Qui aide le peuple syrien ?

Après le fracas des évènements meurtriers en France, on a le droit à l’orchestration médiatique de l’accusation immédiate de djihadisme pour tout citoyen s’engageant personnellement contre la dictature d’Assad et s’investissant dans le combat sur le terrain.
Il s’agit avant tout d’apporter une précision : selon les médias « bien informés », 20% des volontaires engagés en Syrie luttent au sein ou aux côtés de l’Armée syrienne libre. On peut constater avec amertume que celle-ci est dirigée depuis l’Europe par des politiciens civils et quelques militaires qui reflètent à la fois des luttes d’influence en fonction de leurs sponsors respectifs (Qatar, Arabie Saoudite, EAU, etc.) et la division la plus catastrophique face à un dictateur donné perdant en 2011 et remis en selle depuis.
Bien entendu, les quatre autres cinquièmes de volontaires sont enrôlés dans les organisations djihadistes barbares tels que le front Al Nosra (antenne d’Al Quaida en Syrie) et surtout Daech (« Etat islamique »).

Des armes au compte-gouttes

Et les prétendus contempteurs d’Assad qui condamnent verbalement sa dictature, qu’ont-ils fait ? Obama et ses beaux mouvements de menton, Hollande le va-t-en-guerre au Sahel et en Centrafrique, Cameron et ses fatwas contre les immigrants ? Ils ont fourni au compte goutte des armes à la résistance, dans des proportions encore plus ridicules que la prétendue aide de Staline aux antifranquistes en Espagne en 1936 et 1939. Ce qu’ils n’ont pas fait, certains individus essayent de le faire avec leurs propres moyens. Est-ce condamnable ? Et si oui, qui est habilité à prononcer les condamnations ?
Obama est le successeur de Bush qui a provoqué l’éclatement de l’Iraq par sa guerre déclenchée en 2003 et jamais complètement éteinte depuis. Obama a toujours donné l‘impression de marcher sur des œufs, s’agissant du Moyen-Orient, sauf pour aider honteusement l’Etat sioniste et approuver des crimes de guerre perpétrés par celui-ci à Gaza à plusieurs reprises depuis 2008. Sur la question syrienne, Hollande a donné le spectacle ridicule après les attaques au gaz lancées par Assad, du chevalier brandissant son épée en l’air avant de la rengainer devant l’attitude d’Obama pour qui « la limite au-delà de laquelle l’intervention est inévitable » doit toujours reculer, aussi indépassable que prétend l’être l’horizon capitaliste.
Loin de nous l’idée de réclamer une intervention qui nous enverrait dans les rangs des faucons républicains US. Simplement, ce constat permet d’éclairer pourquoi les puissants Etats occidentaux continuent à regarder passivement les barils d’explosifs lâchés par Assad sur les civils d’Alep ou de Homs. Car la révolution syrienne est inséparable des autres qui forment depuis 2011 une chaîne appelée le « printemps arabe » qui fait tant peur à tous les réactionnaires. La contre-révolution a pris le dessus en Egypte avec le maréchal Al Sissy, ailleurs au Yémen et en Lybie, la désagrégation des Etats, en l’absence d’un parti révolutionnaire, a conduit ces pays au bord du gouffre avec de larges parts de territoire sous le contrôle des fous d’Al Quaida ou de Daech.

La démission des partis officiels de la classe ouvrière

En Tunisie, une démocratie bourgeoise a été installée, expression d’un rapport de forces politique différent des autres cas. En France, Valls ambitieux tout autant que Sarkozy, et avec un fond politique commun, orchestre la chasse aux Roms, et poursuit la politique de ghettoïsation des jeunes « de la diversité » (comme disent pudiquement les bobos des beaux quartiers). Que doit dire et faire un jeune en perte de repères, à qui les flics demandent ses pièces d’identité dix fois par jours et pratiquent impunément bien souvent la chasse aux faciès sans parler des « bavures » qui ne sont que des crimes racistes et qui bénéficient presque systématiquement d’un non-lieu (quand il y a une suite judiciaire) ? Ces jeunes partent-ils, encore scolarisés, à la recherche d’un stage en entreprise, ils essuient refus sur refus des employeurs qui les trouvent bien trop basanés ou de trop mauvaise réputation. Quand le sentiment de l’échec envahit quelqu’un jour et nuit, comment s’étonner que, dans bien des cas, il cherche des appuis là où il peut espérer en trouver ? Dans un entourage où les religieux fanatiques grouillent comme les cafards et d’où les partis officiels de la classe ouvrière sont absents depuis bien longtemps très souvent.

Des chiens nés avec le gène du crime ?

Après, il est facile comme Bartolone, président de l’Assemblée Nationale, de dire ce mardi 13 janvier, lors de la séance consacrée à la commémoration des 17 victimes des attentats, qu’il faut balayer les explications sociologiques et les carences familiales comme causes de toutes les dérives. C’est tellement plus commode d’en faire des chiens nés avec le gène du crime et la rage comme Sarko suggérait en son temps que certains criminels l’étaient potentiellement dès la naissance. Ceci n’excuse bien sûr pas l’horreur des crimes barbares commis, mais montre à quel point le mépris affiché par les classes dominantes et le pouvoir politique génère ce genre de dérives.


Et si un jeune, idéaliste en accord avec le principe de « défendre la liberté partout » choisit de s’engager en Syrie pour aider le peuple opprimé, le voilà systématiquement catalogué djihadiste, membre d’une « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Autrement dit, s’il ne meurt pas en Syrie et revient en France, il sera embastillé illico et servira de faire valoir à la prétendue efficacité policière.
Et d’aide au peuple syrien, il n’est bien entendu point question dans l’esprit des sociaux-traitres.
Par contre, un fait « divers » mérite d’être souligné : le Malien Lassana Bathilly, employé à l’hypermarché casher de la porte de Vincennes, a sauvé plusieurs otages juifs en les enfermant dans la chambre froide dont il a préalablement coupé le moteur. Mais comme il est noir, les policiers l’ont menotté et embarqué dès la sortie du magasin pendant 1h30. Sans commentaire. Voilà la Ve République en putréfaction dont le personnel politique entonne en chœur La Marseillaise (que les défunts journalistes de Charlie Hebdo ont toujours moquée) et s’extasie devant la prétendue Union nationale retrouvée. Mais en Syrie comme en France demain est un autre jour.



Mohand Kebaïli, 13/01/2015.

Nb Depuis, Lassana Bathilly a été naturalisé français, ce qu’il demandait depuis des mois.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, il n’y a rien eu de spontané du Ministère de l’Intérieur : il a fallu une mobilisation de l’opinion publique, dont 270 000 signatures sur une pétition en ligne !

Modifié le samedi 17 janvier 2015
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