Cris sous les toits

Chronique d'une fin de RégimeVillepin a-t-il participé à la propagation du faux listing compromettant Sarkozy ? La mèche lente de l'affaire Clearstream continue à se consumer dangereusement. Aucune campagne présidentielle ne semble pouvoir l'étouffer. Entre juges chargés d'instruire ce dossier chaud-bouillant et procureurs représentant le ministère public, rien ne va plus. Dans un autre registre, ça s'empaille sévère au PS, à quelques jours de la désignation du candidat ou de la candidate de ce parti aux présidentielles. Pendant ce temps-là, les conditions de vie de la population se dégradent de plus en plus vite.Dans la nuit du 4 novembre, l'arrêt programmé d'une seule ligne à haute tension par le groupe d'énergie E-ON en Allemagne a provoqué par ricochet une gigantesque panne de près d'une heure affectant des centaines de milliers de personnes en Allemagne, 5 millions d'habitants en France (15 départements touchés) et de nombreux foyers en Italie. Une seule explication possible à cette panne " mystérieuse " qui a failli provoquer un black-out total : la déréglementation, le démantèlement et la privatisation du service public de l'énergie dans toute l'Union Européenne. Mais à en croire le ministre de l'Économie, Thierry Breton, cette " coupure " aura précisément montré que le système européen était " opérant " : " En une heure et demie, l'intégralité du courant était rétablie sur l'ensemble du continent ", pérore t-il.



Borloo, le souchien



Drôle de période, celle où l'on annonce une baisse de l'indice des prix quand tout augmente, une baisse du nombre de chômeurs quand le nombre de sans-travail atteint en réalité les 5 millions et que l'on présente une panne d'ampleur jamais vue depuis 1979 comme la preuve de la fiabilité du système.

Au sein de ce gouvernement en fin de course, Breton et Borloo semblent être payés pour rire jaune. Ils n'ont même plus les bons chiffres de la croissance du Produit intérieur brut à se mettre sous la dent puisque les économistes patentés du Régime en place annoncent maintenant une panne sinon un ralentissement de la dite croissance. Rien qui ne puisse altérer l'autosatisfaction du ministre Borloo, peut-être sujet à l'auto-intoxication, à force. Écoutez-le sur TF1 (le 9/11) nous raconter que tout va mieux, dans les cités, en matière de logement, d'emploi des jeunes ; c'est un spectacle consternant au cours duquel Borloo emploie un néologisme foireux, le terme " souchien " qui désigne le Français " de souche ", à ne pas confondre donc avec le " non-souchien " ! Il faut dire aussi que le journaliste de service du 20 heures aura évité de poser les questions qui dérangent, comme celle que soulève l'observatoire chargé des " quartiers difficiles " constatant le décalage entre le nombre, plus important, de logements démolis et celui de ceux construits dans le cadre du " programme national de la rénovation urbaine " de Borloo, programme qui est, comme nous l'avions dit dès le départ, un programme national de destruction des HLM. Ce que corroborent les chiffres : 29 % des démolitions seraient engagées contre 12 % des constructions. 41 % des démolitions seulement ont été compensées par la construction d'un nouveau logement social. Il n'y a pas photo. [Source : Les Échos, 9/11/06, p. 5].



Sarkozy en campagne contre les CDI



D'ores et déjà candidat de fait, Sarkozy fait siennes des propositions largement inspirées par le PCF ou le PS : droit au logement " opposable " (voir notre dossier logement en pages centrales), remboursement à l'État des aides publiques perçues par les entreprises qui délocalisent, modulation des taxations versées par les entreprises selon leur politique de l'emploi. À ces propositions d'accompagnement des délocalisations et des licenciements qui font désormais consensus, tout comme " la formation tout au long de la vie " destinée à accompagner la précarité et la misère (mais aussi à détruire l'école), Sarkozy ajoute le contrat unique de travail qui devrait se substituer aux CDI. " Ce sera un contrat dont les droits sociaux augmenteront au prorata du temps passé ", précise-t-il dans un entretien livré au quotidien patronal Les Échos, le 8 novembre. Ce sera donc, au mieux, un CNE renouvelable au bon vouloir des patrons, leur garantissant la liberté totale de licencier et les incitant à ne pas garder trop longtemps les salariés en place pour s'assurer contre " l'augmentation de leurs droits sociaux selon leur ancienneté ". C'est ce que Sarkozy appelle la " flexisécurité ". Mais au fait, que pensent de ce " contrat " les trois compères du PS qui se disputent la place de candidat de leur parti aux présidentielles ?



Fabius, gardien du projet du PS



Au cours des trois débats retransmis sur les chaînes LCP et LCI, ni Fabius, ni Strauss-Kahn, ni Royal n'ont trouvé quelque chose à y redire. Pas même Fabius, qui cherche à passer pour le plus à gauche puisque, à la différence des deux autres, il avait appelé à voter non à la Constitution européenne, pour tenter de conjurer une nouvelle fracture entre le PS et la classe ouvrière qui, comme un seul homme, a voté non. Cela n'empêche cependant pas Fabius de plaider en faveur d'un gouvernement économique européen et d'un nouveau Traité constitutionnel et, cela, comme toujours, au nom du mythe de " l'Europe sociale ". Voilà qui indique que Fabius, à l'instar de ses deux comparses, se situe sur le terrain de l'intégration européenne capitaliste, se montrant simplement plus prudent sur la question de " l'élargissement de l'Europe ".

Comme ses deux collègues, il n'a rien à dire en défense des régimes spéciaux de retraite que Fillon et Sarkozy ont pris pour cible.

Dégageant en touche, son collègue Strauss-Kahn fera remarquer au cours du débat du 17 octobre que " la CGT demande une remise à plat " de ces régimes particuliers. Comment comprendre ? Rappelons que Fabius a été, en 2001, l'auteur de la loi instaurant en France l'épargne-retraite, dénoncée alors par la CGT comme " l'antichambre des fonds de pension ". Soutenu par Mélenchon, Fabius, l'ancien Premier ministre de Mitterrand (1984-1986) qui porte la marque indélébile du sang contaminé, peine à se démarquer de ses deux concurrents, se posant comme les deux autres en défenseur de l'État d'Israël, se confinant lui-même dans le cadre vermoulu du " projet socialiste " dont il se prétend le meilleur défenseur et se plaignant de ce que Ségolène Royal complète ce sacro-saint projet par ses propres additifs.



Royal en campagne contre les enseignants



Derniers en date de ces " compléments " apportés par Royal au projet du PS, ceux contenus dans les propos capturés par un vidéaste amateur à Angers : " il va falloir être assez révolutionnaire dans les propositions qu'on va faire. Moi, j'ai fait une proposition - par ailleurs je ne vais pas encore la crier sur les toits [souligné par nous] parce que je ne veux pas prendre des coups des organisations syndicales enseignantes. [...] Il faut un pacte pendant la préparation du programme du PS avec les organisations syndicales, il faut un pacte avec elles, pour que si on arrive aux responsabilités, on soit directement opérationnels et je pense qu'un des noeuds de l'échec scolaire se joue au collège, c'est-à-dire que les enfants arrivent en 6e, 5e, et là, s'ils décrochent, on sait déjà ceux qui n'iront pas jusqu'au baccalauréat ou ceux qui seront en situation de décrochage scolaire. Moi je pense qu'une des révolutions, c'est de faire les 35 heures au collège, c'est-à-dire que les enseignants restent 35 heures au collège et dans ce paquet global il y a des cours, mais ils ne quittent pas le collège quand ils ont fini leurs cours, parce qu'on est dans un système ou finalement les parents qui ont les moyens ou même ceux qui se saignent aux quatre veines lorsque leurs enfants sont en difficulté, qu'est-ce qu'ils font ? Ils donnent des cours de soutien individualisé. On est quand même dans un système absurde où aujourd'hui en France, on a maintenant des entreprises cotées en bourse de soutien scolaire, Acadomia, etc. qui donnent droit à des déductions fiscales et ceux qui font cours dans ces entreprises ... euh ... C'est les profs du public. Donc, comment se fait-il que des enseignants du service public aient le temps d'aller faire du soutien individualisé payant et ils n'ont pas le temps de faire du soutien individualisé gratuit dans les établissements scolaires ? [rires dans la salle] Mais [...] je pense que si on ne fait pas un pas y compris pourquoi pas avec la nouvelle génération d'enseignants, si les autres nous disent ben non, droits acquis, on fait nos 17 heures de cours [c'est 18 heures pour un certifié, et non 17, NdlR] et on s'en va ! ". Tout d'abord, depuis quand les syndicats, moyennant un pacte, devraient-ils être impliqués dans l'élaboration du programme électoral d'un parti politique, quel qu'il soit ? Passant outre la Charte d'Amiens qui, en 1906, a scellé l'indépendance réciproque des syndicats et des partis, Ségolène Royal, dans une réunion - il est vrai confidentielle - s'en prend avec un fiel digne d'un Claude Allègre, ministre sous Jospin, aux enseignants. Embarrassé, Yves Durand, ancien secrétaire national du PS à l'Éducation, doit rappeler que " Les enseignants sont aujourd'hui bien au-delà des 35 heures, si on met bout à bout les heures de cours, les heures de préparation et de correction des copies, le temps passé dans l'établissement hors de la classe pour les conseils de classe, etc. ".Quant à Bernard Boisseau, secrétaire du SNES, il précise que " La grande masse des enseignants n'a pas la possibilité par rapport à sa charge de travail de faire des activités extérieures ". La perfidie et la grossièreté du personnage qu'incarne Ségolène Royal s'étalent ainsi dans leurs grandes largeurs.
Modifié le mardi 28 novembre 2006
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