Ce qui se dessine

Où l’on voit les médias bien mangeants se ruer vers « la ruée sur le Nutella », pendant que Macron se baffre avec les 140 plus grands capitalistes planétaires. Où l’on voit la cote de popularité du précieux ridicule reprendre sa chute. Où l’on voit les abstentions dépasser les 80 % dans une circonscription du Val-d’Oise. Où l’on sent que LREM se fracture. Où l’on entend les chefs du NPA faire la leçon aux exploités et opprimés. Tandis que la pauvreté, la précarité frappent des couches toujours plus larges de la population.

Philippe PoutouPhilippe Poutou
(Photo : REUTERS/Gonzalo Fuentes)

Les médias patentés sont serviles. Il leur fallait montrer des images du peuple, se bousculant pour des pots de Nutella affichant une réduction de 70 %. Cela tranche, il est vrai, avec les ors du château de Versailles accueillant l’orgie des grands hommes d’affaires de ce monde, sous le regard flatteur et flatté du Macron. Les commentateurs peuvent se rabattre sur les miettes du festin. Avant de montrer du doigt, les gens. Ceux qui pourront faire plaisir à leurs enfants en leur rapportant un pot de Nutella. Il faut que la « vile multitude » apprenne à avoir honte d’elle, qu’on lui montre ce que serait, selon les sources proches du dossier, son « vrai visage ». Son vrai visage se dessine déjà, c’est celui de la colère, de la révolte et du refus.

Des abstentions immenses

Ces médias se doivent aussi de refléter l’inquiétude des puissants. Macron vient-il d’annoncer un plan de départs volontaires de 120 000 fonctionnaires. L’éditorialiste du Parisien s’enquiert : « Certes, depuis le début du quinquennat, les mouvements de contestation, notamment sur le Code du travail et l’Education ont fait long feu ou ne « prennent » pas. Le Chef de l’Etat peut se dire que c’est le moment de réformer. Quitte à trop charger la barque ? » 1

LREM, la « mauvaise série »

Commentant les résultats des « partielles » de ce dimanche 4 février, marquées à Belfort comme dans le 95, par des abstentions de force 7 ou 8, Christian Jacob, qui n’a certes rien d’un prix Nobel, lâche : « sévère avertissement pour Emmanuel Macron, un président qui ne sent pas la contestation monter, sur le pouvoir d'achat, la CSG ou la sécurité ». Commentaire du Point : « Après des sénatoriales en septembre et un scrutin régional corse décevants pour LREM en décembre, la mauvaise série se poursuit pour le parti présidentiel ». Mais un haut-parlementaire LREM invite à ne pas « ne pas surinterpréter ces résultats » 2. En effet, la bande à Wauquiez aurait tort de pavoiser, au regard du taux d’abstention immense. Ces gens-là « gagnent » en perdant des voix.

Le résultat du 1er tour à Belfort mérite qu’on s’y arrête : 70 % d’abstentions, un PS à 2,7 % des exprimés, un FN plongeant à 7,5 % et les « patriotes » de Philippot à 2 %. 11,5 % des exprimés pour LFI n’a rien d’un « bon score ».

Dans le même temps, les sondages jouent de nouveau un mauvais tour à Macron : la remontée, largement « surinterprétée » n’était que le début d’une nouvelle descente. A 37 %.

Les dirigeants du NPA, profil bas

Dans une telle situation, un parti anticapitaliste digne de ce nom montrerait que l’ennemi est faible, que le refus est général et que l’heure est à la rupture des organisations syndicales avec Macron, l’arrêt des pourparlers avec lui. Mais les chefs du NPA délivrent aux médias un tout autre discours : « à un moment donné, il faut vraiment qu'il y ait de la colère qui s'exprime dans la rue. Mais, c'est vrai qu'aujourd'hui, de ce point de vue-là, on n'y arrive pas. (…) Lors de la mobilisation contre "les ordonnances Macron". Il y a quand même un échec. (...) il y a une grosse difficulté à avoir confiance en soi, à avoir le moral pour s'organiser, pour se battre, pour résister(…) Nous, on essaye de dire : "Si, il va falloir qu'on se batte, il y a un système économique pourri, injuste, et il faut relever la tête" » 3.

« Anticapitalistes » mais sectaires

Ces chefs « anticapitalistes » reportent sur les travailleurs et les jeunes leur propre défaitisme. Ils adressent aux masses leurs ultimatums et leurs cours de morale mais n’ont rien à dire contre ces hauts-dirigeants syndicalistes qui pactisent avec Macron dans des pourparlers permanents sur l’aménagement des ordonnances et

des réformes. Leur opportunisme vis-à-vis de Mailly-Martinez (et Mélenchon) n’a d’égal que leur sectarisme à l’égard des masses. En son temps, Trotsky disait des sectaires : « Incapables de trouver accès aux masses, ils les accusent volontiers d'être incapables de s'élever jusqu'aux idées révolutionnaires. » 4. Des « dirigeants anticapitalistes » qui n’ont pas confiance dans la capacité des travailleurs, des chômeurs et des jeunes à se mobiliser par eux-mêmes ne servent à rien. Ou alors : à rien de bon.



Stéphane Nakache,
4 février 2018



1 Le Parisien : Édito du vendredi 2 février 2018.

2 http://www.lepoint.fr/societe/legislative-partielle-dans-le-territoire-de-belfort-ian-boucard-lr-annonce-son-election-04-02-2018-2192150_23.php

3 Interview de P. Poutou pour France-info : https://npa2009.org/actualite/politique/philippe-poutou-il-y-besoin-de-reconstruire-un-mouvement-social

4 https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran19.html

Modifié le mardi 13 février 2018
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