A propos de «l'enjeu des retraites»

Des faux-amisl'année 2010 a été marquée par la mobilisation contre la réforme des retraites. Parmi les différents
ouvrages publiés sur cette question, celui du sociologue Bernard Friot (l'enjeu des retraites), présenté
comme un plaidoyer en faveur des retraites, a connu un certain succès. Pourtant, à regarder ce texte de
plus près, on découvre que son objectif réel est de contribuer à la formulation de projets politiques et
sociaux qui menacent les acquis fondamentaux des travailleurs. De ce fait, les thèses de Friot méritent
d'être vues de plus près.
l'auteur donne volontiers dans le
lyrisme pour chanter le droit à
retraite, et critique avec force les
retraites par capitalisation et les
systèmes calqués sur le modèle suédois
de comptes notionnels. Il renouvelle
l'exigence d'une retraite à 60 ans sans
décote au bout de 150 trimestres de
cotisation (37,5 années), et revendique
même que la base de son calcul soit
100% du meilleur salaire...

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Quelques affirmations
pouvant séduire le lecteur...



Il rappelle (p 88-92) que les ressources
dues à la sécurité sociale ont été
amputées par " le saccage de la
cotisation sociale au nom de la
sauvegarde de l'emploi
", ce qu'il
dénonce avec raison.


Enfin, il se démarque clairement de ceux
qui (à la direction de la CGT et à la
CFDT, au PCF, au PS et ailleurs)
demandent que l'on supplée à
l'insuffisance des cotisations sociales
non pas en supprimant les exonérations
accordées aux patrons mais en taxant
les produits financiers.

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Bernard Friot découvre un
" trésor impensé " : le
" travail " des retraités



Ses déclarations enthousiastes en
faveur de l'utilité sociale des retraités
ne peuvent que plaire aux retraités qui,
à juste titre, s'inquiètent des discours
gouvernementaux évoquant le fardeau
croissant que représenteraient les
retraités pour les plus jeunes
générations condamnées à la
misère...


Aussi Friot s'évertue-t il à montrer qu'il
n'y a rien de plus utile que le " travail "
d'un retraité heureux qui produit des
légumes dans son jardin ou s'occupe
d'une association. Et c'est à dessein, on y reviendra, qu'il utilise le mot de
" travail " pour qualifier les activités des
retraités.
" Les pensions sont un trésor impensé
dont il faut pouvoir mesurer toute la
radicalité. On le devine dans le bonheur
de celles et de ceux que l'on appelle
significativement les " jeunes retraités ".
Quel que soit leur âge (et ils peuvent
être très âgés), ils vivent la retraite en
bonne santé, avec une pension proche
de leur salaire (...) " et " ils n'ont jamais
été aussi heureux de travailler
." (p. 27).
Pourtant, cette idée de l'utilité de
certaines activités est banale. Dans une
réponse à un détracteur, Friot la qualifie
lui même de " pont aux ânes ". Cette
activité des retraité n'en fait pas pour
autant un " travail " équivalent à celui
d'un travail salarié.

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Une réalité embellie...



l'ouvrage de Friot fait peu de cas des
salariés usés par le travail, et souvent
poussés par les entreprises à accepter
les dispositifs de pré-retraites.


Certes Friot concède qu'il y a des
retraités misérables ou grabataires,
mais " Il n'est pas nécessaire que ce
que je pointe comme porteur d'un avenir
inouï soit le fait de tous les retraités.
Qu'ils aient atteint le statut d'un fait
social suffit, et le bonheur des retraités
au travail en est un
" (page 33).


C'est donc sur cette minorité aisée qu'il
échafaude sa démonstration.

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Les bases d'un raisonnement



Bernard Friot reprend une de ses idées
anciennes, selon laquelle la pension du
retraité du secteur privé serait un
" salaire continué ". Pourtant, si l'on
respecte le sens des mots, seules les
retraites de la fonction publique doivent
être qualifiées de " traitement
continué ".

Pour justifier cette extension de la notion
de salaire continué aux retraites du privé,
il entreprend de montrer la proximité des
deux systèmes. Pour ce faire, il valorise
l'influence du modèle de la Fonction
publique sur l'instauration des retraites du
privé, quitte à simplifier l'histoire. Il néglige
ainsi les combats de la classe ouvrière
pour établir des secours mutuels. Plus
généralement, B. Friot oublie la lutte des
classes. C'est le grand absent de son
ouvrage. Par quel miracle de telles
retraites ont-t-elles été accordées aux
travailleurs ? On ne le sait pas.

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Une confusion redoutable
entre privé et fonction
publique



Disons nettement que la retraite des les
travailleurs du privé n'est pas un
" salaire continué". Le " traitement
continué " n'existe que les
fonctionnaires, lesquels (jusqu'à l'actuelle
réforme) ne versent aucune cotisation.
Les indications inscrites sur leur feuille
de paye n'étaient qu'une fiction
comptable destinée à leur faire " sentir "
combien ils coûtaient. De même l'État ne
cotise pas pour la pension des
fonctionnaires : celle-ci est inscrite au
grand livre de la dette publique.


Pour le privé, cela n'a rien à voir. Or.
Friot veut à tout prix assimiler les deux
systèmes.


Il écrit ainsi, à propos des retraites du
privé des années 1970 : " la pension
se rapproche de la continuation du
salaire, et cela d'autant plus qu'indexée
sur les salaires, elle progresse au même
rythme qu'eux " (p.26). Et puisque les
retraites du secteur privé se sont
" rapprochées " du traitement continué
des fonctionnaires, Friot considère qu'il
peut user d'un même vocabulaire :


Confondre les deux ne peut que faciliter
la politique du gouvernement, qui tente de rapprocher les deux systèmes...
Désormais, un début de cotisation est
soustrait au salaire des fonctionnaires.


Mais cette première modification de
vocabulaire est nécessaire pour la thèse
que veut construire l'auteur, de même
que celle concernant la notion classique
de salaire " différé ".

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Ce qu'est le salaire différé



Depuis des décennies, on nomme
" salaire différé " les cotisations sociales
destinées aux quatre branches de
la Sécurité sociale. Ce terme n'est donc
pas réservé aux retraites.


Ce terme général de " salaire différé "
s'applique aux cotisations sociales
salariales (ouvrières) comme aux
cotisations dites patronales, les deux
constituant une fraction du salaire dû au
travailleur.


l'argent prélevé par les cotisations
n'est pas capitalisé, ni placé pour être
restitué " en différé ". Cette part de
leur salaire que les travailleurs
" mutualisent " est immédiatement
utilisée pour les salariés malades,
accidentés, ou qui sont déjà à la
retraite. En retour, chaque cotisant
reçoit un droit : celui d'être soigné en
cas de besoin, de recevoir un
indemnité durant son congé maladie
ou d'accidenté, et de recevoir une
pension lorsque son tour viendra
d'être à la retraite.


Ce qui est donc différé, c'est seulement
le droit de recourir à cette part
mutualisée des salaires, droit que l'on
peut faire valoir sans délais si l'on est
malade ou accidenté du travail.

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Toutes les cotisations sociales
sont une part du salaire des
actifs



Ce " salaire différé " est un salaire
" indirect ", et " mutualisé ",
" socialisé ". Et les gouvernements
successifs ne cessent de dénaturer ce
salaire indirect en multipliant les
exonérations de cotisations sociales au
profit des patrons. (Quand il y a
compensation par l'État de ces
exonérations, le financement se fait
alors par les impôts... que payent les
travailleurs).

Ce que nient les capitalistes, c'est que
toutes les cotisations sociales sont une
part du salaire des travailleurs en
activité. On parle d'ailleurs de salaire
" brut " pour qualifier l'ensemble du
" salaire net " et des cotisations du
salarié, et parfois de " salaire super
brut " pour désigner la somme du
salaire brut et de la cotisation patronale.

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Friot rejette la notion de
" salaire différé "



l'un des leitmotivs de l'auteur est que le
terme de salaire " différé " ne devrait
s'appliquer qu'aux seules retraites par
capitalisation.


Il redoute également que ce terme de
" salaire différé" ainsi que le terme de
" retraite par répartition " ne laissent la
porte ouverte à l'instauration d'un
système calqué sur le très dangereux
modèle suédois, le compte individuel dit
" compte notionnel".

Mais s'il ne s'agit que d'éviter une
confusion, Friot pourrait utiliser simplement
les termes de " salaire indirect,
mutualisé " et préciser que la " retraite
par répartition " doit être définie par son
taux de remplacement et non pas soumise
à un taux fixe de cotisation. Mais il
critique même cette option, prétendant
(p.22) que " défendre la répartition à
prestations définies est tout à fait insuffisant
pour s'opposer à la réforme
".


A l'évidence ; l'auteur veut absolument
justifier l'emploi du terme de " salaire
continué ", terme pourtant fort confusionniste,
d'autant plus qu'il l'attribue
aussi aux cotisations maladie.


En réalité, l'emploi de ce terme répond à
un autre objectif : il est nécessaire à
Friot pour justifier le sens qu'il entend
donner au " travail " des retraités. Car il établit un lien indissoluble entre la notion de " salaire continué " et la notion de
" travail " des retraités. Ainsi précise t il
dans une réponse à Jean .Marie.
Harribey : " ce n'est pas parce qu'ils travaillent
que les pensionnés sont payés :
c'est parce que leur pension est un
salaire que leur activité est du travail
. "


" Salaire continué " et " travail " des
retraités constituent ainsi le couple fondateur
d'où naît la thèse centrale du livre.

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La thèse centrale de Friot :
une thèse qui revient à réduire
la valeur de la force de travail



C'est au chapitre 4 que Friot avance
sa thèse centrale : les retraites ne sont
pas financées par le travail des actifs...
Ainsi, selon lui, ce serait une " erreur"
de " dire que ce sont les cotisations
actuelles des autres, des actifs, qui financent
ma retraite d'aujourd'hui
" (p. 124).


C'est la négation pure et simple de ce
qui fonde la Sécurité sociale (dont l'assurance
vieillesse), et ne peut que ravir
ceux pour qui toute confusion est bienvenue
pour aider à détruire la Sécurité
sociale. Car la bourgeoisie - pour qui
toute cotisation est une charge - ne
cesse de nier que ce sont les travailleurs
- et eux seuls - qui financent
par leur travail la Sécurité sociale (de la
même manière qu'elle nie que c'est le
travail non payé des salariés qui lui permet
de réaliser ses profits).


Mais si ce n'est pas le travail des actifs
qui finance les retraites, qui les finance ?


Friot répond : " La monnaie distribuée
aux retraités correspond non pas à une
part de la richesse créée par les actifs,
mais à la richesse créée par les retraités
eux-mêmes.
" (p. 125).


Cette affirmation péremptoire tourne le
dos à la réalité. Car la bourgeoisie se
moque de savoir si les activités des
retraités ont une quelconque utilité
sociale, l'essentiel est que ces activités
ne sont pas un travail dont elle puisse
extraire une plus value. Ces activités ne
fournissent aucun " surtravail " qui
puisse être source de profit.


Qui peut croire un instant que la société
bourgeoise offrirait un salaire " continué
" aux retraités pour les rétribuer
leur activité ?...


Quant à la classe ouvrière, elle n'a jamais
revendiqué un salaire destiné à rétribuer
les activités des retraités. Mais elle a
combattu pour une assurance vieillesse
permettant aux vieux travailleurs
incapables de subvenir à leurs propres
besoins d'échapper à l'indigence.


En outre, cette thèse ouvre la voie à une
attaque majeure : qu'en est il des retraités
incapables de la moindre activité
socialement utile parce que totalement
usés par les maladies et par l'âge ?


Friot promet (p 123) qu'on ne retirera
pas plus le salaire du grabataire " que
l'on retire le droit de vote aux mourants
".
Mais si le grabataire ne mérite plus un
" salaire continué ", pourquoi ne pas
alors le faire entrer dans une nouvelle
catégorie, celle des inactifs
" dépendants " ? Avec un autre mode de
financement ? Or c'est là l'une des
attaques que la bourgeoisie française se
prépare à engager : inventer un nouveau
" risque ", avec son propre financement,
pour les personnes qualifiées de
dépendantes " au lieu que cette
dépendance soit prise en charge par la
sécurité sociale.


Ce danger porté par la " thèse " de Friot
est d'autant plus grand qu'il ne réserve
pas sa notion de " salaire continué " aux
seules retraites mais qu'il l'étend à toutes
les cotisations sociales : sont donc
qualifiées de " salaire continué " les
cotisations destinées à la santé, aux
accidents du travail, etc. Ce qui accroît la
confusion introduite par la thèse de Friot.


Ainsi l'argent versé pour l'infirmière de
l'hôpital, tout comme pour le médecin du
secteur privé, devient " la reconnaissance
sociale du travail des soignants
"
(p.126), un salaire continué au même
titre que l'indemnité reçue par le travailleur
en arrêt maladie...


Et en même temps, B.Friot ouvre la voie
à une formidable baisse de la valeur de
la force de travail.


Si l'on considère en effet que le total
" Salaire + cotisation ouvrière + cotisation
patronale " rétribue la valeur de la force
de travail (à défaut de rétribuer la totalité
du travail fourni), on doit bien considérer
ce qu'implique cette thèse : désormais, il
n'y aurait plus que le salaire net qui
rétribuerait le travailleur en activité. La
valeur de la force de travail baisserait
donc de 40 à 50%. C'est colossal.


Et cela pose un autre problème : qui
paierait alors les cotisations puisqu'il
faudrait, selon Friot, qu'elles soient
indexées au salaire sans être pour autant
le produit du travail des actifs ?

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Friot nie la loi de la valeur



Friot s'en sort par quelques pages fort
confuses sur la monnaie d'où il résulte
qu'il n'y aurait nulle difficulté à créer toute
la monnaie nécessaire. En effet, explique
t il. " C'est dans le prix des marchandises
qu'est incluse, outre le profit, la
reconnaissance monétaire du travail des
retraités en plus de celle du travail de
leurs producteurs
" (p.125). En fixant le
prix de sa marchandise, le capitaliste
anticiperait donc du " travail " à venir des
retraités qui cultivent leur jardin...c'est pour le moins farfelu.

Pour habiller sa démonstration, Friot
n'hésite pas, dans certaines pages, à
paraphraser Marx. Mais toute cette
démonstration est une pure et simple
négation de la loi de la valeur telle que
Marx l'a dégagée. Ainsi est-il faux
d'expliquer que " dans le prix de la
marchandise
", il y aurait " la
reconnaissance
" du " travail de leurs
producteurs
" puisque ce qui est acheté et
payé par le capitaliste, ce n'est pas le
travail fourni mais la force de travail de
l'ouvrier, et que seule une partie du travail
fourni est payé par le capitaliste.

Pour un salaire universel
fondé sur la qualification
personnelle ?



l'ouvrage s'inscrit dans un projet plus
vaste de redéfinition du statut de salariés.
Pour ce faire, il ramène tout à la question
de la qualification.


Celle ci serait devenue la détermination
unique des retraites du privé : " les
retraités du privé, lorsqu'ils liquident leur
pension, se voient attribuer cette qualification jusqu'à leur mort " (p. 66).
Ainsi " ils rejoignent les retraités de la
fonction publique dans un statut de
salariés, c'est-à-dire de porteurs d'un
salaire à vie, d'une capacité reconnue
".
Or les retraités du privé ne se voient
attribuer aucune qualification, même par
équivalence. Le niveau de sa pension
(éventuellement modulé par le nombre
d'années de cotisation) est défini par le
niveau moyen des salaires reçus (durant
les dix meilleures années jusqu'en 2003,
et 25 années depuis). La classe ouvrière
a combattu pour la prise en compte des
qualifications par conventions collectives.
Mais ces qualifications sont diverses au
cours de la vie active de chaque
travailleur Et aujourd'hui, la dévalorisation
des qualifications est générale.

Mais l'auteur veut faire du système des
retraites tel qu'il le fantasme le modèle
pour redéfinir le salariat : " la liberté et le
bonheur des retraités au travail
" non
subordonné, et hors marché, " doivent
devenir le fait de tous ceux qui sont au
travail " : " à leur exemple, la qualification
personnelle doit remplacer l'emploi
comme support de droits sociaux et
économiques " p 167

De là découle son projet : celui d'un
" salaire universel " qui serait
" indépendant de l'employeur ", et qui
serait défini par l'attribution d'une
" qualification personnelle à vie " au
salarié. Cela concernerait tout citoyen, à
partir de 18 ans, mais aussi les chômeurs.
Cela serait un bouleversement total du
code du travail et des rapports entre
travailleurs et patrons.

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Quand Friot défend la Sécurité
sociale professionnelle chère
à Le Duigou



Le projet de Sécurité sociale
professionnelle est promu par la direction
de la CGT, en particulier par Le Duigou,
en dépit d'une forte opposition interne qui
s'est exprimée notamment lors du
48ème congrès. Pour les opposants, ce
projet vise à accompagner la politique de
licenciements a lieu de combattre pour
l'interdiction des licenciements.


À l'inverse ; il est justifié en ces termes
par Le Duigou : " la gestion de la mobilité
de la main-d'oeuvre s'impose comme une
question stratégique (...) Il n'est pas
question d'ignorer la contrainte de
compétitivité des entreprises.


Il faut inscrire le droit à l'emploi dans une
vision nouvelle du travail qui impliquerait
la reconnaissance d'un droit (sic !) à la
mobilité professionnelle, à l'organisation
d'une carrière diversifiée, à la définition
de formes de travail complémentaire
s. "
Et de préciser : " Aujourd'hui, les droits
sociaux sont liés aux accords et
conventions régissant l'emploi dans une
entreprise donnée. Il s'agit de transférer
ces droits à un parcours individuel du
salarié. Ainsi ses qualifications et
compétences, formations suivies
" suivraient " un salarié tout au long de
sa carrière
".


Il n'est pas étonnant que, sous la formule
de Sécurité sociale professionnelle
(empruntée à la CGT) ou de sécurisation
des parcours professionnels (empruntée
à la CFDT), ce projet soi lui même
valorisé par la bourgeoisie. Ainsi, dans
une lettre de mission du 11 juillet 2007
destinée à sa ministre de l'économie,
Sarkozy propose d'instaurer "la sécurité
sociale professionnelle
".


Pas étonnant non plus qu'il y ait eu des
oppositions dans le Congrès de la CGT.
Certains d'entre eux qualifient ce projet
de " mystification " et précisent : " Ce
projet renoue de fait avec le livret
individuel dont l'abrogation a été une
des premières revendications du
mouvement ouvrier organisé. Ce livret
individuel instaurerait une
individualisation des parcours
professionnels mais aussi des
conditions de rémunération, de travail,
de qualification, cassant ce qui a fait la
force du mouvement syndical : les luttes
de masse et leur collectivisme
."
(Déclaration de Continuer la CGT).


Dans ce débat, Friot choisit de soutenir
clairement le projet de la direction
confédérale.


Dans un texte publié en octobre 2008,
intitulé : " Le nouvel horizon du salariat :
la sécurité sociale professionnelle à
l'échelle européenne ", il affirmait : " La
sécurité sociale doit se prolonger - et
c'est un saut qualitatif - dans la sécurité
sociale professionnelle. (...) La sécurité
sociale professionnelle est un pas de
plus dans la sécurité sociale. On va plus
loin car c'est le temps de travail
subordonné lui-même qui s'émancipe de
la subordination au capital alors que la
conquête du travail libre ne s'était située
que dans les marges du " hors travail ".

Certes, il prend soin de distinguer son
projet du très réactionnaire projet de
" revenu universel
" (p 154) Mais quand
au fond, c'est la même logique.

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La cohérence d'une utopie
réactionnaire



On comprend mieux l'importance
accordée à la qualification. Comment en
effet mettre en place cette sécurité
sociale professionnelle ? Friot répond :
" Avec la sécurité sociale
professionnelle, il s'agit de détacher
radicalement la qualification du poste de
travail et de l'attacher à la personne (...).
La sécurité sociale professionnelle
émancipe non plus seulement les temps
hors travail subordonné mais le travail
subordonné lui-même
. "


Tout se tient : pour Friot, il s'agit de
légitimer le projet de la direction de la
CGT. Pour cela, les mots " travail et
salaire
" doivent devenir " des mots dotés
d'un sens nouveau
" (sous titre p.151).
La pension des retraités qualifiée de
" salaire continué ", l'activité des
retraités qualifiée de " travail " du fait
de ce salaire, la détermination des
retraites par la qualification, tout cela
forme un ensemble cohérent : les mots
sont dénaturés, les réalités rebaptisées,
car il s'agit de promouvoir la sécurité
sociale professionnelle. Or, avec celleci,
il en résultera pour les travailleurs une
incessante alternance d'emplois
différents et de périodes de chômage.

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" Faire entreprise "



Dans ce monde qu'imagine Friot, il ne
s'agit pas d'en finir avec la propriété
privée des moyens de production et avec
l'exploitation de l'homme par l'homme, il
s'agit de redéfinir le mot " entreprises ":
" elles seront la convergence de
qualifiés porteurs de réseaux personnels
et mobilisés sur une production
commune
" (sic!). l'objectif est de " faire
propriété " ! Admirable jargon ...Ainsi,
" poser l'université comme une
entreprise
(c'est-à-dire comme un lieu de
travail voué à des produits spécifiques)
est nécessaire " (p. 149). Cela au nom
de la critique de la LRU !

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Se débarrasser des
" institutions parasitaires du
capitalisme " ?



Friot est cohérent : il ne reste qu'à
ajouter une nouvelle cotisation destinée
à des caisses d'investissement, et le tour est joué : La propriété privée des
moyens de production n'est donc pas
remise en cause.... Dans ses interviews,
Friot reprend son idée : " nous pourrons
financer l'investissement en affectant
une part de la valeur ajoutée (à hauteur
de 30 à 35% du salarie brut) à une
cotisation économique qui ira à des
caisses d'investissement qui financeront
l'investissement sans accumulation
privée et donc sans taux d'intérêt
"
(Alternative libertaire, juin 2010).


Dans l'enjeu des retraites, c'est le moyen
" de sortir de la logique de l'accumulation
financière, de se débarrasser des
" institutions parasitaires du capitalisme
"
que sont le crédit bancaire et la
Bourse (p 108)


Cette " cotisation économique " serait
" un élément du salaire ", ce qui "
fonderait le droit des salariés à définir les
fins et les moyens du travail
" (p. 153).
Tout deviendrait donc " salaire " !


Cette extraordinaire confusion, outre
qu'elle nie le fait que tous les
investissements sont déjà financés par
le travail (non payé) des salariés, par le
" sur travail " déjà extorqué au
prolétariat, propose donc d'en rajouter
une couche qui pourrait pallier à la
faiblesse actuelle des investissements.


Mais cette idée n'est pas nouvelle. Sous
des noms divers, les fractions de la
bourgeoisie qui prônent l'association
capital-travail et s'inspirent du
christianisme social l'ont déjà
expérimentée. C'est le cas, en
particulier, de l'actionnariat salarial. Friot
généralise cette idée comme moyen de
réaliser les investissements que les
capitalistes ne veulent pas faire parce
qu'ils ne sont pas assez rentables.


Ce que propose ainsi Friot, sous couvert
de propositions " révolutionnaires ",
c'est une tentative de restaurer le
christianisme social, d'aller vers la
cogestion du capitalisme, en relation
avec les projets imaginés par la
bureaucratie syndicale pour tenter
d'assurer un avenir au capitalisme
français.


Serge Goudard

(Site :http://la-sociale.viabloga.com/news/un-projet-politique-redoutable )

Le 24 janvier 2011










































Modifié le lundi 05 septembre 2011
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