, non à faire des prédictions sur le calendrier, mais à mobiliser les ouvriers sur des mots d'ordre issus de la situation politique. Notre stratégie est une stratégie pour l'action révolutionnaire, pas pour des spéculations abstraites . » 5

Le PCI, pour un parti des travailleurs ?

En 1984, le PCI va impulser les Sections pour un parti des travailleurs. Tout d’abord, nous voulons rappeler qu’il ne fut pas le premier à tracer cette perspective-là. Dès novembre 1982, une poignée de militants morénistes français se dotent d’un bulletin ouvert Politique ouvrière dont l’axe est « construire un grand et véritable parti ouvrier, c’est-à-dire un parti opposé à toute collaboration ou combinaison avec le CNPF et à toute capitulation devant les patrons et la droite. UN PARTI QUI DIT CE QU’IL FAIT ET FAIT CE QU’IL DIT, un parti qui, au lieu d’être un obstacle, nous serve à organiser la bataille pour la satisfaction des revendications » et « nous combattons pour une politique ouvrière qui commence par la satisfaction des revendications pressantes, pour un gouvernement des travailleurs résolument anti-patronal. Ce combat commence aujourd’hui par la préparation, partout de la grève générale contre les mesures anti-ouvrières du gouvernement Mitterrand-Mauroy ».

La démocratie dont forme et contenu demeurent un mystère …

En 1985 est constitué le M ouvement pour un parti des travailleurs, le MPPT : une initiative qui, de prime abord, semblait intéressante. Mais, c’était sans compter ses vices de fabrication. La charte du MPPT se résume à 4 points :

  1. Reconnaissance de la lutte de classes : la lutte de classes et le combat politique sur le terrain de classe constitue la ligne d’action permanente de même que l’axe central qui doit favoriser la reconstruction d’une unité ouvrière qui se base sur la démocratie la plus large ;

  2. Laïcité de l’école et de l’État ;

  3. Liquidation des institutions antidémocratiques de la Ve République et établissement d’une véritable démocratie dont le peuple définira la forme et le contenu ;

  4.  Indépendance réciproque des partis et des syndicats.

Notons tout d’abord que « le combat politique sur le terrain de classe » ne fut pas, de 1981 à 1984, la « ligne d’action permanente » et « l’axe central » du PCI (voir chapitre suivant).

Mettons sur le compte de l’étourderie l’absence d’un point clé : satisfaction des revendications. Mais là où le bât blesse, c’est ce passage obscur : « la démocratie dont le PEUPLE définira lui-même la FORME et le CONTENU ». Une « démocratie dont « forme » et « contenu » demeurent un mystère… la direction du PCI vient de formaliser la ligne de la démocratie, à partir de ce qui était sous-jacent dans le Rapport du 24ème congrès, cité ci-dessus. Et, dans les élucubrations qui ont suivi la « victoire de Mitterrand » (voir chapitre suivant).

1991 : proclamation du PT et désintégration du PCI

En 1991, un nouveau palier est franchi qui tend vers la liquidation du courant lambertiste avec la proclamation du P arti des travailleurs et la dissolution du PCI réduit à un courant du PT auto-proclamé, le CCI. Ce PT est un pseudopode de la direction lambertiste, les courants « Socialisme maintenu » et « débat communiste » censés regroupés des militants socialistes et communistes ne représentant rien. En 2007, le PT deviendra le « parti ouvrier indépendant ».

Les ressentiments de Lambert dans l’Express

À la fin des années 1990, le « passé trotskyste » de Jospin fait grand bruit et il est désormais avéré que jusqu’en 1983, Lionel Jospin, tout en étant à partir de 1981 Premier secrétaire du PS, était également à l’OCI-PCI. Des best-sellers sont publiés (auxquels nous ne nous référons pas tant ils brassent les ragots, voire les calomnies sur la vie militante de Pierre Lambert) dont celui du transfuge Compinchi, « un courant trotskyste français » dont seul le titre contient un atome de véracité.

Le 4 octobre 2000, Pierre Lambert accorde une interview à l’Express. Il dit : « Quelques soient les « chefs » qui montent sur les épaules des travailleurs pour parler en leur nom, s’ils se disent pour la rupture avec le capitalisme, c’est positif. Dès lors, je suis prêt à les appuyer, indépendamment des désaccords que j’ai par ailleurs avec eux. C’est ce qui a guidé notre attitude à l’égard du PS dans les années 70, jusqu’à l’appel à voter François Mitterrand dès le premier tour. Mais, en 1982, quand le PS fait le tournant de la rigueur, je le condamne. Dans les années 70, la démarche de Jospin s’inscrit dans ce que je viens de vous expliquer ».

Or, Lambert n’aurait jamais prétendu une chose pareille en 1980 ou 1981. Quoi qu’aient pu en dire les mauvaises langues de la LCR et du PCF, l’ OCI n’appuyait pas Mitterrand ou tout autre « chef ».

Quant à la formule creuse de « rupture avec le capitalisme », elle était venue supplanter en 1971 la déclaration de principes de la SFIO 6 Le parti socialiste est un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste , et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat. Par son but, par son idéal, par les moyens qu’il emploie, le parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n’est pas un parti de réforme, mais un parti de lutte de classe et de révolution . »7. La « rupture avec le capitalisme » a été instillée pour contrer le principe : « renverser le capitalisme ».

De toute façon, la question n’était pas là : l’OCI dans son appel au vote Mitterrand en 1981 précisait bien qu’il ne s’agissait en aucun cas de « prendre la responsabilité du programme du PS » et qu’il s’agissait de « tout faire, absolument tout faire, pour battre Giscard ».

De la « ligne de la démocratie » à la défense de la nation française

« Aujourd'hui, sous les coups de boutoirs de l'impérialisme américain, relayé par les institutions de la mondialisation et de l'Union européenne, le cadre même des nations est soumis démantèlement. S'opposer à ce démantèlement n'est nullement contradictoire avec l'internationalisme ouvrier. Par définition, l'internationalisme inscrit chaque nation dans le cadre de relations à égalité avec les autres nations » lit-on dans le livre « itinéraires » de Lambert-Gluckstein (2002) 8.

Chez les lambertistes, tout est toujours sous cadre et tout est dans un cadre. Nous sommes, bien sûr, opposés aux « réformes territoriales », à la « régionalisation », mais pas en vertu du « cadre » fétiche de la « nation française ». La nation française est dans le peloton de tête des nations impérialistes qui oppriment les peuples. L’ennemi est toujours dans notre propre pays. Comme le disait Trotsky « la France [qui, pour nous], n'est ni la Bourse, ni les banques, ni les trusts, ni le gouvernement, ni l'état-major, ni l’Église - ceux-là sont les oppresseurs de la France -, mais la classe ouvrière et les paysans exploités . »9 Comme le disait Saint Just : « Un peuple n'a qu'un seul ennemi dangereux, c'est son propre gouvernement ».

 En février 2006 : Informations ouvrières, 10 reproduit un appel suivi d’une lettre du « Comité national pour la reconquête de la démocratie politique » initié par la direction duPT. Cet appel duPôle pour la Reconstruction Communiste en France s’intitule « Rassembler le peuple de France, refonder la République ».

En voici quelques extraits : « Il faut réaffirmer la cohésion de la nation autour des valeurs progressistes et sociales de la république, sans quoi les événements qui se sont déroulés à la fin de l’année 2005 dans les quartiers populaires ne manqueront pas de se répéter .(…) Nous appelons l’ensemble des citoyens partisans du progrès social, tous les républicains opposés à la mondialisation néo-libérale et aux dérives européistes qui en sont la conséquence et l’instrument, tous ceux qui veulent reconquérir la souveraineté populaire et ont confiance en l’avenir d’une France attachée aux principes de liberté, d’égalité et de fraternité, à se réunir pour débattre des moyens à mettre en œuvre afin d’apporter une réponse politique à une crise sans précédent . »

Déni du droit des peuples opprimés à disposer d’eux même

Cet appel était donc signé par des membres duPôle pour la reconstruction communiste en France11 et duPT (Jacques Lombard, Grandezzi…). Sans oublier le C ercle des gaullistes internationalistes (sic)

Réponse lambertiste : « Les préoccupations que vous exprimez recoupent celles qui nous ont conduits à constituer le Comité national » (pour la reconquête de la démocratie politique »).

N’y a-t-il pas là pour le moins complaisance vis-à-vis du chauvinisme à la sauce Thorez-Vermeersch ?

« Autres temps, autre mœurs ? Non ! Autre mœurs, autre cause ! »

En revanche, le nationalisme des nationalités opprimées comme l’Ukraine n’a pas bonne presse chez les lambertistes d’aujourd’hui. On l’a déjà noté plus haut au sujet des nationalités des Balkans. Ainsi, lorsque la Russie de Poutine annexe la Crimée, les lambertistes n’ont rien contre. Leur seule hantise, c’est l’adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’UE. La CEI de Poutine serait-elle un moindre mal ? Il ne nous reste qu’à relire ce que le PCI écrivait en 1989 :

« La question des Tatars de Crimée le démontre clairement : ils revendiquent la reconstitution de la République autonome des Tatars fondée en 1921, revendication qui renoue avec la tradition de la Révolution d’Octobre (…) à savoir la satisfaction de la revendication de la revendication du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »12 . À l’époque, le PCI n’avait pas manqué de dénoncer « la répression contre les Tatars déportés en Asie centrale par Staline et qui exigent leur retour en Crimée ». À présent, ces gens-là n’ont rien à dire contre l’annexion de la Crimée par Poutine. Michel Sérac 13 pourrait alors s’exclamer comme en 1986 : « Autres temps, autre mœurs ? Non ! Autre mœurs, autre cause ! » En l’occurrence, alignement sur la théorie des blocs.

L’OCI-PCI FACE AUX « ANNEES MITTERRAND »*

En décembre 1981, l’OCI se transforme en Parti Communiste Internationaliste (PCI) après être devenue méconnaissable au lendemain de l’élection de Mitterrand à la présidence de la République, le 10 mai 1981. Ce qui fera dire à Pierre Salvaing 14 que « la main gauche de Lambert ignorait ce que faisait sa main droite» .


« La main droite de Lambert ne voit pas ce que fait sa main gauche »  (P. Salvaing). Photo de Pierre Lambert - années 80

Années Mitterrand (1981-1984)

Les « années Mitterrand », saison 1, ont ouvert le cycle des « réformes ». Le gouvernement Mitterrand- Mauroy avec des « ministres communistes » a multiplié les attaques contre les travailleurs et la jeunesse :

  • introduction de la flexibilité du temps de travail (modulation des horaires sur la semaine) ;

  • désindexation des salaires et des prix entraînant une baisse du pouvoir d’achat de 20% sur 10 ans ;

  • budget global hospitalier entraînant des milliers de suppressions de lits puisqu’il s’agit d’une « enveloppe » annuelle à ne pas dépasser alors que précédemment, les hôpitaux étaient financés selon le nombre de journées d’hospitalisation (« le prix de journée ») – ajoutons à cela le forfait hospitalier, le tout sous l’égide du ministre PCF J. Ralite ;

  • plan acier de démantèlement de la sidérurgie : 25 000 suppressions – qui marquent le début de la saignée industrielle ;

  • dénonciation islamophobe contre les grévistes de Talbot (absorbé par PSA) en grève contre les licenciements ;

  • ouverture des camps de rétention anti-immigrés ;

  • lois Auroux qui promeuvent les négociations dans les entreprises au détriment des branches et permettent au nom de la « libre expression » des salariés de court-circuiter les syndicats ;

  • promotion du travail précaire à travers la mise en place des TUC (travaux d’utilité publique), en particulier à la RATP (« RATP Juniors ») présidée par C. Quint – PCF ;

  • Amnistie des généraux criminels de l’OAS (et recueillement de Mitterrand sur la tombe de Pétain) ;

  • Etc.

Ces « années-là » ont permis au régime de la Ve République de palier à sa crise chronique pendant quelques années

Voyance et aveuglement

En 1986, Daniel Gluckstein écrira que la période 1981-1986 a été marquée par une « relative paix sociale » dont « l’avant-garde ne pouvait pas ne pas subir le contrecoup ». Aveu d’impuissance ? Manière d’éluder un bilan d’activité de cette avant-garde (organisée dans le PCI) ? N’y avait vraiment existé aucune occasion pour une avant-garde de « pousser l’avantage » sur le terrain de la lutte de classes ?

À moins que l’avant-garde n’ait été placée dans l’incapacité de jouer son rôle. Et, ce par une mauvaise politique du Parti.

Quelle « paix sociale relative » ?

Il n’y a pas eu le « déferlement » des masses pour « aider le gouvernement face à la bourgeoisie » que prédisaient les oracles Lambert et Gluckstein. Pourtant, en 1982, il y eut bel et bien l’amorce d’un mouvement vers la grève générale à l’initiative des masses. Lorsque l’ordonnance des 39 heures (eh oui, les ordonnances, déjà !) a été mise en route, il s’agissait bien des 39 heures payées 39, qui souleva aussitôt une vague de grèves spontanées obligeant Mitterrand à décider de compenser l’heure perdue par une augmentation de salaires de 2,5%.





C’est dans ce contexte qu’en mars, l’abstentionnisme ouvrier et populaire se manifeste pour la première fois. Un abstentionnisme que le PCI analysera correctement en décembre 1982.

« (…) le résultat des élections partielles, qui ne donnent pas un déplacement notable des voix sur les partis UDF et RPR, tandis qu’une fraction importante des travailleurs se réfugient dans l’abstention, signifie qu’ils refusent de cautionner les résultats de la politique de front populaire. Si ces résultats entraînent une démoralisation des militants du PS et du PCF, encadrés par la politique du front populaire, ce serait une erreur d’en déduire une démoralisation de la classe ouvrière. Bien au contraire [c’est moi qui souligne], nous devons considérer ce t ‘’abstentionnisme’’ comme une manifestation des travailleurs exprimant leur volonté d’échapper au contrôle des appareils, de la même façon qu’une couche significative (5 à 6%), refusant de cautionner la politique stalinienne de soutien à Giscard, a imposé la victoire de Mitterrand. Fraction des abstentionnistes qui, aujourd’hui, en refusant de voter pour le front populaire (…) présente dans les conditions politique actuelles la même importance que les 5 à 6% qui, le 26 avril 1981, en refusant de suivre le PCF (couche que nous avons contribué à constituer) ont assuré la défaite de Giscard. À condition bien-entendu que le PCI lui ouvre une voie positive . »

Ces abstentions étaient en prise avec un premier développement de la lutte de classes sur son terrain direct. Ainsi, deux semaines après les cantonales, le mouvement engagé en janvier reprend : grève à Renault Flins, grève à Usinor (sidérurgie) contre les 7000 suppressions de poste projetées puis, à la surprise générale, la grève aux usines Citroën et Talbot (aujourd’hui PSA) avec ses « délégués de chaîne » qui font sauter le régime de terreur imposé par le « syndicat » CFT 15 (aujourd’hui CSL) dans ces usines. En novembre, grève sectorielle spontanée à Renault Flins… Il y avait donc matière à tracer la perspective de la grève générale, en intervenant dans les grèves en cours. Lambert et Gluckstein regardèrent passer ce train en regardant en l’air.

Pourtant en 1981, la direction de l’OCI (devenant PCI en décembre) semble savoir ce qui allait arriver. Elle tient sur un pronostic qui n’a aucun caractère alternatif, tel un Nostradamus, un voyant du prolétariat. Tout d’abord, en décembre 1981 va se tenir le 26ème congrès de l’OCI. Or, la préparation de ce congrès va être bouleversée dès septembre 1981 par « les attaques de Nahuel Moreno », ce dernier étant le principal dirigeant du PST16 argentin, affilié depuis un an, comme l’OCI à la IVe Internationale- comité international.

En effet, dans la revue Correspondance internationale, sous le pseudonyme de Miguel Capa (le PST étant dans la clandestinité), Nahuel Moreno considère que la politique de l’OCI face au gouvernement est révisionniste, dans un long article. Cette caractérisation est vécue par la direction de l’OCI comme une « déclaration de guerre » puisque « révisionnisme et trotskysme sont incompatibles ». Nahuel Moreno précisera « ni la direction de l’OCI, ni l’OCI ne sont révisionnistes ».

« Donner à Mitterrand les moyens de gouverner » ?

Pourtant, la direction de l’OCI commence par qualifier très correctement le gouvernement pour ce qu’il est, à savoir : « Un gouvernement bourgeois de collaboration de classes de type front populaire ». On ne saurait mieux dire, en effet. Dans Informations ouvrières, l’approche devient différente : « Le fond des choses, c’est que les masses laborieuses voient dans le gouvernement Mitterrand-Mauroy le gouvernement qui va répondre positivement à leurs revendications et aspirations. Dans le même temps, travailleurs et jeunes savent que le gouvernement Mitterrand-Mauroy, qu’ils estiment leur gouvernement, ne peut faire tout, tout de suite, d’un coup ». Nous sommes le 30 mai, avant les législatives de juin. C’est ce que l’on appelle un postulat. Nous y reviendrons.

Notons qu’aux législatives, le PS et le PCF vont obtenir une majorité absolue de députés… avec moins de voix qu’en 1978, la participation étant moindre.

Dans les notes préparatoires à une conférence des cadres du 6 juin 1981, nous lisons : « Les masses n’ont pas une claire conscience de ce que leur victoire, qui est la victoire de Mitterrand, a mis en place un gouvernement bourgeois, et que la majorité PS-PCF laissera en place un gouvernement bourgeois » . Tout à fait juste ! Mais cela ne signifie pas pour autant qu’elles considèrent le gouvernement Mitterrand comme le leur. Ce postulat procède d’un raisonnement par analogie avec le gouvernement Blum de 1936 qui ne se constitua pas dans les mêmes conditions.

Le 6 juin, le titre de l’édito d’IO « se donner les moyens de gouverner » laisse songeur, d’entrée de jeu : « (...) Nous sommes à une semaine du premier tour des élections législatives : la question essentielle de l’heure, c’est d’infliger une deuxième défaite aux capitalistes et aux bourgeois afin de donner à Mitterrand les moyens de gouverner contre le CNPF. C’est là le point capital, chacun le sait. Tout le monde le comprend : on ne s’en tirera pas sans que soient prises des mesures réellement anticapitalistes. Mitterrand a derrière lui la majorité, une majorité stable qui sait ce qu’elle veut et surtout sait ce qu’elle ne veut pas. Ce que ne veut pas la majorité, ce sont les licenciements, les fermetures d’entreprise, les restructurations, le sacrifice des conditions de vie et d’études pour le maintien des profits capitalistes. »

Infliger une seconde défaite aux capitalistes et aux banquiers sur le terrain électoral ? Bien sûr ! « Donner les moyens à Mitterrand les moyens de gouverner contre le CNPF » , c’est une autre affaire qui sème des illusions, c’est un sermon invitant les salariés et les chômeurs à se placer à la remorque de Mitterrand qui, a-t-on dit, « ne pourra pas tout faire, tout de suite ». Eh oui, mon bon monsieur « Paris ne se fait pas en un jour » !

Les masses ont elle « donné le pouvoir » à Mitterrand ?

Le 15 juin, nouvel édito : « Mitterrand s’appuie sur la majorité démocratiquement issue du suffrage universel. (...) ce que cherchent les capitalistes et les banquiers est clair : ils veulent que Mitterrand s’incline. C’est ainsi que les capitalistes et les banquiers ont opéré avec le gouvernement Blum en 1936. C’est ainsi que, plus près de nous, ils ont opéré au Chili, avec le gouvernement Allende en 1973. (...) L’OCI unifiée a combattu avec ténacité pour que les masses laborieuses et la jeunesse donnent le pouvoir à Mitterrand. Il s’agit à présent de gouverner réellement en s’appuyant sur la majorité qui a investi Mitterrand. Il s’agit d’entreprendre sans tarder la liquidation des institutions anti-démocratiques au moyen desquelles Giscard a gouverné. Ce ne sont pas là de simples questions juridiques : l’essence des institutions de la V e République, taillées sur mesure pour la défense des intérêts du grand capital, consiste à donner la garantie aux capitalistes, aux banquiers et aux hauts-fonctionnaires, pour gouverner à leur guise. L’ordre constitutionnel de la V e République, c’est le désordre, le sabotage de l’économie, le chômage, sciemment organisés par les capitalistes, les banquiers, les hauts-fonctionnaires ».

Un sérieux glissement s’opère : la bataille pour le vote Mitterrand dès le 1er tour était une bataille pour chasser Giscard et c’est ainsi qu’elle a été menée proprement sur le terrain. Jamais avant le 10 mai, un dirigeant de l’OCI n’aurait dit « nous voulons aider les travailleurs et les jeunes à donner le pouvoir à Mitterrand ».

Comme on le voit ci-dessous, lorsque l’OCI appela à voter Mitterrand « dès le premier tour », il était question de « l’unité sans condition pour battre Giscard », « sans prendre pour autant la responsabilité de la politique du PS ».





« Aider Mitterrand à gouverner contre le CNPF 17»

Reprenons : à la veille de la conférence des cadres du 6 juin, les notes préparatoires affirment : « Combattant inconditionnellement pour la majorité de députés PS-PCF, l’OCI appelle à la constitution de comités pour une majorité PS-PCF contre le CNPF et sa politique de sabotage. De tels comités ne sauraient être constitués comme des comités pour ‘’aider Mitterrand’’ . Non seulement une telle politique serait contraire aux principes, mais totalement inefficace : car, pour les travailleurs, la meilleure façon d’aider Mitterrand n’est-elle pas d’adhérer au PS ? »

Ce qui devient au lendemain de cette conférence des cadres : « L’OCI unifiée définit aujourd’hui comme ligne : aider Mitterrand , sans condition , à gouverner contre le CNPF, contre les capitalistes, contre les banques, contre les hommes du capital qui sont restés aux commandes aux différents niveaux de l’appareil d’État ».

Aider Mitterrand à gouverner… contre lui-même ? Cette orientation doit être qualifiée pour ce qu’elle fût : front populaire de combat… sans combat !

Le 15 août, nous lisons dans IO : « Prendre les mesures les plus radicales contre la fuite des capitaux, la hausse des prix, les agissements des banquiers et agents des capitalistes qui occupent les postes dirigeants dans tout l’appareil bancaire et financier, est indispensable. Le gouvernement Mitterrand-Mauroy pourrait, pour accomplir cette tâche, disposer d’une force immense, celle qui l’a porté au pouvoir, celle des travailleurs, et plus directement encore celle des travailleurs des banques et des administrations financières, immédiatement disponibles . »

En relisant ces lignes, il apparaît clairement que si quelqu’un reconnaissait le gouvernement Mitterrand comme le sien, ce quelqu’un était… La rédaction d’IO !

En relisant ces lignes, on comprend mieux pourquoi, quelques semaines plus tard, Nahuel Moreno passe « à l’attaque ».

Le chaud et le froid

22 août : l’édito d’IO dit : « Alerté par la situation de l’emploi, le dernier Conseil des ministres vient de prendre des décisions ayant pour objectif de freiner le développement du chômage ».

En pages intérieures, Lambert affirme : « C’est un fait : les leviers de commande de l’État restent aux mains des représentants du capital, tandis que sous la haute direction du CNPF, devenu le véritable état-major politique de la bourgeoisie, est organisée la plus intense spéculation, qui, avec la fuite des capitaux se conjuguant à la crise économique, crée le terrain des regroupements politiques organisés par les capitalistes et les bourgeois contre Mitterrand (…) À cette étape, les classes exploitées donnent toute leur confiance au gouvernement qu’elles ont investi à la suite de la défaite qu’elles ont infligée aux classes dominantes. »

Autrement dit, entre le CNPF et Mitterrand, il va falloir choisir son camp. Nous avons une resucée de ce canevas aujourd’hui avec la direction de la TCI-POid qui nous explique que l’urgence commande de choisir entre Trump-la Mud et Maduro au Venezuela.

IO du 26 septembre. : Y est reproduite une déclaration du bureau politique du PCI qui semble retrouver le langage de la fermeté ouvrière :

« Non à la politique d’austérité ! Non à la politique des revenus et au blocage des salaires ! Non à l’aggravation des charges et impôts qui retombent sur les épaules des masses laborieuses ! Pas un seul licenciement ! Embauche immédiate ! Hausse générale des salaires et rapport avec la hausse des prix ! Le dilemme est là, clairement posé : Collaboration de classes avec le capital ou lutte de classes contre le capital. C’est ainsi que la question est posée face aux graves problèmes économiques et financiers. Seules des mesures anticapitalistes peuvent sauver les masses laborieuses et la jeunesse. » Il n’y a absolument rien à de dire sur cet extrait qui est « lutte de classes »… gâché par la suite « Nous, militants de l’OCI unifiée, qui avons inconditionnellement combattu contre la division, pour l’unité, pour la majorité PS-PCF et pour un gouvernement d’unité du PS et du PCF sans représentants des formations et partis bourgeois, disons que c’est là une erreur très grave, désastreuse, que de prendre des mesures qui s’inscrivent toutes dans la mise en place d’un plan d’austérité ».

Une erreur très grave, dit la direction de l’OCI sur le ton du sermon face à des attaques anti-ouvrières du gouvernement.

La « soudaine offensive de Moreno »

Ouvrons ici une parenthèse : nous avons repris une partie des articles d’IO cités par Pierre Salvaing, vétéran de l’OCI (avant 1968) qu’il quittera en 1989 non pas sans avoir été insulté par la direction du PCI, pour rejoindre les « justiens ». Pierre Salvaing a fait un travail précis, remarquable et minutieux de recherche sur « ce que je sais de ce que fût l’OCI ». Mais son sens du détail et de la précision s’essouffle lorsqu’il aborde la bataille menée par Nahuel Moreno qui, certainement, mérite un examen critique. De même que Salvaing a su procéder à un examen critique de la position de Stéphane Just.

« Mais, dans le même temps, l’offensive soudaine menée par Moreno et Politica Obrera d’Argentine, accusant brutalement l’OCI d’avoir basculé dans le camp du front populaire, et se préparant à rompre le « Comité Paritaire » après seulement quelques mois d’existence, apporte une confusion nouvelle dans le débat : car si l’accusation caractérise un fait qui me semble indubitable (aujourd’hui), ses arguments sont par contre particulièrement faciles à déjouer par la direction de l’OCI. Ils ne touchent pas au coeur de la question, et se rapprochent beaucoup de ce qu’auraient pu écrire les pablistes. Au lieu de nourrir la réflexion critique, ils repoussent les militants dans la défense de leur organisation et de ses positions ».

Relevons une inexactitude : Politica Obrera (aujourd’hui Partido Obrero) n’a rien à voir dans cette « offensive soudaine », Nahuel Moreno était dirigeant du PST d’Argentine que « PO » exécrait. En outre, PO avait été exclu du CORQI en 1979.

Il oublie de dire que 37 morénistes ont été exclus de l’OCI en octobre-novembre, dont une cellule de Grenoble dont les membres furent qualifiés de « fascistes » par Stéphane Just.

Il oublie de dire que la position des « pablistes » (LCR) était alors très voisine de celles de l’OCI, à ce moment-là.

Il qualifie de « soudaine » « l’offensive » de Moreno… qui a attendu patiemment le mois de septembre 1981 pour exposer son désaccord profond, après avoir écrit à Lambert quelques semaines plus tôt.

Nous connaissons l’histoire racontée après coup par Stéphane Just : Lambert et Moreno étaient tous deux des « caudillos », cherchant chacun à avoir, comme l’a dit François de Massot à propos de Moreno, « son propre dispositif fractionnel ». Façon comme une autre de voir les choses par le mauvais bout de la lorgnette.

Que dit Moreno en septembre 1981, sur le fond ?

  • qu’il faut dénoncer le gouvernement Mitterrand

  • qu’il faut se situer sur le terrain de la mobilisation indépendante des masses

  • qu’il faut un programme d’action

Ce que n’a pas osé dire, bien que conscient du phénomène, Stéphane Just, en temps réel ainsi que le souligne Pierre Salvaing lui-même. Et qu’il l’aurait sans doute mieux dit que Moreno, étant sur place et ayant un solide armement théorique. Moreno considérait également que la politique de front unique est terminée, ce qui ne pouvait que hérisser Just qui avait fait de la politique de front unique un fétiche.

Fermons cette parenthèse.

Un gouvernement « porté au pouvoir par les masses » ?

Nous avons vu plus haut que la direction de l’OCI dans les résolutions et notes internes caractérisait le gouvernement Mitterrand comme un gouvernement bourgeois de collaboration de classe de type front populaire. C’est ce que réaffirme le rapport préparatoire au 26ème congrès de l’OCI. Mais, auparavant, la direction de l’OCI a affirmé que ce gouvernement a été porté au pouvoir par les masses, ce qui est plus que discutable (formule exacte : « il est indispensable de partir du mouvement des masses qui l’a porté au pouvoir ») D’autres perles peuvent être relevées « la nature du gouvernement Mitterrand-Mauroy – gouvernement de collaboration de classe, gouvernement bourgeois – assure que quel s que soient les conflits qui peuvent l’opposer à la bourgeoisie , à l’appareil d’État que la V e république a façonné, en dernière analyse, il ne peut que capituler devant eux » La suite de cette tirade mérite également que l’on s’y arrête : « En fin de compte , les masses se dresseront contre ce type de gouvernement. Elles exigeront concrètement la rupture avec la bourgeoisie, un gouvernement sans représentants de la bourgeoisie. Alors, s’ouvrira une crise révolutionnaire. Vraisemblablement, c’est au moyen de la grève générale que les masses tenteront d’imposer leurs exigences au niveau du gouvernement, de l’État. Non moins vraisemblablement surgiront alors les conseils, les soviets, sous une forme ou sous une autre » .

Nous avons ici un brillant exemple de méthode hypothético-déductive ou, plutôt, de pensée spéculative et mécaniste. D’abord et avant tout, la perspective de la grève générale est différée, la grève générale viendrait « en fin de compte » lorsque « en dernière analyse » le gouvernement « capitulera ».

Répétons-le : le mouvement des masses s’est dressé pour « BATTRE GISCARD » et non pour « porter au pouvoir » Mitterrand .

Dans le projet de rapport du 26ème congrès OCI, nous lisons encore : « Il existe une contradiction insurmontable entre le gouvernement bourgeois de Mitterrand et la bourgeoisie. […] - Le gouvernement Mitterrand entrera inévitablement en conflit avec l'appareil de l’État bourgeois, avec la bourgeoisie ». Et dans IO (n°1019) : « La simple existence de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République et d’une majorité du PS - PC [à l'Assemblée nationale] est incompatible avec les institutions antidémocratiques et réactionnaires de la Cinquième République ».

La vie a fait litière de ces chimères et a donné raison à tous ceux qui, dès septembre 1981, ne voyaient pas de contradiction explosive entre Mitterrand et la bourgeoisie, ni ’incompatibilité entre l’assemblée nationale à majorité PS-PCF et le régime bonapartiste bâtard de la V e République. Cela revenait à exonérer le plus possible, sur l’instant, la responsabilité première du gouvernement, centre organisateur des attaques du Capital, gouvernement mis en place quand il n’y en avait pas d’autres possibles, pour sauver ce régime.

En guise de conclusion provisoire

Sans doute, Nahuel Moreno figeait les choses en parlant de politique révisionniste de l’OCI. Il s’agissait cependant bel et bien d’un cours opportuniste qui fut un palier vers la régression politique et militante de ce courant.

Le passé éclaire le présent, dit-on. Cet aspect du passé aide à mieux comprendre comment des dirigeants se réclamant du marxisme ont été amenés, à force de distorsions de glissements, de brusques revirements, à se jeter dans les bras de France insoumise ou à se fondre dans le « souverainisme ».

À un moment donné, dans l’histoire de l’OCI, il y a bel et bien eu une rupture nette de séquence. En 1981… Le bilan de l’intervention du PCI n’ayant jamais été tiré, cette rupture de continuité n’a pu être surmontée.

Soulignons que dans ce cadre d’orientation désarmant, il y eut néanmoins des initiatives intéressantes :

  • le combat pour la fermeture des camps de rétention ;

  • l’impulsion des cercles de défense laïque ;

  • la campagne pour une loi interdisant les licenciements ;

  • les listes ouvrières d’unité aux municipales de 1983 (couronnées de succès, en dépit de l’axe de départ « respect du mandat » PS PCF) où apparaissaient les éléments d’un plan d’urgence et de défense des travailleurs, des chômeurs et de leur famille ;

  • les tentatives de syndicalisation des chômeurs ;

  • dénonciation des lois Auroux.

Ce qui n’effacera pas le fait que la direction de l’UNEF (dirigée alors par Cambadélis-Lambert) a tourné le dos aux étudiants qui se mobilisaient en 1983 contre la réforme des universités propice à leur autonomie, entre autres, ni le silence sur les grèves aux usines Citroën et Talbot en 1982.





Daniel Petri, le 24 août 2017





* Sources :

Annexe : quelques « UNE » d’Informations ouvrières (1982-1983)

Comme le montre cet échantillon de « Une » d’ Informations ouvrières de 1982 à 1983, la politique du PCI est une politique de pression pour que le « gouvernement change de cap » et pour que la majorité PS-PCF « respecte le mandat » et non une politique orientée vers la mobilisation indépendante des masses sur leurs propres objectifs, dans la voie de la grève générale.


















1 http://www.lacommune.org/Parti-des-travailleurs/La-commune/Les-notres/Pour-Pedro-De-l-OCI-a-La-Commune-retour-sur-une-expulsion-bureaucratique-premiere-partie-i1555.html - http://www.lacommune.org/Parti-des-travailleurs/La-commune/Les-notres/Une-expulsion-liquidatrice-i1568.html

2 Bien entendu, en cas d’agression impérialiste US, nous serons du côté du Venezuela, indépendamment du régime en place et de la « légitimité » ou non du gouvernement en place. http://www.lacommune.org/Parti-des-travailleurs/Lettre-d-infos/Venezuela-Questions-autour-d-un-tract-du-POId-i1676.html

3 Voir : Programme d’action OCI. 1973

4 https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran13.html

5 (Trotsky "Writings" 1932, p.125).

6 SFIO : ou Parti socialiste SFIO, section française de l’internationale ouvrière – dénomination du parti socialiste de 1904 à 1969.

7 https://www.marxists.org/francais/inter_soc/sfio/principes_sfio_1905.htm

8 « Itinéraires » page 209 – Pierre Lambert et Daniel Gluckstein.

9 https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf2.htm

10 Nouvelle série n°729 - semaine du 9 au 16 février 2006

11 Staliniens de chez Staline partisans de la réhabilitation de Honecker et qui soutiennent, via l’historienne Annie Lacroix-Riz, que Trotsky a collaboré avec Hitler…) et du PT (Jacques Lombard, Grandezzi…

12 La Vérité – revue théorique du PCI – n°604 – juin 1989 – page 83

13 Michel Sérac, fondateur de l’UNEF-unité syndicale en 1971 – polémiste, auteur de deux ouvrages de référence « quelle république sauvera l’école de la république ? » et « Tête de TUC » (référence aux Travaux d’utilité collective – forme de contrats précaires « jeunes » mise en place par Mitterrand en 1985)- M. Sérac avait lancé la tirade que nous avons citée lors d’une AG des militants du PCI à la mutualité, lorsque le sieur Cambadélis venait de rejoindre le PS. Michel Sérac est membre de l’actuel CCI-POI

14 Pierre Salvaing, militant aux groupes Révoltes en septembre 1965, au CLER de 1966 à 1968, à l’OCI-PCI de 1968 à 1989 puis dans le Comité de Stéphane Just de 1992 à 2005. Quelques soient nos désaccords avec Pierre Salvaing, son travail sur l’OCI est passionnant et utile pour comprendre ce qui s’est passé, comment le courant lambertiste a basculé dans cette bouillie désarmante. Cette compréhension passe par la libre discussion

15 Créé par les réseaux gaullistes en 1959 avec l’aide de Georges Albertini, ancien numéro 2 du parti collaborationniste de Marcel Déat pendant l’Occupation et, accessoirement, éminence grise de Pompidou

16 Parti socialiste des travailleurs – dont est issu notre parti frère, le MST (mouvement socialiste des travailleurs).

17 Conseil National du Patronat Français devenu MEDEF

Modifié le vendredi 25 août 2017
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