Retrait des troupes du Mali !

AfriqueParmi les organisations dites " à gauche de la gauche ", expression déjà inappropriée par elle-même, quand on sait ce qu'est le PCF, il y a une apparente unanimité à exiger le départ des troupes françaises
du Mali. Cependant, en " grattant " un peu, le vernis protestataire s'efface au profit d'un soutien " subliminal ". Exemple type de cette posture, celle de la Gauche anticapitaliste à travers l'article de Gabriel
Claude. Il est révélateur des voeux réels de ce courant .Edifiant.
En premier lieu, nous est donnée une leçon d'histoire contemporaine et de géopolitique. l'auteur ironise sur le rituel anti-impérialisme qu'il attribue entre autres au NPA l'accusant de ne voir dans l'intervention française que la défense d'AREVA pour l'uranium d'Arlit et d'Imouraren au Niger voisin, expliquant au passage que s'il s'agissait de cela, c'est au Niger que les troupes auraient été déployées. En tant que tel, ça a l'apparence de la logique, cette " logique " dont les staliniens qui assimilent plus facilement ce qui est mécanique que ce qui est dialectique, sont friands. Mais sa critique sur ce point n'est qu'un avant-goût du fond de sa pensée. En effet, bien des choses ont changé au Mali, nous dit-il, depuis Foccart et les coups d'Etat fomentés par la Françafrique. A maintes reprises, on rencontre dans son article l'expression " formations sociales " : celles-ci ont évolué, nous dit-il, et une diversification des composantes de la société s'est opérée, sur fond de corruption, celle-ci rendant l'Etat malien vermoulu et s'effondrant au premier coup de boutoir des Djihadistes. Démonstration nous est faite, et sur ces points les chiffres ne mentent pas, que l'Afrique du Sud et le Maroc investissent plus au Mali que la France, tout comme le Brésil et la Chine.

La France, quantité négligeable au Mali ?

Donc, nous suggère GC le Mali n'est pour la France que quantité négligeable et les formes d'interventions de l'Impérialisme n'obéiraient plus à la logique des années 60-70, logique à laquelle le NPA se cramponnerait comme tant d'autres, dans une attitude qui serait passéiste, même si le mot n'est pas prononcé. Cette sentence une fois rendue, le spécialiste de la GA, après moult détours, nous explique que la domination des intégristes sur les femmes est insupportable, que c'est la barbarie totale (assurément, pas besoin de lui pour le comprendre !) et que, devant cette barbarie, en fin de compte l'armée française est bien utile car si elle se retirait l'Etat Malien ne résisterait pas à la poussée d'AQMI et consorts. A ce stade de son article, après avoir vilipendé la critique " figée " du NPA, GC ne voit même pas qu'il a glissé sur les positions de Hollande, car, nous dit-on, nous sommes dans un tel degré de faiblesse que malheureusement seule l'armée française peut constituer un rempart efficace.

Avant de répondre sur le fond, il nous paraît nécessaire de constater que GC convoque Trotsky pour rappeler que " dans certaines structures si le prolétariat ouvrier d'un pays est trop faible pour entraîner la paysannerie, la révolution même démocratique est impossible ", sous-entendant que le Mali est dans ce cas. Je me pose la question de savoir ce que faisait GC en mars 1991 lorsque le peuple malien avec un partie de l'armée, la masse des étudiants, le peuple de Bamako et des campagnes a renversé le 26 mars la dictature de Moussa Traore, vieille de 23 ans soutenue en leur temps successivement par De Gaulle, Pompidou, Giscard et Mitterrand.

Les événements de 1991

Si ce n'était pas une révolution démocratique avec multipartisme, liberté d'expression, floraison de journaux, assemblées démocratiques, je ne sais pas ce que c'était ! Manque de confiance dans les masses, camarade GC, et dévolution aux forces armées réactionnaires du soin de se substituer à elles. Ce qui s'est passé en 1991 au Mali est même supérieur à ce qui s'est passé au Portugal en 1974 lors de la " révolution des oeillets ", car le facteur déclenchant au Mali n'a pas été une fraction de l'armée mais des manifestations monstres d'étudiants et de citoyens auxquels une partie de l'armée s'est ralliée. Mais où était alors GC, sur quelle planète ? Si on poursuit l'examen de cet article en creux, on voit les fausses raisons de l'intervention française selon GC mais nulle trace de ce qu'il considèrerait comme les vraies raisons, hormis l'intolérable présence d'AQMI, du MUJAO etc. Autrement dit, le prétexte devient une vraie raison et les vraies raisons un prétexte. Oui ou non la France a-t-elle des intérêts financiers et énergétiques au Mali ? Oui ou non, l'impérialisme, stade suprême du capitalisme, conduitil à une féroce concurrence entre Etats bourgeois ou pas ? Certes, des multinationales canadiennes et australiennes sont plus investies économiquement que la France au Mali, mais GC a-t-il oublié que les Etats bourgeois restent une nécessité politique pour le Capital, même à l'âge mûr de la mondialisation ? Car si le Capital n'en avait pas besoin pour assurer sa domination sur les masses, ça se saurait et sauf erreur chaque Etat bourgeois est l'expression des intérêts de sa bourgeoisie nationale. Est-ce que Bouygues, Bolloré, Delmas- Vieljeux et consorts n'ont rien à voir avec la récente intervention français en Côte d'Ivoire ? Certes, cette présence en Côte d'Ivoire " d'intérêts français " est plus visible qu'au Mali, mais même un pays ou ces investissements sont minoritaires justifie pour le capitalisme français une présence.

l'impérialisme français aux abois

l'impérialisme français est aux abois, gangrené par la concurrence chinoise, sud africaine, brésilienne etc.... En Afrique comme ailleurs, avec ce petit plus, à savoir que l'ex-AOF était un fleuron de la " puissance française ", et donc des entreprises française, et que ce n'est pas totalement du passé puisqu'en 20 ans on a vu l'armée française au Gabon, au Rwanda, en Centrafrique, au Tchad, et au Mali. Le vieux discours colonialiste de Jules Ferry en 1885 (" Allons-nous laisser l'Angleterre et l'Allemagne nous prendre l'Indochine, l'Afrique occidentale etc.... ? ") sous-tend encore la démarche de chaque gouvernement français, n'en déplaise à ceux qui confondent la modification de la donne économique avec les structures profondes de la domination de classe : le conjoncturel et le structurel.

l'Etat malien est en décomposition, c'est un constat partagé. Depuis 1991, le retour au leadership d'un parti archidominant, l'ADEMA, s'est renforcé et a conduit à la situation classique des passe-droits, pistons, copinages, circulation de l'argent public à l'intérieur d'une petite sphère privée etc.... Tout ceci avec l'aval des gouvernements français successifs, puisque les " intérêts français " n'étaient pas lésés, même si, et sur ce point GC n'a pas tort, les milieux d'affaires se plaignent des multiplications obligées de pots-devin. Mais n'en est-il pas de même au Gabon, indéfectible " ami de la France ", gestionnaire de fonds cachés pour les politiciens français, fournisseur de pétrole et d'uranium etc. ? Jamais AQMI et compagnie n'auraient disposé d'un armement si sophistiqué sans, d'une part, l'aventure franco-anglaise en Lybie, ni d'autre part, sans l'aide de puissants intérêts Qataris et Saoudiens, grands pourvoyeurs financiers et logistiques du Wahhâbisme.

Hollande, sauveur suprême ?

Face à cette situation, c'est de la mobilisation du peuple malien et de la fraction la plus plébéienne des soldats que l'on doit attendre un sursaut, sûrement pas des putschistes du genre du capitaine Sanogo, qui voulait juste devenir calife à la place du calife et qui n'a en aucune manière combattu dans le nord. Ce que le peuple malien a fait en 1991, il peut le refaire pour peu que les libertés publiques soient sauvegardées et que les armes ne soient pas la prérogative d'une armée en décomposition. Il n'est pas possible de présenter Hollande comme le sauveur suprême, dès lors que l'Etat français s'est engagé jusqu'au cou dans l'aventure libyenne et ses dérives et qu'il a laissé pourrir la situation dans le nord depuis 2011. De ce point de vue, il faut rappeler une évidence : c'est l'l'impérialisme, et au premier chef l'impérialisme français qui est responsable de la décomposition de toute cette région qu'il a pillée, détroussée, exploitée, martyrisée depuis le 19e siècle. Une vérité toujours bonne à rappeler, surtout à GC et tutti quanti.

Oui les troupes françaises doivent évacuer le Mali et les Touaregs sont une composante du peuple malien qui a les mêmes droits, ni plus ni moins, que les autres. Non, le Wahhâbisme totalement étranger à la région, ne peut subsister de manière durable sur ce pays, rejeté qu'il est par 99 % de la population. Et enfin, oui les immigrés maliens en France ont leur mot à dire pour le choix des institutions que le peuple se donnera, eux qui apportent plus d'argent au Mali que tous les " donateurs ", France et UE en tête.

La barbarie, camarade GC, se combat par la démocratie et l'armement du peuple, pas par la diplomatie de la canonnière ni par l'armée réactionnaire, qu'elle soit française ou d'un quelconque Etat impérialiste.
Modifié le dimanche 31 mars 2013
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