République – Nation – Lutte de classes (Réponse à Denis Collin)

Nous répondons volontiers à Denis Collin qui, sur le site La Sociale, s’est engagé dans un libre débat contradictoire avec nous, sur des questions de théorie, la théorie étant pour nous une « mise en train pour l’action ». La théorie, c’est pratique. Il ne saurait être question pour nous de cultiver l’art de la divergence, mais de confronter nos points de vue différents et mêmes divergents en vue d’une action commune.  Du point de vue de la nécessité d’un parti de classe et de lutte de classes. Un parti dans lequel les trotskystes que nous sommes seront un courant, dans un cadre qui ne sera ni monolithique, ni hégémoniste.

République – Nation – Lutte de classes (Réponse à Denis Collin)

« Ces « vieilles formules » [république laïque, démocratique et sociale] non seulement gardent toute leur actualité mais encore sont les seules à même de définir une orientation politique émancipatrice . » Ainsi parle Denis Collin. La république est une forme de l’Etat. Et ce qu’il va éluder tout au long de sa démonstration, est la nature de l’Etat, sa place et son rôle. Tout ce que nous avons tenté de rappeler dans la série de quatre articles que nous avons écrit, ces tout derniers mois sur le marxisme et l’Etat.

Qui détient le « pouvoir politique souverain » ?

Reprenons le cheminement de la pensée de Denis Collin :« L’idée d’un pouvoir politique souverain est une idée très simple à comprendre. Un pouvoir souverain est un pouvoir au-dessus duquel il n’existe aucun autre pouvoir. L’Europe moderne s’est construite avec la construction des États-Nations. Or cette construction éminemment progressiste suppose la rupture avec la vieille organisation féodale, celle qui subordonne tous les pouvoirs nationaux au principe de l’empire – héritier de l’empire romain – et à la tutelle de la papauté. C’est là le point de départ de la construction politique spécifique qui caractérise l’Europe. Pas de « saint empire », mais des nations française, espagnole, anglaise et plus tard allemande, italienne, etc »

Il y aurait à débattre sur « la nation anglaise » et la « nation espagnole ». Nous y reviendrons. Mais ce qui nous intéresse, au premier, c’est toujours la même chose : qui, ou quelle classe, ou quelle fraction de classe sociale détient ce pouvoir politique souverain.

Préjugeant du fondement de notre point de vue, Denis Collin poursuit :« L’opposition de nos amis « révolutionnaires » au principe de souveraineté se fonde sur l’idée que la souveraineté porterait en elle-même le nationalisme et l’impérialisme. C’est une confusion terrible »

Activité révolutionnaire quotidienne et classe révolutionnaire

Les guillemets qui nous sont accolées à « révolutionnaires » semble indiquer que Denis doute fort que nous le soyons. C’est son droit. A tout le moins, dans notre activité quoti

dienne, nous nous efforçons de l’être et, sans nous prendre pour ce que nous ne sommes pas, nous avons pris notre place, à notre échelle, dans des combats révolutionnaires élémentaires pour les effectifs et les embauches, pour empêcher des expulsions locatives, pour « un toit décent pour tous les mal-logés » ou pour des revendications simples exprimant des besoins immédiats, nous avons participé à des grèves de masse, en sachant que c’est notre classe qui est révolutionnaire et qui est même la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout. En revanche nous n’avons jamais dit que la souveraineté en soi porterait le nationalisme et l’impérialisme. Le tout étant de savoir qui est souverain et comment. En revanche, nous ne soutenons pas la souveraineté de la nation française qui n’est pas une nation opprimée par l’UE, l’UE n’étant pas, jusqu’à plus ample informé, un super-impérialisme.

Notre point de vue est simple à expliquer : nous défendons les nations opprimées et non les nations qui oppriment

Denis Collin : « Le principe de la souveraineté nationale exige que l’on reconnaisse le droit des autres nations et c’est seulement une « société des nations » (comme disait Kant) qui peut garantir la paix. »

En voilà un beau principe. La SDN a existé entre les deux guerres sur la base de l’odieux Traité de Versailles, l’ONU existe et avant l’ONU, la Charte de l’Atlantique qui affichait des principes anticolonialistes aussi sacré que le commandement de Moïse proclamant : « tu ne tueras point ». Mais prenons cette formule au pied de la lettre : nous ne défendons pas la souveraineté d’une nation qui en opprime d’autres, d’une nation qui fait main basse sur un pan entier de l’Afrique et tire l’essentiel de son uranium de la surexploitation des ouvriers et des enfants nigérien, y fomente régulièrement des coups d’Etat. Nous défendons la souveraineté du Niger contre la souveraineté française. De même que nous défendons, sans prendre la responsabilité de ses méthodes et de ses fins propres, Charles Blé Goudé, traduit devant la CPI, pour avoir défendu de fait la souveraineté de la Côte d’Ivoire contre la souveraineté française garantie par l’homme de paille Ouattara.

Denis Collin : « Il y a certes un mauvais nationalisme, le nationalisme comme maladie de la nation, qui considère que sa propre nation est supérieure aux autres nations, qu’elle doit leur donner des leçons, voire les dominer »

Ce mauvais nationalisme n’est pas une « maladie de la nation », il est le propre de toute nation impérialiste dans le partage du marché mondial. Il a rompu depuis fort longtemps avec le patriotisme de l’enfance révolutionnaire de la bourgeoisie.

Contradiction entre le caractère international de la production et les frontières nationales

Denis Collin : « Le nationalisme agressif, les guerres de conquête, l’impérialisme ne sont pas des conséquences nécessaires de l’État-Nation, mais leur négation. C’est Hannah Arendt qui montre avec beaucoup de finesse que l’impérialisme est né de la subversion des États-Nations et de l’invasion du domaine public par les intérêts privés. Les luttes contre l’impérialisme n’ont pas été des luttes contre l’État-nation, mais des luttes pour affirmer le droit des peuples soumis à l’impérialisme à avoir leur propre État-Nation »

L’impérialisme serait né de la subversion des Etats-nations. Comme cela est fin en effet. Finement faux : l’impérialisme est né de la constitution du marché mondial, lorsque le capitalisme parvenant à son apogée, unifie le monde en un seul marché. Se développe alors une contradiction de feu entre le caractère international de la production et les frontières nationales. Ce n’est le fruit d’aucune subversion suscitant l’invasion des intérêts privés dans un domaine public prétendument soustraits à ces intérêts privés.

Algérie - France

Denis Collin : « Les luttes contre l’impérialisme n’ont pas été des luttes contre l’État-nation, mais des luttes pour affirmer le droit des peuples soumis à l’impérialisme à avoir leur propre État-Nation. Les adversaires de la notion de souveraineté pensent-ils que les Algériens en lutte pour leur indépendance ont eu tort ? Guy Mollet leur reprochait, en réclament l’indépendance, de diviser les prolétaires français et les prolétaires algériens ! Fallait-il être du côté des « nationalistes » algériens ou du côté de « l’internationaliste » Guy Mollet ? »

Poser la question, c’est y répondre, dit-on en pareil cas. La défense de la nation française, de sa souveraineté exigeait l’Algérie française puis l’autodétermination sous tutelle de la France. Les trotskystes étaient du côté des nationalistes (sans guillemets) algériens contre les nationalistes français. Plus tard, bien plus tard, au nom de la défense des Etats-nations « uns et indivisible » des militants se réclamant plus ou moins du trotskysme en Algérie (lambertistes) ont pris fait et cause, du côté du « pouvoir souverain », contre les droits du peuple kabyle et, en particulier contre le boycott des élections dans cette partie du territoire algérien.

Ce qu’est l’Union Européenne

Denis Collin :« La question de la souveraineté est posée aujourd’hui sous un jour nouveau. Le développement du mode de production capitaliste dans la phase actuelle tend à briser impitoyablement toutes les frontières nationales. Les législations nationales, les droits des peuples qu’expriment ces législations, la possibilité même que les peuples viennent mettre des entraves au « marché libre » constituent autant d’obstacles que le capital cherche à renverser. Dans certains cas, les puissances impérialistes ont purement et simplement détruits les États-Nations – en Irak, en Libye, par exemple. Dans la plupart des autres cas, ils ont transformé les États-Nations en courroie de transmission des politiques d’ajustement structurel prônées par le FMI. En Europe, l’Union européenne est construite comme un instrument de destruction de la souveraineté des États européens qui sont sommés d’appliquer les directives de l’UE »

Heureux d’apprendre que nous assistons, à nouveau, à un développement du mode de production capitaliste. Comme on dit de nos jours, nous n’avons pas les mêmes données d’entrée que Denis Collin. Selon nous, nous sommes à l’époque de l’agonie du capitalisme, de sa putréfaction. La contradiction entre le caractère international de la production et les frontières nationales dans lesquelles étouffent les forces productives engendre des institutions hybrides qui, effectivement attaquent les législations nationales dans ce qu’elles ont de démocratique et dans ce qu’elles contiennent de conquêtes sociales, sous-produit de la lutte révolutionnaire des masses. L’Union européenne est l’union des capitalistes et des banquiers qui s’appuie sur quelques Etats Nations, dont l’impérialisme français qui est un des Etats constitutifs de l’intégration européenne. Il est du plus haut intérêt de la bourgeoisie française de dérouler à l’envers le film du réformisme, quitte à sacrifier des bouts de souveraineté. Réformes des retraites, réforme du marché du travail, réforme du code pénal répondent à l’intérêt de toutes les bourgeoisies européennes. Il n’y a pas de bourgeoisie compradore ou de bourgeoisie mort-née dans cette affaire. Ce constat n’enlève rien à la nécessité de rompre avec l’Union européenne, ses traités, ses institutions et ses directives, bien au contraire. Car, il ne s’agit pas, comme le prétend Lutte ouvrière, d’un pas vers l’unification de l’Europe, mais d’un système d’Etats oppresseurs qui veut mettre en pièce les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière et accroître son taux d’exploitation, par la baisse des salaires et la réduction des effectifs à la portion congrue. Afin de contrecarrer la baisse des taux de profits mis à mal par la crise de surproduction. Personne ne cherche ici à recréer un Saint Empire Germanique moderne. Et nous étions d’accord avec Jacques Cotta lorsqu’il affirmait qu’il n’y a pas d’autres politiques possibles sans rupture avec l’UE. Non du point de vue de la défense du fétiche « Etat-nation », mais du point de vue de la défense de la position acquise par la classe ouvrière dans la société bourgeoise.

Quelle république ?

Denis Collin : « La république suppose au moins le pouvoir législatif du peuple. C’est le pouvoir législatif qui dit quelle est la loi suprême. Il peut y avoir toutes sortes d’organisation du pouvoir législatif, des formes plus ou moins démocratiques. Mais ce qui distingue fondamentalement une république d’une monarchie, c’est bien ce pouvoir législatif détenu par le peuple ou ses représentants. Si la république n’est pas souveraine, le pouvoir législatif du peuple ne peut pas être le pouvoir suprême. C’est d’une clarté aveuglante : les citoyens ne peuvent être libres, c’est-à-dire décider eux-mêmes de la loi qu’ils veulent suivre, si la république n’est pas libre. »

Cette acception de la République est en retrait par rapport à la conception jacobine, celle de 1793, reposant sur une assemblée concentrant le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, c’est-à-dire : la convention, l’assemblée unique, l’assemblée souveraine (repris durant quelques semaines par Maurice Thorez en 1945). Certes, nous défendons le principe de Montesquieu de séparation des pouvoirs face au bonapartisme, mais ce n’est pas en soi un principe sacro-saint. Nous avons, y compris cité Gambetta dans notre journal contre la présidence de la République : « « Un homme ne peut incarner la République ; non ! Il peut la représenter comme fonctionnaire, il doit la défendre comme citoyen (…) C'est précisément dans ce caractère collectif, unanime, général du gouvernement républicain que se trouvent son excellence et sa supériorité. C'est là ce qui fait que le régime républicain offre des garanties supérieures contre l'incapacité, contre les hasards de la naissance, contre les infirmités, contre les passions, contre les vices d'un seul homme » 1

Cela veut dire que nous défendons les principes républicains de l’enfance révolutionnaire de la bourgeoisie contre le régime bonapartiste débile de la Vème république. Mais nous sommes hermétiques aux mots d’ordres ou pétitions de principe de république en France aujourd’hui. Oui, nous sommes partisans d’une République : la république socialiste des travailleurs. Que notre ami Denis Collin se rassure : nous n’avançons pas cette perspective dans l’immédiat, ce qui relèverait du propagandisme abstrait (mais moins abstrait, toutefois que sa République démocratique, laïque et SOCIALE° et notre position pour la république socialiste, pour l’Etat-Commune, n’est en aucun cas un préalable pour regrouper les forces vers un parti Lutte de classes . Dans le même temps, comme courant, nous ne nous privons pas de faire de la propagande pour l’Etat- Commune, pour la République socialiste. Pour comprendre cela, point n’est besoin d’être un bolchevik, un léniniste : même Blum reconnaissait que la dictature du prolétariat est nécessaire pour « changer la vie » et, y compris, dans certaines situations, la terreur. Du moins jusqu’à 1945-1946.

Réformer profondément les institutions ?

Denis Collin : « La république démocratique est celle qui reconnaît au peuple tout entier le pouvoir en dernière instance. Ce qui suppose que la pleine liberté de propagande et d’action politique doit être garantie pour tous. Ainsi, le système électoral actuel broie la diversité des opinions politiques et aboutit au monopole (ou plutôt au duopole) des deux partis « de droite » et « de gauche », par ailleurs d’accord sur l’essentiel. C’est une caricature de démocratie, à laquelle il faut opposer une profonde réforme des institutions garantissant un véritable pluralisme. Démocratique, cela veut dire aussi la garantie pour tous de l’égalité d’accès à l’espace public – ce qui ne se peut guère quand les grands médias sont monopolisés par les grands groupes capitalistes. Démocratique, cela implique aussi la pleine liberté des partis et des syndicats qui doivent pouvoir s’organiser en toute indépendance à l’égard du gouvernement et du patronat. »

Denis Collin n’est pas un démocrate aussi conséquent qu’il n’y paraît. Il n’a pas un mot pour exiger l’abrogation de la V ème République, y compris au nom de Montesquieu. Pas un mot qui dise : abas la présidence de la République, abas le Sénat ». Selon lui, la V ème république est une « caricature de démocratie ». Il se prononce pour une « profonde réforme des institutions ». Le pouvoir au peuple tout entier, clame-t-il mais : « en dernière instance ». Comme en Suisse avec ses votations ? Ou bien, comment ? Le peuple tout entier, y compris les gros rentiers, les spéculateurs, les capitaines d’industrie, la jetset ?

Nous ne sommes pas républicanistes

Mais, Denis Collin nous a prévenu, il est « républicaniste ». Il s’en explique face à ses propres démons :

Certes, diront nos contradicteurs, mais il faut ajouter un qualificatif à la république, « république sociale », « république universelle des conseils ouvriers », par exemple. À quoi l’on pourrait répondre qu’une république anti-sociale n’est pas une république du tout mais un système d’oppression du peuple par les « grands ». Mais il est vrai que le mot de république est utilisé de bien des manières et qu’il y a toutes sortes de républiques, certaines plus ou moins proches de la république idéale des penseurs du républicanisme. Et il faudra sans doute dire de manière plus claire quelle nous république nous voulons. Concernant la « république des conseils ouvriers », il s’agit d’une formule d’une abstraction terrible et particulièrement inapte à servir de ligne stratégique. Il faudrait d’abord qu’il y ait des conseils ouvriers. Depuis les conseils hongrois de 1956, on ne les a guère vus ! En second lieu, les conseils, quand ils se sont organisés sérieusement (Russie, 1917, Allemagne, 1919) étaient d’abord des organes de lutte et non des formes institutionnelles stables. Mais comme la lutte ne peut être permanente et qu’il faut bien manger, ce qui s’impose nécessairement, c’est la constitution d’un ordre politique stable et pluraliste. Donc opposer la république des conseils ouvriers à la république n’est rien d’autre qu’une vue sectaire, qui rend impuissant tout mouvement politique d’émancipation sérieux. »

Que Denis Collin se mette d’accord avec lui-même, c’est lui qui ajoute un « qualificatif » et même plusieurs : Démocratique-laïque et sociale. En ce qui nous concerne, nous sommes pour la République en Espagne et en Angleterre, inconditionnellement. Puisque le combat pour la république n’est pas tourné dans ces pays vers le retour à l’époque défunte de la IV ème république, formellement très démocratique, mais toutefois porteuse de la loi d’Etat d’urgence de 1955, des pleins pouvoir à Guy Mollet et des pouvoirs spéciaux à l’armée en Algérie. Il est tourné contre les monarchies et royaumes en place, qui sont les formes de domination de la bourgeoisie dans ces pays où existent des questions nationales en souffrance. Puis, il entend tordre le coup à la république des conseils ouvriers. Le raccourci est saisissant (« En second lieu, les conseils, quand ils se sont organisés sérieusement (Russie, 1917, Allemagne, 1919) étaient d’abord des organes de lutte et non des formes institutionnelles stables. Mais comme la lutte ne peut être permanente et qu’il faut bien manger, ce qui s’impose nécessairement, c’est la constitution d’un ordre politique stable et pluraliste. » )

Conseils ouvriers en Russie et Allemagne

Les conseils ouvriers ne pouvaient se développer dans les conditions d’une économie détruite par la guerre de 1914_1918, dans les conditions de la guerre civile et des interventions impérialistes où le pire ennemi du jeune Etat ouvrier était la famine. Le seul espoir était, le développement de la révolution ailleurs et en particulier en Allemagne. En Allemagne le premier coup fut porté par ces forces qui en théorie opposaient la république démocratique aux conseils ouvriers et en pratique faisaient donner les Freierkorps contre l’avant-garde ouvrier, assassinant Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Personne n’a opposé les conseils ouvriers, c’est sous le drapeau de la république que le prolétariat parisien fut écrasé en juin 1848, c’est avec les républicains et la « gauche versaillaise » que fut écrasée la Commune de Paris et c’est pour la république PARLEMENTAIRE que fut réprimée, avec le concours des futurs nazis, la révolution spartakiste. Par des républicanistes sociaux-démocrates. Qu’à cela ne tienne : ne pas militer pour la République dans un pays qui en déjà connu cinq pour le compte de l’impérialisme serait la marque du sectarisme. Allons donc. Selon nous le sectarisme, en l’occurrence, est l’attitude consistant à ériger un point de vue sur la forme idéale de l’Etat en préalable au regroupement vers un parti de classe, pour la lutte de classes, sur la base des besoins vitaux et fondamentaux de la population que l’on voudrait ajuster à des chimères. Mettre en préalable une idée de ce qu’ont « veut mettre à la place » du régime actuel. C’est à cela que nous sommes hermétiques et cela relève au fond pas tant du sectarisme que du bureaucratisme. Hors de la RDLS, point de salut. Notons une nouvelle fois à la marge que la parlementarisme n’est pas d’essence républicaine mais est un legs de la monarchie.

De quelle « république sociale » parle-t-on ?

République sociale : ce fut le mot d’ordre des ouvriers en juin 1848. À propos de la Commune de Paris de 1871, Marx écrit qu’elle est la « forme enfin trouvée de la république sociale ». Une république sociale est une république qui se donne comme premier objectif la protection des classes défavorisées et cela implique des lois sociales, un système de services publics, et la garantie de tous ces droits sociaux qui figurent dans la déclaration annexe des droits de 1946 qui fait partie du « bloc constitutionnel ».

Tout d’abord, il convient de rappeler ce que Marx a écrit très exactement dans la guerre civile en France « L'antithèse directe de l'Empire fut la Commune. Si le prolétariat de Paris avait fait la révolution de Février au cri de « Vive la République sociale », ce cri n'exprimait guère qu'une vague aspiration à une république qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle-même. La Commune fut la forme positive de cette république. […] Cette nouvelle Commune, qui brise le pouvoir d'État moderne[…]Son véritable secret, le voici : c'était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l'émancipation économique du travail ».
https://www.marxists.org/ francais/ait/1871/05/ km18710530c.htm

Cela n’a pas grand-chose à voir avec ce que Denis Collin, qui se défend d’être marxiste, entend par République sociale.

S’il on compare la perspective de Denis Collin avec la déclaration de principes de la SFIO de 1905 qui n’était certainement pas bolchevique, il semble que nous soyons renvoyés à la préhistoire du mouvement ouvrier, quand il a encore peine à se détacher des courants républicains ou libéraux bourgeois.

Extrait de la déclaration du parti socialiste SFIO en 1905 « Ils[ les délégués socialistes] affirment leur commun désir de fonder un parti de lutte de classe qui, même lorsqu’il utilise au profit des travailleurs les conflits secondaires des possédants où se trouve combinée accidentellement son action avec celle d’un parti politique pour la défense des droits et des intérêts du prolétariat, reste toujours un parti d’opposition fondamentale et irréductible à l’ensemble de la classe bourgeoise et à l’Etat qui en est l’instrument.[…] Le parti socialiste est un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste, et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat. Par son but, par son idéal, par les moyens qu’il emploie, le parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n’est pas un parti de réforme, mais un parti de lutte de classe et de révolution. »
https://www.marxists.org/ francais/inter_soc/sfio/ principes_sfio_1905.htm

La république sociale de Denis Collin élude la question du principe d’inviolabilité de la propriété. Elle élude la question de l’Etat. Et elle évacue la lutte des classes.

Soyons plus précis : nous défendons le préambule de la Constitution de 1946, les acquis de la révolution de 1789-1793, les services publics, les lois sociales et le droit au travail et le droit du travail, devenus incompatibles avec les impératifs de survie du capitalisme, tout comme la Sécurité sociale assise sur le salaire différé, le droit à l’hospitalisation, la retraite par répartition. Et, nous pensons que seule la République socialiste, collectiviste serait la seule à même de préserver cet héritage.

« Le bon sens et la décence »

« Les grandes luttes ne commencent jamais en vue de réaliser un projet mirobolant. Toutes les révolutions sont d’abord défensive. Le mouvement social en cours contre la loi El Khomry n’échappe pas à cette règle. Si on veut ouvrir une nouvelle perspective politique, il faut d’abord s’appuyer sur l’acquis, sur tout ce passé de luttes cristallisé dans des institutions. Réaliser pleinement les idéaux dont nous avons hérité de 1789 à aujourd’hui en passant par 1848, la Commune, juin 1936 et la Libération, ces idéaux qui ont des existences tout à fait concrètes (libertés syndicales, droits ouvriers, acquis sociaux), c’est une véritable lutte révolutionnaire. Nous, nous ne voulons ni le chaos, ni le désordre, ni les affrontements. Ceux qui veulent l’affrontement, le chaos et leur « révolution », ce sont les partisans du mode de production capitaliste qui, pour assurer la survie de la loi du profit maximum, s’acharnent contre l’État-nation, contre la république, contre ses institutions sociales, contre les droits. Les « casseurs » sont en haut – et les casseurs masqués sont leur agents. Les manifestants pacifiques, les syndicalistes et les militants, sont en état de légitime défense. Ils veulent défendre l’ordre républicain contre ces fauteurs de désordre qui se nomment Hollande, Valls et leurs compères ou leurs donneurs d’ordre du grand patronat. Inutile de prendre des postures révolutionnaires, le simple bon sens, la décence ordinaire suffisent

Nous ne voulons ni l’orage, ni la grêle, ni la tempête, ni la sécheresse, ni le grand froid. Nous voulons bien une « lutte révolutionnaire » mais en défense de « l’ordre républicain » contre les « fauteurs de désordres » que sont Hollande et Valls. Denis Collin n’hésitant pas, hélas, à reprendre un vieux discours qui fait froid dans le dos : les « casseurs masqués » sont les « agents » de Hollande-Valls. Comme quoi, la théorie, c’est pratique.

Pour les méthodes ouvrières, contre toutes les méthodes bureaucratiques

Bien entendu, nous sommes pour les méthodes ouvrières, celles de la grève de masse, celles de la force du nombre et de l’autodéfense quand c’est nécessaire, y compris face aux forces de l’ordre. Cela s’oppose bien évidemment aux méthodes, bureaucratiques au fond, qui singent la guérilla urbaine et impose un affrontement physique sans issue. Mais ceux qui s’affrontent avec les forces de l’ordre ne sont pas des agents (objectifs ?) du pouvoir. Et, nous ne hurlerons pas avec les loups contre eux, nous ne condamnons pas la violence face à la violence d’Etat. Nous ne la favorisons pas, nous n’y participons pas mais nous le répétons : « la seule mesure d’ordre, c’est le retrait ». Ce qui donne corps à ce genre de raccourci et de fuite en avant, ce n’est pas une « posture révolutionnaire » (celle-là, on la trouve dans les ND) mais c’est la stratégie d’évitement de la grève générale des directions syndicales qui imposent un calendrier farfelu d’actions ponctuelles chaotiques et épuisantes.

Pour un parti de classe, un parti de lutte de classes

Depuis le début, nous disons unité et grève tous ensemble au même moment pour le retrait, et pas autre chose », ni pour les élucubrations de Lordon, ni pour la « France insoumise ». Oui, tout part de la défense des conquêtes sociales, du « modèle 1945 », des droits fondamentaux. Nous n’agitons pas un plan tout fait de transformations sociales, ou de perspectives tramées en dehors du mouvement pratique qu’engagent les masses : république LSD, constituante et autres 6 ème république. Nous militons pour la mobilisation des masses autour de leurs revendications propres et vitales comme préparation à la prise du pouvoir, nous militons pour un parti de classes, de lutte de classe où la question de savoir s’il faut en passer par une république LSD, par la Constituante ou si la perspective est l’Etat-Commune, ou une organisation anarchiste de la société seront sujet aux libres débats entre des gens qu’unit la volonté de rupture avec le gouvernement et se réformes et l’UE avec ses traités, ses institutions et ses directives, par la lutte des classes et dans la lutte des classes. Parti de classe ou rassemblement citoyen, nous avons choisi.

La révolution est nécessaire

S’il existe un fond théorique à la discussion en cours entre Denis Collin et nous, c’est celui-ci : DC ne tient pas pour le dépérissement et l’extinction de l’Etat, une fois l’Etat bourgeoisie remplacé pat l’Etat-Commune. Nous, si. Par des voies différentes, nous avons avec les anarchistes une aspiration commune à une société sans classes, ni Etat. Et, à nos yeux, plus que jamais l’alternative dressée par Rosa Luxemburg : socialisme ou barbarie se précise. En ce sens, la révolution, à nos yeux n’est pas une « posture », mais une nécessité.

Daniel Petri et Wladimir Susanj

Modifié le lundi 23 mai 2016
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