Une politique criminelle

LogementFin août, 24 personnes dont 18 enfants ont trouvé la mort dans des immeubles insalubres parisiens. S'ajoutent à ce bilan très lourd, les 18 victimes décédées dans une tour HLM de l'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), le 4 septembre. Ces événements meurtriers sont survenus moins de six mois après l'incendie d'un hôtel meublé qui avait coûté la vie à 24 personnes dont dix enfants. Ils révèlent soudain au grand jour le drame du logement en France et la souffrance quotidienne des nombreuses familles injustement privées d'un toit digne de ce nom, à leurs risques et périls. Pourquoi en est-on arrivé là ?Sekou Fofana a habité longtemps dans le XIIIe arrondissement, au 132, boulevard Vincent Auriol, non loin de l'immeuble qui a pris feu. Parmi les victimes et les rescapés, il compte des amis, des parents, des proches. Le vendredi 26 août, au petit jour, un ami lui téléphone pour lui apprendre de qu'il vient de se passer. Il se rend sur les lieux. Un rassemblement s'est formé au pied de l'immeuble, 20, boulevard Vincent Auriol,entre tristesse et colère. Des associations sont présentes. Plusieurs personnes prennent la parole. Lorsque vient son tour, Sekou parle des immeubles insalubres qui existent en banlieue et, faisant référence à Alfortville et au Comité Chômeurs-Salariés, il témoigne que le Maire de cette ville ne veut pas recevoir les mal-logés et qu'il les a délogés d'une résidence qu'ils ont réquisitionnés (voir notre encadré). " Il faut que le soutien et la solidarité s'organisent pour qu'une telle situation ne se reproduise plus ", affirme Sekou. Il sait de quoi il parle car il habite, avec sa femme et ses enfants en bas âge, dans un taudis dans la ZAC des bords de Marne d'Alfortville où le danger est permanent : courts-circuits, escaliers en bois, peinture au plomb, infiltrations d'eau, pas de moyen de lutte contre l'incendie.

" On veut des logements décents, pas des taudis ! "

Dans les heures qui ont suivi cette journée du 26 août, les familles de l'immeuble incendié ont été regroupées dans le gymnase Bourneville-Kellerman, à la Porte d'Italie. Les autorités ont décidé de les " placer " dans des hôtels. Unanimes, elles refusent cette " solution provisoire ". Elles font bloc pour affirmer : " on veut des logements décents, pas des taudis ". Pour les rescapés, il n'est donc pas question de quitter ce gymnase avant d'avoir obtenu un vrai logement et un vrai bail.

Solution provisoire ? Les habitants de l'immeuble sinistré savent ce que cela veut dire depuis fort longtemps (1992, ou 1997) : les pouvoirs publics les avaient placés là " en attendant " un relogement en HLM. À ce titre, la gestion de cet immeuble avait été confiée à un organisme lié à Emmaüs. Ainsi, les pouvoirs publics se déchargeaient à bon compte de l'entretien de cet habitat précaire qui appartient à l'état, l'organisme gestionnaire ayant engagé une somme de 3 millions de francs en 4 ans pour des travaux de réfection divers. Quelques heures après l'incendie, le président d'Emmaüs affirme qu'il n'y avait pas de " risque identifié ". C'est tout à fait discutable quand on sait que les escaliers en bois n'ont pas été remplacés. Or, tout architecte pourra vous expliquer que, de nos jours, le remplacement d'escaliers en bois par des escaliers métalliques recouverts d'un matériau anti-feu est une opération qui peut être effectuée en 48 heures. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait ? Quant à la Mairie de Paris, elle était informée de l'état critique de cet immeuble : un reportage télévisé y avait été réalisé, il y a quelques mois, révélant son insécurité et son délabrement, une habitante témoignant qu'il y avait déjà eu trois incendies, en précisant : " Jusqu'ici, cela n'a pas pris dans l'escalier mais, si ça arrive ... ". Aujourd'hui, cette jeune femme, Fatouma, a perdu huit membres de sa famille, dont sa fille de 4 ans, dans l'incendie.

" Ils ont laissé pourrir la situation. "

Le dimanche 28 août, une délégation du Comité Chômeurs-Salariés d'Alfortville se rend au gymnase. Des tentes de la Croix Rouge y abritent les rescapés. Au milieu de la salle, des hommes se recueillent. Dans l'une des tentes, nous rencontrons Abdoulaye Cissé. Cet agent de sécurité d'une trentaine d'année a perdu sa femme et ses quatre enfants. Il ne parvient plus à parler. Ses amis qui l'entourent évoquent les fuites d'eau dans l'appartement dont le loyer était d'environ 300 €, la présence de souris, le délabrement du logement.

Dans une autre tente, nous rencontrons le frère d'Adama Diarra, dont la famille a été décimée. Adama, tombé par la fenêtre, est hospitalisé. Son frère explique : " Si on en est arrivés là, c'est parce qu'ils ont laissé pourrir la situation. On nous avait oubliés. La Mairie et les pouvoirs publics nous avaient abandonnés. On nous a promis des relogements mais on compte surtout sur votre soutien matériel et moral : on nous a tellement promis depuis 10 ans ".

Monsieur Gassama a été intoxiqué par les fumées. Son frère témoigne : " Les autorités ont proposé un relogement rapide dans les hôtels en attendant un logement définitif. Tous ensemble, les familles ont refusé, les familles sont solidaires ". Une association des familles s'est formée, pour le relogement de tous les sinistrés, en HLM.

On connaït la suite : nouvel incendie dans un immeuble de la rue du Bois Doré, dans la nuit du 29 au 30 août. Voilà où conduit inexorablement une politique du logement qui ferme l'accès aux HLM à plus de 3 millions de mal-logés, qui entasse des familles entières dans des taudis insalubres, des chambres d'hôtels infects quand elles ne sont pas, tout simplement, privées de domicile fixe. Cette politique, des municipalités qui se disent de gauche, comme à Alfortville, l'appliquent aussi. (voir notre encadré).Une telle politique est tout simplement criminelle. La preuve en est faite, une fois encore, ô combien.
Modifié le mercredi 05 octobre 2005
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