Notes pour la Catalogne

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 20 – jeudi 2 novembre 2017

La Catalogne est prise de révolution. Si nous nous en tenions à l’écume des choses, nous n’en dirions pas autant. Pourtant, une lutte pour le pouvoir est bel et bien engagée depuis plusieurs semaines par les masses.  Sommes-nous en train de rêver ? Les tout derniers développements n’indiquent-ils pas une « reprise en main » ? Rien n’est moins sûr. Une crise révolutionnaire est un tourbillon fait de rebondissements constants, de réalignements, de ruptures, de brusques changements d’humeur, sans que l’on puisse préjuger de leur rythme… Notre appréciation s’inscrit dans une chronologie, dans une trame événementielle.

Notes pour la Catalogne
Contenu

Soumette la Catalogne de gré ET de Force

Le fil des événements

2017 : de l’accélération à …la révolution

Puigdémont, l’apprenti sorcier

Vive le référendum du 1er octobre

Du 1er au 31 octobre

Et, maintenant ?

Rajoy : apprenti sorcier et incendiaire

Ce que certaines organisations d’extrême gauche décrivent comme un bras de fer entre une poignée de dirigeants autonomistes bourgeois et l’Etat espagnol – pot de terre contre pot de fer – est en réalité un face à face entre les masses catalanes et la Monarchie franquiste. Il est hors de question pour nous de prédire ce qu’il en adviendra prochainement mais l’Espagne tout entière est marquée au fer rouge de cet embrasement général de la Catalogne.

Soumette la Catalogne de gré ET de Force

Ceux qui ont tenté d’empêcher un référendum par la force imposent aujourd’hui des élections par la force : ils ont destitué le gouvernement catalan, organisé une manifestation sur le mot d’ordre « Puigdémont en prison ».

Une partie des manifestants exécutait le salut nazi. (Voir plus loin dans ce document)

Une grande partie des manifestants, catalans d’un jour, venait de toute la péninsule ibérique, mêlée à la bourgeoisie catalane et aux strates supérieures de la petite bourgeoisie locale. Bien entendu, le chiffre de un million brandi par les médias aux ordres espagnols et français est un bobard complet : il y avait des dizaines de milliers de personnes et, à tout rompre, moins du demi-million, ce que les vues aériennes permettent d’établir.

Malgré toute la logistique déployée par la Monarchie, malgré la mobilisation des « socialistes » main dans la main avec les pires franquistes, cette manifestation « unioniste » était de bien moindre ampleur que les manifestations « séparatistes ».

La volonté des larges masses ouvrières, petites bourgeoises, jeunes et pauvres s’est affirmé clairement lors de ces grandes manifestations : Vive notre référendum ! Vive notre République ! A bas la monarchie !

La matraque dans une main, le Code électoral dans l’autre, Rajoy espère soumettre la Catalogne de gré ET de force.

Le fil des événements

Les médias aux ordres ne ménagent pas leurs efforts pour que nous perdions de vue le fil des événements récents et pour « renverser la charge de la preuve ».

Par exemple : c’est bien l’annonce de la mise sous tutelle de la Catalogne – destitution du gouvernement local et dissolution du parlement « régional » - qui a contraint Puigdémont à proclamer « la république catalane », sous la poussée des masses qu’il ne « tient pas ». Les médias nous expliquent l’inverse : l’Etat espagnol aurait mis en route l’article 155 de la Constitution en réaction à cette déclaration d’indépendance…

Autre exemple : le périodique Le Point livre à ses lecteurs une chronologie des faits qui débute …le 1 er octobre et non le 21 septembre, lorsque la première phase du COUP D’ ETAT de la Monarchie en Catalogne a été perpétré : irruption de milliers de gardes civils, de « forces anti-émeute », arrestations massives, perquisitions.

Il est tout d’abord nécessaire de rappeler que le statut d’autonomie de la Catalogne, octroyé par la Constitution monarchiste de 1978 avait été élargi au cours des années 2006-2009 de façon à permettre à la Généralité de Catalogne de prélever les impôts sous réserve de reverser à l’Etat Espagnol 50% de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la valeur ajoutée, équivalent de la TVA française.

Il convient ici de préciser que l’autonomie fiscale au Pays basque est plus large. Selon Wikipedia « La Communauté autonome basque possède son propre Impôt sur le Revenu des personnes Physiques, son propre Impôt sur les Sociétés et ses propres impôts sur le Patrimoines, sur les Successions et les Donations. Il fixe les taux, perçoit les recettes et gère seul le produit de ces différents impôts. En vertu du même accord, la Communauté autonome basque est tenue de financer une part des charges générales de l’État espagnol, pour l’essentiel la défense et la représentation diplomatique. Cette contribution (« cupo ») s’élève chaque année à 6,24 % du PIB de la Communauté autonome basque. Il est intéressant de constater qu’il s’agit ici d’un système inverse à celui qui existe en France puisque dans le cas de la Communauté autonome basque, c’est la collectivité territoriale qui finance une partie des dépenses de l’État central. 1

Le statut de 2006 reconnait très formellement que la Catalogne est une nation au sein de l’Espagne et que la langue Catalane est pour ainsi dire « prioritaire » sur la langue espagnole (en réalité : castillane) mais, dans les faits, la Catalogne reste subordonnée à l’Etat espagnol. Ce statut est une sorte de « moyen terme » et comme souvent le moyen terme, la « demi-mesure » est la pire des solutions : elle ne répond pas à l’aspiration à une Catalogne libre et elle est en même temps une concession que l’Etat central cherchera à reprendre.

En 2010, les améliorations apportées en 2006 au statut de la Catalogne sont abolies alors qu’une terrible crise sociale secoue toute l’Espagne, mêlée à une crise institutionnelle généralisée.

Sur la base d’une première consultation populaire en novembre 2014, le parlement catalan vote pour le processus d’indépendance. De 2010 à nos jours, des manifestations monstres en faveur de l’indépendance se sont déroulées, combinées au mouvement de l’indignation.

2017 : de l’accélération à …la révolution

En juin, Puigdémont a donc annoncé qu’en dépit des menaces de poursuites devant les tribunaux, le référendum de « déconnexion » de l’Espagne se tiendra le 1er octobre. A cette étape, il prie encore pour un soutien de l’Union européenne à sa cause qui, bien entendu, n’est pas la cause du peuple catalan. Puigdémont est un bourgeois catholique conservateur, une sorte de Bayrou catalan. Mais le 20 septembre, Rajoy riposte par un Coup d’Etat qui ne dit pas son nom.

Dès le lendemain, nous appelons à une campagne unitaire de solidarité avec le peuple catalan :

« Depuis hier, la Catalogne est exposée à un Coup d’Etat du gouvernement de la Monarchie espagnole héritée de Franco.

Le but de ce coup d’Etat qui ne dit pas son nom est d’empêcher la tenue d’un référendum vers l’indépendance, prévu le 1er octobre prochain. 70% des catalans veulent pouvoir décider librement de leur avenir.

Ainsi, 14 membres du gouvernement de la généralité de Catalogne ont été arrêtés, hier, 20 septembre.

De nombreuses perquisitions ont été menées par la Garde civile (police héritée de Franco) en vue de confisquer le matériel électoral (urnes, bulletins de vote). Carle Puigdemont, président de la généralité de Catalogne est poursuivi en Justice pour son action en faveur d’un référendum libre et démocratique. La Catalogne est mise sous tutelle.

L’Union Européenne a aussitôt choisi son camp : celui des oppresseurs de la Catalogne.

En réaction à cet affront qui rappelle les heures noires du franquisme, la riposte populaire ne s’est pas fait attendre. Dès hier soir, par dizaines de milliers, les catalans ont envahi Barcelone au cri de « dehors les forces d’occupation », « nous voulons voter ». Toute la presse internationale fait état d’un véritable embrasement de la Catalogne . »

Puigdémont, l’apprenti sorcier

Si Puigdémont avait pu pressentir qu’en annonçant le référendum, il allait déchaîner les éléments qu’il tentait de canaliser, il s’en serait bien gardé. Le voilà quasiment en position d’exilé et de pestiféré dans son propre « camp social » catalan et européen, menacé d’emprisonnement voire de mort, plongé dans un drame cornélien. Evidemment, le renoncement est dans sa culture, dans ses gênes politiques. Mais, s’il renonce totalement à présent, c’est déjà bien trop tard. Du point de vue de l’oligarchie financière, le mal est fait. Il est le bouc-émissaire tout désigné des dégâts économiques occasionnés par le Coup d’Etat monarchiste déclenché le 20 septembre qui a embrasé la Catalogne

Vive le référendum du 1er octobre !

Le référendum du 1er octobre a donné une participation de 43% dans les conditions extrêmes que l’on sait, où de très nombreux électeurs n’ont pas pu voter.

Rappelons le bilan chiffré ! 800 électeurs (et pompiers) pacifiques, armés de leur seul bulletin de vote ont été blessés.

Pour mémoire, le référendum « légal » sur le Statut d’autonomie de 2006 avait recueilli une participation de 49% et la consultation populaire de 2014, 35%.

Nous avions écrit, à chaud (les chiffres de participation n’étaient pas encore définitifs) :

« Plus de 800 blessés, des femmes traînées hors des bureaux de votes, des pompiers matraqués, des tirs de balles en caoutchouc, des personnes âgées au visage ensanglanté, telles sont les conditions dans lesquelles le référendum catalan s’est tenu, dans un territoire occupé par 10 000 gardes civils et policiers qui perquisitionnent, arrêtent , fouillent dans le cadre d’un coup d’État qui ne dit pas son nom.


Dans ces conditions, plus de 42% de la population catalane a voté, en chantant l’Estaca face aux troupes de répression de Rajoy et « no pasaran ». Dans ces conditions, 42% de votants, c’est un véritable exploit ! » Sur cette base et dans ces conditions extrêmes, le OUI à l’indépendance a obtenu 90% des voix.

Rappelons encore une fois aux grands démocrates français à l’esprit obtus et chagrin que « notre » Assemblée nationale dont l’élection s’est faite sur un tapis rouge est assise sur …39% des voix réelles. Ce qui n’empêche les opposants brevetés de considérer cette Assemblée comme « légitime ».

Du 1er au 31 octobre

2 octobre : le gouvernement catalan exige « le retrait de toutes les forces policières déployées en Catalogne en raison de cette répression ».

3 octobre : grève générale massivement suivie : port de Barcelone bloqué – suivie à 75 % dans le secteur de la santé. Le gouvernement y a appelé ainsi que la centrale libertaire CGT. En revanche, les dirigeants des centrales syndicales UGT et Commissions ouvrières lui ont tourné le dos 2 . Des centaines de milliers de catalans ont manifesté en scandant : « - "Dehors les forces d'occupation" - "Rajoy, démission » 3

4 octobre : le chef de la police catalane Josep Lluis Trapero ainsi que l’une de ses subalternes et des dirigeants des deux principales associations indépendantistes ont été convoqués « en vue de leur inculpation » dans le cadre d’une « enquête pour sédition ».

6 octobre : le gouvernement de l’Etat espagnol publie un décret extraordinaire facilitant le changement de siège social des entreprises à travers l’Espagne pour permettre à une entreprise de changer rapidement d’adresse, sur simple signature du conseil d’administration, Dans la foulée, les banques Sabadell, Caixabank ainsi que Gas Natural ont transféré leur siège social hors de Catalogne.

7 octobre : Rajoy, rejette toute conciliation et menace de déclencher l’article 155 de la Constitution franquiste qui lui permet de limoger le gouvernement catalan.

8 octobre : Venus de tout l’État espagnol, des centaines de milliers de manifestants défilent à Barcelone contre l’indépendance, rapporte l’Agence France Presse. Une quinzaine de sociétés, dont les banques CaixaBank et Banco de Sabadell et le groupe de gestion d’eau Agbar, filiale du français Suez Environnement, ont décidé depuis jeudi de transférer leurs sièges sociaux hors de Catalogne.

Ultimatum du gouvernement de l’état espagnol au président de la généralité de Catalogne : précisez d’ici le 9 octobre 10h qu’il n’y a pas de déclaration d’indépendance de la Catalogne, sinon nous utiliserons l’article 155 de la constitution espagnole et mettrons fin à l’autonomie de la Catalogne.

10 octobre : Puigdémont déclare ouvrir la voie à la constitution de la République indépendante de Catalogne Et ajoute : «Je propose de suspendre la mise en œuvre de cette déclaration d’indépendance pour entamer des discussions afin de parvenir à une solution négociée».

Nuit du 16 au 17 octobre : des premiers rassemblements et concerts de casseroles ont eu lieu dans la nuit de lundi à mardi pour exiger la libération de deux dirigeants séparatistes. Jordi Cuixart et Jordi Sanchez, responsables des deux principales associations indépendantistes de Catalogne, Omnium Cultural et l’Assemblée nationale catalane (ANC) ont été inculpés pour sédition et emprisonnés à la prison de Soto del Real, près de Madrid, en début de soirée lundi. ils sont soupçonnés d’avoir encouragé des manifestants à bloquer l’action des gardes civils espagnols perquisitionnant pour empêcher le referendum du 1er octobre interdit par l’Etat espagnol.

20 octobre : Rajoy, de concert avec le Parti socialiste (PSOE), se prépare à convoquer en janvier des élections en Catalogne, en application de l’article 155 de la Constitution qui lui permet de suspendre l’autonomie de la région.

21 octobre : Rajoy chef du gouvernement de l‘état espagnol annonce la suspension de ses fonctions du gouvernement catalan afin de convoquer de nouvelles élections pour empêcher la sécession de la Catalogne.

Dans l’après-midi, 450 000 personnes, selon la police locale, manifestent à Barcelone contre la décision du gouvernement de l’État espagnol de destituer le gouvernement catalan, de prendre toutes les manettes de l’administration de la Catalogne, depuis la police autonome jusqu’à la radio et la télévision publiques, et de mettre le parlement régional sous tutelle.

27 octobre : Le Parlement de Catalogne adopte à 15h27 une résolution déclarant que la région devient un « Etat indépendant prenant la forme d’une République ».

Plusieurs dizaines de milliers de manifestants indépendantistes rassemblés à l’extérieur saluent l’annonce du résultat par des clameurs de joie.

Quarante minutes après le vote de la déclaration d’indépendance au Parlement catalan, le Sénat de l’état espagnol approuve la mise sous tutelle de la république catalane en autorisant le recours à l’article 155 de la constitution de l’état espagnol. Dans la soirée, le chef du gouvernement Rajoy, annonce la destitution de l’exécutif autonome de Catalogne, la dissolution du Parlement.

La radio catalogne subit une agression fasciste qui passe sous silence dans les médias françaises qui juraient de leur antifascisme lorsqu’il s’agissait de faire élire Macron avec le plus de voix possible, grâce à l’épouvantail FN.



29 octobre : manifestation « unioniste » déjà évoquée (voir également plus loin dans notre document)

30 octobre : José Manuel Maza, le procureur général de l'état espagnol, a annoncé ce lundi midi les charges qu'il retenait contre les dirigeants catalans. "Tous les responsables de la Generalitat de Catalogne qui ont provoqué une crise institutionnelle qui s'est achevé par la déclaration unilatérale d'indépendance sont accusés de rébellion, sédition et malversation".

Les plaintes contre les membres du gouvernement de la Generalitat seront présentées devant la Haute Cour nationale.

31 octobre : Puigdémont en Belgique

Et, maintenant ?

Dans Mediapart de ce 31 octobre, un Entretien avec un « spécialiste » est mis en ligne 4 « Une partie des indépendantistes catalans espérait en finir avec la Constitution espagnole de 1978 et les politiques d’austérité de la droite. Mais c’est tout l’inverse qui se produit, avec la reprise en main de Madrid et le retour en force du PP de Rajoy, se désespère l’universitaire Joan Subirats, proche conseiller de la maire de Barcelone, Ada Colau. ». La toge de l’universitaire –expert ne lui confère pas forcément la perspicacité.

En outre, Ada Colau, maire de Barcelone, a salué …La manifestation « unioniste » de ce dimanche 29 octobre après avoir juré qu’elle était contre l’application de l’abject article 155 qui destitue le gouvernement catalan et place la Catalogne sous tutelle.



Ce « pluralisme » intègre ces manifestants exécutant le salut nazi 5

Cet universitaire le dit lui-même : « Et l’on assiste aussi à quelque chose de totalement inédit en Catalogne jusque-là : des manifestations massives avec des drapeaux espagnols. Y participent des gens d’extrême droite , certes, mais aussi des gens tout à fait normaux, qui sont inquiets de l’évolution de la situation. »

Citons la fin de cet Entretien avec Mediapart :

À chaque crise politique, Rajoy surprend tout le monde…

Rajoy a très bien joué ses cartes sur la crise catalane. Encore une fois. On le prend toujours pour un ignorant. Cette fois, il est parvenu à sauver l’essentiel pour lui : le soutien du PSOE [socialistes – ndlr]. À un moment, le PSOE a estimé qu’il était plus dangereux pour lui, à terme, de se rapprocher de Podemos sur la Catalogne avec un discours sur l’Espagne plurinationale, que de faire alliance avec le PP pour faire appliquer l’article 155 et la mise sous tutelle de la Catalogne. Les socialistes ont choisi une forme de repli stratégique, plutôt que la prise de risque. Ce fut l’un des tournants de la crise. Et maintenant, nous voici plongés dans un processus autoritaire et recentralisateur. D’autant que l’article 155, une fois que tu l’as utilisé, rien ne t’empêche d’y recourir à d’autres occasions.

Les élections du 21 décembre sont-elles une piste de sortie de crise ?

Elles peuvent servir, au moins, à revenir à la réalité.

Même si c’est le PP qui les a convoquées ?

Bien sûr que cela aurait été bien mieux si Puigdemont les avait convoquées. Il ne l’a pas fait, alors qu’il en avait l’intention, accusé de traîtrise par une partie de son camp. Il s’est donc réfugié dans une DUI 6 symbolique, sans effet. Depuis, je trouve qu’il a été plutôt prudent. Il aurait très bien pu appeler les forces vives de l’Assemblée nationale catalane (ANC) et les comités de défense du référendum (CDR), pour qu’ils encerclent les institutions et assurent l’accès du gouvernement régional aux bâtiments, face aux forces de l’ordre. Il ne l’a pas fait. Heureusement, puisque la situation aurait été encore pire. Mais cette prudence a aussi désorienté ses bases. Celles-ci ne comprennent plus rien. Tout le récit originel des indépendantistes repose sur l’héroïsme. À la fin, l’héroïsme a laissé place au silence : on n’a entendu aucun indépendantiste prendre la parole samedi ou dimanche, après la DUI [à l'exception de la déclaration télévisée de Puigdemont – ndlr]. C’est d’une irresponsabilité totale. Sans oublier ce voyage à Bruxelles…

Il faut garder à l'esprit, enfin, que cette campagne électorale va se dérouler dans un contexte de répression : les poursuites du parquet espagnol, l’article 155 qui place la Catalogne sous tutelle, les « Jordi » en prison [Jordi Sánchez et Jordi Cuixart, présidents des deux principales associations indépendantistes, l’Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium Cultural, incarcérés depuis une semaine – ndlr]… Les indépendantistes vont sans doute axer leur discours en partie là-dessus : ce ne sera pas tant « soyons indépendants », mais plutôt « récupérons nos institutions », « retrouvons notre gouvernement autonome »…

Encore une fois, nous ne sommes en rien les avocats de Puigdémont et il n’a pas été soupçonné de trahison par erreur. Mais, de la part de ceux qui, comme Podemos, la gauche unie issue du PC Espagnol, les chefs de l’UGT et des Commissions ouvrières et aussi le parti ouvrier socialiste internationaliste (lambertiste) qui ont tourné le dos au référendum du 1er octobre, l’accusation d’irresponsabilité ne tient pas. Toute cette gauche « radicale » prêchant le « légalisme » à tout prix s’est dressée contre la République catalane en gestation, cherchant à l’isoler. Leur responsabilité dans ce qui arrive pour l’instant est écrasante en réalité.

Tous ces « radicaux » sont les prisonniers volontaires d’une conception d’appareil de la vie vivante, d’une vision totalement bureaucratique des choses de la vie. Ils prétendent savoir de quoi demain sera fait. Comme Mélenchon en France, ils comptent les « points ».

Trotsky, qui a vécu des révolutions, soulignait :

« Les masses se mettent en révolution non point avec un plan tout fait de transformation sociale, mais dans l'âpre sentiment de ne pouvoir tolérer plus longtemps l'ancien régime. […] Le processus politique essentiel d'une révolution est précisément en ceci que la classe prend conscience des problèmes posés par la crise sociale, et que les masses s'orientent activement d'après la méthode des approximations successives. Les diverses étapes du processus révolutionnaire, consolidées par la substitution à tels partis d'autres toujours plus extrémistes , traduisent la poussée constamment renforcée des masses vers la gauche, aussi longtemps que cet élan ne se brise pas contre des obstacles objectifs. Alors commence la réaction : désenchantement dans certains milieux de la classe révolutionnaire, multiplication des indifférents, et, par suite, consolidation des forces contre-révolutionnaires » 7

Aussi, il importe de ne pas perdre de vue le point de départ déclencheur de la révolution catalane, à savoir : le Coup D’Etat amorcé le 20 septembre et qui trouve son prolongement dans l’application de l’article 155 de la Constitution monarchiste qui destitue le gouvernement catalan, dissout le parlement de Catalogne et met la Catalogne sous tutelle

Rajoy : apprenti sorcier et incendiaire

Que constatons-nous, à cette étape ?

  1. Contrairement aux dires de certaines organisations françaises : la bourgeoisie Catalane s’est rangée comme un seul homme dans les bras de la bourgeoisie castillane et européenne

  1. La manifestation « unioniste – pluraliste » du 29 octobre a montré qu’il existe une polarisation de classes autour de la question catalane – les « gens normaux » qui défilaient au coude à coude avec les fascistes et les socialistes-catalans sont des bourgeois ou ressortissants des couches aisées de la petite bourgeoisie, à l’opposé des manifestants qui aspirent à la séparation d’avec la Monarchie franquiste

  1. La fracture entre Puigdémont et tous les conciliateurs, d’un côté et les masses qui aspirent à la République catalane, de l’autre, se creuse C’est l’illustration de ce que Trotsky notait au lendemain de la Révolution russe de 1905: « Une révolution peut être accomplie par une nation qui se rassemble comme un lion se préparant à bondir, ou par une nation qui, au cours de la lutte, se divise de façon décisive, afin de libérer la meilleure partie d'elle-même pour l'accomplissement des tâches qu’elle est incapable d'accomplir comme un tout »8.

Face aux masses catalanes se dresse Rajoy mais aussi Trump-Macron-Merkel et toute l’Internationale des exploiteurs et oppresseurs des peuples.

Rajoy, c’est 22% des voix réelles aux dernières élections de 2016 9. Il ne doit son salut provisoire qu’au soutien du PSOE et à la volonté de Podemos de ne pas sortir du cadre et des limites de la Monarchie et de l’UE présentées comme « réformables ».

Rajoy n’a rien d’autre à « vendre » que des élections où « l’opposition démocratique catalane » va se présenter, le couteau sous la gorge : une opposition inculpée, retenue en otage ! C’est dire qu’il n’a rien d’autre à vendre que la répression et la Réaction.

Dans le meilleur des cas pour la Monarchie et ses affidés « socialistes », les manœuvres électorales et despotiques vont freiner le processus révolutionnaire engagé.

En aucune manière Rajoy (pas plus que les Podemos 10 qui peuvent mais ne veulent pas), ne pourra conjurer la crise institutionnelle générale dont souffre l’Espagne et la douloureuse crise sociale encore avivée par les « réformes » antiouvrières …Tandis que l’UE prend eau de toutes parts. Rajoy ? Faux colosse aux vrais pieds d’argile

Précisons encore, rien ne pourra « stabiliser » la situation

  • Tant que toutes les forces policières déployées en Catalogne ne seront pas retirées

  • Tant que la chasse aux sorcières contre les indépendantistes, les dirigeants destitués continuera

  • Tant que les deux « Jordi » embastillés pour délit d’opinion et appel à des manifestations pacifiques (voir plus haut) ne seront pas libérés et que les poursuites ne seront pas levées

  • Tant que se poursuivra la délocalisation des entreprises catalanes et la fuite des capitaux

Or, c’est par ces seuls moyens que Rajoy peut faire face à la République catalane en gestation et à l’Etat de légitime défense du peuple catalan. Rajoy est, à son tour, un apprenti sorcier dont les mesures déchaînent les éléments. C’est lui l’incendiaire.

A l’heure où nous bouclons cet article, 02-11-2017, nous apprenons que :

« Le parquet espagnol a demandé ce jeudi l'émission d'un mandat d'arrêt européen contre le président catalan destitué et quatre de ses "ministres", après leur refus de comparaître devant une juge d'instruction madrilène, selon une source judiciaire. La juge doit encore décider si elle accepte cette réquisition. Carles Puigdemont et 14 conseillers (ministres) du gouvernement de Catalogne, destitué le 27 octobre après la proclamation de la "République de Catalogne indépendante", étaient cités à comparaître dans une enquête pour sédition et rébellion. Mais M. Puigdemont, à Bruxelles depuis lundi, et quatre "ministres" ne se sont pas présentés à la convocation. » (Source : AFP)

Oui, c’est bien Rajoy, l’incendiaire !
Vive la République Catalane !
A bas la Monarchie !
Vive l’union des travailleurs et des peuples d’Espagne contre leur seul ennemi : Rajoy !



Le 2 novembre 2017


1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Autonomie_fiscale_basque

2 http://www.ugt.es/SitePages/NoticiaDetalle.aspx?idElemento=3200

3 Slogans recueillis dans : sur http://www.lemonde.fr/europe/live/2017/10/03/...

4 https://www.mediapart.fr/journal/international/011117/...

5 https://www.facebook.com/salvadorjust/videos/10210570093024004/

6 Déclaration unilatérale d’indépendance

7 https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr00.htm

8 https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/bilanp/bilan_persp_3.html

9 https://fr.wikipedia.org/wiki/...

10 PODEMOS signifie en français : NOUS POUVONS.

Modifié le jeudi 02 novembre 2017
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