Quelle répartition des richesses ?

" Les idées dominantes sont les idées de la classe dominante "En quelques années, le mot d'ordre de " une autre répartition des richesses " est devenu le lot commun de la plupart des organisations ouvrières et démocratiques. Autre variante du même mot d'ordre, " le partage des richesses ". Si l'on n'y prend garde, cette idée va devenir une formule équivoque recouvrant des idéologies pour le moins curieuses. et à tout le moins contradictoires. La bataille idéologique, nous le savons, est un aspect de la lutte de classes. Ce qui nous conduit à consacrer une série d'articles au débat sur des notions qui sont souvent galvaudées quand elles ne sont pas vidées de leur contenu. Commençons d'abord par citer ce passage des principes fondateurs du NPA :" En finir avec les crises implique d'en finir avec l'exploitation, donc avec la propriété privée des principaux moyens de production, d'échange et de communication, qui en constitue la base. Le système financier, les services essentiels à la vie, les grandes entreprises devront passer sous le contrôle des salariés et de la population, qui en assumeront la propriété et en assureront la gestion dans le cadre d'une planification démocratique. Libérées de la propriété et de l'appropriation capitalistes, la production et la répartition des richesses pourront bénéficier à la société tout entière. Se nourrir, se chauffer, se loger, se soigner, s'éduquer, se cultiver, sont des besoins essentiels qui doivent être garantis pour toutes et tous. "A juste titre, il faut s'en féliciter, nous avons adopté ces principes à notre congrès de fondation des 6-7 et 8 février derniers. Les choses y sont on ne peut plus clairement dites : de l'abolition de la propriété privée dépend la répartition des richesses au bénéfice de la classe ouvrière et de la société tout entière.Peut-on contourner en effet ce problème des rapports de propriété ? C'est ce que des organisations comme ATTAC ont tenté de faire, des années durant ainsi que toute une série d'altermondialistes, façon José Bové.

La " répartition démocratique " ?

Ils s'en sont tirés en revendiquant une " répartition démocratique des richesses. "

" Qu'est-ce qu'une répartition démocratique des richesses ? Une répartition démocratique des richesses doit satisfaire les droits humains fondamentaux : nous pensons que la véritable richesse passe par un développement centré sur l'épanouissement humain, sur les droits et sur l'égalité, et non pas seulement sur l'accumulation de biens ou de revenus. Dans égalité, il faut bien sûr entendre aussi égalité homme/femme. La satisfaction des droits fondamentaux commence par l'éradication de la pauvreté qui représente un échec indigne de toutes les démocraties. Le développement humain a pour but de créer un environnement dans lequel tous les individus peuvent développer pleinement leur potentiel et mener une vie productive en accord avec leurs besoins et leurs intérêts " Voilà comment des militants d'ATTAC posent le problème. (Christiane Marty, Chrysi Tsirogianni, Nicolas Liébaut groupe Femmes et mondialisation. - ATTAC). Ils plaident pour une " répartition équitable des richesses ", opposée à la mondialisation libérale. Ils en indiquent le moyen : la taxation des revenus financiers, reprenant ainsi une antienne classique du PCF.

Autant dire que tout cela se situe pour sa réalisation dans le cadre du capitalisme, en vue de son hypothétique " dépassement ". Cette idée de " dépassement " fait également partie de la miroiterie du PCF. Elle a été mise à jour dans les années 90 pour tirer un trait sur toute idée de rupture avec le capitalisme, qu'agitaient encore les ténors du PCF les jours de fête.
Ecoutons aussi les élans pathétiques de ce strausskahnien aux dents longues qu'est JC Cambadélis, au congrès du PS : " la crise conjointe du système libéral financier, du mode de production productiviste appelle à un autre modèle de développement juste et durable, une autre répartition des richesses, une autre organisation humaine. " Quel est le dénominateur commun entre Bové, le PCF et le PS ? C'est que tous se gardent bien de commencer par dire que cette autre " répartition des richesses " n'a de sens qu'en commençant par éradiquer le capital et la propriété privée. Voilà du côté de la " gauche " Et ailleurs ?

l'Eglise et l'inviolabilité de la propriété privée

l'idéologie du partage des richesses en tant que notion fumeuse, qui ne mange pas de pain mais qui a pour objectif de leurrer les opprimés et de tenter de les détourner du vrai combat contre les véritables racines n'est pas neuve. Toute la doctrine sociale de l'Eglise en est imprégnée, depuis fort longtemps.Cette doctrine fut mise en valeur par la célèbre encyclique Rerum Novarum (les choses nouvelles) du Pape Léon XIII, en 1891. En voici un extrait édifiant :" Le dernier siècle a détruit, sans rien leur substituer, les corporations anciennes qui étaient pour eux une protection. Les sentiments religieux du passé ont disparu des lois et des institutions publiques et ainsi, peu à peu, les travailleurs isolés et sans défense se sont vu, avec le temps, livrer à la merci de maîtres inhumains et à la cupidité d'une concurrence effrénée. Une usure dévorante est venue accroître encore le mal. Condamnée à plusieurs reprises par le jugement de l'Eglise, elle n'a cessé d'être pratiquée sous une autre forme par des hommes avides de gain et d'une insatiable cupidité. À tout cela, il faut ajouter la concentration entre les mains de quelques-uns de l'industrie et du commerce devenus le partage d'un petit nombre d'hommes opulents et de ploutocrates qui imposent ainsi un joug presque servile à l'infinie multitude des prolétaires. " Voilà qui ressemble à s'y méprendre à un réquisitoire contre le capitalisme.

"Les socialistes poussent à la haine jalouse des pauvres contre les riches"

Afin qu'il n'y ait aucun doute sur le caractère réactionnaire de cet " anticapitalisme là ", citons la suite : " Les socialistes, pour guérir ce mal, poussent à la haine jalouse des pauvres contre les riches. Ils prétendent que toute propriété de biens privés doit être supprimée, que les biens d'un chacun doivent être communs à tous, et que leur administration doit revenir aux municipalités ou à l'Etat. Moyennant ce transfert des propriétés et cette égale répartition entre les citoyens des richesses et de leurs avantages, ils se flattent de porter un remède efficace aux maux présents.

Mais pareille théorie, loin d'être capable de mettre fin au conflit, ferait tort à la classe ouvrière elle-même, si elle était mise en pratique. D'ailleurs, elle est souverainement injuste en ce qu'elle viole les droits légitimes des propriétaires, qu'elle dénature les fonctions de l'Etat et tend à bouleverser de fond en comble l'édifice social. (...)


"La théorie socialiste de la propriété collective est absolument à répudier..."

La théorie socialiste de la propriété collective est absolument à répudier comme préjudiciable à ceux-là mêmes qu'on veut secourir, contraire aux droits naturels des individus, comme dénaturant les fonctions de l'Etat et troublant la tranquillité publique. Que ceci soit donc bien établi : le premier principe sur lequel doit se baser le relèvement des classes inférieures est l'inviolabilité de la propriété privée. "

A chacun selon ses besoins !

Face à toutes les institutions réactionnaires, tels l'Eglise apostolique et romaine, qui prétendent soulager la souffrance des masses dans le cadre du régime de la propriété privée capitaliste, il est nécessaire de lever les équivoques sur la question de la répartition des richesses. En son temps, Marx considérait que l'idée même d'une répartition équitable de richesses sera toujours un leurre, y compris lorsque les capitalistes auront été expropriés .Marxistes, nous sommes pour la répartition des richesses selon les besoins individuels et collectifs. Le principe du communisme, c'est " de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ". Mais," l'abolition du capitalisme ne donne pas d'emblée les prémisses d'un tel changement ". (Lénine). Rappelant les explications de Marx à ce propos, Lénine dit en résumé :" Marx montre le cours du développement de la société communiste, obligée de commencer par détruire uniquement cette " injustice " qu'est l'appropriation des moyens de production par des individus, mais incapable de détruire d'emblée l'autre injustice : la répartition des objets de consommation " selon le travail " ( et non selon les besoins).La répartition des richesses à chacun selon son travail a quelque chose d'effectivement injuste puisque les individus ne sont pas égaux, ils n'ont pas le même degré d'instruction, pas la même force et santé physiques, ils n'ont pas tous des enfants. Aussi bien, comme le rappelait Ernest Mandel " bien loin de vouloir " rendre tous les hommes égaux, comme le prétendent tous les adversaires ignorants du socialisme, les marxistes désirent permettre, pour la première fois dans l'histoire humaine, le développement de toute la gamme infinie de possibilités différentes de pensée et d'action présentes dans chaque individu ".Ernest Mandel précise encore " une société socialiste exige une économie développée au point où la production en fonction des besoins succède à la production pour le profit. l'humanité socialiste ne produira plus des marchandises destinées à être échangées contre de l'argent sur un marché. Elle produira des valeurs d'usage distribuées à tous les membres de la société afin de satisfaire leurs besoins ".Ce qui présuppose clairement un nouvel essor des forces productives, rendu possible une fois l'économie libérée de la dictature du taux de profit et de l'obéissance aveugle aux lois du marché " libre " capitaliste. l'explication de Trotsky mérite, elle aussi, que l'on s'y arrête :" Le marxisme procède du développement de la technique, comme du ressort principal du progrès, et bâtit le programme communiste sur la dynamique des forces de production. (...) Nous n'avons pas la moindre raison scientifique d'assigner par avance des limites, quelles qu'elles soient, à nos possibilités techniques, industrielles et culturelles. Le marxisme est profondément pénétré de l'optimisme du progrès et cela suffit, soit dit en passant, à l'opposer irréductiblement à la religion.La base matérielle du communisme doit consister en un développement de la puissance économique de l'homme tel que le travail productif, cessant d'être une charge et une peine, n'ait besoin d'aucun aiguillon et la répartition - comme aujourd'hui dans une famille aisée ou une pension "convenable" - d'autre contrôle que ceux de l'éducation, de l'habitude, de l'opinion publique. Il faut, pour parler franc, une forte dose de stupidité pour considérer comme utopique une perspective aussi modeste en définitive. Le capitalisme a préparé les conditions et les forces de la révolution sociale: la technique, la science, le prolétariat. La société communiste ne peut pourtant pas succéder immédiatement à la société bourgeoise; l'héritage matériel et culturel du passé est insuffisant. A ses débuts, l'Etat ouvrier ne peut encore ni permettre à chacun de travailler "selon ses capacités", en d'autres termes, tant qu'il pourra et voudra, ni récompenser chacun "selon ses besoins", indépendamment du travail fourni. l'intérêt de l'accroissement des forces productives oblige à recourir aux normes habituelles du salaire, c'est-à-dire à la répartition de biens d'après la quantité et la qualité du travail individuel.

Marx appelait cette première étape de la société nouvelle "le stade inférieur du communisme", le distinguant du stade supérieur où disparaît, en même temps que le dernier spectre du besoin, l'inégalité matérielle
".

Pour l'heure, la lutte pour l'augmentation des salaires
Mais, pour l'heure, le seul moyen sérieux que nous ayons entre les mains pour agir sur la répartition actuelle des richesses, c'est la lutte pour l'augmentation des salaires et des effectifs, c'est la lutte pour la défense des droits et acquis des travailleurs dans tous les domaines.

Défendre le salaire différé

Rappelons en particulier qu'en France, jusqu'à présent et malgré les attaques dont elle est l'objet, la sécurité sociale a pour base essentielle le salaire différé, c'est-à-dire cette part du salaire qui alimente une pot commun pour les salariés et leurs familles : le système de protection sociale par répartition solidaire. Il en est de même de tous les combats pour qu'une fraction du budget de l'Etat soit mise à disposition des hôpitaux, des crèches, des HLM... Cette action, les travailleurs n'ont d'autre choix que de la mener sur le terrain de la lutte de classes qui n'est pas autre chose que la lutte pour l'appropriation de la plus-value, aujourd'hui entre les mains des capitalistes. La plus value est la différence entre la valeur produite par la force de travail humaine et les frais d'entretien de cette même force de travail humaine. C'est en d'autres termes la différence entre le travail payé et le travail impayé à l'ouvrier.
La plus-value se décompose en profit industriel (c'est la part qui revient au capitaliste), en bénéfice commercial (c'est la part qui revient au commerçant) et en profit bancaire (part de la plus value prélevée par les banques qui ont prêté au capitaliste, pour assurer la production et au commerçant, pour assurer la gestion de son stock).

Sources : Ernest Mandel - introduction au marxisme. 3 ème édition revue et augmentée. La Brèche 1983. Lénine. l'Etat et la Révolution. Marx. Critique du programme de Gotha. Trotsky. La Révolution trahie.
. A défaut de pouvoir se l'approprier immédiatement, les salariés y attentent dès qu'ils luttent pour les salaires et les emplois et cherchent à faire baisser le taux d'exploitation (appelé aussi taux de plus-value) Mais alors, il convient de parler dans ce cas non de " répartition des richesses " mais bien plutôt de lutte pour la réduction de ce taux d'exploitation. Répétons-le donc : " Libérées de la propriété et de l'appropriation capitalistes, la production et la répartition des richesses pourront bénéficier à la société tout entière " Tout autre discours ne vise qu'à à nous détourner du combat anticapitaliste de notre parti, le NPA.

Pedro Carrasquedo (avec D.P.)

Le 27 mars 2009

Modifié le lundi 13 avril 2009
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