« Approfondir la révolution »

propos recueillis par Pedro Carrasquedo | Entretien avec Stalin Perez BorgesStalin Perez Borges est bien connu de nos lecteurs. Il est coordinateur national de l'Union national des travailleurs (UNT) du Venezuela, principale centrale syndicale du pays ; il est également porte-parole de Marea Socialista (Marée socialiste) courant dans le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), le parti constitué par le président du Venezuela, Hugo Chavez. Il est à l'évidence reconnu comme l'un des principaux acteurs ouvriers de la révolution en cours au Venezuela. Entretien avec notre camarade.La Commune : que penses-tu de la crise économique mondiale ?

Stalin : Il s'agit d'une crise profonde. Elle commence déjà ses effets dévastateurs, y compris dans notre pays le Venezuela. C'est une crise qui va durer. Elle affecte non seulement les pays capitalistes avancés mais aussi les nôtres. Aucun Etat, aucun pays ne sera épargné et cette crise ne va faire que s'approfondir.Ici, la crise va nous frapper violemment. Par exemple, hier même, l'entreprise japonaise Toyota n'a pas payé les salaires des travailleurs. Le Venezuela va être particulièrement affecté d'ailleurs, à cause de la chute vertigineuse du pétrole. De 150 dollars le baril il y a encore trois mois, il est passé à 40 dollars aujourd'hui. Or, comme tu le sais, le pétrole est notre ressource principale.

La Commune : où en est la révolution bolivarienne ?

Stalin : La révolution bolivarienne est regardée par le monde entier comme l'espoir d'un nouveau modèle. C'est ce qui fait que le Président Chavez lui-même est actuellement un des dirigeants les plus respectés par les peuples d'Amérique latine et dans nombre de pays sur d'autres continents. Les mesures d'indépendance économique qui ont été prises ainsi que la souveraineté politique qui a été instaurée sont autant de raisons qui ont abouti à ce respect.

En ces moments de crise, ceux qui souffrent sur notre continent attendent de voir quelle réponse va être donnée par notre révolution à cette crise et à ceux qui l'ont provoquée.

Nous sommes également des millions de vénézuéliens à considérer que nous sommes à la croisée des chemins. Nous sentons bien que, s'il n'y a pas d'approfondissement de la révolution, celle-ci peut régresser et on prend le risque de perdre les conquêtes arrachées aux patrons et capitalistes et la porte serait ainsi ouverte au renforcement des attaques de la droite oligarque et aux agressions impérialistes.

Et il ya beaucoup de problèmes internes à la révolution bolivarienne. Il y a d'abord ceux posés par la bureaucratie et la droite des syndicats et du parti qui bien souvent se permettent d'ignorer les ordres de Chavez et de refuser de les appliquer ou alors qui les appliquent à un rythme tellement lent qu'ils les transforment en leur contraire.

Ne pas exécuter les ordres du Président comme par exemple dans l'industrie, finit par créer un malaise et une atmosphère tels qu'ils compromettent les possibilités électorales du PSUV et augmentent ainsi les chances de la droite aux prochaines élections.

Quant à la crise en tant que telle, il est évident qu'il faut des mesures d'urgence en faveur des travailleurs et des secteurs populaires.

La Commune : quelles mesures urgentes préconises-tu ?

Stalin : Il faut réduire la journée de travail. Le critère de la diminution de la journée de travail est un élément essentiel dans la transition vers le socialisme pour libérer les travailleurs de journées harassantes. Ces heures libérées peuvent alors permettre à l'ouvrier de se consacrer à d'autres activités, comme la formation, la culture et tout ce qui lui permet d'accéder au développement de l'être humain. Cette mesure permet, en outre, de créer de nouveaux postes de travail et de contrecarrer le chômage. Alors qu'on ne nous dise pas que réduire la journée de travail aboutirait à une baisse de la production !

Il nous faut une loi d'urgence d'interdiction des licenciements. Il n'est pas question que les capitalistes utilisent le prétexte de leur crise pour supprimer des emplois. Par la loi on doit donc leur interdire de licencier, on doit faire en sorte de répartir les heures de travail disponibles entre tous les travailleurs, avec le maintien intégral du salaire.

De même, aucun fonctionnaire du gouvernement, des entreprises de l'Etat, aucun Président de tribunal, aucun député de l'Assemblée nationale, etc., ne doit désormais gagner un salaire supérieur à celui du Président de la République et leurs frais de représentation et de mission doivent être sous le contrôle d'organisations populaires extérieures à la fonction qu'ils dirigent.

Bien d'autres mesures doivent être mises en place, toutes dans le même sens : l'approfondissement de la Révolution bolivarienne pour aller à la marche décisive au socialisme. (voir tableau ci-dessous NDLR)

La Commune : que penses-tu des décisions prises dans notre conférence de Caracas ?

Stalin : en ce qui me concerne, j'en suis pleinement satisfait. C'est précisément dans l'actuelle situation qui ouvre une période de tumulte, d'affrontements majeurs dans la lutte de classes à l'échelle internationale, de renforcement de notre combat au Venezuela en défense de la révolution bolivarienne que nous avons plus que jamais ce besoin vital de nous regrouper et de consolider ce courant international autour de Revista de America et du cadre commun que nous sommes en train de créer.

A ce titre, je suis très sensible à la présence des camarades du MST d'Argentine, du MES-PSOL, à celle des militants du Pérou, à tous ces camarades de notre continent ainsi que ceux du continent européen comme toi pour " La Commune " de France, ou Anatoli Matvientko du SMOT de Biélorussie.

J'apprécie comme une avancée pour les travailleurs que nous ayons pu réaliser des pas substantiels supplémentaires tous ensemble, comme le souligne notre résolution votée à l'unanimité.

Je salue fraternellement tous les camarades.

Pour La Commune, propos recueillis par Pedro Carrasquedo.
7 décembre 2008, Caracas

MESURES D' URGENCE POUR LES TRAVAILLEURS DU VENEZUELA

Réduction de la journée de travail permettant les créations d'emplois par milliers et donc de lutter contre le chômage.

Loi d'interdiction des licenciements avec échelle mobile des heures de travail et maintien intégral du salaire.

Salaires :

Aucun fonctionnaire du gouvernement fédéral, des présidents des tribunaux ou des députés de l'Assemblée nationale, des présidents et directeurs des grandes entreprises de l'Etat, comme PDVSA ne doit gagner un salaire supérieur à celui du Président de la République. Leurs frais de mission, de fonction et de représentation doivent être limités et contrôlés par des organisations populaires extérieures à la fonction qu'ils exercent.

Le salaire ouvrier et des simples fonctionnaires doit être aligné régulièrement sur l'inflation. Le salaire minimum doit être revalorisé deux fois par an sur les mêmes critères.

Respect de la Constitution : à travail égal, salaire égal.

Par loi spéciale, autorisation doit être donnée au Ministère du Travail de faire appliquer par tous les moyens, au besoin par le recours de l'armée, toute cette législation d'urgence. Tout ceci doit être réalisé sous contrôle d'une commission spéciale composée des dirigeants syndicaux des centrales, fédération et syndicat de base engagés dans des conflits particuliers.

Levée du secret commercial et bancaire

Ouverture de tous les livres de comptes des entreprises publiques ou privées.
Modifié le lundi 02 février 2009
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Nous reproduisons des extraits du texte publié sur le site apporea.org par nos camarades vénézuéliens de Marea Socialista.

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Nous reproduisons ici un article paru dans le numéro 663 de la revue Alternativa Socialista, sur les derniers développements au Venezuela.



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