Venezuela : La constituante et maintenant ?

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 11 – mercredi 16 août 2017

Article de Sergio Garcia*

Finalement la constituante de Maduro a été votée. Ce qui était prévisible est arrivé. Le vote s'est déroulé au milieu des journées d'action de la droite (MUD). Nous ne soutenons absolument pas ces manifestations et ne partageons rien avec la coalition de droite.

Venezuela : La constituante et maintenant ?
(photo: AFP/Ronaldo Schemidt)

Le CNE Conseil National Electoral, comme le gouvernement, a annoncé 8 millions de votants.

la MUD, qui ment tout autant, parle au contraire d'un vote presque inexistant. Les uns et les autres mentent chacun de leur côté et inventent des chiffres pour prouver qu'ils ont raison. Leur guerre des chiffres ignore la réalité.

La journée de dimanche a montré un gouvernement et un appareil d’Etat affaibli. Les résultats annoncés par le CNE sont disproportionnés.

En comparant les chiffres officiels on s'aperçoit que Maduro aurait été soutenu dimanche par plus de personnes que Chavez en 2012, ou encore qu’il aurait récupéré près de 2 millions et demi de vote depuis sa dernière élection de 2015 où il a été battu.

Qui peut croire honnêtement ou objectivement ces chiffres alors qu'on voit que le gouvernement a perdu de manière évidente une grande partie de son soutien social ?

La réalité du vote est bien loin des chiffres annoncés par le CNE mais aussi des mensonges de la MUD. Dimanche le grand gagnant a été l'abstention, la majorité des quartiers populaires n'a pas voté. C'est le message silencieux de millions de Vénézuélien qui ont encore une fois exprimé un mécontentement grandissant. Le gouvernement a annoncé des chiffres faux pour affirmer qu'il s'agit du taux de participation le plus important depuis longtemps, ce qui selon lui devrait lui permettre de continuer ses plans de restrictions des droits démocratiques et pour aller vers un plus grand bradage du pays à l'impérialisme.

Non à l'ingérence étrangère

Trump et les gouvernements alliés de la région commentent les résultats et la catastrophe visible de la politique du gouvernement Maduro pour reprendre eux-mêmes les rênes. Nous sommes pour combattre les menaces et les sanctions, préparées dans un esprit de vengeance par les organisations internationales et les gouvernements qui veulent enfoncer le peuple vénézuélien.

C'est le peuple qui devra trouver la voie lui-même pour déterminer son propre avenir et certainement pas un gouvernement décadant ni les puissances impérialistes ni la bureaucratie ni Macri.

Marea socialista réaffirme sa position :

Il est évident que nous repoussons la politique et les actions de la MUD.

Les dirigeants de droite ont fait un pari effronté en essayant d'imposer un changement violent pour permettre l'ingérence étrangère. Ils ont fait croire à ceux qui les ont suivis de manière erronée qu’ils représentaient la solution au problème du Venezuela. Ils leur ont fait risquer leur vie, certains l’ont même perdue dans l'espoir d'un changement que la MUD ne souhaite même pas.

La MUD doit être combattue, c'est le premier point d'une politique de gauche et révolutionnaire au Venezuela.

Nous dénonçons ses plans et ne soutenons pas ses opérations comme a pu le faire un secteur de la gauche au Venezuela lié au FIT d’Argentine.

Vers un régime toujours plus antidémocratique

L'assemblée constituante va s'installer. Le processus est antidémocratique depuis le début. Le but n'était pas de consulter le peuple comme le prévoit la constitution bolivarienne. Il n'y avait pas de règles claires ni de liberté réelle de participation ni d’explication sur la portée de l'élection d'une assemblée constituante comme aurait pu le faire Chavez .

Est-ce que la constituante va apporter du mieux au Venezuela, plus de droits sociaux, plus de liberté démocratique ? Non.

Cette constituante n'est pas mise en place pour donner un élan progressiste mais pour consolider les contre-réformes économiques et la remise en cause des libertés politiques. Le premier but est de continuer à administrer les affaires et les bénéfices du pétrole.

Cette constituante vise à consolider un modèle anti-populaire, à augmenter les pouvoirs du régime et de sa bureaucratie, à réduire les droits politiques et sociaux, à harceler encore plus l'opposition de gauche, « le chavisme critique », les représentants authentiques des mouvements sociaux. Ceux que Maduro accuse, dans le plus pur style stalinien, d'être des agents de la CIA.

La gauche et Maduro

Ceux qui soutiennent Maduro lui permettent d’appliquer ses plans. Quelques secteurs de la gauche continuent à jouer le rôle de porte-parole docile de Maduro. Certains intellectuels ou figures du Chavisme redoublent de vigueur pour affirmer "au Venezuela 8 millions ont voté » « la révolution bolivarienne revit » « le peuple a re-legitimé le gouvernement".

Il s'agit là, en dehors de toute indépendance intellectuelle, d'une adaptation à un appareil bourgeois, stalinien, enrichi par l'État pétrolier.

Ces déclarations suscitent un mélange de honte et d'indignation parmi ceux qui ne peuvent pas s'exprimer.

Ces dernières semaines où j'ai séjourné à Caracas, j’ai assisté à tout autre chose dans la rue. En visionnant des vidéos, des extraits audio diffusés par des medias indépendants montrent la catastrophe quotidienne causée par le gouvernement. J’ai vu que Maduro perdait l’appui de sa base sociale.

C'est pour cela que nous organisons une alternative contre les plans de la MUD et contre le gouvernement qui a rompu avec le meilleur du mouvement Bolivarien. L'objectif nécessaire est de construire une troisième solution à partir des propres racines du processus Bolivarien, à partir des milliers et milliers qui ne sont pas allés voter dimanche et qui ne se sentent pas représentés ni par la MUD ou le gouvernement.

Nos camarades de Maréa socialista se sont adressés à tous ceux-là le 31 juillet : "une troisième voie se renforce depuis les derniers mois, elle grandit, elle forme sa personnalité et commence à apparaître comme une nouvelle référence politique à l'extérieur de la MUD et du gouvernement. Il s'agit bien d'un phénomène politique qui est nommé par la presse locale et internationale comme « Chavisme critique » et qu'ils essaient d’étiqueter maintenant de "chaviste non maduriste".

De plus en plus de militants s’engagent dans cette voie, des groupes de gauche ou des organisations démocratiques qui pour certaines ne viennent pas du chavisme, s’organisent entre elles.

Ce processus est caché par le gouvernement. Il voudrait, par tous les moyens, qu’il soit complètement invisible.

De notre côté, nous cherchons à organiser efficacement :
Tous ceux qui ont participé à l'espoir suscité par Chavez, sans craindre en même temps d'établir un bilan critique nécessaire du processus Bolivarien et de Chavez…
Tous ceux qui ont commencé à s'organiser contre la bureaucratisation brutale de la tête du PSUV, Tous ceux qui ont décidé d'affronter le décret de l'arc minier de l’Orénoque,
Tous ceux qui ont décidé de lutter contre l'instauration de zones économiques spéciales pour la réinstauration d'un capitalisme primaire soumis au capital financier.

À tous ceux qui rejettent le paiement d'une dette extérieure illégitime aux dépens de la santé du peuple et des moyens de se nourrir, à tous ceux qui sont fatigués de l'impunité des dirigeants qui ont détourné les fonds destinés à la nation, à tous ceux qui repoussent l'ingérence étrangère, à tous ceux qui cherchent des solutions en dehors du système capitaliste, à tous ceux qui luttent contre l'oppression, contre la ségrégation raciale, l'oppression culturelle et matérielle sur les peuples indiens, la destruction de la nature et de la vie et contre l'exploitation du travail.

Nous sommes maintenant beaucoup. Nous avons été séparés depuis trop longtemps. Ils ont bien essayé de nous inoculer une méfiance, souvent avec succès, pour nous maintenir séparer.

Chacun à notre tour, nous avons été poursuivis, accusés d'être des traîtres, des agents de la CIA ou de faire le jeu de la droite. Mais tout a une limite et chacun d'entre nous a trouvé la sienne.

Aujourd'hui, nous appelons à une autre initiative pour que tout le monde reste debout. Il s’agit de se construire comme un mouvement de gauche, démocratique, incluant des courants de pensée et d'action émancipatrice diverses soudées par la lutte pour la construction d'une nouvelle alternative politique.


Le 16 août 2017,
Traduction de Rémi Duteil.

* Sergio Garcia est dirigeant du MST dans « la Gauche au Front ». Il a vécu au Venezuela, il a été cofondateur du courant principal du « chavisme critique“ Marea Socialista”. Il vient de séjourner à Caracas ces dernières semaines.

Modifié le mercredi 16 août 2017
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