Des élections sur mesure

RussieDepuis plusieurs mois, la Russie est devenue le théâtre des magouilles les plus grossières en matière de mise en scène électorale. On a vu à l'automne de quelle manière le parti créé de toutes pièces par Poutine a remporté les élections législatives, en refoulant au fond de la Douma le parti héritier du stalinisme, dit "parti communiste", qui détenait la présidence de plusieurs commissions à l'assemblée nationale (Douma) précédente et qui a vu disparaître près de la moitié de ses sièges .Chacun sait que l'appareil du FSB (KGB relooké) a fait ce qu'il fallait pour que le succès électoral du gouvernement soit total. La mainmise gouvernementale sur les médias en Russie est de notoriété internationale. La vraie inquiétude du boucher des Tchétchènes est ailleurs : le taux de participation laisse entendre que la présidentielle de mars prochain risque de perdre toute "légitimité" reconnue si la barre des 50% de participants au vote n'est pas atteinte.

Manipulations

Or, durant quelques semaines après les législatives, Poutine s'est trouvé dans la situation de quelqu'un qui ne pourrait pas rencontrer de véritable adversaire aux présidentielles : plusieurs partis libéraux, balayés aux législatives, mais représentant 5% des votants chacun, ont annoncé qu'ils ne présenteraient pas de candidat face à Poutine, afin de "démasquer la manipulation gouvernementale". Durant un (court) temps, le PC fit de même : Ziouganov, grand battu des législatives, déclara haut et fort qu'il ne se présenterait pas. Au bout du compte, un ex-stalinien inconnu suppléera à cette dérobade en fanfare. Cela ne faisait toujours pas beaucoup de candidats. Bien sûr, il reste le fasciste Jirinovski, l'homme qui veut "faire boire les chevaux cosaques dans l'Océan Indien", mais un match Poutine-Jirinovski, cela rappelle quelque peu une rencontre entre équipes de foot professionnelle et amateur de promotion de ligue en Coupe de France. Aussi le parti officiel, dans la grande tradition des poupées russes, engendre-t-il des petits partis, on ose à peine écrire des particules, afin d'agrémenter le plateau des candidats d'une plus grande diversité. C'est ainsi que naquit "rodina", la "famille", pas au sens mafieux, du moins dans l'esprit des concepteurs de ce label, mais un parti "critique" modéré, un faire-valoir de sa majesté le tsar de la Cour des Miracles du Kremlin. D'autres formations obscures suivirent, et maintenant il faut plus de cinq doigts pour compter les candidats. Cela suffira-t-il à faire déplacer les électeurs russes ? Il est difficile de le pronostiquer. En revanche, il est certain que tout sera mis en oeuvre pour que des statistiques pré-formatées des résultats laissent apparaître une participation suffisante. Aujourd'hui, survivre est la préoccupation n°1 d'un Russe sur trois, sous le seuil de pauvreté et dans l'incapacité de se soigner après la disparition des soins gratuits. Un homme occupé à trouver de quoi survivre n'a guère le temps de s'organiser politiquement.

Fuite en avant

l'argument utilisé par Poutine selon lequel les problèmes viennent des affairistes indélicats comme Khodorkovshi, qui végète en prison depuis plusieurs mois, ne peut guère convaincre les victimes du retour en force de l'économie de marché que Poutine comme ses rivaux tentent de généraliser en ruinant les vestiges de propriété sociale subsistant encore. Une batterie de lois concernant le code foncier, la propriété agraire, et partant, l'héritage, a été adoptée par l'ancienne Douma pour certaines dispositions et par le gouvernement sous forme de décrets pour les autres.

l'enlisement russe en Tchétchénie depuis octobre 99 va devenir un obstacle à la politique de Poutine, compte tenu des pertes russes. Seul l'"argument" de l'"antiterrorisme" peut servir de prétexte à faire la manche auprès des puissances occidentales.

Mais les exactions des troupes du FSB, des kontratniki (anciens forçats libérés pour aller casser du Tchétchène) et autres troupes spéciales, y compris celles du collabo tchétchène Kadyrov, ne brisent pas la résistance de fer du peuple tchétchène, et Poutine sait qu'il n'y a aucune issue avec la guerre.

Il y a de ce point de vue une véritable fuite en avant, et la complaisance des Chirac, Bush, Blair et autres Schröder à l'égard de la politique du Kremlin en Tchétchénie ne changera rien à la donne.

On peut également se montrer sceptique face à la "reprise" économique en Russie, où les mouvements de capitaux improductifs et parasitaires l'emportent sur tout autre style de transaction. Nul ne sait où va la Russie, ni Poutine ni ses supporters occidentaux, ni aucun citoyen russe. Ce dont on peut être sûr, c'est qu'elle reste minée par des contradictions propres au capitalisme en opposition aux survivances de l'époque où le capital était totalement exproprié, et que, tôt ou tard, quelque chose servira de catalyseur aux affrontements massifs que ces contradictions préparent.
Modifié le samedi 25 juin 2005
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