« CE RÉGIME, NÉ DE L’ÉMEUTE, PÉRIRA PAR L’ÉMEUTE »*

(*Pierre Mendès-France – 1958)

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 76 – dimanche 2 décembre 2018

Au moment où nous écrivons ces lignes, la journée particulière de ce samedi 1er décembre n’est pas terminée. « Sous les gilets jaunes, la rage » titrait Mediapart hier. En état de légitime défense, en défense du droit de manifester en dehors d’un périmètre où il faut montrer une pièce d’identité et risquer d’être « nassé », les manifestants ripostent aux CRS. Face aux lances à eaux, ils mettent en route un tractopelle, ils se hissent sur le monument sacré. Oui, ce sont des scènes d’émeutes. Une situation qui appelle de toutes ses forces la grève générale, comme mesure de protection de la population. Nous viennent en tête aussi les images de ces jeunes lycéens de 15 ou 16 ans en sit-in pacifique, ce vendredi 30, matraqués par les CRS.

Michel Audiard aurait pu dire que Macron, retranché au G20, est « tombé dans une béchamel infernale » ou dans une centrifugeuse. Encore une fois, nous laissons à d’autres « avertis » et « oracles » - le soin méticuleux de coller des étiquettes sur les gilets jaunes et de nous dire de quoi sera fait demain, ou de crier « au loup »…Ou, à l’inverse, de se laisser griser.

« CE RÉGIME, NÉ DE L’ÉMEUTE, PÉRIRA PAR L’ÉMEUTE »*
© Maxppp - Léon Tanguy
Contenu

Un avorton politique

Crise politique/ Crise sociale

L’abstentionnisme du refus

La crise politique est aussi la crise médiatique

A propos des violences

« Béchamel infernale »

Notre position

Dernière minute

Dimanche 2 décembre

C’est en février 2017, lorsqu’explosait l’affaire Fillon après les éliminations successives de Sarkozy, Juppé, Hollande, Valls aux présidentielles que nous avons dit : nous entrons dans une situation révolutionnaire, tout en sachant bien sûr, que toute situation de ce type ne débouche pas automatiquement et fatalement sur la révolution proprement dite.

Un avorton politique

La crise du pouvoir était portée à incandescence. De cela, sortit un avorton politique, Macron, qui n’était sorti de nulle part ailleurs que de la cuisse de Jupiter (la Cuisine à Jupiter, disait Coluche).

Le plus jeune déchet du régime de la 5ème république, un régime bonapartiste déguisé en République « né de l’émeute » et du putsch militaire perpétré le 13 mai 1958, à Alger – sorte de préparation d’artillerie pour le « retour du Général » (de Gaulle).

Macron, fort mal élu, vautré sur une assemblée nationale encore plus mal élue et transformée en Cour des miracles, n’était pas et ne pouvait devenir un « Bonaparte », ni même un Bonaparte de poche ou un Bonapartillon. Juste un tyranneau, un autocrate, à la tête d’une monarchie bananière.



(Photo : PASCAL PAVANI/AFP/Getty Images)

Crise politique/Crise sociale

Fort mal élu, il fut fort bien servi par des « opposants »…de sa Majesté et par des hautes directions syndicales qui le légitimaient, qui se coulaient dans les ors du dialogue antisocial de ce chef de l’État qui, en lui-même, n’est RIEN. Pour tout bagage, les collèges de jésuites, les grandes écoles, les salles des marchés financiers et, sans passer par la case départ, le ministère de Bercy… Ignorance de la vie d’un cuistre, d’un aventurier sans aventures.

Le couple de forces Crise politique / Crise sociale, l’une nourrissant l’autre et réciproquement, risquait de provoquer une explosion, voire une série d’explosion.

La crise politique est non seulement la crise du pouvoir mais la crise de tous les appareils politiques et syndicaux qui, directement ou indirectement, sont liés au régime de la 5ème république, à ses rites, cherchant d’abord à ne pas sortir du cadre de l’Ordre établi, c’est à dire : l’Ordre bourgeois.

L’abstentionnisme du refus

Une des expressions de la crise politique généralisée, c’est l’abstentionnisme qui bat sans cesse de nouveaux records, trop vite assimilé à une « dépolitisation » et autres formules à la noix de ce genre. Cet abstentionnisme, apolitisme très politique, profondément ancré dans les classes populaires, est en réalité « une grève du vote » (nous n’avons pas attendu Mélenchon pour le dire, en ce qui nous concerne) dont le message est clair : plus personne ne nous représente.

Cet abstentionnisme du refus gagne désormais les élections professionnelles. A la RATP 1 , à la SNCF, du fait de la politique des Martinez et consort de syndicalisme asservi, dit de « proposition » au détriment des revendications qui unissent les salariés, les soude entre eux.

La crise politique est aussi la crise médiatique

Vient s’insérer dans cette crise totale, la crise des grands médias qui doivent à la fois relayer les messages du pouvoir et en même temps informer de ce qui se passe. Si ces medias sombrent dans la pure intox, elles perdent en audience. Qui plus est, elles doivent faire face à la « concurrence citoyenne » sur les réseaux sociaux. Les voilà tirées à hue et à dia entre leurs donneurs d’ordre (les Bolloré et autres) qui les paient à la commande et la population qui est censée les regarder, les écouter, les lire.

Elles jouent alors au jeu du brouillage. Brouiller les infos comme d’autres, il y a bien longtemps brouillaient Radio-Londres. Comme elles jouent aux détectives, histoire d’avoir l’air de contre-pouvoirs, elles traquent les « profils » inquiétants parmi les gilets jaunes, cherchant les aiguilles dans les bottes de paille. Les « profils » de « l’ultra –droite », ceux de « l’ultra-gauche » …Les « casseurs professionnels » ou, qui sait, le petit fils du commerçant Poujade qui avait sévi en 1956 et qu’il n’est vraiment pas nécessaire d’évoquer ici.

Dans le mouvement des gilets jaunes, il y a toute sorte de profils individuels, des hauts et des bas mais dans sa masse le mouvement est tourné contre la TVA, la dîme de notre temps, contre la vie chère et contre Macron et tout ce qu’il représente.

La masse est autrement plus politique que les Mélenchon et bien d’autres piaffeurs « érudits » qui connaissent, semble-t-il, tout du domaine connu

A propos des violences

Reste la question des violences.

Pour notre part, nous sommes partisans des actions les plus pacifiques et protectrices possible.

Ce samedi, nous avons vu comment naît la violence :

Restriction drastique du droit de manifester, manifestants devant être encadrés par ces forces en gilet noir « de Sécurité » munies de matraques, de grenades et gazeuses interdites dans nombres de pays du fait de leur toxicité 2 , sur ordre d’un ministre de l’Intérieur qui est la personnification de la Bavure préméditée !

Sur le fond, cette violence directe est produite par les mesures antisociales, antidémocratiques de Macron-Castaner (Philippe est placé visiblement hors-jeu) que l’on appelle, à juste raison, violence sociale du pouvoir.

Macron-Castaner ont été prévenus par un de leur spécialiste et non des moindres puisqu’il s’agit d’Alain Minc, qui fut conseiller de Rocard, puis Chirac et autres. Après avoir dit sagement que l’on ne pouvait juger les mesures de Macron sur six mois seulement, il avait, le 14 juillet de cette année, tiré un signal d’alarme

« En tout état de cause, on ne peut pas continuer comme cela, l’inégalité est trop forte. On risque l’insurrection » 3

L’émeute est directement et totalement causée par le régime en chute libre de la 5ème république et de son chef actuel Macron, ses taxes, ses réformes, ses matraques, ses cadeaux pour les très riches et ses coups de menton.

« Béchamel infernale »

Nous n’en sommes pas à l’insurrection, ni même à la révolution mais à ses premiers balbutiements, ses premières touches. A cette étape, les gilets jaunes ne font que riposter, en État de légitime défense sociale et physique, à la violence physique de l’État.

Nous ne parlons pas ici des « casseurs » qu’instrumentalise la propagande de Castaner pour justifier ses frappes, qui surgissent toujours en marge des mouvements confrontés à la répression policière.

« Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple . » avait lancé de façon sarcastique le dramaturge Bertold Brecht. Telle est le but que s’assigne la répression dressée par Macron-Castaner face à la colère qu’il a déclenchée, une colère qui est sortie de ses gonds. Cette répression est d’abord l’aveu d’impuissance du pouvoir, pris dans une spirale infernale depuis plusieurs mois, dans cette Béchamel infernale …

Notre position

  1. Nous pensons que l’issue est dans la grève générale, tous ensemble, au même moment. La colère généralisée y trouverait sa plus haute et plus sûre expression - En précisant ceci : nous n’opposons pas la grève générale au mouvement tel qu’il se présente, tel qu’il se manifeste.

  1. Le drapeau bleu-blanc-rouge n’est pas notre drapeau , tous nos lecteurs le savent. En 1871, il est devenu le drapeau de la saint alliance entre monarchistes opportunistes et républicains opportunistes pour écraser la Commune de Paris, massacrer les communards. Beaucoup de gens identifient encore ce drapeau à la grande révolution française, une révolution que Macron vomit de toutes ses tripes. De quel droit leur ferait-on la leçon ?

  1. La Marseillaise qui fut révolutionnaire lorsqu’il était le chant de l’armée révolutionnaire du Rhin n’est pas notre chant dès lors qu’il est devenu l’hymne «d’union sacrée »de l’État capitaliste, au son duquel tant d’ouvriers et de paysans ont été transformé en chair à canon en 1914. Là encore, pour beaucoup, cet hymne reste avant un chant de révolution démocratique. Un chant où il est affirmé : « l’étendard sanglant est levé », l’étendard sanglant, c’est-à-dire : le drapeau rouge !

  1. En revanche, nous n’avons rien à voir avec ceux qui retournent le drapeau rouge, notre drapeau commun, contre un mouvement spontané qui, dans les faits, combat pour de justes droits et s’insurge contre le pouvoir. C’est malheureusement ce que les porte-parole d’un hypothétique « parti ouvrier » ont fait, par-dessus la tête des militants dont il est censé porter la parole. 4

  1. Nous soutenons sans condition les gilets-jaunes, dans leur masse et leur volonté de faire bloc . Nous attendons du mouvement ouvrier et démocratique qu’il intervienne, a minima, pour la levée de toutes les poursuites, l’arrêt des atteintes provocatrices au droit de manifester, l’arrêt de la violence policière du pouvoir.


Samedi 1er décembre 2018



(Photo Yann Castanier)

Dernière minute

Dimanche 2 décembre :

- Mélenchon, n’ayant pu récupérer le mouvement spontané en gilet jaune qui a surgi et entend de plus en plus « Dégager Macron », a trouvé la parade de la « dissolution de l’assemblée » et de nouvelles législatives, montrant ainsi qu’il veut « sauver le soldat Macron » 5 . Chante cocotte !

- revenant sur les manifestations du 27 novembre, Mediapart relate « les forces de sécurité ont été débordées par l’ampleur de la manifestation, et elles ont fait usage d’une des munitions les plus dangereuses dont elles disposent encore : des grenades GLI-F4. » La l’État français est le seul État à utiliser ce type d’armes contre des manifestants. Un jeune homme de 21 ans a eu la main arrachée par ce type de grenades, dignes d’une Police de guerre civile.

- le pouvoir brandit en ce moment la menace de l’état d’urgence contre toute la population ;

- des jonctions, à la base, des syndicalistes avec les gilets jaunes ont été constatées.

Nous serons conduits à publier dans les tout prochains jours sur les nouveaux développements de la Colère généralisée qui cherche à en finir avec Macron et toute sa politique.









1 http://www.cgt-ratp.fr/elections-professionnelles-a-la-ratp/

2 https://rmc.bfmtv.com/emission/la-france-seul-pays-au-monde...

3 http://www.liberation.fr/france/2018/07/08/alain-minc-l-inegalite-est-trop-forte-nous-risquons-une-insurrection...

4 Editorial de D. Gluckstein – hebdo «la tribune des travailleurs » du 21-11-2018 « Rouge est le drapeau des travailleurs ». selon cet éditorialiste, le discours qui domine les blocages – était « généralement porté par des « gilets jaunes » expérimentés et organisés souvent porté par des militants de droite extrême et d’extrême-droite venus avec leur cargaison de drapeaux tricolores et d’insultes racistes, leurs méthodes de terreur et de haine de l’ouvrier ». Au mieux : une conception policière des choses, propices aux amalgames.

5 https://www.lemonde.fr/politique/live/2018/12/02/gilets-jaunes-suivez-les-reactions-en-direct...

Modifié le dimanche 02 décembre 2018
Voir aussi dans la catégorie Lettre de la Commune - Chronique Hebdo
Il y a quelque chose de pourri au royaume de MacronIl y a quelque chose de pourri au royaume de Macron

Un pouvoir en marche pour sa réélection qui n’en finit pas de traîner des casseroles judiciaires … Une classe politique en décalage total avec la clairvoyance des masses … la fin de régime...

« La colère sociale est là » ...« La colère sociale est là » ...

A la question ; « Craignez-vous un printemps social ? », Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, invité au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI du 31 janvier 2021, avait répondu : « Non, je...

Nous sommes en guerre … contre Macron !Nous sommes en guerre … contre Macron !

Leurs élections valent plus que nos vies ! Au plus haut niveau de l’État, toutes et tous savaient, aucun.e n’a rien fait ! C’est l’aveu de l’ex-ministre de la santé, Agnès Buzyn, fait...

Pour en finir avec Macron !Pour en finir avec Macron !

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 124 - Jeudi 30 janvier 2020 Après 56 jours d’un conflit historique, c’est peu dire que Macron et sa politique sont rejetés par une grande majorité...

PAS DE RETRAIT, PAS DE TRÊVE ! PAS DE RETRAIT, PAS DE RENTRÉE !PAS DE RETRAIT, PAS DE TRÊVE ! PAS DE RETRAIT, PAS DE RENTRÉE !

La Lettre de La Commune, nouvelle série, n° 123 - Samedi 28 décembre 2019 Déjouant tous les pronostics, la détermination et la pugnacité des grévistes restent intactes au 24ème jour de grève...

Contre Macron et sa réforme des retraites : grève générale !Contre Macron et sa réforme des retraites : grève générale !

La démonstration de force des salariés contre la réforme des retraites engagée le 5 décembre se poursuit et certains secteurs très déterminés comme les transports publics (SNCF, RATP),...



HAUT