Une nouvelle étape s'ouvre

Venezuela : entretien avec Orlando ChirinoOrlando Chirino fait partie des coordinateurs nationaux de l'Union Nationale des ravailleurs (UNT), la centrale syndicale vénézuélienne. Il est dirigeant du Courant syndical de Classe, Unitaire, Révolutionnaire et Autonome (C-CURA) et membre du Comité national pour le Parti Révolution et Socialisme (PRS). l'entretien reproduit ci-dessous, réalisé au lendemain des élections présidentielles vénézuliennes du 3 décembre 2006, est extrait de la nouvelle revue internationale Revista de América (voir p. 12). Les intertitres sont de la rédaction. Pourquoi C-CURA a-t-il fait campagne et voté pour le président Chávez ?

Cette discussion a été extrêmement importante chez nous ; la majorité d'entre nous, les cadres de C-CURA, avions décidé en assemblée plénière que nous devions voter pour Chávez avec des arguments différents de ceux des partis du Bloc du changement. La raison était que pour nous, sur le terrain électoral, la lutte contre l'impérialisme signifiait le soutieni à Chávez puisqu'il n'était pas le candidat de l'impérialisme, au contraire.

C'est une lutte concrète que nous avons menée le 3 décembre : il y avait deux candidatures claires et définies, dont une, celle de Chávez, qui représentait la possibilité d'approfondir le processus révolutionnaire et même d'aller plus loin dans les changements des modes de production et dans le débat sur la propriété des moyens de production. l'autre candidat, Rosales, était celui de l'impérialisme, de l'oligarchie, du néolibéralisme. Indépendamment des différences que nous avons avec le Président Chávez, nous nous sommes rangés aux côtés de la grande majorité des travailleurs au Venezuela pour pousser à sa réélection, de façon à pouvoir aller à fond et bien placés dans la lutte contre le réformisme et la bureaucratie.

Comment vois-tu se dérouler le processus révolutionnaire vénézuélien après cette échéance du 3 décembre ?

Je ne doute pas que le 3 décembre, avec le triomphe du président Chávez, le processus révolutionnaire a connu un nouveau tournant. Une étape s'est fermée, où le bureaucratisme et la corruption ont été des facteurs fondamentaux.
Dans cette nouvelle étape qui s'ouvre, la participation populaire doit faire un bond en avant. À l'heure actuelle, la démocratie participative est faible, indépendamment du fait que lors des moments les plus cruciaux de la lutte, la classe ouvrière, les secteurs populaires et les travailleurs en général ont su communiquer et se mobiliser ensemble.

Je pense que cette étape qui s'est fermée constituait une impasse pour un processus de transition, de cogestion, alors que nous aspirions à participer à la gestion, à voir les travailleurs être les protagonistes de la progression, à nous retrouver dans les directions des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées.

l'impérialisme face à deux voies

Mais aussi, cette étape qui s'est fermée est celle des partis antidémocratiques et des directions syndicales qui ne reflètent pas les intérêts des travailleurs. Je pense que l'impérialisme est face à deux voies. l'une, c'est chercher à forcer Chávez et les secteurs qui le soutiennent à distribuer le pouvoir ; pour cela, ils devraient chercher la tenue de nouvelles élections, essayer de se positionner différemment afin de permettre à la minorité bourgeoise de tenter un pacte qui leur permette de se relayer au pouvoir, un pacte semblable à celui de Point fixe.

l'autre voie, en tenant compte qu'il existe un secteur de droite, ce serait chercher la déstabilisation par le biais d'un coup d'État, fermant ainsi le processus engagé en 1989. Mais cela, je ne crois pas que ce soit actuellement possible.

D'un tout autre côté, il existe la possibilité de construire un parti révolutionnaire. Nous allons participer au débat sur le " parti unique ", selon l'expression de Chávez, bien que, quand on parle de parti unique, nous ne voyons pas ce que ça veut dire. Nous voulons connaître les programmes, la vision, la méthodologie, et ouvrir le débat sur la société que nous voulons construire, sur qui doivent en être les protagonistes, sur le rôle des travailleurs.

Répondre aux besoins immédiats destravailleurs

Le débat politique s'ouvre dans le pays et nous y sommes très bien insérés. Nous allons participer à un débat très important du point de vue des conquêtes que cette révolution doit offrir et la tâche de C-CURA est de donner une réponse immédiate aux besoins des travailleurs. Cela ne signifie pas seulement poser des revendications ; sur ce point, je rejoins Trotsky qui disait : " Si un dirigeant n'est pas capable de résoudre les problèmes immédiats des travailleurs, il ne sera jamais capable de faire comprendre le rôle et la tâche historique des travailleurs qui sont d'aider à conquérir le socialisme ".
Je pense que ce sont là les tâches les plus urgentes et nécessaires. Pour cela, nous avons besoin d'une centrale syndicale de classe, révolutionnaire, autonome, profondément internationaliste, et en même temps nous devons aussi savoir que les travailleurs ont le droit de construire une organisation politique de classe avec un programme nettement socialiste.


Parle-nous du parti Révolution et socialisme et de son renforcement

Il n'y a pas de doute, c'est là la tâche principale avec la construction de l'UNT. Maintenant que nous avons le Comité national pour le PRS, notre tâche est de mieux nous réorganiser, de mettre en place une direction qui fonctionne, qui soit capable d'élaborer sans sectarisme et même d'en appeler au citoyen Président de la République ; nous devons continuer à montrer notre courage car, même minoritaires dans ce pays qui est en train d'élever sa conscience anti-impérialiste, nous voulons que l'on nous reconnaisse.


Le PRS a d'énormes possibilités de construction

Aujourd'hui au Venezuela, nous occupons une très grande place dans le mouvement syndical, dans la mesure où nous sommes capables d'être le drapeau d'une constituante syndicale. Nous devons combiner cette place de leader syndical avec notre place politique : le PRS a d'énormes possibilités de construction et nous travaillerons aussi avec d'autres organisations qui veulent approfondir le processus.

J'ai proposé que l'on tienne, au plus tard au mois de mars, un séminaire pour discuter à fond du programme, de notre vision du Venezuela, du problème du parti et de l'Internationale, de sorte qu'en juillet nous puissions fonder notre organisation. Les révolutionnaires ne peuvent pas continuer à exister sans une réelle structure qui nous permette de participer à la vie politique : nous avons bien vu que les partis réformistes sont disposés à s'allier avec la droite pour arrêter le processus révolutionnaire et celui de nos positions.


Tu as participé à la réunion en Argentine pour un Regroupement international des révolutionnaires. Quelle est ta vision de ce projet ?

À propos de la réunion pour le Regroupement et partant du débat qui a eu lieu, je crois en cette expérience. Nous avons dû élaborer une ligne politique à partir de notre vision internationale, ceci au sein d'un combat que nous ne pouvons pas abandonner, la tâche de construction d'une internationale dont la direction inclue les meilleurs combattants du monde.

Et pour ma part, je souhaite que le parti que nous voulons construire au Venezuela s'inscrive dans un contexte d'unité sur le terrain international, ce qui ne signifie pas que nous n'ayons pas le droit de défendre nos propres positions, mais en garantissant un débat démocratique entre nous. Il faut impulser l'échange avec les camarades, la participation. Notre contribution devra aussi réaffirmer la nécessité de l'unification des travailleurs du monde.


Quelle est ta perspective en ce qui concerne le séminaire pour le Regroupement qui se tiendra en février ou mars de cette année ?

En premier lieu, je fais là un pari, il est urgent et nécessaire de bannir les attitudes intolérantes entre camarades dans le cadre de cette rencontre. Pour la plupart, nous avons derrière nous entre vingt et quarante ans de militantisme révolutionnaire, et bien qu'il puisse sembler que ce n'est pas fondamental, je veux commencer par là, par la fraternité, la solidarité, la camaraderie, la tolérance ...

En deuxième lieu, je crois que nous devons jouer un rôle très important dans beaucoup de secteurs du mouvement ouvrier, en Bolivie par exemple ; il faudra rechercher tous ceux qui ressentent la nécessité de construire un regroupement, la nécessité d'avoir plus de dirigeants syndicaux, de dirigeants ouvriers ; nous devrons communiquer avec nos camarades intellectuels et professionnels. Je veux dire, nous devons commencer par construire une confiance mutuelle pour travailler sur le terrain du regroupement.

Construire une confiance mutuelle

Si dans ce regroupement commençait de nouveau à se présenter la question des différences au sein des partis nationaux, ce serait un échec total. Il existe des camarades avec une vision orthodoxe du problème et nous devons discuter avec eux pour que ni le côté de l'extrême gauche ni le côté du réformisme ou du révisionnisme ne nous mènent à un nouvel échec. Dans la mesure où nous serons capables de publier une revue, de suivre les événements de la lutte des classes dans chaque pays, de faire que les dirigeants de ce regroupement collaborent de plus en plus étroitement à l'élaboration de notre politique, avec une totale solidarité, nous aurons des éléments concrets, peut-être différents de ce que nous avons connu, pour renforcer le processus qui mènera à notre unification.

Nous devons aussi avoir à l'esprit que dans ce cadre, nous n'aurons pas seulement à faire à des militants avec une formation trotskyste. Il y a beaucoup de révolutionnaires dans le monde qui veulent connaître cette expérience, qui étudient le trotskysme, qui viennent de l'échec de la Révolution russe, et nous n'avons pas encore entamé à fond ce débat. Je pense que ce sont là des sujets dont nous devons ordonner la discussion afin d'avancer dans la construction d'une direction révolutionnaire dans le monde.
Modifié le samedi 20 janvier 2007
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